La situation de la femme belge en 1830 n'est guère enviable. Selon le Code civil, basé sur le Code Napoléon de 1804, les femmes majeures célibataires ou veuves jouissent de presque tous les droits civils. [ 2 ] KEYMOLEN, D., "Vrouwenemancipatie 1844-1914", dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, DI. XIII, 1978, Haarlem, p.66. En revanche, les femmes mariées sont totalement soumises à la puissance maritale : elles doivent obéissance à leur mari, qu'il s'agisse de sa personne, de ses activités, de ses enfants ou de ses biens. [ 3 ] KEYMOLEN, D. et COENEN, M.-T., Pas à pas. L'histoire de l'émancipation de la femme en Belgique, 1991, Cabinet du secrétaire d'État à l'Émancipation sociale,, p.10.
La femme mariée est incapable : elle ne peut agir sans la permission de son mari; la loi l'assimile à un enfant mineur. La femme mariée désireuse d'exercer une activité commerciale indépendante a besoin de la permission expresse de son mari. [ 4 ] KEYMOLEN, D. et COENEN, M.-T., Pas à pas. L'histoire de l'émancipation de la femme en Belgique, 1991, Cabinet du secrétaire d'État à l'Émancipation sociale, p.14.
Le mari doit protection à sa femme. Cette protection peut impliquer, par exemple, que le mari interdise à sa femme de fréquenter certaines personnes ou qu'il ouvre son courrier pour éviter qu'elle ne corresponde avec des individus à l'influence potentiellement néfaste. [ 5 ] www.ethesis.net, consulté le 28 août 2019, lien voir note.
Dans ce contexte, le droit de vote n'est pas une priorité pour les pionniers des droits des femmes en Belgique : ceux-ci entendent d'abord s'attaquer aux inégalités dont la femme est victime sur les plans juridique et économique. [ 6 ] www.rosavzw.be, consulté le 28 août 2019, lien voir note. Dans cette optique, l'enseignement joue un rôle essentiel. Un enseignement de qualité permettra aux femmes de rattraper leur retard intellectuel sur les hommes. Les mentalités évolueront, et l'égalité entre hommes et femmes en découlera naturellement. [ 7 ] www.rosavzw.be, consulté le 28 août 2019, lien voir note.
Beaucoup reste à faire, car en 1866, 55,5 % de la population féminine (contre 50 % des hommes) est encore analphabète. [ 8 ] KEYMOLEN, D., "Vrouwenemancipatie 1844-1914", dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, DI. XIII, 1978, Haarlem, p.66.
Aux yeux de Zoé Gatti de Gamond (1806-1854) et de sa fille Isabelle Gatti de Gamond (1839-1905), l'enseignement est le principal levier de l'émancipation féminine. Elles fondent des écoles pour femmes et pour jeunes filles. En 1865 est créée à Bruxelles, à l'initiative d'Isabelle Gatti de Gamond, la première école communale pour filles qui propose un programme complet d'enseignement secondaire inférieur; c'est une première en Belgique [ 9 ] KEYMOLEN, D., "Vrouwenemancipatie 1844-1914", dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, DI. XIII, 1978, Haarlem, pp.66-67. et il s'agit à l'époque du niveau d'études le plus élevé qu'une femme puisse atteindre. [ 10 ] www.bestor.be, consulté le 28 août 2019, lien voir note.
L'université de Bruxelles est la première à admettre des étudiantes en 1880, suivie par celles de Liège en 1881 et de Gand en 1882. À Louvain, les femmes ne pourront s'inscrire qu'à partir de 1920. [ 11 ] www.rosavzw.be, consulté le 28 août 2019, lien voir note.
Isala Van Diest (1842-1905), première femme médecin en Belgique, obtient son diplôme en 1872 à l'université de Berne après avoir été refusée à l'université de Louvain. Elle ne pourra exercer son art en Belgique qu'à partir de 1884.
Marie Popelin (1846-1913), bien que diplômée en droit à l'ULB en 1888, n'est pas autorisée à prêter le serment d'avocat. Dans un arrêt du 12 décembre 1888, la Cour d'appel de Bruxelles refuse à Marie Popelin l'accès au barreau, au motif suivant : « la nature particulière de la femme, la faiblesse relative de sa constitution, la réserve inhérente à son sexe, la protection qui lui est nécessaire, sa mission spéciale dans l'humanité, les exigences et les sujétions de la maternité, l'éducation qu'elle doit à ses enfants, la direction du ménage et du foyer domestique confiée à ses soins la placent dans des conditions peu conciliables avec les devoirs de la profession d'avocat et ne lui donnent ni les loisirs, ni la force, ni les aptitudes nécessaires aux luttes et aux fatigues du barreau ».
Les femmes ne pourront devenir avocates qu'à partir de 1922. [ 12 ] www.rosavzw.be, consulté le 28 août 2019, lien voir note. Si elles sont mariées, elles doivent avoir, pour ce faire, l'autorisation explicite de leur mari.
Pièces commémorative de 2 euros à l'occasion du 100e anniversaire de la Journée internationale de la Femme, 2011, avec Isala Van Diest et Marie Popelin - www.herdenkingsmunten.be
Le refus opposé à Marie Popelin marque un tournant. Il montre que même un enseignement de meilleure qualité ne suffit pas à gommer les inégalités. Obtenir des droits politiques est également important pour l'émancipation féminine. En 1892, Marie Popelin, Isala Van Diest et Louis Frank, l'avocat qui a plaidé le dossier de Mme Popelin, fondent la "Ligue belge du droit des femmes", [ 13 ] KEYMOLEN, D. et COENEN, M.-T., Pas à pas. L'histoire de l'émancipation de la femme en Belgique, 1991, Cabinet du secrétaire d'État à l'Émancipation sociale, p.24. qui se focalise d'abord sur la révision des lois discriminatoires tout en s'intéressant aux réformes économiques, politiques, morales et éducatives. [ 14 ] KEYMOLEN, D., "Vrouwenemancipatie 1844-1914", dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, DI. XIII, 1978, Haarlem, pp.68-69.
Terwijl de "Ligue belge du droit des femmes" vooral leden rekruteert in Brusselse, vrijdenkende, gegoede milieus, groeien ook in socialistische en katholieke kringen vrouwenbewegingen die voor hun rechten opkomen. [ 15 ] KEYMOLEN, D., "Vrouwenemancipatie 1844-1914", dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, DI. XIII, 1978, Haarlem, p.69. In 1902 richt Louise Van den Plas een christelijke pressiegroep op : "Le Féminisme Chrétien de Belgique". De socialistische vrouwenbeweging koppelt, onder leiding van Emilie Claeys, de vrouwenstrijd aan de klassenstrijd en strijdt voor de politieke erkenning en tegen de economische afhankelijkheid van de vrouw. [ 16 ] KEYMOLEN, D. et COENEN, M.-T., Pas à pas. L'histoire de l'émancipation de la femme en Belgique, 1991, Cabinet du secrétaire d'État à l'Émancipation sociale, pp.32-33.