Justice & Police |
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E deuxième rapport intermédiaire de la commission d'enquête sur la criminalité organisée perce à jour le mystère des méthodes spéciales d'enquête. |
L'infiltration des réseaux de trafic de drogue par des agents "undercover", la création de sociétés-écrans qui fournissent des services à des organisations criminelles, l'utilisation d'informateurs, la surveillance de maisons suspectes à l'aide de caméras cachées et l'in-stallation de systèmes d'écoute sont autant d'exemples de la trentaine de techniques spéciales d'enquête qui sont décrites en détail dans le rapport et auxquelles les services de police ont recours pour lutter contre la criminalité organisée.
À l'exception des écoutes téléphoniques, aucune des techniques spéciales d'enquête n'est réglementée au plan légal. Les procédures sont fixées dans des circulaires ministérielles confidentielles dont ni le citoyen, ni même les juges n'ont connaissance.
Ces techniques sont en effet placées sous le sceau de la confidentialité : les enquêteurs agissent dans le plus grand secret ou prennent une autre identité pour confondre des suspects potentiels.
De plus, ils peuvent porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux tels que le respect de la vie privée.
C'est pourquoi les circulaires ministérielles n'autorisent l'utilisation de ces techniques spéciales d'enquête que dans le cadre de la lutte contre la grande criminalité et pour autant que les moyens classiques d'investigation tels que l'interrogatoire de témoins ou les perquisitions domiciliaires se révèlent inefficaces.
Nul ne doute de l'utilité et de la nécessité de recourir à de telles méthodes pour démanteler des entreprises criminelles modernes. En effet, ces entreprises élaborent des contre-stratégies visant à entraver les enquêtes policières (par exemple en menaçant des témoins et des informateurs).
Le danger qu'une application incontrôlée de ces méthodes n'affecte notre vie sociale et ne mette l'ordre juridique démocratique en péril n'est cependant pas imaginaire. En effet, ces techniques spéciales sont également utilisées dans la recherche proactive, c'est-à-dire avant même qu'une quelconque infraction n'ait été commise ou constatée. Aussi convient-il de réglementer dans une loi les modalités d'utilisation et le contrôle auxquels elles sont soumises.
Le législateur a ainsi prévu que ces techniques ne peuvent être utilisées que dans un but judiciaire, c'est-à-dire en vue de réunir des preuves.
Leur utilisation est subordonnée à l'accord préalable d'un magistrat du parquet qui exerce un contrôle direct sur le bon déroulement de la procédure.
La commission d'enquête estime qu'eu égard à la complexité de la question, il convient de confier l'application de ces techniques et la recherche proactive à un service national spécialisé. Il y a lieu en outre de créer un service d'appui national en matière de criminalité organisée, qui serait chargé de réunir des informations, de les analyser et de les mettre à la disposition des services de police. Ces deux services doivent être placés sous le contrôle de magistrats.
Si la lutte contre la criminalité organisée passe par l'application de techniques spéciales d'enquête, elle nécessite aussi le concours du public et même de certains criminels. Il s'agit d'inciter ces derniers, par des mesures légales de réduction de peine, à rompre avec le milieu criminel et à livrer des informations sur les infractions et leurs auteurs.
La commission d'enquête a également analysé le fonctionnement des services de police et des parquets dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée.
La commission formule diverses propositions visant à améliorer l'efficacité des services de police et des parquets, notamment au niveau de l'organisation des services de police et des parquets qui devraient travailler en parallèle pour ce qui est de la collecte et du traitement de l'information, de l'utilisation des techniques spéciales d'enquête et du contrôle judiciaire renforcé auquel elles sont soumises, de la collaboration internationale, du fonctionnement des parquets et des parquets généraux, de la formation des magistrats du parquet, du rôle des magistrats nationaux et du collège des procureurs généraux.
La commission d'enquête propose également la création d'un parquet fédéral qui serait l'organe opérationnel chargé de poursuivre la criminalité organisée sous toutes ses formes et de coordonner l'action pénale.
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