2-1549/2

2-1549/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

28 MARS 2003


Projet de déclaration de révision de la Constitution


AMENDEMENTS


Nº 1 DE MM. ROELANTS du VIVIER ET MONFILS

Insérer, dans la liste des dispositions soumises à révision, ce qui suit :

« insertion d'un article 147bis en vue d'inscrire dans l'ordre constitutionnel belge la possibilité pour la Cour de cassation de prononcer la privation de certains avantages légaux et, à tout le moins, de leur financement, des partis politiques attestant, par leur propre fait ou à travers la conduite de leurs membres qu'ils ont autorisée ou approuvée, de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants, leur hostilité envers les principes de la démocratie tels qu'ils sont énoncés, notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; ».

Justification

Par l'octroi de tous les droits à tous les individus, la démocratie permet à toutes les opinions de s'exprimer.

Les menaces que l'exercice de manière abusive de ces libertés peut entraîner pour la démocratie elle-même ont été prises en compte par les rédacteurs de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Premièrement, les dispositions conventionnelles consacrant les libertés de pensée (article 9), d'expression (article 10), de réunion et d'association (article 11) sont ainsi complétées par des exceptions liées, entre autres, aux exigences du maintien d'une société démocratique.

Ces restrictions font l'objet d'un contrôle exercé par les institutions du Conseil de l'Europe, en particulier par la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci s'est d'ailleurs prononcée récemment, à plusieurs reprises, sur les limites dans lesquelles les formations politiques pouvaient mener des activités en bénéficiant de la protection de ces dispositions conventionnelles (1). Elle place deux conditions à respecter par un parti en cas de campagne en faveur d'un changement de législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l'État :

« ­ les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux et démocratiques;

­ le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux.

Ainsi, un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas une ou plusieurs règles de la démocratie, ou qui vise la destruction de celle-ci, ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu'elle reconnaît, peut se trouver déchu des protections conventionnelles par des sanctions qu'il encourt. »

Deuxièmement, l'application de ces droits et libertés conventionnels doit être interprétée sous l'angle de l'article 17 de la Convention, de sorte que les États disposent du droit (2) de prononcer la déchéance des individus et groupements d'individus liberticides de toute protection conventionnelle, dès lors que l'activité de ces derniers, y compris le fait (...) d'exprimer leurs idées politiques (3), vise à la destruction de l'ordre dans une société démocratique (4). L'invocabilité de l'article 17 est limitée, à l'instar des autres secteurs du droit conventionnel, par l'observation d'un rapport de proportionnalité entre l'amplitude de la déchéance concernée et la gravité et la durée de la menace pour la démocratie.

D'autres instruments internationaux ont été ratifiés par la Belgique, érigeant la lutte contre les activités liberticides, ou à tout le moins, certaines d'entre elles, en véritable obligation. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (5) permet, à l'instar des dispositions de l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme, à l'État de dénier les droits que le Pacte reconnaît à tout groupe ou individu dont l'activité ou les actes visent à la destruction de ces mêmes droits (6).

Plus contraignantes, les dispositions de l'article 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) du 7 mars 1966 (7), affirment l'obligation de pénaliser, notamment, la propagation d'idées fondées sur la supériorité ou la discrimination raciale ainsi que l'incitation à la violence à l'égard d'une race ou d'un groupe de personnes d'une autre couleur ou origine ethnique. L'article 4 enjoint, par ailleurs, aux États, d'interdire les organisations se livrant à de telles activités.

Dans cette optique, nous proposons d'insérer dans la Constitution belge quelques mécanismes protecteurs de la démocratie.

Et ce, à l'instar d'autres États membres du Conseil de l'Europe, dont la législation comporte des sanctions (interdictions ou mesures analogues) à l'égard de partis poursuivant certains buts ou se livrant à certains comportements déterminés : la Suisse, le Liechtenstein, l'Estonie, l'Albanie, la République Tchèque, la Slovaquie, l'Allemagne, la France, la Turquie, l'Italie, la Moldavie, le Portugal, la Pologne, l'Espagne, les Pays-Bas, la Bélarus, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Russie, le Danemark, la Géorgie, la Lettonie, la Croatie et la Slovénie.

Par ailleurs, dans la volonté de se conformer aux lignes directrices (8) de la Commission de Venise (Conseil de l'Europe) (9), selon lesquelles l'interdiction d'un parti ou sa dissolution doit être réservée à la Cour constitutionnelle, ou une autre juridiction appropriée, par une procédure offrant toutes les garanties de procédure, d'ouverture et de procès équitable, nous proposons que l'interdiction visée par la présente soit réservée à la Cour de cassation.

En raison des services qu'ils rendent à la collectivité, les groupes politiques sociaux et culturels bénéficient d'un ensemble diversifié de droits-créances portant sur des moyens (moyens financiers, moyens d'influence, infrastructures, ...) ou des mandats relevant des pouvoirs publics et qui constituent pour eux autant de reconnaissance d'une présence active dans la vie publique.

Il s'agit, par exemple, du droit aux subventions destinées aux groupements socioculturels, aux partis politiques, à la presse, aux écoles, aux organismes d'aide sociale ou aux organisations confessionnelles et laïques. On peut citer encore le droit d'utiliser une infrastructure culturelle publique, le droit à l'antenne des partis politiques (radios et télévisions privées), ou encore le droit de consultation et de négociation dans le secteur des relations collectives de travail.

Le régime de droit public belge distingue les droits civils de la première génération (liberté d'association, d'expression, de réunion et de manifestation, libre accès à la justice) de ces droits-participations, en affirmant le caractère intangible des premiers et en sanctionnant de déchéance les seconds, du moins certains d'entre eux. Seulement, outre que pour la plupart ces dispositions souffrent de rédactions laconiques, de méconnaissance et de dispersion des organes de contrôle et d'application, de nombreux droits ne sont actuellement pas couverts par aucune clause de sauvegarde.

C'est pourquoi, nous proposons que la Cour de cassation devienne compétente pour priver un parti politique des avantages découlant des droits-participations, ou à tout le moins le financement, dès lors que sur la base d'une analyse détaillée du programme, des déclarations de représentants habilités, ou de la gestion des affaires publiques, il est constaté que ce parti a montré son hostilité envers les principes de la démocratie tels qu'ils sont énoncés, notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le débat au sein de la juridiction doit être contradictoire et public.

Nº 2 DE MM. ROELANTS du VIVIER ET MONFILS

Insérer, dans la liste des dispositions soumises à révision, ce qui suit :

« ­ de l'article premier de la Constitution, en vue d'y ajouter un second alinéa concernant le principe de laïcité de l'État; ».

Justification

Les sociétés modernes sont désormais, et c'est une richesse, des sociétés pluriculturelles, où différentes conceptions éthiques sont appelées à coexister, que ce soit de façon temporaire ou à plus long terme. Si elle est une richesse sur le plan culturel, la diversité pose au monde politique un problème majeur : comment rendre conciliables l'organisation de la société selon des normes acceptables par tous et l'indispensable tolérance démocratique vis-à-vis des choix d'appartenance religieuse ou philosophique.

La diversité irréductible, voire conflictuelle, des conceptions du bien et du mal est un élément constitutif d'un régime démocratique libre. Le pari des démocraties est effectivement, malgré les conceptions diversifiées du bien et du bonheur, de faire primer la conception du juste et de l'injuste, c'est-à-dire les règles formelles qui doivent organiser la coexistence entre les individus. Pour ce faire, il importe que les sociétés démocratiques distinguent ce qui relève du champ de la morale de ce qui relève du champ du droit. Le « polythéisme des valeurs » n'exclut pas le partage de principes juridiques dès lors que ceux-ci sont perçus par tous comme les plus justifiables (10).

Dans cette conception, une société est composée d'une pluralité d'individus dont chacun possède sa propre conception du bien en vertu de laquelle il détermine ses intérêts propres; en conséquence, la société n'est bien ordonnée que si elle est régie par des principes de justice ne supposant la supériorité d'aucune des conceptions du bien sur les autres. Et une fois établis ces principes de justice, rien n'empêche alors de considérer qu'ils imposent des limites aux conceptions du bien qui sont admis dans la société.

Cette approche permet de donner un contenu strictement politique à la citoyenneté. Pratiquement, elle permet à des individus qui ont de conceptions différentes du bien de chercher ensemble à partager des droits et des devoirs. La solution trouvée au terme d'un débat démocratique ­ donc contradictoire et conflictuel ­ sera la meilleure dans la mesure où elle répondra « le mieux possible » aux intérêts de chacun. C'est ce débat qui fonde la légitimité des principes de justice (11).

Dans cette perspective, l'État laïc constitue l'espace public où s'élabore le consensus qui justifie la structure de base de la société démocratique et qui organise les institutions sociales, culturelles et politiques ainsi que la manière dont elles interagissent. Il fait office de terrain neutre dans la mesure où il fait abstraction des doctrines morales particulières. Pour que l'État puisse fonctionner selon cette procédure, il faut que la conception politique qui régit ses institutions soit acceptée par l'ensemble des citoyens, quelles que soient leurs convictions philosophiques ou confessionnelles. Pour les y encourager, l'État laïc garantit de ne privilégier aucune politique sociale ni aucune institution susceptible de favoriser une morale en particulier.

En conséquence, l'ensemble des partis démocratiques doivent s'efforcer de renforcer les dispositions constitutionnelles et légales afin de déterminer dans la Constitution elle-même les principes démocratiques que doivent respecter les associations reconnues par l'État ou les partis participant aux différents scrutins électoraux. La présente proposition de déclaration de révision de la Constitution a donc pour objet l'inscription, dans l'article 1er de la Constitution belge, du principe de la laïcité de l'État.

Quelques repères historiques

Les termes de « laïcité » et de « laïc » sont polysémiques. Au sens restreint, ils font référence à l'expérience française de séparation de l'Église et de l'État. Au sens large, ils renvoient au principe d'une société autonome par rapport à l'hétéronomie religieuse ou philosophique. Cela signifie que dans les sociétés laïques, le fondement du pouvoir est contenu dans le débat démocratique, sans dépendre de prescrits religieux.

À l'origine de la laïcité française, il y a le rôle déterminant de l'État. L'État français est institutionnellement puissant depuis l'Ancien Régime. Quand le contrôle des institutions est passé aux mains des tenants de la laïcité républicaine, ceux-ci disposaient déjà d'un cadre étatique fort pour contester à l'Église catholique le droit d'organiser la société. En effet, l'Église d'Ancien Régime français avait vocation à prendre en charge la vie sociale dans sa totalité (enseignement, assistance, etc.) selon une logique supranationale. La laïcisation s'est donc opérée à travers des oppositions et des conflits avec les autorités ecclésiastiques. L'enjeu du pouvoir politique était de soustraire les individus et les sphères de la vie sociale à l'emprise de l'Église. Cette opération s'est effectuée par étapes.

Première étape : le régime de Napoléon Bonaparte qui met en place trois instruments fondamentaux de laïcisation : le Code civil (1803), le ministère des Cultes et l'université. Le ministère des Cultes retire officiellement au catholicisme son statut de religion d'État, le Code civil organise la famille et les relations entre personnes sans référence à la religion, tandis que l'université forme une corporation laïque d'enseignants. Pour rappel : le Concordat de 1801 avait rétabli l'exercice du culte tout en conférant à l'autorité publique le soin de le réglementer.

Second grand moment de la laïcisation : les lois scolaires des années 1880 qui organisent un cours de morale laïque. Enfin, dernière phase dans le processus de laïcisation de l'État français : la loi de séparation des Églises et de l'État. L'aboutissement de cette dernière étape remonte à la Constitution de 1958 qui proclame que « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

Ainsi que le soulignait dès 1949 Jean Rivero (12), la neutralité religieuse de l'État est un principe libéral qui implique deux types d'obligation : « d'une part, (...) l'État entend respecter, en chaque homme, le droit qui lui, est essentiel, de choisir le droit qui orientera sa vie (...) et, d'autre part, l'État accepte les conséquences de cette liberté ».

Geneviève Koubi (13) précise à cet égard que le principe de laïcité garantit l'égalité et les libertés individuelles et collectives; selon l'article premier de la Constitution : la France, la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion ». L'acceptation des différences se réalise dans le respect de l'égalité des individus en droit; il est interdit d'opérer des discriminations selon les religions ou les croyances des personnes; si le principe de laïcité préserve la diversité des croyances et oblige le respect des différences, il est aussi une des bases de la garantie du libre exercice des cultes, il ordonnance également la lutte contre les mouvements sectaires à caractère religieux.

Geneviève Koubi souligne que la laïcité n'est pas seulement une valeur, elle répond aux formes mêmes de la République, procédant de son unité sociale et de son esprit démocratique, elle est d'ordre normatif, elle est la base de toute règle de droit.

La laïcité française est originale en Europe du Nord. Dans les pays protestants, les Églises nationales n'étaient pas concurrentes mais subordonnées à l'État. La sécularisation de la société s'est donc opérée par un évidement progressif du rôle des Églises, sans qu'il y ait de lutte contre le pouvoir de l'État-Nation.

En Belgique, la révolution de 1830 a placé le Congrès national devant la nécessité de renforcer l'unité de l'État tout en composant avec la diversité sociale. En outre, les événements révolutionnaires avaient eux-mêmes une dimension religieuse non négligeable puisque l'opposition populaire du Roi de Hollande était dirigée contre la soumission de la politique des cultes et de l'enseignement à un pouvoir protestant. La Constitution de 1830 aménage donc l'indépendance de l'Église et de l'État sans imposer une formule telle que celle du Concordat en France.

Application du principe de laïcité à l'État belge

La transposition du principe de la laïcité dans notre Constitution doit toutefois tenir compte de la spécificité de notre système constitutionnel.

En effet, d'une part, la France est une république indivisible conçue comme un État centralisateur alors que la Belgique est un État fédéral.

D'autre part, l'esprit de la Constitution belge, ainsi que le rappelle Vincent de Coorebyter (14), est d'instaurer une non-ingérence réciproque entre l'État et les Églises.

La Constitution belge, à l'inverse de la Constitution française, ne formule cependant pas de principe de séparation entre l'État et les Églises, et impose le financement public des traitements et pensions des ministres des cultes et des communautés philosophiques non confessionnelles reconnus (article 181 de la Constitution).

À cet égard, la Constitution belge garantit tout autant la liberté des cultes (article 19 : « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ») que celle de n'adhérer à aucun culte (article 20 : « Nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte, ni d'en observer les jours de repos »).

Vincent de Coorebyter (op. cit.) relate fort justement à ce propos que la volonté de ne pas revenir à la situation du Concordat, c'est-à-dire la décision d'instaurer l'indépendance réciproque de l'Église et de l'État via différents articles de la Constitution, recueillit une large adhésion au sein du Congrès national de 1830.

En outre, elle interdit toute ingérence de l'État dans la nomination des ministres des cultes (article 21 : « L'État n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication »), tout en édictant par ailleurs que « Tous les pouvoirs émanent de la Nation » et qu'ils « sont exercés de la manière établie par la Constitution » (article 33).

Enfin, le principe de laïcité tel qu'il est envisagé dans la présente proposition de déclaration de révision de la Constitution ne doit pas être confondu avec la laïcité entendue au sens de laïcité organisée, et qui peut être définie comme « une communauté non confessionnelle, reconnue et organisée par la loi, qui s'adresse à ceux qui ne participent pas à un culte quelconque, qui ne veulent pas établir dans leurs conceptions de vie un rapport privilégié avec une divinité et, dès lors, veulent organiser en excluant toute référence aux cultes certaines manifestations de la vie qui d'ordinaire sont réglées par une religion » (15).

La présente proposition s'inscrit donc en continuité de l'esprit de la Constitution de 1830.

Conséquences de l'inscription du principe de la laïcité dans la Constitution

Le principe de laïcité de l'État dans la perspective de son inscription dans la Constitution n'exprime pas une préférence de l'autorité publique à l'égard d'un courant philosophique ou religieux particulier.

Ce principe est au contraire la garantie de ce que l'autorité publique veille à garantir la liberté de pensée, dont la liberté de culte est une application.

Si l'État doit garantir l'effectivité de cette liberté, il doit également rester indépendant de toute confession ou courant philosophique; l'État équidistant à l'égard de toutes les pensées religieuses ou philosophiques se porte ainsi garant du pluralisme philosophique et donc du pluralisme du débat démocratique.

Il s'agit donc de consacrer le principe de non-ingérence réciproque entre l'État et les Églises reconnues et représentées sur notre territoire.

Il convient par là même d'éviter toute intrusion ou collusion de mouvements activistes inféodés ou se réclamant d'une confession déterminée ou non confessionnels dans l'appareil démocratique de notre État de droit, afin de sauvegarder les valeurs démocratiques qui en sont le fondement.

En effet, ces mouvements pourraient avoir pour objet de faire primer l'autorité d'une pensée religieuse ou philosophique sur celle de l'État.

L'affirmation du principe de laïcité de l'État dans la Constitution permettrait d'exiger des formations politiques appelées à se présenter au scrutin électoral de souscrire une déclaration reconnaissant ce principe ainsi que les autres valeurs démocratiques que la Constitution consacre (par exemple : titre II de la Constitution dont le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes inscrit à l'article 11bis).

Le non-respect par les associations ou les partis de ces principes autoriserait les autorités publiques, au terme d'une procédure juridictionnelle, de la priver des avantages que la loi leur accorde ou pour les partis politiques, de la possibilité de se présenter aux élections.

L'inscription du principe de la laïcité de l'État fédéral belge dans la Constitution n'est aucunement une remise en cause des principes constitutionnels qui ont prévalu lors de la création de l'État belge pour ce qui a trait des rapports entre les Églises et l'État.

François ROELANTS du VIVIER.
Philippe MONFILS.

Nº 3 DE M. LOZIE

Dans la liste des dispositions soumises à révision, ajouter le tiret suivant :

« ­ de l'article 156 de la Constitution, en vue de scinder le ressort de la cour d'appel de Bruxelles; ».

Justification

Il ne sera pas possible d'améliorer le fonctionnement laborieux des institutions judiciaires du ressort de la cour d'appel de Bruxelles, qui est dû notamment au problème des conditions linguistiques auxquelles est soumise la désignation des magistrats, si on n'envisage pas également la possibilité de scinder ce ressort.

Frans LOZIE.

Nº 4 DE MME NAGY ET CONSORTS

Insérer dans la liste des dispositions soumises à révision, ce qui suit :

« ­ du titre II de la Constitution, en vue d'y insérer un article nouveau permettant de priver les groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la collectivité; ».

Justification

Voir les développements de la proposition de Mme Nagy et M. Cornil, que reprend intégralement cet amendement (doc. Sénat, nº 2-870/1).

Nº 5 DE MME NAGY ET CONSORTS

Insérer dans la liste des dispositions soumises à révision, ce qui suit :

« ­ de l'article 142 de la Constitution, en vue d'y ajouter un paragraphe nouveau attribuant à la Cour d'arbitrage la compétence de statuer dans les autres cas prévus par la Constitution; ».

Justification

Le présent amendement est le complément nécessaire de celui qui considère qu'il y a lieu de réviser le titre II de la Constitution, en vue d'y insérer un article nouveau permettant de priver les groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la collectivité (droits-participations de la seconde génération). En effet, cet amendement a été avancé dans le but d'ouvrir la possibilité d'instituer une procédure juridictionnelle de déchéance de ces droits et de confier cette procédure à la Cour d'arbitrage. Si le titre II de la Constitution devait être complété de la sorte, il conviendrait d'y faire référence dans le chapitre V du titre III consacré à la Cour d'arbitrage. L'article 142 actuel ne confère à celle-ci que le pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois, décrets et ordonnances, dans les limites que l'on connaît. Il y aurait donc lieu de distinguer deux paragraphes dans le nouvel article 142 que l'on envisage. Le texte actuel formerait le premier paragraphe, tandis que le second pourrait simplement s'énoncer comme suit : « § 2. La Cour d'arbitrage statue dans les autres cas prévus par la Constitution. »

Marie NAGY.
Marcel CHERON.
Frans LOZIE.

Nº 6 DE M. CORNIL ET CONSORTS

Insérer dans la liste des dispositions soumises à révision, ce qui suit :

« ­ du titre II de la Constitution, en vue d'y insérer une disposition nouvelle permettant de priver les groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la collectivité; ».

Justification

Tous les démocrates devraient être convaincus de la nécessité de lutter contre les partis et groupements hostiles aux principes démocratiques fondamentaux en s'attaquant d'abord aux racines du mal dont ils ne sont que l'expression. Il s'impose notamment de combattre les inégalités socioculturelles, en particulier dans le domaine de l'enseignement, qui sont souvent à la source de leur succès.

Il s'impose également de se défendre contre les opinions liberticides, non par des slogans, mais par des arguments. Il faut montrer sans relâche à toutes les couches de la population en quoi consiste fondamentalement le projet démocratique.

Cependant, on ne peut pas pour autant se contenter de cette stratégie, axée sur le long terme, pour protéger efficacement la démocratie.

Il serait donc politiquement souhaitable et juridiquement conhérent de formuler un principe général de déchéance de l'ensemble des droits-créances à charge des groupements liberticides.

En outre, il convient d'inscrire ce principe général de déchéance dans la Constitution afin d'atteindre d'un seul trait tous les droits-créances dont les groupements liberticides devraient être privés.

Par ailleurs, le monopole du jugement en première et dernière instance sur une question aussi délicate que celle de la compatibilité des actes et du programme d'un parti politique ou d'un groupement avec l'institution même des droits et libertés fondamentaux doit revenir à une juridiction constitutionnelle. Telle qu'elle est composée, la Cour d'arbitrage offre toutes les garanties souhaitables d'impartialité et le respect des droits de la défense.

Sur ce dernier point, nous ne pouvons dès lors que nous réjouir du fait que l'article 142 de la Constitution soit proposé ouvert à révision.

Jean CORNIL.
Jean-François ISTASSE.
Jean-Marie HAPPART.

(1) Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Yazar, Karatas, Aksoy et le Parti du travail du peuple (HEP) contre la Turquie du 19 avril 2002, §§ 48 et suivants. Voir également : Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres contre la Turquie du 30 janvier 1998, Rec., 1998-I, p. 27, § 57; Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Parti socialiste de Turquie et autres contre la Turquie du 25 mai 1998, Rec., 1998-II, pp. 1256-1257, §§ 46-47; Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Refah Partisi et autres contre la Turquie du 31 juillet 2001.

(2) Au regard de la Soft Law des institutions du Conseil de l'Europe, en particulier de la recommandation de l'assemblée parlementaire du 25 janvier 2000 relative à la menace des partis et mouvements extrémistes pour la démocratie en Europe, dont le juge européen risque fortement de s'inspirer, il semblerait qu'il existe une authentique obligation faite aux États d'entreprendre la lutte contre les actes ou activités visant à la destruction des droits et libertés consacrés. Voir V.S. van Drooghenbroeck, « L'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme : incertain et inutile ? », in X, Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ? Groupements liberticides de droit, sous la direction de H. Dumont, P. Mandoux, A. Strowel et F. Tulkens, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 149-150.

(3) Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Glimmerveen et Hagenbeek contre les Pays-Bas du 8 octobre 1979, Décisions et rapports, juillet 1980, p. 206.

(4) Cour européenne des droits de l'homme, requête nº 332/57, rapport Lawless contre l'Irlande du 17 décembre 1959, série B, p. 180, § 141; Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Lawless contre l'Irlande du 1er juillet 1961, série A, nº 3, p. 45, § 7.

(5) PIDCP, article 5, ratifié par la Belgique par la loi du 21 avril 1983, Moniteur belge du 6 juillet 1983.

(6) Pour un exemple de décision relative à la dissolution d'un parti fasciste appuyée sur l'article 5, contre Comité, décision du 10 avril 1984, comm. Rs 26/107, EuGRZ, 1984, p. 293.

(7) Loi du 9 juillet 1975, Moniteur belge du 11 décembre 1975.

(8) Commission de Venise, « Lignes directrices sur l'interdiction et la dissolution des partis politiques et les mesures analogues, adoptées les 10 et 11 décembre 1999 à Strasbourg », CDL-INF, 10 janvier 2000.

(9) Commission européenne pour la démocratie et le droit, dite « Commission de Venise » organe consultatif du Conseil de l'Europe, spécialisé en droit constitutionnel, composé d'experts indépendants originaires des 41 États membres du Conseil de l'Europe.

(10) Les principes qui sont ici exposés s'inspirent des travaux de John Rawls, en particulier des articles rassemblés dans Justice et démocratie (Points, Essais, nº 427), Paris, Seuil, 1993.

(11) Comme l'explique Claude Lefort, c'est la nature conflictuelle et désincarnée du débat idéologique qui fonde le modèle démocratique : « La disparition de la détermination naturelle [...] fait émerger la société comme purement sociale, de telle sorte que le peuple, la Nation, l'État s'érigent en entités universelles et que tout individu, tout groupe, s'y trouve également rapporté. Mais ni l'État, ni le peuple, ni la Nation ne figurent des réalités substantielles. Leur représentation est elle-même dans la dépendance d'un discours politique et d'une élaboration sociologique et historique toujours liée au débat idéologique » dans Claude Lefort, « La question de la démocratie », dans Essais sur le politique, XIXe et XXe siècles (Points, Essais, nº 459), Paris, Seuil, 1986, pp. 29 et 30.

(12) Jean Rivero, « La notion juridique de laïcité », Recueil Dalloz, 1949, p. 137.

(13) Geneviève Koubi, « La laïcité dans le texte de la Constitution », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, Paris, septembre-octobre 1997, pp. 1305 et 1316.

(14) V. de Coorebyter et C. Sagesser, « Cultes et laïcité en Belgique », CRISP, nº 51, 2000, pp. 4 et 30.

(15) Cette définition est empruntée à un rapport de commission parlementaire de M. Garcia, cité dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues (doc. Chambre, nº 1966/1, 1998-1999, 5 février 1999).