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28 JUIN 2001
Le 9 mai 2001, la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives a demandé à la sous-commission « Traite des êtres humains » de rendre un avis sur la proposition de Mme Erika Thijs visant à instituer une commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur les causes et les mécanismes de la traite des êtres humains dans certains secteurs (doc. Sénat, nº 2-694/1).
La proposition de Mme Thijs vise notamment à convertir la sous-commission « Traite des êtres humains » en commission d'enquête, tout en conservant sa composition et son activité actuelles. Cette commission enquêterait sur les faits, les circonstances et les causes de la traite des êtres humains en Belgique, en général, et, en particulier, dans le sport, notamment le football, les échanges d'étudiants, les jeunes « au pair », la diplomatie, l'emploi et la prostitution. La raison de cette conversion est notamment la visite de la commission d'enquête brésilienne au Sénat, le 16 mars 2001, lors de laquelle il a été question de pratiques éventuelles de traite des êtres humains dans le milieu du football belge. Vient s'y ajouter le problème de la fraude dans les postes diplomatiques, qui a été abordé au cours de l'audition, le 5 mars 2001, de M. Leman, directeur général du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. C'est pourquoi la sous-commission a invité le ministre des Affaires étrangères et des fonctionnaires de son département à s'expliquer à ce propos les 28 mai et 11 juin 2001.
Au cours de ces dernières auditions, les questions suivantes ont été abordées :
fraude aux visas à l'ambassade belge à Sofia, Bulgarie;
trafic de permis de séjour au service protocole des Affaires étrangères.
L'administration a aussi expliqué la procédure normale d'octroi d'un visa et le rôle joué par les postes diplomatiques dans ce cadre.
Le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères a aussi fait savoir qu'il s'opposerait par la voie du gouvernement à ce que l'on se serve des dossiers précités pour créer une commission d'enquête sur le fonctionnement de son administration en la matière. Plusieurs membres ont déploré ce rejet très explicite de l'idée d'une commission d'enquête par le ministre.
La sous-commission « Traite des êtres humains » a examiné cette proposition en ses réunions du 28 mai et 11 juin 2001.
Un premier intervenant considère que si la sous-commission était d'avis qu'il n'y a pas lieu d'instituer une commission d'enquête parlementaire, elle devrait en tout cas se réserver le droit d'effectuer une évaluation en fin d'année, à l'issue de la présidence belge de l'UE. Cela permettrait de reprendre la décision d'instituer une commission d'enquête parlementaire s'il devait s'avérer dans l'intervalle qu'il y a lieu de le faire.
Un membre constate qu'il est clair, sur la base des réponses fournies par les Affaires étrangères, que certaines autres administrations telles que l'Office des étrangers et la Justice, jouent également un rôle dans le problème des visas. Le membre considère aussi que certaines réponses sont en contradiction manifeste avec ses constatations personnelles. Tout cela n'a rien de rassurant à ses yeux.
L'auteur de la proposition confirme les propos du préopinant. Elle déplore le fait que l'on ait évoqué seulement deux incidents, à savoir le dossier Sofia (escroquerie aux visas) et le trafic de permis de séjour au service du Protocole des Affaires étrangères, alors qu'à sa connaissance, il y a eu d'autres incidents ces dernières années, notamment au Nigeria. De plus, elle renvoie aux développements de sa proposition, qui précisent que l'enquête ne peut pas porter uniquement sur des considérations générales d'ordre juridique et judiciaire, mais qu'elle doit s'inscrire dans le cadre de l'examen de faits concrets, des causes et conséquences, et du contrôle en matière de traite des êtres humains dans des secteurs « sensibles » de la vie socioéconomique, en s'intéressant plus particulièrement à l'efficacité et à l'applicabilité de ce contrôle, ainsi qu'aux critères à respecter pour l'effectuer. Elle oppose des objections à un report éventuel de l'institution d'une commission d'enquête.
L'air du temps ayant changé du tout au tout, la membre estime qu'une commission d'enquête est nécessaire. À défaut, on risque d'être à nouveau confronté à ce phénomène dans quelques années. C'est pourquoi elle demande à la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives de rendre un avis positif.
Une autre membre estime que les explications jusqu'ici fournies n'étaient pas satisfaisantes et souhaiterait entendre les ministères de la Justice et de l'Intérieur. Elle ne s'étonne pas que les membres de la majorité veulent attendre jusqu'à la fin de l'année 2001 avant de prendre en considération l'éventualité d'une commission d'enquête. Il convient, à cet égard de bien réfléchir aux enjeux possibles. Elle se rallie par ailleurs entièrement à l'idée de créer une commission d'enquête.
Une membre ne partage pas ce point de vue et se réfère au travail considérable de la commission d'enquête parlementaire en vue d'élaborer une politique structurelle visant la répression et l'abolition de la traite des êtres humains (doc. Chambre, nº 673/7, 1991-1992) qui avait déjà identifié tous les problèmes à l'ordre du jour actuellement. Elle plaide pour une poursuite de la sous-commission à l'aide des instruments existants, car les moyens dont la sous-commission dispose sont suffisamment performants pour pouvoir avancer dans la matière. Elle n'est pas convaincue de la plus-value d'une commission d'enquête en la matière. Elle appuie la proposition du président de réexaminer l'éventualité d'une commission d'enquête à la fin de l'année 2001. Elle souligne que des enquêtes judiciaires sont en cours actuellement, dans lesquelles une éventuelle commission d'enquête parlementaire ne pourrait même pas intervenir.
Un intervenant constate que les personnes qui ont été entendues ne tiennent pas compte du fait que leurs services ont peut-être été infiltrés par la mafia. La Task Force chargée de l'échange d'informations ne part pas non plus de cette hypothèse. Selon l'intervenant, on ne peut guère parler d'administration armée. Une approche globale (Justice, Affaires étrangères et Intérieur) sous la forme particulière d'une commission d'enquête s'impose. Il propose dès lors que, compte tenu du fait que, l'année parlementaire touchant à sa fin, un certain nombre de choses doivent encore être réglées, la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives ne se prononce pas encore pour l'instant sur la création d'une commission d'enquête. Cette question devra être réexaminée à l'automne, éventuellement avec l'instrument d'une commission d'enquête.
L'intervenant suivant s'associe au président pour considérer cette matière comme un sujet brûlant qui devra être examiné à l'issue de la présidence belge de l'UE. Dans le dossier du football, la continuation de la sous-commission reste à l'ordre du jour, poursuit le membre.
Une autre membre se déclare peu favorable à la mise sur pied d'une commission d'enquête, à l'heure où la Belgique va prendre des responsabilités au niveau de l'Europe. D'autres instances sont plus à même de traiter cette problématique, telles que le Conseil supérieur de la justice et la sous-commission. Elle préfère avancer davantage dans les travaux de la sous-commission. Si on ne parvient pas à formuler certaines recommandations, il n'est pas exclu que l'on crée ultérieurement une commission d'enquête.
L'intervenante suivante estime qu'invoquer la présidence imminente de l'UE pour ne pas instituer de commission d'enquête constitue un argument de peu de poids. Elle reste une partisane convaincue d'une commission d'enquête.
Avant de créer une commission d'enquête, un autre membre plaide pour que l'on réentende tous les ministères concernés, afin d'examiner l'affaire plus en profondeur et sur le fond.
2. Votes
La sous-commission décide de rendre un avis négatif sur l'opportunité de créer une commission d'enquête par 5 voix contre 3 et 1 abstention.
Le présent rapport a été approuvé par 6 voix et 1 abstention.
Le rapporteur, Frans LOZIE. |
Le président, Paul WILLE. |