2-368/1

2-368/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

15 MARS 2000


Proposition de loi modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État, en ce qui concerne la nomination des conseillers d'État

(Déposée par Mme Marie Nagy et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


L'article 70 des lois coordonnées sur le Conseil d'État règle les conditions et la procédure de nomination des conseillers d'État.

Avant d'être modifiée par la loi du 8 septembre 1997, cette disposition prévoyait que, pour être nommé conseiller d'État, il fallait avoir trente-sept ans accomplis, être docteur ou licencié en droit et justifier d'une expérience professionnelle utile de nature juridique de dix ans au moins. Une autre condition était, et reste encore aujourd'hui, que les conseillers d'État sont, pour la moitié au moins de leur nombre, nommés parmi les membres de l'auditorat et du bureau de coordination.

En ce qui concerne la procédure de nomination, avant la modification législative intervenue le 8 septembre 1997, il était prévu que les conseillers d'État étaient nommés par le Roi sur deux listes comprenant chacune trois candidats et présentées, l'une par le Conseil d'État, l'autre alternativement par la Chambre des représentants et par le Sénat.

Comme l'a écrit un conseiller d'État lui-même, outre ces dispositions, « la première condition (de nomination), non écrite et souvent tue, est politique : chaque place est attribuée à un parti déterminé, selon un partage relativement stable (1) ».

L'article 70 des lois coordonnées sur le Conseil d'État a été substantiellement modifié par la loi du 8 septembre 1997.

D'une part, le législateur a renforcé les conditions de nomination. À cette fin, il a ajouté au dispositif existant la règle selon laquelle, pour être nommé conseiller d'État, il faut satisfaire à l'une des conditions suivantes :

1º avoir réussi le concours d'auditeur adjoint ou de référendaire adjoint au Conseil d'État, le concours de référendaire à la Cour d'arbitrage, le concours d'auditeur adjoint à la Cour des comptes ou l'examen d'aptitude professionnelle visé à l'article 259bis du Code judiciaire;

2º exercer une fonction administrative du rang 15 au moins ou équivalent dans une administration publique belge ou dans un organisme public belge;

3º avoir présenté avec succès une thèse de doctorat en droit ou être agrégé de l'enseignement supérieur en droit;

4º exercer, en Belgique, des fonctions de magistrat du ministère public ou de juge effectif;

5º être titulaire d'une charge d'enseignement du droit dans une université belge.

D'autre part, la procédure de nomination est désormais conçue de la manière suivante :

1. Dans un premier temps, après avoir examiné la recevabilité des candidatures et comparé les titres et mérites respectifs des candidats, l'assemblée générale du Conseil d'État présente une liste de trois noms formellement motivée. Le texte prévoit que le Conseil d'État entend les candidats d'office ou à leur demande.

2. Deux cas de figure peuvent dès lors se présenter :

a) Si le candidat présenté le premier par le Conseil d'État l'a été à l'unanimité, ce candidat peut être nommé conseiller d'État. Toutefois, le ministre de l'Intérieur peut refuser cette présentation, soit parce que les conditions légales de nomination ne sont pas remplies, soit parce qu'il estime que le nombre des membres du Conseil d'État qui ont été nommés parmi les membres de l'auditorat est trop élevé par rapport au nombre des autres membres du Conseil d'État. Lorsque le ministre de l'Intérieur accepte la présentation unanime du Conseil d'État, il en informe la Chambre des représentants ou le Sénat qui, s'ils estiment que le nombre des membres du Conseil d'État qui ont été nommés parmi les membres de l'auditorat est trop élevé par rapport au nombre des autres membres du Conseil, peuvent, alternativement, refuser cette présentation. Si la présentation faite par le Conseil d'État est refusée, celui-ci procède à une nouvelle présentation.

b) Si le candidat présenté premier par le Conseil d'État ne l'a pas été à l'unanimité ou lors d'une nouvelle présentation à la suite d'un refus, la Chambre des représentants ou le Sénat peuvent alternativement, soit confirmer la liste présentée par le Conseil d'État, soit présenter une deuxième liste de tros noms formellement motivée. Le texte permet à l'assemblée parlementaire compétente d'entendre les candidats.

3. Le Roi nomme les conseillers d'État, parmi les personnes qui figurent sur la liste ou sur l'une ou l'autre des deux listes qui ont été présentées (2).

Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 8 septembre 1997 que le législateur a eu la volonté d'assurer, selon le terme utilisé par le ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Vande Lanotte, la « dépolitisation » de la procédure de nomination des conseillers d'État (3). En ce sens, on relève le passage suivant de l'avis de la section de législation du Conseil d'État sur l'avant-projet devenu la loi du 8 septembre 1997 : « Comme en a convenu le délégué du ministre, en prévoyant que les candidats à la place de conseiller d'État sont présentés « à la suite d'un examen portant sur la comparaison des titres et mérites » respectifs, le texte exclut toute considération d'appartenance à un parti (4). » D'après le ministre de l'Intérieur, s'il a fallu une politisation après la Seconde Guerre mondiale pour faire correspondre davantage la composition de la magistrature à la situation linguistique de la population belge et diversifier les provenances », « cette méthode », appliquée au Conseil d'État, « a fait son temps maintenant » : « aujourd'hui, l'on peut sélectionner par la voie d'examens et sur la base de l'expérience acquise dans un paysage où la démocratisation de l'enseignement a fait des progrès sensibles, étant donné que les universitaires représentent mieux l'ensemble de la société »; « l'on peut, dès lors, abandonner le système appliqué depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale » (5).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 8 septembre 1997, le ministre de l'Intérieur a toutefois estimé qu'il convenait de veiller à « ce qu'il y ait toujours des candidats issus de tous les horizons » (6) : en effet, selon le ministre, « toutes les tendances politiques et idéologiques doivent être représentées autant que possible dans les juridictions supérieures » (notamment au Conseil d'État), et il y a donc lieu « de préserver l'équilibre et la pluralité » (7). Le régime mis en place par la loi du 8 septembre 1997 permettrait d'atteindre cet objectif, du fait que, d'une part, le texte renforce les conditions de compétence imposées aux candidats (8) et que, d'autre part, les deux institutions chargées de présenter des candidats, l'assemblée générale du Conseil d'État et, alternativement, le Sénat ou la Chambre des représentants, sont elles-mêmes, composées de personnes issues de milieux diversifiés (9).

Le système établi par la loi du 8 septembre 1997 est loin d'être pleinement satisfaisant.

Deux questions retiennent à cet égard spécialement l'attention.

1. En ce qui concerne les critères permettant de départager les candidats qui remplissent les conditions de nomination à la fonction de conseiller d'État, les passages qui viennent d'être cités des travaux préparatoires de la loi du 8 septembre 1997 montrent qu'il y a eu, lors de l'élaboration de cette loi, un flottement entre l'affirmation du principe de la dépolitisation de la procédure de nomination des conseillers d'État et le souci d'assurer une représentation équilibrée des tendances politiques et idéologiques ­ ou de celles d'entre elles qui correspondent aux « piliers » de la société belge ? ­ parmi les conseillers d'État.

En tout cas, cette loi ne donne pas de signal suffisamment précis sur le sort qu'il y a lieu de réserver à la fameuse condition de nomination « non écrite et souvent tue » ­ à savoir le « partage » des places entre partis.

En fait, l'on doit s'entendre sur la nature des qualités d'un conseiller d'État.

Le Conseil d'État a pour mission d'examiner la légalité objective des textes et des actes qui lui sont soumis. Ses membres doivent donc, avant tout, avoir une excellente connaissance du droit qu'ils sont chargés d'appliquer, en ses diverses sources (législatives, jurisprudentielles et doctrinales) et une très bonne maîtrise de la technique juridique. Chargés de donner des avis et de rendre des arrêts, ils doivent aussi démontrer leur capacité de tenir un raisonnement juridique exempt de faille et de l'exprimer par écrit en des termes clairs et rigoureux.

À ces qualités de base, les conseillers d'État doivent en ajouter d'autres.

Derrière les textes et les actes soumis au Conseil d'État, il y a toujours des enjeux : enjeux humains, enjeux de société, enjeux politiques, économiques, sociaux, etc.

Magistrats, les conseillers d'État se doivent, bien évidemment, de prendre distance par rapport à leurs opinions personnelles et de ne pas se borner à humer « l'air du temps ».

Mais il faut bien voir aussi que le droit n'est pas une science exacte. Les textes législatifs et réglementaires ne sont pas ainsi faits que le Conseil d'État, lorsqu'il doit les appliquer, pourrait se contenter de purs syllogismes. Au contraire, le droit se complexifiant, les règles étant de moins en moins claires et précises, le législateur s'en remettant même de plus en plus souvent au juge pour déterminer le contenu exact de la norme applicable, le Conseil d'État se doit de comprendre les enjeux qui se situent en toile de fond des textes et des actes qui lui sont soumis et, dans la mesure où la loi le permet, de dégager les solutions les plus équilibrées possibles.

Aussi, lors de l'examen des candidatures à un emploi de conseiller d'État, est-il particulièrement utile d'avoir une idée de la manière dont les candidats perçoivent ces enjeux et de la conception qu'ils se font de la place et du rôle du Conseil d'État dans la société et dans l'édifice institutionnel ainsi que du mode d'exercice de la fonction envisagée. Et il appartient à l'autorité qui nomme les conseillers d'État de s'assurer de l'existence, parmi ceux-ci, d'une diversité d'opinions suffisante pour éviter qu'il n'y ait un décalage trop important entre les modes de penser présents au sein du Conseil d'État et la pluralité des idées véhiculées dans l'ensemble de la société (10). Dans une certaine mesure, il s'agit sans doute d'introduire un élément de « politisation » dans les critères de sélection des candidats; il n'est toutefois pas question ici de partager les emplois de conseiller d'État entre partis politiques ­ ou entre « piliers » de la société belge ­, mais plutôt d'assurer une diversité suffisante d'opinions à propos des enjeux sous-jacents aux dossiers soumis au Conseil d'État, du rôle de celui-ci et de la manière d'exercer la fonction de conseiller.

Sur les divers points qui viennent d'être évoqués, les autorités qui interviennent dans la procédure de nomination des conseillers d'État doivent pouvoir disposer, à propos de chaque candidat, d'éléments précis d'information et d'appréciation.

Aussi est-il suggéré d'imposer à tout candidat à un emploi de conseiller d'État de fournir un dossier comportant au minimum les documents suivants :

a) un exposé détaillé de l'expérience professionnelle dont il se prévaut;

b) deux contributions originales de son cru, l'une en rapport avec une question relevant de la compétence de la section de législation, l'autre en rapport avec une question relevant de la compétence de la section d'administration;

c) une note exposant son point de vue sur le rôle du Conseil d'État et sur le mode d'exercice de la fonction de conseiller d'État.

L'existence de ce dossier devrait être de nature à rendre l'examen des candidatures plus objectif qu'actuellement.

2. La question se pose aussi de savoir à quelle autorité doit être reconnu un rôle déterminant dans l'examen et l'appréciation des candidatures.

Sur ce point, la loi du 8 septembre 1997 a attribué au Conseil d'État un rôle plus important que par le passé.

Ce faisant, elle comporte inévitablement le risque de conduire à ce que les candidatures qui sont déposées correspondent avant tout au profil souhaité par le Conseil d'État lui-même. Un tel système est de nature à compromettre l'ouverture et l'évolution de cette institution.

Lors des travaux préparatoires de la loi du 8 septembre 1997, plusieurs intervenants ont relevé que l'économie du dispositif instauré s'écartait nettement de celle de la réforme qui était alors en projet pour la nomination des juges judiciaires et des officiers du ministère public, et plaidé en faveur de la mise en place de systèmes équivalents (11). À ce sujet, le ministre de l'Intérieur de l'époque a déclaré que le régime établi par la loi du 8 septembre 1997 avait un caractère provisoire et que le système définitif devrait voir le jour quand on verrait plus clair sur les dispositions, alors en projet, relatives au Conseil supérieur de la justice; il a, à cette occasion, déclaré que le régime à mettre en place en ce qui concerne la nomination des conseillers d'État devrait consister en la création d'une commission de sélection composée de magistrats et d'experts extérieurs (4).

Le mise en place d'une procédure centrée sur l'intervention d'un organe composé à la fois de membres du Conseil d'État et de personnalités extérieures est effectivement la solution qui est de nature à assurer au mieux la prise en compte des diverses qualités requises, comme on vient de le voir, dans le chef des conseillers d'État.

On ne peut envisager de donner au Conseil supérieur de la justice le pouvoir d'intervenir dans la procédure de nomination des conseillers d'État. La composition et les missions de cet organe ont, en effet, été conçues exclusivement en fonction des besoins de l'ordre judiciaire.

Il convient donc d'instituer un organe propre au Conseil d'État. Telle est la suggestion qui est contenue dans la présente proposition, qui prévoit l'établissement d'une commission de nomination des conseillers d'État.

Comme le Conseil supérieur de la justice, cette commission, formée d'un collège francophone et d'un collège néerlandophone, serait un organe composé paritairement, d'une part, de magistrats élus par leurs pairs et, d'autre part, de personnalités extérieures issues du barreau et de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile, nommées par le Sénat à la majorité des deux tiers des suffrages émis.

Elle aurait pour mission de donner un avis à propos de chaque candidat et, comme le Conseil supérieur de la justice, de présenter au Roi le candidat lui paraissant le plus indiqué; dans les cas où le Roi ne se rallierait pas à la présentation faite par la commission, il serait tenu de prendre une décision spécialement motivée sur ce point et d'inviter la commission à faire une nouvelle présentation.

D'autres réformes touchant à l'organisation du Conseil d'État et analogues à celles qui ont été conçues pour l'ordre judiciaire méritent d'être envisagées, notamment à propos de la désignation des chefs de corps et du contrôle externe du fonctionnement de l'institution.

La présente proposition n'entend toutefois pas régler d'autres questions que la nomination des conseillers d'État et ne donne donc pas à la commission qu'elle institue des attributions excédant cette matière.

Il convient en effet de mettre rapidement fin au régime mis en place par la loi du 8 septembre 1997, régime qui, ainsi qu'on l'a rappelé plus haut, fut présenté comme une solution toute provisoire.

En tout état de cause, la présente proposition ne préjudicie nullement à la réflexion qu'il convient de mener à propos d'une réforme de plus grande envergure.

Commentaire des articles

Article 4

Articles 70-1 et 70-2

Ces dispositions reprennent, en substance, les conditions de base pour être nommé en qualité de conseiller d'État, telles qu'elles sont actuellement déterminées par l'article 70, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'État.

Article 70-3

Cette disposition institue la commission de nomination des conseillers d'État.

Comme le Conseil supérieur de la justice, la commission est formée de deux collèges, un collège francophone et un collège néerlandophone. Selon que l'emploi de conseiller d'État auquel il doit être pourvu est destiné à une personne ayant subi l'examen de docteur ou de licencié en droit en langue française ou en langue néerlandaise, c'est l'un ou l'autre de ces collèges, agissant seul, qui intervient dans la procédure.

Si une large autonomie est laissée à chaque collège, on ne peut toutefois perdre de vue que la commission est unique. Certaines décisions importantes ­ telles celles qui déterminent les informations et documents que doivent contenir toutes les candidatures (article 70-15, alinéa 1er) ­ doivent d'ailleurs être prises par la commission elle-même, et non pas par chaque collège agissant séparément.

Article 70-4

Dans ses principes, la composition de la commission est largement inspirée, mutatis mutandis, de celle du Conseil supérieur de la justice (voir particulièrement l'article 151, § 2, de la Constitution et l'article 259bis-1, § 3, du Code judiciaire).

Chaque collège est composé de deux groupes de sept membres.

Le premier groupe est formé de conseillers d'État élus directement par l'assemblée générale du Conseil d'État.

Le second groupe est composé de personnes désignées par le Sénat. Deux de ses membres sont issus du barreau; les cinq autres proviennent de secteurs divers, à savoir la recherche en droit, l'administration, les milieux économiques, les milieux sociaux et les milieux associatifs (12). La qualité des membres de la commission qui forment ce groupe est une des clés de la réussite du régime envisagé par la présente proposition. Aussi le texte prévoit-il des conditions strictes pour leur désignation : d'une part, il appartiendra au Sénat de désigner des personnes de très grande valeur et pouvant se prévaloir d'une expérience particulièrement utile pour la commission; d'autre part, la désignation de chaque membre du groupe doit recueillir la majorité des deux tiers des suffrages émis.

Article 70-5

Pour le bon fonctionnement de la commission, il s'indique que ses membres soient nommés à un âge qui, a priori, leur permet d'achever leur mandat. Les conseillers d'État étant mis à la retraite à l'âge de septante ans et la durée du mandat de membre de la commission étant de quatre ans, il est suggéré de fixer à soixante-cinq ans l'âge limite auquel une personne peut être élue ou nommée membre de la commission.

Article 70-7

Comme en ce qui concerne le mandat de membre du Conseil supérieur de la justice, la durée du mandat de membre de la commission est limitée à quatre ans. Eu égard au nombre réduit de conseillers d'État (actuellement trente-huit), il n'est pas fixé de restriction au renouvellement éventuel du mandat.

Articles 70-8 et 70-9

Ces dispositions s'inspirent, mutatis mutandis, de dispositions analogues prévues pour le Conseil supérieur de la justice (voir l'article 259bis-3, §§ 2 à 4, du Code judiciaire).

L'attention est attirée sur le fait qu'aucune personne exerçant une fonction quelconque au Conseil d'État (membre du Conseil, auditeur, référendaire, greffier, assesseur de la section de la section de législation, membre du personnel administratif) ne peut être membre « externe » de la commission.

Article 70-10

Cette disposition s'inspire, mutatis mutandis, des règles relatives à la présidence des organes composant le Conseil supérieur de la justice (voir l'article 259bis-4, §§ 1er à 3, du Code judiciaire).

Article 70-14

Il faut laisser aux candidats le temps nécessaire pour constituer le dossier de candidature visé à l'article 70-15.

C'est pourquoi il est prévu un délai de trois mois pour le dépôt des candidatures.

Article 70-15

Dans le respect de ce que prévoit l'alinéa 2, il incombe à la commission de déterminer, par voie de dispositions générales, les informations et documents que doivent contenir les candidatures.

Concernant l'alinéa 2, 2º, l'attention est attirée sur le fait que le candidat choisit lui-même le sujet des contributions qu'il présente. Ces contributions doivent être originales : le candidat ne peut donc se borner à communiquer la copie d'une contribution déjà publiée dans un ouvrage ou une revue. En outre, les conseillers d'État étant susceptibles de siéger aussi bien à la section de législation qu'à la section d'administration, il importe que les candidats fassent montre de leur savoir-faire pour les questions qui relèvent de la compétence des deux sections.

Article 70-17

Le collège compétent de la commission est tenu d'entendre tous les candidats. Cette audition est essentielle pour que les membres du collège puissent poser aux candidats les questions qu'aura suscitées la lecture des dossiers de candidature. Il n'est pas prévu que le collège puisse donner une délégation à certains de ses membres pour procéder aux auditions.

Articles 70-18 et 70-19

Comme tel est le cas actuellement en ce qui concerne l'examen des candidatures par l'assemblée générale du Conseil d'État, le collège compétent de la commission doit, d'une part, donner un avis à propos de chacun des candidats et, d'autre part, présenter l'un d'eux pour la nomination dont il s'agit.

À l'instar de ce qui est prévu pour les présentations de candidats faites par le Conseil supérieur de la justice (article 151, § 4, alinéa 2, de la Constitution et article 259ter, § 5, du Code judiciaire), le Roi ne peut refuser une présentation faite par le collège compétent de la commission que moyennant l'adoption d'une décision spécialement motivée sur ce point et en invitant le collège à lui adresser une nouvelle présentation.

Conformément au droit commun, les décisions prises par le Roi peuvent faire l'objet d'un recours en annulation et, le cas échéant, d'une demande de suspension auprès de la section d'administration du Conseil d'État. À cette occasion, un contrôle juridictionnel peut être exercé sur les actes posés en cours de procédure par le collège de la commission de nomination.

Articles 70-20 et 70-21

Ces articles reproduisent les dispositions formant actuellement les §§ 3 et 4 de l'article 70 des lois coordonnées sur le Conseil d'État.

Article 8

Il résulte de l'article 80 des lois coordonnées sur le Conseil d'État que les conditions et la procédure de nomination des assesseurs de la section de législation sont, à quelques exceptions près (13), semblables à celles qui régissent la nomination des conseillers d'État.

Aussi l'article 80 est-il adapté pour tenir compte des modifications que suggère la présente proposition en ce qui concerne les conditions et la procédure de nomination des conseillers.

Marie NAGY.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

L'intitulé du chapitre Ier du titre VII des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, modifié par la loi du 28 juin 1983, est remplacé par l'intitulé suivant : « De la composition du Conseil d'État ».

Ce chapitre comprend les articles 69 à 72.

Art. 3

L'article 69 des mêmes lois coordonnées forme la section Ire du titre VII, chapitre Ier. Cette section est intitulée « Généralités ».

Art. 4

L'article 70 des mêmes lois coordonnées, modifié par les lois des 17 octobre 1990, 24 mars 1994, 6 mai 1997, 8 septembre 1997 et 22 mars 1999, est remplacé par les dispositions suivantes, qui forment la section II du titre VII, chapitre Ier :

« Section II. Des membres du Conseil d'État

Sous-section Ire. Des conditions pour être nommé conseiller d'État

Art. 70-1. ­ Nul ne peut être nommé conseiller d'État s'il n'a trente-sept ans accomplis, s'il n'est docteur en droit ou licencié en droit, s'il ne peut justifier d'une expérience professionnelle utile de nature juridique de dix ans au moins et s'il ne satisfait à l'une des conditions suivantes :

1º avoir réussi le concours d'auditeur adjoint ou de référendaire adjoint au Conseil d'État, le concours de référendaire à la Cour d'arbitrage, le concours d'auditeur adjoint à la Cour des comptes ou l'examen d'aptitude professionnelle visé à l'article 259bis-9 du Code judiciaire;

2º exercer une fonction administrative du rang 15 au moins ou équivalent dans une administration publique belge ou dans un organisme public belge;

3º avoir présenté avec succès une thèse de doctorat en droit ou être agrégé de l'enseignement supérieur en droit;

4º exercer, en Belgique, des fonctions de magistrat du ministère public ou de juge effectif;

5º être titulaire d'une charge d'enseignement du droit dans une institution universitaire belge.

Pour l'application de l'alinéa 1er, les fonctions de référendaire près la Cour de cassation sont assimilées à des fonctions dont l'exercice constitue une expérience professionnelle utile de nature juridique.

Art. 70-2. ­ Les conseillers d'État sont, pour la moitié au moins de leur nombre, nommés parmi les membres de l'auditorat et du bureau de coordination.

Sous section II. De la commission de nomination des conseillers d'État

Art. 70-3. ­ Il est institué, auprès du Conseil d'État, une commission de nomination des conseillers d'État, dénommé ci-après « la commission ».

La commission est formée d'un collège francophone et d'un collège néerlandophone.

Art. 70-4. ­ Chaque collège comprend quatorze membres, répartis en deux groupes de sept membres.

Un premier groupe est composé de conseillers d'État élus directement par l'assemblée générale du Conseil d'État.

Un second groupe est composé comme suit :

1º deux avocats inscrits au tableau de l'Ordre des avocats depuis au moins sept ans et possédant une expérience professionnelle notoire et utile pour la commission;

2º cinq membres possédant une expérience professionnelle notoire et utile pour la commission d'au moins dix ans, respectivement dans le domaine de la recherche en droit, dans l'administration et dans les milieux économiques, sociaux et associatifs.

Les membres du groupe visé au troisième alinéa sont nommés par le Sénat à la majorité des deux tiers des suffrages émis.

Art. 70-5. ­ Nul ne peut être élu ou nommé membre de la commission s'il a atteint l'âge de soixante-cinq ans.

Art. 70-6. ­ L'organe qui élit ou qui nomme les membres de la commission désigne pour chacun d'eux un membre suppléant, remplissant les mêmes conditions que celui qu'il supplée.

Le membre suppléant siège en cas d'absence ou d'empêchement du membre effectif. Il achève le mandat du membre effectif dont les fonctions prennent fin prématurément.

Art. 70-7. ­ La durée du mandat de membre de la commission est de quatre ans.

Art. 70-8. ­ En ce qui concerne les membres du groupe visé à l'article 70-4, deuxième alinéa, l'appartenance à la commission est incompatible avec l'exercice de la fonction de premier président ou de président du Conseil d'État.

En ce qui concerne les membres du groupe visé à l'article 70-4, troisième alinéa, l'appartenance à la commission est incompatible avec l'exercice d'une fonction quelconque au Conseil d'État, d'un mandat public conféré par voie d'élection ou d'une charge publique d'ordre politique.

Art. 70-9. ­ § 1er. Il est mis fin de plein droit au mandat de membre de la commission dans les cas suivants :

1º à la demande du membre lui-même;

2º en cas de perte de la qualité requise pour pouvoir siéger au sein de la commission;

3º dès l'apparition d'un cas d'incompatibilité visé à l'article 70-8;

4º lorsqu'un membre du groupe visé à l'article 70-4, deuxième alinéa, est mis à la retraite;

5º lorsqu'un membre du groupe visé à l'article 70-4, troisième alinéa, est candidat à un emploi de conseiller d'État ou à la fonction d'assesseur de la section de législation.

§ 2. Lorsque des motifs graves le justifient, il peut être mis fin au mandat d'un membre par la commission, qui en décide à la majorité des deux tiers des suffrages émis dans chaque collège.

En ce cas, l'article 259bis-3, § 4, du Code judiciaire est applicable, moyennant les adaptations nécessaires.

Art. 70-10. ­ Chaque collège désigne en son sein son président, pour une durée de deux ans. À cette fin, il statue à la majorité des deux tiers des suffrages émis. Le président du collège est choisi alternativement parmi les membres du groupe visé à l'article 70-4, alinéa 2, et ceux du groupe visé à l'article 70-4, alinéa 3, dans l'ordre que détermine le collège.

La présidence de la commission est assurée par celui des présidents des collèges qui est le plus âgé.

Art. 70-11. ­ La commission et les collèges ne peuvent délibérer valablement que si au moins les deux tiers de leurs membres sont présents.

Art. 70-12. ­ Il est interdit aux membres de la commission d'assister à des délibérations relatives à des personnes avec lesquelles ils ont un lien de parenté ou d'alliance jusqu'au quatrième degré ou avec lesquelles ils forment un ménage de fait.

Sous-section III. De la procédure de nomination des conseillers d'État

Art. 70-13. ­ En cas de vacance d'un emploi de conseiller d'État, le ministre qui a l'Intérieur dans ses attributions publie au Moniteur belge, à l'initiative du Conseil d'État, un avis mentionnant le nombre de places vacantes, les conditions de nomination, les informations et documents que doivent contenir les candidatures, le délai d'introduction de celles-ci et l'autorité à laquelle elles doivent être adressées.

Art. 70-14. ­ Les candidatures sont adressées au président de la commission dans un délai de trois mois suivant la publication visée à l'article 70-13.

Art. 70-15. ­ La commission, statuant à la majorité des deux tiers des suffrages émis, détermine les informations et documents que doivent contenir les candidatures.

Celles-ci contiennent, en tout cas, les documents suivants :

1º un exposé détaillé de l'expérience professionnelle dont se prévaut le candidat;

2º deux contributions originales du candidat sur des sujets de son choix, l'une en rapport avec une question relevant de la compétence de la section de législation, l'autre en rapport avec une question relevant de la compétence de la section d'administration;

3º une note exposant le point de vue du candidat sur le rôle du Conseil d'État et sur le mode d'exercice de la fonction de conseiller d'État.

Art. 70-16. ­ Une copie de chaque candidature est immédiatement communiquée aux membres du collège de la commission compétent pour examiner celle-ci.

Art. 70-17. ­ Le collège compétent entend les candidats dans un délai de trente jours suivant l'expiration du délai visé à l'article 70-14.

Art. 70-18. ­ Dans les soixante jours suivant l'expiration du délai visé à l'article 70-14, le collège compétent, statuant à la majorité des deux tiers des suffrages émis, donne un avis à propos de chaque candidat et présente l'un d'entre eux pour la nomination à laquelle il doit être procédé. Les avis et la présentation sont motivés.

Art. 70-19. ­ Le Roi nomme les conseillers d'État. S'Il ne se rallie pas à la présentation faite par le collège compétent de la commission, Il prend une décision spécialement motivée sur ce point et invite le collège à faire une nouvelle présentation.

Sous-section IV. Du premier président, du président et des présidents de chambre et de la nomination à vie des membres du Conseil d'État.

Art. 70-20. ­ Le Conseil d'État choisit en son sein son premier président, son président et ses présidents de chambre.

Art. 70-21. ­ Le premier président, le président, les présidents de chambre et les conseillers d'État sont nommés à vie. »

Art. 5

L'article 71 des mêmes lois coordonnées forme la section III du titre VII, chapitre Ier. Cette section est intitulée « Des membres de l'auditorat et du bureau de coordination ».

Art. 6

L'article 72 des mêmes lois coordonnées forme la section IV du titre VII, chapitre Ier. Cette section est intitulée « Des membres du greffe ».

Art. 7

Les articles 73 à 78 des mêmes lois coordonnées forment le chapitre 1erbis du titre VII. Ce chapitre est intitulé « Dispositions diverses relatives à l'organisation de la section de législation et de la section d'administration ».

Art. 8

L'article 80 des mêmes lois coordonnées, remplacé par la loi du 8 septembre 1997, est remplacé par la disposition suivante :

Art. 80. ­ Les assesseurs de la section de législation sont nommés par le Roi pour une période de cinq ans renouvelable.

Les articles 70-1, 70-13, 70-14, 70-15, alinéa 1er, et 70-16 à 70-19 sont applicables à la nomination des assesseurs.

Les candidatures aux fonctions d'assesseur contiennent, en tout cas, les documents suivants :

1º un exposé détaillé de l'expérience professionnelle dont se prévaut le candidat;

2º une contribution originale du candidat sur un sujet de son choix, en rapport avec une question relevant de la compétence de la section de législation;

3º une note exposant le point de vue du candidat sur le rôle de la section de législation du Conseil d'État et sur le mode d'exercice de la fonction d'assesseur.

Les articles 73, § 1er, alinéa 3, première phrase, et 74, alinéas 2 et 4, sont applicables aux assesseurs. »

Marie NAGY.
Frans LOZIE.
Clotilde NYSSENS.

(1) M. Leroy, Contentieux administratif, Bruylant, 1996, pp. 117 et 118. Et l'auteur de préciser la manière d'opérer le « partage » à l'époque où il rédigeait son ouvrage : « actuellement 6 PS, 5 PSC, 4 PRL, 6 CVP, 5 SP, 3 VLD, 1 VU ».

(2) Dans l'hypothèse où le Conseil d'État a présenté le premier candidat à l'unanimité et où ni le ministre ni l'assemblée parlementaire ne refuse cette présentation, c'est ce candidat qui est nommé.

(3) Doc. Sénat, nº 1-539/3, 1996-1997, p. 1.

(4) Doc. Sénat, nº 1-539/1, 1996-1997, p. 12.

(5) Doc. Sénat, nº 1-539/3, 1996-1997, p. 3. À la Chambre des représentants, le même ministre a également déclaré que la méthode consistant à « atteindre (un) équilibre par des nominations partisanes » était dépassée (doc. Chambre, nº 991/5, 96/97, pp. 4 et 5).

(6) Doc. Sénat, nº 1-539/3, 1996-1997, p. 1. Voir aussi doc. Sénat, nº 1-539/1, 1996-1997, p. 5 et doc. Chambre, nº 991-5, 96/97, p. 5.

(7) Doc. Chambre, nº 991/5, 96/97, pp. 4 et 5.

(8) Selon le ministre de l'Intérieur, ces conditions « devraient faire en sorte que (le Conseil d'État aura) automatiquement une composition équilibrée, dans la mesure où l'on peut raisonnablement supposer que les compétences se répartiront équitablement parmi toutes les tendances politiques et idéologiques » (doc. Chambre, nº 991/5, 96/97, p. 5).

(9) Voir notamment les déclarations du ministre de l'Intérieur (doc. Sénat, nº 1-539/3, 1996-1997, p. 3) ainsi que de Mme Cornet d'Elzius (Ann. parl. Sénat, séance du 13 mars 1997, pp. 2603 et 2604).

(10) Ne peuvent bien entendu être prises en considération que les opinions qui respectent les principes fondamentaux sur lesquels s'appuie notre système juridique.

(11) Voir notamment les amendements de MM. Boutmans et Vergote au Sénat (doc. Sénat, nº 1-593/2, 1996-1997, pp. 6 à 9) et de MM. Tavernier et Viseur à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 991/3, 96/97, pp. 3 à 5), ainsi que les déclarations de M. Caluwé et de Mme Milquet en séance plénière au Sénat (Annales parlementaires, Sénat, séance du 13 mars 1997, pp. 2604 et 2605).

(12) La présence d'une personne issue des milieux associatifs se justifie tout particulièrement par l'importance du contentieux porté devant le Conseil d'État par ces milieux (organisations de défense des droits de l'homme, de protection de l'environnement, ...).

(13) Notamment en ce qui concerne la durée de la nomination.