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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales des réunions publiques de commission

Handelingen van de openbare commissievergaderingen

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMMISSIE VOOR DE BUITENLANDSE AANGELEGENHEDEN

SÉANCE DU JEUDI 27 JUIN 1996

VERGADERING VAN DONDERDAG 27 JUNI 1996

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE MME LIZIN AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR « LES RÉSULTATS DE LA VISITE DU MINISTRE À ALGER »

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. DESTEXHE AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT SUR « LES RELATIONS AVEC L'ALGÉRIE »

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE MME MILQUET AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR « LA POLITIQUE ALGÉRIENNE DE LA BELGIQUE »

VRAAG OM UITLEG VAN MEVROUW LIZIN AAN DE MINISTER VAN BUITENLANDSE ZAKEN OVER « DE RESULTATEN VAN HET BEZOEK VAN DE MINISTER AAN ALGIERS »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER DESTEXHE AAN DE MINISTER VAN BUITENLANDSE ZAKEN EN DE STAATSSECRETARIS VOOR ONTWIKKELINGSSAMENWERKING OVER « DE BETREKKINGEN MET ALGERIJE »

VRAAG OM UITLEG VAN MEVROUW MILQUET AAN DE MINISTER VAN BUITENLANDSE ZAKEN OVER « HET ALGERIJE-BELEID VAN BELGIE »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle les demandes d'explications de Mme Lizin au ministre des Affaires étrangères sur « les résultats de la visite du ministre à Alger », de M. Destexhe au ministre des Affaires étrangères et au secrétaire d'État à la Coopération au Développement sur « les relations avec l'Algérie » et de Mme Milquet au ministre des Affaires étrangères sur « la politique algérienne de la Belgique ».

Je vous propose de joindre ces trois demandes d'explications. (Assentiment.)

La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le Président, la visite à Alger du ministre des Affaires étrangères a été perçue, tant en Algérie qu'au sein des instances européennes, comme un moment important de nos relations avec ce pays confronté depuis des années à une guérilla islamiste intégriste particulièrement sanguinaire à l'égard des intellectuels, des policiers, des journalistes, des femmes et des francophones en général. D'autres ministres européens ainsi que bon nombre de délégations en provenance d'Asie et du Moyen-Orient ont précédé M. Derycke en Algérie. La situation politique algérienne bouge, mais non sans difficultés. Après les élections présidentielles, le président Zéroual a proposé de franchir les étapes suivantes du processus de restauration démocratique à l'échelon législatif. Le fait doit être pris en considération puisque notre interlocuteur est toujours le Conseil national de transition. Le statut constitutionnel de cette instance mérite notre attention car la suspension du processus électoral reste un sérieux problème en dépit de la place accordée au Conseil national de transition au sein de l'Union interparlementaire.

Je souhaiterais que M. le ministre nous donne son avis en termes politiques au sujet des relations entre la Belgique et l'Algérie. À la suite de son voyage, un débat complémentaire s'est-il tenu à l'intérieur du comité politique ou à l'échelon du Conseil Affaires générales ? Le cas échéant, quels ont été les éléments constitutifs de ce débat ? Quels sont les points que le ministre voudrait faire progresser ?

En ce qui nous concerne, hormis l'aspect économique, la question principale concerne sans aucun doute la collaboration en matière de lutte contre le terrorisme. À cet égard, les derniers événements survenus en Arabie Saoudite élargissent le débat à l'approche d'un nouveau sommet relatif à ce problème ­ auquel nous ne participerons pas ­ alors que l'Algérie participait au Sommet de Charm-el-Cheik.

Quel est l'état de la coopération en la matière entre l'Algérie, la Belgique et les autres pays européens proches, alors que certains d'entre eux tolèrent des réseaux intégristes ou l'existence de publications pratiquement officielles du GIA ? Dans ce contexte, la Belgique a-t-elle entamé des contacts en vue d'instaurer une collaboration avec la Grande-Bretagne ?

Le ministre estime-t-il que le processus électoral tel qu'il est prévu ­ compte tenu du volet constitutionnel et de l'étape électorale ­ rencontre le souhait d'expression des forces politiques algériennes ?

Vous connaissez la situation et les prises de position des différents partis en la matière. Il est évident qu'à ce stade, la proposition ne suscite guère l'enthousiasme. La difficulté de progression est réelle. Vous entretenez des contacts avec les différents partis politiques, ce dont je vous félicite. Comment vous ont-ils aidé, monsieur le ministre, à évaluer cette situation ?

M. le Président. ­ La parole est à M. Destexhe pour développer sa demande d'explications.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Lors de votre récent voyage en Algérie, monsieur le ministre, vous vous êtes dit « impressionné » et vous avez fait une série de déclarations étonnantes que résume bien la formule : « C'est la première fois que je vois une telle volonté de démocratisation dans le monde arabe. » La presse qui vous accompagnait a, quant à elle, plutôt décrit une ville en état de siège.

J'aimerais en particulier que vous me disiez ce qui vous permet de tenir de tels propos enthousiastes et pourquoi vous n'avez pas pu ­ ou pas voulu ­ recevoir les représentants de l'opposition démocratique, aujourd'hui bien réelle en Algérie. Je pense notamment à M. Saïd Saadi.

J'aimerais enfin que vous précisiez votre politique de coopération. Vous avez annoncé le déblocage d'une aide de l'ordre de 900 millions de francs belges. Si votre intention se concrétise, l'Algérie redeviendra un des tout premiers bénéficiaires de la coopération belge. Ce montant classera en effet l'Algérie dans le peloton de tête des pays aidés, à savoir la troisième ou quatrième place. Notre aide est-elle dès lors bien appropriée ? Vous connaissez le contexte dans lequel la coopération au développement se traduit actuellement. Par ailleurs, vous n'ignorez rien du déroulement des travaux de la Commission spéciale de la Chambre. Vous savez que les « éléphants blancs » et les projets de développement industriel qui n'ont pas été mis en oeuvre dans le cadre d'une véritable politique de développement sont fortement remis en question.

Dès lors, ne pensez-vous pas que la coopération avec l'Algérie, que vous annoncez, est en contradiction avec la politique que vous avez suivie lorsque vous gériez le département ainsi qu'avec celle que votre collègue, M. Moreels, souhaite promouvoir ?

Je pense que votre attitude va à l'encontre de trois éléments. Le premier est la priorité que le Gouvernement veut donner aux pays les plus pauvres et à l'Afrique subsaharienne. Le deuxième élément est la volonté liée à l'aide au développement et au respect des droits de l'homme. Vous avez été un des promoteurs de cette politique. Je crois que le cas de l'Algérie constitue une contradiction manifeste. J'en viens au troisième élément : dans un certain nombre de cas, je suis personnellement favorable au fait de lier l'aide au développement à la coopération commerciale. Or, M. Moreels a déclaré qu'il ne fallait surtout pas associer ces deux secteurs. Dans le cas de l'Algérie, tout le monde sait que l'aide à ce pays a très clairement pour corollaire le déblocage d'un certain nombre de contrats commerciaux.

M. le Président. ­ La parole est à Mme Milquet pour développer sa demande d'explications.

Mme Milquet (PSC). ­ Monsieur le Président, comme M. Destexhe, je me suis interrogée à la lecture de la déclaration du ministre sur le processus de démocratisation en cours en l'Algérie. Je rappelle que le ministre des Affaires étrangères s'est rendu à la fin du mois de mai en Algérie pour y rencontrer le président Liamin Zéroual. Sa visite s'inscrit dans la série de visites de représentants des États occidentaux dans ce pays, à savoir les États-Unis, l'Allemagne et bientôt l'Italie et la France. Après avoir été isolé à cause de sa violence, ce régime est devenu à nouveau fréquentable pour des raisons liées à la stabilité du Maghreb mais surtout pour des raisons économiques. L'Algérie a décidé d'augmenter sa production énergétique en pétrole et en gaz. À la suite de cette visite, plusieurs questions se posent.

Comment le ministre des Affaires étrangères peut-il exprimer sa satisfaction sur la volonté de la présidence algérienne de mener à bien la démocratisation de l'Algérie alors que les droits de l'homme y sont quotidiennement bafoués, non seulement par les groupes terroristes armés, mais également par les forces armées et de sécurité dont le président Zéroual est le commandant suprême en tant que chef de l'État algérien ?

Pour exemple, et sans malheureusement prétendre à l'exhaustivité, je citerai : Omar Belouchet, directeur du journal indépendant francophone El Watan , placé sous contrôle judiciaire parce qu'il dénonce régulièrement la corruption du régime, et notamment celle du ministre de la Santé.

Malika Boussouf, journaliste, condamnée à mort par le FIS, vient d'être condamnée à trois mois de prison avec sursis, pour atteinte à corps constitué. En fait, les autorités algériennes lui reprochent d'avoir déclaré par téléphone au journal italien Il Manifesto que les élections gagnées par le président Zéroual ne s'étaient pas déroulées de manière démocratique, et d'avoir émis des doutes sur l'origine politique de l'assassin d'un ancien ministre. M. Belkaïd, un proche du président assassiné Abou Diaf.

À Constantine, deux journalistes du journal satirique El Mesmar ­ Le clou ­ montrant le président Zéroual boxant sa propre ombre sont placés sous contrôle judiciaire et leur journal suspendu.

Bien d'autres journalistes et démocrates sont à la fois condamnés à mort par le FIS et inquiétés par les autorités algériennes.

Récemment, le président Zéroual aurait déclaré que la « Constitution pluraliste de 1989 est la source de tous les dérapages ». Par ailleurs, le président décide des réformes qui l'autorisent à gouverner sur ordonnance.

Et je ne parle pas du rapport publié par Amnesty international qui est assez éloquent en la matière et qui dénonce plusieurs violations graves des droits de l'homme.

M. le ministre pourrait-il nous expliquer la politique belge, fondements, moyens et objectifs, vis-à-vis de la problématique algérienne et la place des droits de l'homme et de la coopération politique européenne dans l'approche belge ?

M. le ministre peut-il nous décrire la nature du processus démocratique en cours en Algérie qu'il a déclaré vouloir soutenir ?

Que pense M. le ministre des affirmations du Comité belge de solidarité pour la démocratie en Algérie, selon lesquelles « le prétendu processus démocratique mis en place par le pouvoir algérien ne correspond ni avec la réalité des violations des droits démocratiques fondamentaux ni avec les immenses espérances que les élections présidentielles d'octobre dernier avaient fait naître dans la population algérienne ? Non seulement, le terrorisme islamiste continue à ensanglanter le pays, mais le pouvoir en place prend prétexte de cette violence pour imposer la sienne par le contrôle et la manipulation des médias, par une crispation autoritaire face à toute expression critique, par une répression brutale et aveugle des forces de sécurité. Par ailleurs, la dégradation de la situation économique et sociale se traduit par des conditions d'existence de plus en plus dramatiques pour l'immense majorité de la population, alors que, dans le même temps, se développe la richesse insolente d'une nouvelle bourgeoisie liée au pouvoir et profitant abusivement de l'ouverture de l'économie algérienne aux marchés internationaux. »

M. le ministre pourrait-il nous dire ce qu'il pense du Code algérien de la famille, voté en 1984 et toujours d'application, qui fait des femmes algériennes des mineures sous tutelle et que Khalida Messaoudi, une militante algérienne des droits de l'homme, condamnée à mort par le FIS, appelle le Code de l'infamie ?

Beaucoup d'Occidentaux se rapprochent de l'Algérie pour des raisons économiques énergétiques. British Petroleum a signé l'année dernière un contrat de quatre milliards de dollars. Quel est le résultat des rencontres du ministre sur place au point de vue économique ? Où en sont les intérêts des firmes belges ?

M. le ministre a signé un protocole d'accord pour faciliter l'entrée et le séjour de certaines catégories professionnelles. Quelle est son évaluation des risques concernant les activités terroristes et concernant le « rapt » d'enfants de couples mixtes ?

Quelle sont les perspectives de la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne qui doit examiner la possibilité de donner un mandat à la Commission pour engager avec l'Algérie des négociations d'association ?

Si le ministre considère que l'Algérie est un rempart contre l'islamisme soutenu par l'Iran et le Soudan, quelles sont les mesures prises ou qui vont être prises au niveau belge ou européen pour mettre en garde ces pays délinquants ?

Quelle importance accorde le ministre aux partis politiques religieux en Algérie et particulièrement au FIS ?

De Voorzitter. ­ Het woord is aan de heer Bourgeois.

De heer Bourgeois (CVP). ­ Mijnheer de Voorzitter, ik heb nog een paar bedenkingen en vragen, die nog niet door de vorige sprekers werden gesteld of toch niet in dezelfde termen.

De verkiezingen in Algerije gaven de president een legitimiteit. Meer dan 75 pct. van de kiesgerechtigden nam immers deel aan de verkiezingen. De president kreeg 61 pct. van de uitgebrachte stemmen. Na een moeilijke periode is het moment dus gekomen om weer relaties met dit land aan te knopen. Het hervatten van de relaties kwam reeds ter sprake op de Europese Ministerraad van de ministers van Buitenlandse Zaken. Sommige landen hebben reeds onderhandelingen aangevat. België mag hierin niet achterblijven en ik ben er dan ook blij om dat de minister een van de eersten was om die stap te doen.

Tijdens zijn gesprekken in Algerije heeft de minister wellicht kunnen toetsen hoever het staat met het democratiseringsproces. De Algerijnse regering kondigt een grondwetsherziening aan, eventueel gevolgd door een referendum. In 1997 zouden er lokale en parlementsverkiezingen worden uitgeschreven. Meent de minister op basis van de contacten die hij heeft gehad, dat die intentieverklaringen werkelijk zullen worden uitgevoerd ?

In de pers las ik dat de ministers van Buitenlandse Zaken van de Europese Unie midden juni te Luxemburg besprekingen hebben gevoerd over de vraag of het ogenblik rijp is om onderhandelingen aan te knopen met Algerije ter voorbereiding van een associatieverdrag. Met andere Maghreb-landen zijn zulke onderhandelingen reeds aan de gang. Wat is er tijdens die vergadering in Luxemburg beslist ? Wat is de stand van zaken ?

Zoals de andere sprekers druk ook ik mijn bezorgdheid uit over de eerbiediging van de mensenrechten in Algerije. In het jaarrapport 1996 van Amnesty International worden heel wat feiten ten laste gelegd van het FIS. Er wordt ingegaan op de staat van oorlog waarin het land zich feitelijk bevindt, hoewel de regering zegt dat de situatie zich stabiliseert. In het verslag staat echter ook dat er in Algerijnse gevangenissen zeshonderd mensen verblijven die de doodstraf riskeren. Er zouden reeds een honderdtal doodstraffen zijn uitgesproken. Amnesty International beweert ook dat de staatsveiligheid en de politiediensten hardhandig optreden en geweld plegen. De situatie van de vrouwen kwam hier ook al ter sprake. Wij moeten voor al deze punten veel aandacht hebben. Heeft de minister hierover met zijn gesprekspartners kunnen spreken ?

M. le Président. ­ La parole est à M. Derycke, ministre.

M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. ­ Monsieur le Président, je suis reconnaissant aux membres de la commission des Affaires étrangères de l'opportunité qui m'est donnée, ce matin, de débattre avec vous de l'Algérie. L'importance de ce pays dans le contexte géostratégique du bassin méditerranéen n'est plus à démontrer. Avec ses 27 millions d'habitants, sa longue côte méditerranéenne, son influence au sein du monde arabe et africain, ses deux millions de citoyens établis sur le territoire de l'Union européenne, son poids économique et ses liens étroits avec l'Europe, l'Algérie est un pays-clé dans les relations que l'Union européenne tente de nouer avec des partenaires de la Méditerranée du sud. Les trois demandes d'explications qui viennent de m'être adressées prouvent que les membres de cette commission partagent mon sentiment sur ce point.

Mon exposé gravitera autour de trois axes : les raisons de la visite en Algérie et le cadre dans lequel elle s'inscrit; l'analyse de la situation aux points de vue politique, économique, de la sécurité et des droits de l'homme; la politique que nous devrions adopter envers ce pays.

Et tout d'abord, les raisons de cette visite en Algérie. Deux événements survenus ces derniers mois sur la scène politique algérienne permettent d'envisager une solution à la crise dans laquelle le pays est plongé depuis 1991.

Premier événement, les élections présidentielles du 16 novembre où quatre candidats se sont affrontés : le président Zéroual, candidat du pouvoir; M. Saïd Saadi, président du parti RCD, parti laïcisant et républicain ayant une forte assise en Kabylie; M. Nahnah, président du Hamas, parti islamiste modéré, et M. Boukrouh, président du PRA, parti également à connotation islamiste modérée.

Les partis réunis dans le Contrat national signé à San Egidio en janvier 1995 ­ le FIS, le FLN et les socialistes du FFS ­ avaient décidé de ne pas participer aux élections présidentielles et avaient lancé des appels pour boycotter le scrutin.

En outre, les groupes islamistes armés ­ le GIA et l'AIS, armée islamique du salut ­ avaient ouvertement mis en garde la population contre une participation aux élections.

Malgré le boycott des partis du « Contrat national » et malgré les menaces d'attentats terroristes, la population algérienne a participé massivement aux élections présidentielles : plus de 75 pc. des Algériens y ont en effet pris part. Le président Zéroual a recueilli plus de 61 pc. des votes.

Les différents participants, la vaste majorité des médias et la quasi-totalité de la société civile algérienne ont reconnu que les élections s'étaient correctement déroulées; l'Union européenne a fait le même constat. Même les partis réunis dans le front de refus, en premier lieu le FFS et le FLN, ont dû reconnaître la légitimité du président Zéroual.

Le deuxième événement important fut la reprise du dialogue national et la publication, par le président Zéroual, d'un mémorandum contenant des propositions destinées à sauver le pays de la crise politique.

Le 30 mars dernier, le président Zéroual a invité les présidents des partis politiques légaux, l'ensemble de la classe politique algérienne, sauf le FIS qui reste interdit, des personnalités nationales et des représentants des organisations nationales et de la société civile à des concertations bilatérales.

Ces consultations ont duré un mois et ont débouché sur un mémorandum du président, publié le 11 mai dernier et contenant des propositions pour sortir le pays de la crise politique. Tout d'abord, le président propose un certain nombre d'amendements constitutionnels, qui devaient être approuvés par référendum. En outre, il propose l'adoption d'une nouvelle loi sur les partis politiques et d'une nouvelle loi électorale introduisant un système proportionnel. Enfin, et c'est le plus important, il propose ­ je réponds ainsi à M. Bourgeois ­ un calendrier précis pour parachever ce qu'il appelle la réconciliation nationale. Ce calendrier prévoit des élections législatives pour le premier semestre de 1997 et des élections communales pour le deuxième semestre de 1997.

Le contexte politique se prêtait donc à une visite à Alger, d'autant plus que, d'une part, la dernière visite d'un ministre belge en Algérie remontait à l'automne 1991 et que, d'autre part, l'Algérie est en train de mettre en oeuvre un programme ambitieux de réformes économiques visant à libéraliser le système d'économie planifiée, héritée de l'époque « Boumediene ». Les institutions financières internationales avec lesquelles ces réformes ont été préparées ­ le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ­ se montrent satisfaites des résultats obtenus jusqu'à présent.

En outre, le Conseil des ministres de l'Union européenne était appelé à se prononcer, le 10 juin à Luxembourg, sur le mandat à donner à la Commission pour négocier avec l'Algérie un accord d'association de type méditerranéen, semblable aux accords négociés avec le Maroc, Israël et la Tunisie. Avant de marquer mon accord, j'ai voulu me rendre compte sur place des perspectives du processus de démocratisation.

L'Union a d'ailleurs confirmé le mandat en question. Je vous rappelle que nous sommes quinze États à nous préoccuper de cette situation.

Dans l'élaboration du programme de ma visite, j'ai veillé à compléter mes contacts avec les autorités algériennes ­ dont le président, le Premier ministre et mon collègue des Affaires étrangères ­ par des contacts avec les responsables de quelques-uns des principaux partis politiques algériens : le Hamas, le FFS et le FLN. Une rencontre avec Saïd Saadi, président du RCD, n'a malheureusement pas pu être organisée. M. Saadi n'était pas à Alger lors de mon séjour dans la capitale algérienne.

Enfin, précisons encore, quant au déroulement de cette visite, que, tout d'abord, je n'ai pas eu de contacts avec des responsables du FIS. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi j'aurais dû prendre de tels contacts.

En outre, je n'étais pas accompagné d'hommes d'affaires belges. Le but de ma visite n'était pas d'ordre économique et commercial. L'évaluation de l'ensemble de nos relations économiques et commerciales sera la tâche de mon collègue Philippe Maystadt qui se rendra à Alger début 1997 pour y coprésider la réunion de la Commission économique mixte belgo-algérienne.

Je me suis, par contre, entretenu avec certains ministres « économiques » algériens ­ Finances, Industrie, Agriculture ­ pour aborder avec eux l'état de la transformation économique, qui me paraît presque aussi importante pour la stabilité et l'avenir du pays que le processus de démocratisation.

Venons-en maintenant à mon évaluation de la situation politique. Les conclusions que je tire ­ elles rejoignent d'ailleurs celles que j'ai entendues lors du débat au Conseil des ministres de l'Union européenne, le 10 juin ­ peuvent se résumer en quelques points.

Tout d'abord, tous mes interlocuteurs acceptent la légitimité du président Zéroual.

Ensuite, le mémorandum que le président a publié au terme de ses consultations bilatérales avec les partis et les organisations nationales ne fait pas l'unanimité. Il a été sévèrement critiqué. Pourtant, tout le monde ­ je répète, tout le monde, y compris le FFS et le FLN ­ a transmis ses commentaires et suggestions dans les délais fixés. Personne ne claque la porte.

Enfin, le président Zéroual m'a confirmé qu'il respecterait le calendrier qu'il s'est lui-même fixé. Des élections libres, démocratiques et pluralistes auront lieu en Algérie dans le courant du premier trimestre de 1997. Tous les partis pourront y participer, pour autant, d'une part, qu'ils rejettent clairement et publiquement la violence comme moyen politique et, d'autre part, qu'ils respectent le cadre constitutionnel et légal de la République algérienne.

D'après le président, les amendements constitutionnels et les nouveaux textes de loi qu'il propose ne visent pas à hypothéquer le processus de démocratisation, mais à éviter les dérapages que nous avons connus en 1991. Pour le reste, le président demande de pouvoir jouir du bénéfice du doute jusqu'à la mi-1997.

Les critiques, parfois acerbes et violentes, à l'égard de la démarche présidentielle proviennent en premier lieu des partis qui avaient signé le « Contrat national » de San Egidio. Je crois que la violence de leurs critiques est en partie due à une certaine frustration. Ils ont commis une erreur de jugement en refusant de participer au scrutin présidentiel. Ils ont dû revoir leur position pour accepter l'offre du président élu de participer au dialogue national. Vous savez combien la fierté est une caractéristique de la personnalité algérienne. Vous comprenez donc à quel point cette démarche a été frustrante.

Au-delà des critiques sur la démarche présidentielle, j'ai constaté une chose qui me paraît fondamentale. J'ai posé la question suivante à tous mes interlocuteurs : participerez-vous aux élections législatives de 1997 ? Tous, y compris le FFS, m'ont répondu qu'ils comptaient bel et bien participer. Un de mes interlocuteurs m'a dit textuellement : « Plus de politique de la chaise vide. »

S'agissant du FIS, le président Zéroual m'a confié qu'il a essayé, à plusieurs reprises, de convaincre les leaders emprisonnés, Belhadj et Maddani, de renoncer publiquement à la violence et de respecter les bases constitutionnelles et légales de la République algérienne en échange d'une réinsertion dans la vie politique du pays. Ses démarches se sont heurtées à des refus nets. Le président a dès lors décidé de réaliser la processus de démocratisation sans eux.

Une dernière remarque sur la situation politique algérienne. Il existe actuellement 63 partis en Algérie représentant l'ensemble de l'échiquier politique : des partis communistes ou d'extrême gauche à des partis fondamentalistes purs et durs comme le mouvement « Ennahda », qui prône l'instauration « d'un paradis islamique sur terre ». Il existe donc un véritable pluralisme politique. En outre, j'ai été impressionné par la qualité et la richesse du débat politique en Algérie.

Parlons maintenant de la situation économique. Depuis 1994, l'Algérie s'est engagée dans un processus de réformes économiques. Jusqu'à présent, les prescriptions des institutions internationales ont été fidèlement suivies. La cadence des réformes économiques est importante. En deux ans, le Gouvernement algérien a réussi à libéraliser les prix, à une exception près puisque le prix du lait sera libéralisé fin 1996. Il a également libéralisé le commerce extérieur, réduit l'inflation ­ 300 p.c. en 1992, moins de 30 p.c. en 1995 ­, réduit le déficit budgétaire ­ de 7,5 p.c. du PNB à 3,5 p.c. en trois ans ­, libéralisé partiellement le taux de change et relancé la croissance économique. Tout ceci a pu se faire sans confrontations sociales.

La transformation d'une économie à planification centrale en une économie de marché sociale est loin d'être achevée. La privatisation des entreprises industrielles en est à ses débuts. Le nombre de PME reste insuffisant. Les équilibres macro-économiques restent fragiles.

Les autorités algériennes sont conscientes de la nécessité de continuer dans la voie des réformes. Elles se rendent compte que le système économique de Boumediene a grandement contribué aux problèmes actuels de l'Algérie et que la stabilité du pays et le succès du processus de démocratisation dépendent aussi du succès de la transformation économique. N'oublions pas que, chaque année, la population algérienne augmente de 600 000 unités.

Venons-en finalement à la situation sécuritaire et aux droits de l'homme. La situation sécuritaire reste préoccupante. Personne ne l'a caché. Armée et police continuent leur âpre combat contre les GIA et l'AIS.

Sur le terrain, la situation est confuse. Les dirigeants du FIS réfugiés en Europe et aux USA ne semblent plus contrôler les combattants islamiques. Le GIA et l'AIS se combattent et s'entretuent. La violence et la terreur deviennent plus aveugles. La population civile est de plus en plus la cible des combattants islamistes. D'un autre côté, les civils souffrent aussi de la répression antiterroriste.

Le combat entre le GIA et l'AIS semble de plus en plus dégénérer en banditisme et en terrorisme pur. Plusieurs interlocuteurs ­ et pas seulement ceux du « pouvoir » ­ m'ont déclaré ne pas croire en une solution politique englobant les terroristes. Soit ces derniers demanderont à bénéficier de la grâce présidentielle, c'est-à-dire d'une mesure d'amnistie, soit ils devront être éliminés.

Je crois dès lors que l'Algérie continuera à être confrontée à la violence terroriste pendant plusieurs années encore.

En ce qui concerne le respect des droits de l'homme, la situation reste préoccupante, en premier lieu sur le plan sécuritaire. La population civile est devenue la première victime du terrorisme et de la répression antiterroriste.

Certaines catégories sociales paient un lourd tribut. Parmi les journalistes, 45 assassinats ont été recensés depuis 1993. Les étrangers, les avocats, les intellectuels, les magistrats sont également visés. Les détentions sont nombreuses, tout comme les disparitions.

Comme éléments positifs, je voudrais souligner le pluripartisme et la liberté de la presse. En effet, malgré ses problèmes périodiques avec le pouvoir, la presse algérienne est, à mon avis, la plus libre du monde arabe. Il suffit de lire les nombreux journaux francophones algériens pour s'en rendre compte.

Quelle devrait dès lors être notre politique envers l'Algérie ?

Je partage le point de vue de nombreux observateurs et, notamment, celui de Robert Pelletreau, « assistant secretary of State » en charge du Moyen-Orient. Ce dernier estime que depuis les élections présidentielles, « Algeria now confronts a real opportunity for positive change in the direction of greater political stability and economic progress » .

Le président Zéroual me semble avoir la ferme intention de ne pas décevoir le peuple algérien qui attend de lui une issue à la crise politique. J'estime que nous devons lui laisser le bénéfice du doute. Nous devons l'encourager à respecter le calendrier qu'il s'est fixé, c'est-à-dire l'organisation d'élections libres et démocratiques pendant le premier semestre de 1997, avec la participation de toutes les forces politiques du pays qui renoncent à la violence et respectent les bases constitutionnelles et républicaines de l'État algérien.

Par ailleurs, nous devons continuer à encourager les autorités algériennes à poursuivre dans la voie des réformes économiques qui auront malheureusement des conséquences sociales négatives. Le succès de la démocratisation dépendra aussi de la santé de l'économie algérienne.

Finalement, nous devons continuer à attirer l'attention des autorités sur la nécessité d'un meilleur respect des droits de l'homme dans toutes ses dimensions, c'est-à-dire sur le plan sécuritaire, de la libre expression, de la liberté de la presse.

La politique de la Belgique envers l'Algérie et envers le président Zéroual est dès lors encourageante et constructive, tout en restant vigilante. Cette attitude est partagée par mes collègues des Quinze, ainsi que par les USA. Je crois qu'actuellement, elle est la seule correcte.

Avant de terminer, je voudrais m'exprimer brièvement sur deux éléments mentionnés dans les demandes d'explications.

Le premier point concerne le « Code de la famille » que Mme Milquet a mentionné. Ce texte de loi algérien, qui date de l'époque Chadli, est foncièrement discriminatoire pour les femmes. La Belgique a, à plusieurs reprises, abordé ce problème avec les autorités algériennes. Notre population est préoccupée par cette discrimination flagrante. Avant-hier, j'ai encore reçu une pétition de 5 000 signatures à mon cabinet demandant à la Belgique de condamner ce code, ce à quoi nous nous attachons. Nous continuerons à plaider pour une révision du Code de la famille. J'espère qu'une majorité parlementaire se dégagera en faveur de son amendement après les élections de 1997. Je reste néanmoins sceptique quant à la volonté de la classe politique algérienne de s'atteler à cette besogne. Même des partis laïcisants, comme le FFS et le RCD, ne me semblent pas disposés à prendre position sur ce dossier.

Ma deuxième et dernière remarque concerne la coopération au développement. Celle-ci a été interrompue pendant plus de deux ans pour des raisons de sécurité. En début d'année, la coopération avec l'Algérie a été relancée. Nous assistons maintenant à la mise en oeuvre du programme 1994-1996, qui a été négocié en 1993. La somme citée par M. Destexhe se répartit donc sur trois ans.

M. le Président. ­ La parole est à Mme Mayence.

Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je ne suis pas étonnée que M. le ministre se soit employé à renouer les liens avec l'Algérie étant donné que, dans le passé, M. Claes a joué un rôle important dans les relations belgo-algériennes.

Je ne puis donc que vous encourager, monsieur le ministre, à soutenir, au nom de l'Union européenne et de la Belgique en particulier, tous les efforts de démocratisation et de libéralisation de l'économie en Algérie.

Vous dites que les représentants du FIS, qui ont été appelés au dialogue et invités à renoncer à la violence, ont exprimé un refus catégorique à cet égard. Le ver reste donc dans le fruit puisqu'ils sont à l'origine du problème.

Ils n'ont pas vraiment de raisons politiques de se rebeller. Un précédent gouvernement pouvait en effet davantage inciter à la violence, étant donné que les développements que vous avez relatés n'avaient pas encore eu lieu.

Par ailleurs, sur le plan idéologique, rien n'est résolu. Avez-vous l'impression que, face au président Zéroual, ils seraient un peu plus modérés que ce ne fut le cas dans le passé ?

En fait, sur le plan tant de la sécurité à l'intérieur des frontières que des investissements envisagés par d'autres pays, des problèmes importants subsistent. Nous ne sommes nullement rassurés, mais nous osons croire que votre présence et l'action de l'Union européenne peuvent contribuer à faire évoluer la situation dans un sens favorable.

Lorsque vous êtes allé sur place, monsieur le ministre, avez-vous eu le sentiment d'une modération dans les comportements ou dans l'évolution de la situation politique par rapport aux événements récents ?

M. le Président. ­ La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le Président, je tiens à ajouter que notre groupe souhaite soutenir la démarche du ministre et sa volonté de la répercuter auprès des Quinze. C'est dans cette voie que la Belgique pourra, plus efficacement peut-être que si elle était un grand pays comme la France, jouer un rôle décisif sur le plan de la stabilité en Méditerranée.

On entend de grands discours sur la politique méditerranéenne, mais je tiens aujourd'hui à apporter au ministre le soutien total de notre groupe à propos du rôle qu'il a joué au sujet de ce point-clé de la stabilité en Méditerranée.

Nous n'acceptons pas la mise sur le même pied de la violence islamiste intégriste et la réponse de sécurité.

Bien entendu, la question des droits de l'homme dans la pratique de la répression du terrorisme doit être mise clairement au point. Je suggère au ministre, s'il en a l'occasion, de visiter un observatoire des droits de l'homme situé à Alger ­ où j'ai encore pris part à une réunion avant-hier ­ et que nous venons de faire reconnaître au Centre des droits de l'homme de Genève. En effet, nous considérons comme essentiel d'empêcher que des crimes intégristes soient commis contre les femmes, les journalistes et les intellectuels. Mais cela ne peut se faire sans tenir compte d'un certain type de comportement dans les prisons. Les instances appropriées existent en Algérie et nous pouvons les renforcer.

Je reviendrai sur trois points auxquels j'estime que le ministre n'a pas répondu en détail. Nous devons être objectifs à l'égard de l'Algérie. Il existe au sein de la population non pas un soutien au terrorisme et à l'intégrisme ­ à ce point de vue les choses ont changé ­ mais une volonté de l'existence, sur la scène politique, d'un parti lié à une option religieuse. La personne en question que vous avez citée, M. Nahnah, doit venir en Belgique. Comment envisagez-vous cette visite, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne le Code de la famille, vous avez dit exercer des pressions systématiques pour qu'un pays aussi important que l'Algérie en Méditerranée opte au moins pour l'orientation du code personnel tunisien. Mais alors, restons logiques ! Que faisons-nous en ce qui concerne le Koweït ou l'Arabie Saoudite ?

Je puis vous donner une conférence à propos des législations sur l'égalité entre hommes et femmes dans ces pays, monsieur le ministre ! Se pose-t-on seulement la question ? Nous intervenons pour deux ou trois articles significatifs du Code de la famille ­ et c'est notre devoir ­ mais que font nos ministres quand ils se rendent en Iran où une fatwa vient d'interdire l'usage de la bicyclette aux femmes ? Soyons clairs sur notre comportement diplomatique à l'égard des pays étrangers. Je pense que la question n'est ni adaptable ni modulable selon l'interlocuteur. Si, en Belgique, l'on considère ­ et je le souhaite ­ que les droits de l'homme doivent être étendus aux droits des femmes, ce raisonnement doit être appliqué partout, sans se limiter au Code de la famille ! De ce point de vue, je suis très heureuse du contact pris avec le ministre à propos des pétitions. Nous continuerons à nous rendre à Alger pour poursuivre dans ce sens et insister pour qu'on nous écoute.

J'en reviens au terrorisme, point sur lequel le ministre n'a pas répondu non plus. À cet égard, nous souhaitons un renforcement de la lutte antiterroriste et, plus particulièrement, des liens entre nos équipes et le travail accompli en Algérie et dans les pays voisins dont le Maroc que je cite désormais, explicitement.

Cet après-midi, j'interpellerai votre collègue de la Justice sur le fait que la Hollande a libéré, sans autre forme de procès, une personne dont on peut supposer qu'elle représente la connexion en matière de transits financiers vers le GIA et qui peut menacer physiquement un certain nombre de nos responsables de la lutte antiterroriste. À nos yeux, la collaboration précitée doit donc être développée et intensifiée. Certes, des progrès ont déjà été réalisés, mais ils peuvent encore être approfondis. En matière de lutte antiterroriste et en ce qui concerne la connexion avec l'Algérie, la Belgique peut assurer un rôle plus important à l'intérieur des Quinze. En tout cas, c'est ce que nous souhaitons.

M. le Président. ­ La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le ministre, je suis d'accord avec Mme Lizin : vous répondez très bien sur les points généraux mais très mal, excusez-moi, sur les points particuliers. Je n'insisterai pas sur la coopération que vous avez tout juste mentionnée. Ma demande d'explications s'adressait en effet également au secrétaire d'État à la Coopération au Développement.

M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. ­ Je ne suis plus responsable de la coopération. J'ai dit que le programme s'étendait sur trois ans et que M. Moreels a l'intention de recommencer la coopération avec l'Algérie. Pour plus de détails, il faudra vous adresser à M. Moreels.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Mais je m'adressais à lui dans ma demande d'explications. Monsieur le Président, je pensais que M. Derycke répondait également au nom de son collègue.

De Voorzitter. ­ Mijnheer de minister, ik maak u er opmerkzaam op dat u hier bent namens de Regering.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ N'en faisons pas un incident.

Monsieur le ministre, à deux reprises vous-même et Mme Lizin avez parlé d'une pétition totalisant 15 000 signatures, pétition à laquelle vous voulez donner suite. J'espère que dans la discussion suivante, vous aurez à coeur de donner suite à une pétition de 200 000 signatures sur le Rwanda, que vous y donnerez la même réponse positive.

M. le Président. ­ La parole est à Mme Milquet.

Mme Milquet (PSC). ­ Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la réponse du ministre. Il est exact qu'en raison du multipartisme, le débat politique renaît et que donc cette première phase apparente de la démocratie est respectée.

Vous avez accepté de reconnaître, monsieur le ministre, que tout ce qui fait la deuxième caractéristique d'une démocratie ­ respect des droits de l'homme, procédures judiciaires correctes, liberté de la presse ­ fait défaut.

Cependant, puisque vous estimez qu'il faut aider l'Algérie à poursuivre ce processus de démocratisation, j'aimerais que vous nous disiez si le président Zéroual a pris des engagements. Bien sûr le mémorandum existe, mais il concerne la première phase de la démocratie. Je m'interroge quant à la deuxième phase, quant au respect des droits de l'homme. Des engagements ont-ils été pris à ce sujet dans le cadre de votre discussion, une volonté a-t-elle été manifestée en termes d'amélioration des pratiques policières, judiciaires, de refus des pratiques extra-judiciaires, de respect de la liberté d'opinion, etc. ? Avez-vous pu obtenir certains engagements, certains éléments ? À moins que l'on ait fait le black-out ou que l'on n'ait pas parlé de ces questions.

Enfin, j'aimerais savoir dans quelle mesure nous pouvons conditionner à la fois la coopération et l'aide que la Belgique octroie à l'Algérie à certaines obligations que nous imposerions dans ces fameuses négociations d'association dont vous avez justement discuté récemment au niveau de l'Union européenne, dans le but de faire avancer les choses et d'exercer une pression. En effet, les pressions diplomatiques ne sont pas les seules possibles, il y a aussi des conditions quasi juridiques. J'aimerais savoir quelle est votre option et quelle est votre opinion à cet égard.

M. le Président. ­ La parole est à M. Derycke, ministre.

M. Derycke, ministre des Affaires étrangères.- Monsieur le Président, je voudrais dire à Mme Mayence qu'elle a raison. En effet, ce ne sera pas une mince affaire, dans le délai d'un an qui nous sépare de la mi-1997, de trouver des solutions suffisantes sur le plan économique, sur le plan sécuritaire et sur le plan de la démocratisation. Il faudra non seulement beaucoup de courage mais aussi une réelle coopération de l'opinion publique. Aucun processus de démocratisation n'est jamais garanti d'avance. Je crois que la Belgique, en tant que membre de l'Union des Quinze, a jugé que le moment était venu d'intervenir et d'apporter son aide. Il n'existe pas d'autre possibilité.

À la suite des divers contacts que j'ai eus avec le FLN, le FFS et le Hamas, j'ai le sentiment que le président compte sur le fait que le Hamas aurait la possibilité de récupérer les voix du FIS. Je crois que ce dernier se marginalise en raison précisément de l'action des terroristes islamistes qui visent la population civile.

Le deuxième élément découle de ce qui précéde. La lutte âpre qui se déroule entre les services de sécurité, les GIA, et l'AIS continuera encore un certain temps. À mon sens, elle ne prendra pas fin après les élections.

Comme Mme Lizin l'a souligné, l'Europe tente de régler ses relations politiques, économiques et sociaux avec les pays méditerranéens. Nous pratiquons le concept d'un renforcement des relations bilatérales de l'Union avec chacun des pays méditerranéens, d'une part, et de l'élaboration d'un processus de coopération multilatéral, d'autre part. Je crois que ce concept est bon.

Il n'a pas été simple de conclure l'accord d'association avec le Maroc. On ne peut en effet pas dire que ce pays soit tout à fait démocratique.

Dès lors, durant les pourparlers avec l'Algérie, l'Union des Quinze devra accorder une attention particulière aux pratiques démocratiques et aux droits de l'homme. Elle devra notamment essayer d'introduire ses idées dans le domaine de la politique à l'égard des femmes.

Je partage l'avis de Mme Lizin lorsqu'elle dit que nous devons veiller à éviter toute attitude discriminatoire à l'égard des Algériens. Nous ne devons pas insister sur la situation en Algérie et nous taire sur celle du Koweït ou de l'Iran, pays avec lesquels nous entretenons d'importantes relations commerciales. Notre approche des problèmes dans les différents pays arabes ne doit donc pas être trop différenciée. Le travail est néanmoins très difficile car les questions de culture sont très vite abordées; le Coran faisant barrage à toute discussion. Le débat n'est donc pas simple.

J'en viens à la problématique de la coopération dans le cadre de la lutte antiterroriste. Je crois que tous les intervenants ont raison. Pour les Quinze de l'Union européenne, il est déjà très difficile d'y parvenir. Le Sommet de Florence vient de faire un pas important en admettant Europol. Grâce à sa structure, Europol nous donnera plus de possibilités pour coordonner nos efforts. Vous avez fait référence aux Pays-Bas, mais d'autres pays font aussi exception à la règle, ce qui rend non seulement notre vie très difficile, mais aussi celle des Algériens, des Marocains, des Tunisiens et des habitants de tous les pays arabes en général. Il s'agit donc d'un élément très important.

À côté des problèmes politiques et économiques que nous essayons de régler grâce à la politique méditerranéenne de l'Union, nous devons aussi nous préoccuper de la lutte antiterroriste car il est évident que nous ne pouvons exiger des autres ce que nous n'arrivons pas à réaliser nous-mêmes.

Nous avons, bien entendu, parlé des droits de l'homme. Le président Zéroual a d'ailleurs clairement déclaré que la démocratisation et le respect des droits de l'homme devaient aller de pair. J'ai été très honnête avec vous en admettant que nous n'en n'avions pas encore fini avec cette question. Aussi longtemps que les GIA et l'AIS ne sont pas sous contrôle, nous aurons des problèmes à cet égard. Les Algériens ne le cachent d'ailleurs pas. Même si cette situation ne nous convient pas particulièrement, c'est cependant la réalité.

M. le Président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique de la commission des Affaires étrangères est ainsi épuisé.

De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Buitenlandse Aangelegenheden is afgewerkt.

La séance est levée.

De vergadering is gesloten.

(La séance est levée à 11 h 15 m.)

(De vergadering wordt gesloten om 11 h 15 m.)