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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU MERCREDI 12 JUILLET 1995

VERGADERING VAN WOENSDAG 8 JULI 1995

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE M. MONFILS AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR « LES RÉCENTES DÉCLARATIONS DU GOUVERNEUR DU BRABANT FLAMAND SUR LES FRANCOPHONES ET L'AVENIR INSTITUTIONNEL DU PAYS »

QUESTION ORALE DE MME MILQUET AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR « LES RÉCENTES DÉCLARATIONS DU GOUVERNEUR DU BRABANT FLAMAND AU SUJET DES FACILITÉS OCTROYÉES À DES COMMUNES DE LA PÉRIPHÉRIE BRUXELLOISE »

MONDELINGE VRAAG VAN DE HEER MONFILS AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN BINNENLANDSE ZAKEN OVER « DE RECENTE VERKLARINGEN VAN DE GOUVERNEUR VAN VLAAMS-BRABANT OVER DE FRANSTALIGEN EN DE INSTITUTIONELE TOEKOMST VAN HET LAND »

MONDELINGE VRAAG VAN MEVROUW MILQUET AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN BINNENLANDSE ZAKEN OVER « DE RECENTE VERKLARINGEN VAN DE GOUVERNEUR VAN VLAAMS-BRABANT OVER DE FACILITEITEN VOOR DE BRUSSELSE RANDGEMEENTEN »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle les questions orales de M. Monfils et Mme Milquet, qui n'ont pu être posées tout à l'heure.

Il ressort des renseignements que j'ai pu recueillir que le ministre de l'Intérieur s'est fait excuser pour raison de séjour à l'étranger. Il a donc demandé à M. Peeters, secrétaire d'État, de bien vouloir le représenter aujourd'hui afin de répondre aux questions qui lui étaient adressées.

Le motif invoqué par M. Vande Lanotte pour justifier son absence me paraît tout à fait légitime.

La parole est à M. Monfils.

M. Monfils (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, j'estime que ce motif n'est pas acceptable. La Chambre des représentants est seule compétente en certaines matières et, en d'autres, elle l'est concurremment avec le Sénat, où des demandes d'explications et des questions orales peuvent notamment être développées.

Or, je constate que la Chambre a terminé ses travaux pour cette session et ne les reprendra pas avant le mois de septembre. Par conséquent, la question politique qui devait être débattue aujourd'hui ne pouvait l'être qu'au Sénat. Il était donc impératif que le ministre responsable soit présent en cette enceinte afin d'apporter une réponse à une question qui intéresse particulièrement les citoyens, si j'en juge par l'ampleur qu'elle a prise tant dans la presse écrite qu'à la radio et à la télévision, de chaque côté de la frontière linguistique.

Selon moi, cette attitude est tout à fait irresponsable puisqu'on empêche le déroulement d'un véritable débat au sein de la seule assemblée parlementaire qui est encore en mesure de le mener.

Par conséquent, l'absence de M. Vande Lanotte dénote une grande légèreté sur le plan politique. Par ailleurs, si le Premier ministre est, comme il l'a dit lui-même, un homme de bonne éducation, j'estime que M. Vande Lanotte ne fait pas preuve de la même distinction, et qu'en outre, il affiche même un certain mépris à l'égard de l'institution parlementaire. Cela me paraît scandaleux !

De Voorzitter. ­ Het woord is aan de heer Erdman.

De heer Erdman (SP). ­ Mijnheer de Voorzitter, ik betreur het dat de heer Monfils deze woorden niet heeft uitgesproken in tegenwoordigheid van de Eerste minister. Het was eenvoudiger geweest een evaluatie te maken van de beleefdheid van de leden van de Regering in aanwezigheid van het hoofd van de Regering.

Het is altijd de traditie geweest dat mondelinge vragen werden beantwoord door een lid van de Regering. De minister van Binnenlandse Zaken kon vandaag niet aanwezig zijn. Ofwel aanvaarden de heer Monfils en mevrouw Milquet dat hun vragen worden beantwoord door een ander lid van de Regering, ofwel moeten de vragen op een latere datum worden gesteld.

M. le Président. ­ Chers collègues, comme je l'ai déjà indiqué, j'estime que le Sénat est en droit de demander la présence d'un ministre responsable et qu'il faut à tout prix éviter ce que nous avons connu dans le passé, à savoir qu'un seul ministre répondait au nom de ses collègues à toutes les questions posées. Nous sommes donc d'accord sur ce point.

Par ailleurs, nous devons être raisonnables et accepter l'absence d'un ministre lorsque les raisons invoquées, en l'occurrence un voyage à l'étranger, sont légitimes.

Dès lors, monsieur Monfils, comme l'a dit M. Erdman, vous avez le choix : soit vous posez votre question et le Gouvernement, dûment représenté, y répond, soit nous postposons la question, mais cette seconde solution me semble peu adéquate.

La parole est à M. Monfils.

M. Monfils (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je m'adresserai donc au remplaçant du ministre de l'Intérieur, lequel est absent pour je ne sais quelles raisons.

Le gouverneur du Brabant flamand a tenu ce dimanche, par voie de presse, des propos inacceptables sur les francophones et l'avenir institutionnel du pays. Il a prôné la suppression à moyen terme des facilités linguistiques. Il a soutenu la fédéralisation de la sécurité sociale. Il a critiqué le dépôt, aux dernières élections, de listes francophones en Flandre, assimilant d'ailleurs les francophones de ces listes aux Marocains de Bruxelles...

Ces propos outranciers ont été tenus par un gouverneur de province lequel est, aux termes même de l'article 124 de la loi provinciale, un représentant de l'État, chargé, au surplus, dans la province, de l'exécution des lois, décrets et arrêtés d'administration générale.

Il est manifeste que, par ses déclarations publiques, il est sorti de son rôle, puisqu'il a même critiqué l'application de lois en vigueur, comme la loi électorale ou celle relative au régime linguistique.

M. le ministre de l'Intérieur couvre-t-il les propos de son gouverneur ? Dans le cas contraire, ne compte-t-il pas prendre une sanction à l'encontre de ce fonctionnaire qui a enfreint le devoir de réserve, ignoré le contenu et les limites de ses compétences et remplacé la traditionnelle objectivité de ce type de fonction par la pure agression linguistique ?

M. le Président. ­ La parole est à Mme Milquet pour poser sa question.

Mme Milquet (PSC). ­ Monsieur le Président, m'étonnant du fait que le gouverneur du Brabant flamand, soumis pourtant aux obligations de réserve que lui impose sa fonction, ait tenu un discours de type exclusivement politique et inacceptable pour les francophones en exigeant la suppression des facilités octroyées aux communes de la périphérie bruxelloise, visées à l'article 129 de la Constitution, je me permets d'interroger le ministre de l'Intérieur sur les mesures qu'il compte prendre pour sanctionner ce comportement et éviter à l'avenir de tels débordements contraires à la stabilité de notre État.

M. le Président. ­ La parole est à M. Peeters, secrétaire d'État, qui répond donc en lieu et place de M. Vande Lanotte, ministre de l'Intérieur.

M. Peeters, secrétaire d'État à la Sécurité, adjoint au ministre de l'Intérieur, et secrétaire d'État à l'Intégration sociale et à l'Environnement, adjoint au ministre de la Santé publique. ­ Je crois devoir rappeler aux honorables membres que la fonction de gouverneur de province comporte deux aspects. D'une part, le gouverneur exerce une fonction de déconcentration et agit en tant que représentant dans la province des autorités fédérales, communautaires ou régionales. D'autre part, en tant que président de la Députation permanente, il participe aux prises de décision dans les matières d'intérêt provincial. En effet, selon les articles 104 et 190 de la loi provinciale, il a voix délibérative en la matière.

Dans le cadre de ces matières d'intérêt provincial, la Députation permanente du Brabant flamand a fixé, dans un mémorandum, les grands axes de sa politique à venir et a notamment déterminé le type de relations qu'elle compte entretenir, tant avec la Région flamande qu'avec la Région de Bruxelles-Capitale, mais aussi avec la population qui vit sur son territoire. Ces options ont fait l'objet d'un débat contradictoire et démocratique au sein du conseil provincial du Brabant flamand.

Le gouverneur, qui s'est exprimé exclusivement en tant que président de la Députation permanente, a reproduit des propos qui avaient été débattus au sein des deux organes provinciaux.

M. le Président. ­ La parole est à M. Monfils pour une réplique.

M. Monfils (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je suis absolument atterré par la réponse du représentant du ministre. Pour la première fois, j'entends qu'un gouverneur de province scinde, en quelque sorte, sa fonction. En effet, nous savons qu'il représente la province et qu'en même temps, il préside la Députation. En l'occurrence, il aurait donc émis des propos en tant que représentant politique puisque, par définition, une députation permanente est composée de tels représentants.

Il est évidemment inacceptable de séparer les fonctions de gouverneur, d'une part, comme représentant de l'État fédéral et, d'autre part, comme président de la Députation permanente, qui ne prend évidemment aucune responsabilité dans les votes majoritaires émis au sein des conseils provinciaux, lesquels doivent contrôler et approuver la politique de la Députation.

En fait, il s'agit ici d'un dérapage pur et simple d'un haut fonctionnaire de l'État fédéral. L'absence de M. Vande Lanotte s'explique très simplement. En refusant de prendre des sanctions à l'encontre de ce fonctionnaire, il se conduit comme un ministre du Gouvernement flamand et non comme un ministre du Gouvernement fédéral, ce qui est tout à fait inacceptable.

Je me souviens des éclats passionnés qui ont retenti dans cette enceinte lorsque certains sénateurs de la précédente législature parlaient de loyauté fédérale et de l'application de l'article 143 de la Constitution. La Bundestreue commence mal. L'encre de l'accord est à peine sèche que l'on réclame déjà d'autres avancées. Ces exigences n'émanent pas d'un Gouvernement flamand, qui peut évidemment dire ce qu'il veut, mais bien d'un haut fonctionnaire de l'État.

Les parlementaires sont déjà critiqués, chacun le sait. La justice est également mise en accusation; on l'a vu ces derniers temps. Voilà maintenant que les hauts fonctionnaires de l'État fédéral relaient les thèses les plus extrêmes, en contravention complète avec les lois qu'ils sont chargés de faire appliquer. C'est inadmissible. Jusqu'où ira la désagrégation de cet État ?

Pour conclure, je vous dirai que jamais les francophones n'accepteront les diktats flamands qui sont relayés par le représentant du Gouvernement fédéral qu'est le gouverneur de la province du Brabant flamand. C'est très clair. Même le chantage financier au refinancement de la Communauté française ne marchera pas, et je compte bien sur les partis francophones de la majorité pour soutenir ce point de vue et faire bloc contre les nouvelles exigences flamandes. Pas question d'abandonner la périphérie pour permettre de réaliser le souhait de certains membres du Gouvernement, à savoir une sorte de purification ethnico-linguistique. Cela ne sera pas. C'est une question d'honneur et de dignité pour les francophones.

M. le Président. ­ La parole est à Mme Milquet pour une réplique.

Mme Milquet (PSC). ­ Monsieur le Président, je partage tout à fait l'interprétation de M. Monfils. Je trouve que l'explication que l'on nous donne est un alibi un peu facile.

Certes, le gouverneur est président de la Députation permanente, mais les compétences de cette dernière se limitent aux matières d'intérêt provincial. Le régime linguistique des communes à facilités appartient à une tout autre sphère de compétences. L'explication est donc un peu simple. Que le gouverneur s'exprime politiquement dans le cadre de sa sphère de pouvoir sur des matières dont il a la compétence est normal. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de matières qui sortent tout à fait de cette sphère de compétences.

Par ailleurs, il s'est exprimé dans le cadre d'une manifestation officielle, et je crois justement qu'en raison de cette double casquette, le devoir de réserve s'imposait à ce fonctionnaire, puisque le statut est quasiment identique, de l'État fédéral.

L'explication qui nous est donnée n'en est pas une. Les propos restent inacceptables et démontrent en tout cas un véritable débordement de compétences.

M. le Président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.