Musées fédéraux et établissements scientifiques fédéraux (ESF) - Rapport de la Cour des comptes - Prêt d'œuvres d'art et de collections - Litiges - Récupération d'œuvres
musée
Cour des comptes (Belgique)
oeuvre d'art
propriété publique
patrimoine culturel
prêt
établissements scientifiques et culturels fédéraux
14/10/2019 | Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/11/2019) |
20/12/2019 | Réponse |
Dans notre pays, les autorités fédérales ont encore la responsabilité de beaucoup de collections splendides dans différents musées, comme le Musée d'Art et d'Histoire, le Musée royal d'Afrique centrale et les musées des beaux-arts. Étant donné que, dans certains musées, 80 % des collections ont été versées aux archives ou mises en dépôt, un suivi permanent s'impose.
Le récent rapport de la Cour des comptes «Patrimoine culturel et scientifique de l'État fédéral» soulève nombre de questions.
Ces questions portent entre autres sur l'organisation passée des prêts et la manière de récupérer ensuite les objets.
Le passage suivant identifie une gestion inadéquate par le passé: «Les prêts à long terme accordés dans le passé posent problème en raison d'une documentation insuffisante (ou perdue). Les établissements scientifiques fédéraux (ESF) n'ont pas un aperçu complet des pièces qui se trouvent chez des tiers. Par ailleurs, des prêts reçus de tiers ont parfois été repris à tort dans l'inventaire comme appartenant à l'ESF. Les ESF s'efforcent de faire le relevé des dépôts (de longue date) et de conclure de nouveaux contrats. Les contrats doivent non seulement être rédigés correctement, mais aussi empêcher toute interprétation. Par exemple, la BRB se demande si ce qui était un dépôt à l'origine n'a pas ensuite été converti en donation.»
La Cour des comptes se montre plus positive à l'égard de la gestion actuelle: «La plupart des ESF ont désormais élaboré des procédures assurant qu'un objet ne puisse plus quitter l'établissement sans une convention, les documents nécessaires au transport, l'assurance et la description de l'état.»
Quant aux prêts, la secrétaire d'État qui était à l'époque compétente a évoqué, dans l'annexe au rapport, le dossier de Seneffe. Selon elle, il n'a pas été possible de concilier la reconnaissance du droit de propriété des autorités fédérales et la durée du prêt.
Caractère transversal de la question: il s'agit d'une matière transversale communautaire (culture et médias). La protection de notre patrimoine culturel est une compétence partagée: les autorités fédérales sont chargées des musées et des établissements scientifiques fédéraux, ainsi que du patrimoine qu'ils abritent.
Dans ce contexte, voici mes questions à la ministre:
1) En votre qualité de responsable politique actuelle, comment réagissez-vous au passage suivant du rapport de la Cour des comptes: «Les ESF s'efforcent de faire le relevé des dépôts (de longue date) et de conclure de nouveaux contrats. Les contrats doivent non seulement être rédigés correctement, mais aussi empêcher toute interprétation. Par exemple, la BRB se demande si ce qui était un dépôt à l'origine n'a pas ensuite été converti en donation.»?
2) En votre qualité de responsable politique actuelle, comment réagissez-vous au passage suivant du rapport de la Cour des comptes: «Les prêts à long terme accordés dans le passé posent problème en raison d'une documentation insuffisante (ou perdue).»?
3) De quelles œuvres et collections d'art appartenant au patrimoine de l'État fédéral la propriété est-elle contestée? Quel est le nombre de pièces en cause? Pouvez-vous préciser concrètement?
4) Pour quelles œuvres et collections d'art relevant du patrimoine de l'État fédéral se demande-t-on (du côté de l'institution réceptrice ou des autorités) si ce qui était un dépôt à l'origine n'a pas ensuite été converti en donation? De quelles œuvres s'agit-il?
5) Quelles œuvres et collections d'art appartenant au patrimoine de l'État fédéral ont-elles été prêtées pour une durée indéterminée? Quel est le nombre de pièces en cause? Pouvez-vous préciser concrètement?
6) En ce qui concerne plus spécifiquement le dossier de Seneffe, pouvez-vous indiquer où cette collection se trouve aujourd'hui, d'où elle provient, et les éléments non encore élucidés (propriété, durée du prêt, restitution de la collection, etc.)? Avec-qui négociez-vous? Qu'avez-vous fait et que faites-vous pour débloquer ce dossier? Pouvez-vous détailler? Pouvez-vous préciser le calendrier et le contenu?
7) Pouvez-vous indiquer en détail les pièces qui font partie du dossier de Seneffe? Quelle est l'origine de la collection? Connaît-on des dossiers comparables (en ampleur et en valeur) où la propriété des objets prêtés est disputée? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser?
1) Les éléments soulignés par la Cour des comptes sont riches d’enseignements. Toutefois à décharge des Établissements scientifiques fédéraux, il faut rappeler qu’une partie des éléments mis en avant par la Cour des comptes découle de la gestion passée des ESF. Dans le passé, l’enregistrement des œuvres d’art dans les collections ne s’effectuait pas toujours avec autant de soin et de précision qu’aujourd’hui, c'est la raison pour laquelle il peut être compliqué (comme le souligne d’ailleurs la cour des comptes) d’avoir une vue exacte et précise des prêts à long terme accordés dans le passé. Néanmoins, les choses changent. Ainsi, le travail d’inventaire et de numérisation des collections mené actuellement par les ESF, grâce notamment au soutien des Programmes DIGIT 03 et 04, devrait permettre de disposer à l’avenir d’une information plus complète et détaillée. De plus, la plupart des ESF ont mis en place des procédures particulières d’enregistrement des collections et de prêt afin qu’un objet ne puisse plus désormais quitter un ESF sans une convention de prêt spécifique. On tend donc indéniablement vers une meilleure gestion des collections et des prêts.
2) Comme je l’ai indiqué, le rapport de la Cour des comptes est riche d’enseignements et a comme intérêt d’attirer notre attention sur certains problèmes dont la question de la documentation des prêts de long terme. C’est un problème qui demande d’être traité au mieux tenant compte des contraintes. À cet égard, il n’est pas toujours aisé pour les ESF de reconstituer, dans certains cas, l’historique de certains prêts car on déplore des cas où aucun contrat de prêt n’avait été rédigé ou aucune liste exhaustive des pièces prêtées conservée. Cela complique la régularisation de cette situation. De plus, compte tenu de la taille de certaines collections, le travail peut s’avérer très important. Néanmoins dans un souci d’une gestion plus efficiente des collections nourrie par le processus de digitalisation des collections, les ESF veillent à reconstituer au mieux les historiques relatifs aux prêts effectués dans le passé.
3) Il y a peu de contestations concernant le droit de propriété d'œuvres d'art ou de collections d'œuvres d'art concernant les collections de l'État fédéral. Actuellement, aucune procédure judiciaire en la matière n’est pendante. Néanmoins, comme vous l’évoquez dans votre question, le droit de propriété d’une collection d’argenterie des MRAH qui se trouve au musée de Seneffe est en effet contesté par la Communauté française sans pour autant que cela ait entraîné un litige judiciaire. Pour de plus amples explications sur cette collection, je vous renvoie à ma réponse aux points 6 et 7 de votre question.
4) Le problème n’est pas tant l’existence de doutes quant au fait que des dépôts d'œuvres d’art auraient été convertis en dons. Dans la mesure où les dépôts s’appuient sur un contrat, il peut seulement être question de transposition s’il existe un écrit qui démontre clairement que le déposant fait don au musée de ses pièces données en dépôt. Il est vrai qu’au XIXe siècle surtout, sur le plan archéologique, des objets ont été placés dans les musées sans que la nature juridique de ce placement ne soit évidente. Cela est dû à la grande interdépendance des musées avec les associations archéologiques qui organisaient les fouilles. Plusieurs membres de ces associations étaient également des collaborateurs des musées concernés, entraînant ainsi l’absence de distinction entre les deux et de rédaction de document de cession.
5) Il est impossible de donner un aperçu exhaustif et détaillé de toutes les pièces de collection qui ont été données en prêt pour une durée indéterminée. On peut à titre d’exemple renvoyer aux MRAH. Cet établissement a déjà prêté près de 8000 objets à 175 organismes (souvent d’autres services publics fédéraux).
6) Actuellement, le Château de Seneffe héberge 11 objets (argenterie XVIIIe siècle) des collections des MRAH (collection d’argenterie Communauté française).
Tous sont des donations de Pierre Solvay aux MRAH effectuées à divers moments (1969, 1972, 1979, 1980). Ils ont tous été réceptionnés par René De Roo, conservateur en chef des MRAH. Ce dernier les a ensuite presque immédiatement transmis à titre de « prêt permanent » à Claude d’Allemagne (collectionneur, antiquaire et gestionnaire de la collection de Seneffe). L’information a été corroborée par un document d’archives écrit. En 1978, Claude d’Allemagne a « fait donation » de sa collection personnelle d’argenterie à la Communauté française, y compris l’argenterie du XVIIIe siècle des MRAH. Depuis la découverte de ce prêt permanent en 2012, sur la base de documents d’archives, plusieurs contacts ont été pris avec la Communauté française, sans résultat à ce jour. La Communauté française refuse de restituer la collection aux MRAH.
7) Il s'agit des objets suivants :
· 1-2 - Paire de flambeaux dits ‘à la financière’ – Inv. NIG 2013.009.004 (année 1687)
· 3 - cafetière tripode – Inv. NIG 2013 009 003
· 4 - horloge de carrosse – Inv. NIG 2013 009 001
· 5 - chope à bière – Inv. NIG 2013.009.002
· 6-9 - ensemble de quatre bras de lumière – Inv. NIG 2013 009 005 (année 1670)
· 10-11 - paire de chandeliers en argent (année 1693) – Inv. AG 129 et AG 130
Ces numéros d’inventaire renvoient aux numéros qui ont été attribués à l’époque aux pièces par les MRAH. Seneffe utilise ses propres numéros pour ces objets.
La collection d’argenterie de la Communauté française qui se trouve au Château de Seneffe repose en partie sur la donation de la collection personnelle de Claude d’Allemagne en décembre 1978 pour laquelle il a considéré, à tort, que des objets appartenant aux MRAH faisaient partie de sa collection personnelle.
Il n’y a pas d’autre dossier de ce genre à ma connaissance.