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Question écrite n° 7-33

de Bert Anciaux (sp.a) du 19 septembre 2019

à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration

La maladie de Lyme

maladie infectieuse
diagnostic médical
vecteur de maladie
prévention des maladies
thérapeutique

Chronologie

19/9/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 24/10/2019)
23/10/2019Réponse

Question n° 7-33 du 19 septembre 2019 : (Question posée en néerlandais)

Il y a quelque temps, j'ai organisé avec Maya Detiège et John Crombez, une table ronde sur une amélioration du traitement et de l'approche du syndrome de fatigue chronique (SFC), de l'encéphalomyélite myalgique (EM) et des douleurs physiques inexplicables (DPI). Lors de cette conférence, des médecins mais aussi trois patients ont témoigné et fait état de leurs expériences. Ces trois dernières personnes souffrent le martyre depuis des années déjà et ont en grande partie été laissées sur le carreau par les autorités publiques et le monde médical. La présente question ne se focalise pas sur leur cas mais dénonce une autre problématique. Chacun de ces trois patients s'est vu diagnostiqué un SFC jusque durant la période préparatoire de la table ronde. Quelques mois plus tard, juste avant le début de cette dernière, une percée a tout à coup eu lieu pour deux d'entre eux. Après une quête de plusieurs années, une maladie de Lyme leur a été diagnostiquée. Il s'agit donc d'une maladie pouvant être traitée et peut-être du début de la fin de leur chemin de croix, même si la maladie est surtout bien traitée en cas de diagnostic précoce.

Lors d'un tour de table, il s'est avéré que ces deux patients n'étaient vraiment pas des cas isolés. Dans ces circonstances difficiles, les tests de dépistage de la maladie de Lyme sont manifestement insuffisants ou mal effectués. Cette maladie semble constituer un problème fort sous-estimé. À cause d'un dépistage et d'un diagnostic insuffisants, les données épidémiologiques font défaut. Le problème n'est donc pas connu dans toute son ampleur. Cet été, grâce aux recherches de l'hôpital universitaire de Leuven, les médias ont pu annoncer qu'en Belgique, 15 000 personnes souffraient peut-être de la maladie de Lyme, due à la morsure d'une tique.

J'aimerais poser les questions suivantes à ce sujet:

1) Est-il exact que très peu de données épidémiologiques soient disponibles au sujet de la maladie de Lyme? L'honorable ministre connaît-elle l'ampleur de cette problématique? Considère-t-elle qu'il s'agisse d'un problème? Chargera-t-elle ses services de mieux le cerner?

2) Et-elle d'accord pour dire qu'une détection plus rapide de la maladie de Lyme et donc une chance sensiblement plus importante de réussite du traitement peuvent éviter bien des problèmes humains et des coûts (sociaux)? Comment explique-t-elle qu'on mène des patients en bateau pendant des années avant d'enfin leur diagnostiquer la maladie de Lyme? Partage-t-elle mon hypothèse selon laquelle on pratique insuffisamment ou mal les tests de dépistage de la maladie de Lyme? Que pense la ministre des méthodes belges permettant de dépister et de traiter la maladie de Lyme? Considère-t-elle que ces dernières soient suffisantes? Dans la négative, que fera-t-elle pour les améliorer?

3) Lorsqu'on parle des bonnes pratiques relatives au diagnostic et au traitement de la maladie de Lyme, on fait toujours référence à l'Allemagne. L'honorable ministre est-elle au courant des pratiques dans ce pays? Chargera-t-elle ses services de les étudier?

Réponse reçue le 23 octobre 2019 :

Remarque générale:

Les questions posées renvoient probablement à la notion de «maladie de Lyme chronique», utilisée depuis quelques années par un très petit groupe de médecins et par des associations de patients, pour désigner des personnes qui souffrent de plaintes chroniques, souvent non spécifiques (fatigue, douleurs générales, troubles de la concentration, etc.) pour lesquelles aucune explication n’a encore été trouvée. Cette notion n’est toutefois pas reconnue par les organisations professionnelles et par les scientifiques, en Belgique non plus, comme décrit dans la directive BAPCOC pour le diagnostic et le traitement de la borréliose de Lyme (http://organesdeconcertation.sante.belgique.be/fr/documents/recommandations-borreliose-de-lyme-2017).

Cette directive a été signée par plusieurs associations professionnelles, dont la Société belge d’infectiologie et de microbiologie clinique, Domus Medica, la Belgian Royal Society for Rheumatology, la Vlaamse vereniging voor neurologie et la Belgian Society of Internal Medicine.

La maladie de Lyme est une maladie infectieuse bien documentée, qui dans la très grande majorité des cas se déroule de façon bénigne et qui répond bien à l’antibiothérapie.

1) La surveillance épidémiologique de la borréliose de Lyme est très étendue et existe depuis déjà plus de vingt ans. Plusieurs sources sont utilisées pour obtenir une image aussi complète que possible de l’importance de la maladie:

a) un réseau de laboratoires vigies rapporte hebdomadairement le nombre de résultats sérologiques positifs pour B. burgdorferi s.l;

b) un réseau de médecins vigies permet d’estimer le nombre de patients qui consultent un médecin généraliste pour un érythème migrant (tache rouge qui s’étend progressivement, manifestation la plus fréquente de la maladie);

c) les données du Résumé hospitalier minimum (RHM) permettent d’assurer le suivi du nombre de personnes hospitalisées pour une borréliose de Lyme. Ces dix dernières années, des variations annuelles sont observées dans le nombre de cas signalés, qui peuvent entre autres s’expliquer par des variations climatiques, sans augmentation significative de la maladie. Au cours des deux ou trois dernières années, on constate plutôt une diminution du nombre de personnes atteintes par la maladie, ce qui peut être mis en rapport avec un climat moins favorable à l’activité et à la survie des tiques (printemps sec en 2017 et été sec en 2018). Ceci est confirmé par les résultats de la surveillance des morsures de tiques en Belgique par TiquesNet, qui montrent que moins de morsures de tiques ont été signalées au cours de ces deux années par rapport à 2016. Les résultats de la surveillance de la borréliose de Lyme sont disponibles sur le site Web de Sciensano (https://epidemio.wiv-isp.be/ID/diseases/Pages/LYME.aspx).

Une étude réalisée par Sciensano en 2018 estimait le nombre total de cas de borréliose de Lyme diagnostiqués en Belgique au cours de la période 2015-2017 à 11 685 par an. Il s’agit d’un nombre important de patients mais pour la grande majorité (11 022 personnes), il s’agit d’une forme très bénigne de la maladie, un érythème migrant. Une autre étude est également en cours au sujet du nombre de personnes ayant des plaintes non spécifiques de longue durée après la borréliose de Lyme, ce que l’on appelle le «Post-treatment Lyme disease syndrome» (PTLDS). Les résultats de cette étude sont attendus à l’automne 2020. Le nombre de personnes ayant des plaintes chroniques non expliquées (sans lien objectif avec la maladie de Lyme) n’est pas connu.

2) Un diagnostic et un traitement précoces de la borréliose de Lyme sont effectivement importants. C’est la raison pour laquelle diverses actions ont été lancées au cours des dernières années pour mieux informer les médecins et la population au sujet de la maladie. En 2015, le BAPCOC a ainsi rédigé une directive pour le diagnostic et le traitement de la borréliose de Lyme, qui a été envoyée à tous les médecins concernés (médecins généralistes, infectiologues, neurologues, etc.). Une version retravaillée de la directive a été (une nouvelle fois) communiquée en juin 2017 aux médecins généralistes via la revue spécialisée «Huisarts». En 2017, l’Agentschap zorg en gezondheid (AZG) et l’Agence pour une vie de qualité (AViQ) ont lancé une campagne de sensibilisation du grand public sur les tiques et les maladies (https://www.tekenbeten.be/ et https://www.wiv-isp.be/matra/Pdfs/Flyer_tiques_2017.pdf).

Le diagnostic de la borréliose de Lyme repose sur la détection d’anticorps dans le sang de patients présentant des plaintes typiques de la maladie. Dans un premier temps, un test ELISA est effectué, qui est un test sensible (cela signifie qu’il génère peu de faux résultats négatifs), sauf à un stade précoce de la maladie. En cas de résultat positif ou de cas douteux, un deuxième test (Immunoblot, Western blot), plus spécifique (cela signifie qu’il livre moins de faux résultats positifs) est réalisé pour confirmer ou infirmer le résultat du premier test. Si les symptômes sont présents depuis plus de six à huit semaines, un résultat de test sérologique négatif est très certainement correct et l’examen ne doit pas être répété ou appuyé par d’autres méthodes. Il convient alors de chercher une autre explication aux symptômes.

Les recommandations en matière de prescription et d’interprétation des tests sérologiques pour la maladie de Lyme ont été (ré)évaluées récemment par un groupe d’experts européens de l’ESGBOR (European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases, Study Group for Lyme Borreliosis).

Leurs recommandations sont les mêmes que celles des experts BAPCOC: une image typique d’érythème migrant doit être cliniquement diagnostiquée et n’exige aucun test en laboratoire; le diagnostic de la neuroborréliose de Lyme requiert un examen du liquide cérébro-spinal (preuve de la production intrathécale d’anticorps); le diagnostic des autres manifestations de la maladie repose sur la clinique et sur la présence d’anticorps contre le B. burgdorferi; le dépistage de personnes présentant des symptômes subjectifs non spécifiques n’est pas recommandé, en raison d’une valeur prédictive positive faible.

Des données provenant de l’Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) montrent que le nombre de tests sérologiques effectués (tests Elisa et Western Blot) en Belgique a fortement augmenté au cours des dernières années (surtout depuis 2014). Des données du Centre national de référence de la borréliose (consortium UCL et UZLeuven) montrent toutefois qu’une grande partie des demandes pour de tels tests ne respectent pas la directive BAPCOC et sont prescrites pour un érythème migrant ou pour des symptômes cliniques non spécifiques (fatigue, douleurs générales, etc.), pour lesquels un résultat positif ne peut pas être interprété. On effectue donc plutôt trop de tests que pas assez en Belgique.

3) La référence à l’Allemagne concerne principalement d’autres tests diagnostiques tels que l’ELISpot ou LTT, qui sont proposés par des laboratoires commerciaux. Ces tests ne sont pas recommandés en Belgique, ni ailleurs en Europe, car ils n’ont pas démontré de valeur ajoutée alors qu’ils coûtent beaucoup plus chers que les tests recommandés. En effet, tout comme pour la sérologie, ils mesurent la réponse immunitaire du patient à un agent pathogène mais pas directement l’activité de la maladie. Ils sont également considérés comme moins sensibles et moins spécifiques que la sérologie utilisée actuellement.

Une étude récente et bien menée aux Pays-Bas (van Gorkom), destinée à connaître l’utilité du test ELISpot pour le diagnostic de la neuroborréliose conclut que le test n’est pas capable d’établir une distinction entre une infection récente et une ancienne infection et qu’il est aussi beaucoup moins capable que la sérologie de démontrer une maladie de Lyme active du système nerveux. Une étude similaire relative aux autres manifestations de la borréliose de Lyme est actuellement en cours aux Pays-Bas (érythème migrant, arthrite de Lyme).

Que ce soit pour le syndrome de fatigue chronique, encore appelé encéphalopathie myalgique, ou la fibromyalgie ou encore d’autres symptômes aspécifiques d’origine inconnue médicalement, tous altèrent grandement la qualité de vie des patients alors que la médecine n’a pas de solution thérapeutique. Alors s’il est légitime pour les patients de chercher des solutions, s’il est légitime pour un médecin de prescrire tous les examens diagnostiques possibles pour arriver à poser un diagnostic, il est déontologiquement inacceptable de prescrire des tests qui donnent des résultats non validés ou de prescrire des traitements inutiles. Une telle démarche prive également le patient de bénéficier d’une démarche diagnostique complète et d’un traitement adapté. Un dépistage d’anticorps contre la bactérie Borrelia qui donne un résultat positif en absence de signes cliniques spécifiques ne signe pas une maladie de Lyme. Comme pour beaucoup de maladies infectieuses, après une infection, les anticorps peuvent rester présents pendant des années, sans être en lien avec une activité de la maladie. Sur la base d’un seul résultat sérologique positif, il n’est donc pas possible d’établir une distinction entre une infection récente et un contact infectieux ancien.