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Question écrite n° 6-776

de Ann Brusseel (Open Vld) du 4 décembre 2015

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Droits sexuels et reproductifs des femmes - Le Salvador - Poursuites à l'encontre de femmes ayant subi une fausse couche - Point de vue de la Belgique

El Salvador
avortement
droits de la femme
droits de l'homme
suivi rapport d'information

Chronologie

4/12/2015Envoi question (Fin du délai de réponse: 7/1/2016)
15/12/2016Rappel
8/3/2017Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-777

Question n° 6-776 du 4 décembre 2015 : (Question posée en néerlandais)

Amnesty International a récemment dénoncé la situation de Teodora del Carmen Vasquez qui a été condamnée à une peine de 30 ans de prison au Salvador pour «avortement» alors qu'il s'agirait en fait d'une fausse couche. La mère en question a en effet accouché d'un enfant mort-né alors qu'elle était à son travail. Selon Amnesty International, ce pays condamne systématiquement pour «avortement» les femmes qui ont eu une fausse couche. Il est clair qu'il s'agit là d'un problème sérieux et d'une mesure dégradante.

De nombreux enfants souffrent dans ce pays de la loi anti-avortement extrêmement dure. Il s'agit d'enfants dont la mère se trouve en prison à la suite d'une fausse couche ou d'une autre urgence obstétricale. Ces mères se retrouvent derrière les barreaux parce qu'on les accuse d'avoir pratiqué un avortement. C'est ce que dénonce Amnesty International dans son nouveau rapport. Le rapport intitulé «Separated families, broken ties» (Familles séparées, liens rompus) montre que de nombreux enfants nés de femmes emprisonnées en vertu de la loi anti-avortement doivent vivre dans des conditions financières difficiles. En outre, il leur est souvent impossible d'avoir des contacts avec leur mère.

Chaque fois qu'au Salvador une femme est injustement condamnée à l'emprisonnement en raison d'une fausse couche ou d'un autre problème lié à la grossesse, ses enfants sont aussi condamnés à une vie de pauvreté et de traumatismes.

Cette question porte sur l'égalité des chances, compétences du Sénat conformément à l'article 79 de son règlement, il s'agit aussi d'une compétence communautaire transversale. Je me réfère aussi au récent rapport d'information sur le suivi de la mise en œuvre de la Plateforme d'action de la quatrième Conférence mondiale des Nations unies sur les femmes (Pékin) et à la recommandation spécifique au chapitre Femmes et santé qui dit : «La Belgique doit continuer à jouer un rôle de pionnier au niveau international en matière de droits sexuels et reproductifs des femmes vu la tendance qui se dessine dans le monde en la matière.» (dossiers Sénat numéros 6-97/2 et 6-97/3 - 2014/2015).

Ma question porte sur le suivi concret de cette recommandation.

Mes questions au ministre sont les suivantes.

1) Pouvez-vous expliquer le point de vue de notre pays concernant les pratiques de certains pays qui condamnent l'avortement et poursuivent les femmes qui ont des fausses couches et celles dont l'enfant est mort-né au cours de la grossesse? Considérez-vous aussi qu'il s'agit là d'une pratique qui est en contradiction avec les droits de l'homme et qui est totalement indécente eu égard à la charge émotionnelle lourde que ces femmes subissent à la suite d'une fausse couche, de l'accouchement d'un enfant mort-né ou d'un avortement?

2) Avez-vous pris connaissance du rapport d'Amnesty International intitulé "Separated families, broken ties» (Familles séparées, liens rompus) et des conséquences horribles pour les enfants dont les mamans sont condamnées à la prison parfois tout simplement parce qu'elles ont eu une fausse couche? Comment réagissez-vous à ce rapport, pouvez-vous nous expliquer votre point de vue de façon détaillée?

3) Êtes-vous prêt, à l'occasion du dossier de Mme Del Carmen Vasquez, à exprimer votre préoccupation quant aux poursuites menées à l'encontre de mères d'enfants morts-nés en raison de soupçons d'avortement? Pouvez-vous expliciter les démarches que vous jugez opportunes en vue de mettre ce point à l'ordre du jour d'enceintes internationales et de prendre des mesures concrètes?

4) Êtes-vous également prêt, à l'occasion de contacts bilatéraux ou multilatéraux, à exhorter le Salvador à mettre fin aux poursuites à l'encontre de femmes qui ont subi une fausse couche ou dont l'enfant est mort-né compte tenu des traumatismes graves que cela entraîne pour la femme et sa famille, et du fait que cette pratique est tout à fait contraire aux droits de l'homme? Dans la négative, pourquoi pas?

5) Quelles démarches notre pays va-t-il entreprendre en matière de droits sexuels et reproductifs des femmes et plus spécifiquement en ce qui concerne la pénalisation de l'avortement et même des fausses couches dans certains pays? Pouvez-vous expliciter ces démarches?

Réponse reçue le 8 mars 2017 :

Les droits des femmes, y compris les droits en matière de reproduction et de sexualité, constituent une priorité permanente dans la politique internationale des droits de l’homme de notre pays. 

Les instruments internationaux actuels relatifs aux droits de l'homme n’adoptent aucune position générale sur l'avortement. D’ailleurs, en Belgique aussi, l’avortement n’est pas légalement autorisé dans tous les cas. Au niveau des sanctions applicables, il s’agit bien sûr de prendre en compte les garanties procédurales liées aux droits de l'homme universellement reconnus. 

Mes services ont pris connaissance du rapport d’Amnesty International que vous mentionnez. Le Salvador applique en effet l'une des législations sur l'avortement les plus restrictives au monde. L'avortement n’est autorisé en aucun cas, pas même lorsque la vie de la femme est en danger. Le Salvador établit également une « présomption de culpabilité » à l’encontre des femmes qui souffrent de complications pendant la grossesse ou en cas de fausse couche spontanée. Cette disposition présenterait une incompatibilité avec l'article 14 (2) du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qui stipule que toute personne poursuivie pour une infraction doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement prouvée. Ce pacte a été ratifié par le Salvador. 

L’autonomie des femmes fait partie des priorités de la nouvelle stratégie européenne en matière de droits de l'homme. Cette stratégie met l'accent sur l'importance de soutenir la prévention de la violence fondée sur le sexe et la santé sexuelle et reproductive. L'Union européenne (UE) soutient financièrement plusieurs projets, notamment un projet qui fournit une assistance juridique et un soutien social pour assurer l’accès aux voies de droit appropriées et le respect des droits procéduraux. 

Entre-temps, 3 femmes du Salvador prises en charge par le projet de l'UE ont été acquittées; dont María Teresa Rivera, également mentionnée dans le rapport d'Amnesty International. J'ai aussi appris qu’en janvier 2017, on demandera le réexamen du cas que vous évoquez, relatif à Teodora del Carmen Vasquez, condamnée à 30 ans de prison en 2008. Il est à espérer que cet éventuel examen sera effectué dans le respect des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme.