Gastro-nationalisme - Protectionisme - Libre circulation des biens - Tendance au sein de l'Union européenne - Industrie alimentaire belge - Impact - Position du gouvernement belge - Concertation avec les Régions
libre circulation des marchandises
liberté du commerce
restriction à la concurrence
industrie alimentaire
étiquetage
protectionnisme
22/12/2016 | Envoi question (Fin du délai de réponse: 26/1/2017) |
26/1/2017 | Réponse |
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Les réflexes protectionnistes augmentent partout dans le monde. C'est une nouvelle particulièrement mauvaise pour notre économie ouverte et nos exportations. Singulièrement, l'Union européenne n'est plus elle non plus une garantie de la libre circulation des biens.
La Commission européenne laisse à la France la latitude d'instaurer, à titre exceptionnel, la mention obligatoire sur l'étiquette de l'origine de la viande et des produits laitiers utilisés comme ingrédients dans les denrées alimentaires. Il s'agit d'un « test » qui peut durer deux ans et est imposé par décret ministériel. Cette mesure va particulièrement loin. Si un producteur pense que l'utilisation d'ingrédients provenant d'un pays déterminé constitue un atout, il peut en tirer parti en le mentionnant lui-même sur l'étiquette. Je n'y voit aucun inconvénient. Par contre, si l'indication de l'origine devient une obligation, cela est particulièrement néfaste pour les producteurs alimentaires et pour nos agriculteurs.
Les producteurs français ont déjà indiqué qu'ils donneraient la préférence à la viande et au lait français. La Commission européenne sape ici les fondements de la libre circulation des biens et des services. L'introduction de règles d'étiquetage différentes pour les produits fabriqués à l'intérieur ou à l'extérieur de la France équivaut à l'instauration de barrières commerciales.
L'obligation d'indiquer l'origine impose d'adapter très fréquemment les étiquettes, avec les coûts et la complexité de la production et de la logistique qui en découlent. Cela peut également conduire à du gaspillage alimentaire, étant donné que les producteurs sont découragés d'utiliser de manière optimale les excédents alimentaires. Comparativement aux coûts supplémentaires d'étiquetage, l'utilisation de trop petites quantités d'excédents ne sera peut-être plus intéressante.
L'obligation de mentionner l'origine sur l'étiquette coûtera de l'argent au consommateur. Voici deux ans, cette même Commission européenne s'était d'ailleurs opposée à ce système, estimant que la charge administrative était imprévisible et que l'impact négatif sur le commerce européen serait trop important.
Il semblerait que l'Italie, le Portugal et la Lituanie veuillent également instaurer une indication d'origine similaire sur les étiquettes.
Caractère transversal de la question : les Régions sont compétentes en matière d''économie et d'agriculture. Le gouvernement fédéral fait fonction de relais entre la Commission européenne et les organes reconnus de paiement pour les transferts financiers réalisés dans le cadre de la politique agricole commune et il assure la gestion et le budget du Fonds agricole fédéral.
Je souhaiterais dès lors poser les questions suivantes :
1) Pouvez-vous me dire très concrètement quelle est la position du gouvernement belge sur la décision de la France d'imposer l'indication de l'origine des produits laitiers ou à base de viande sur l'étiquette ? Dans quelle mesure notre gouvernement a-t-il communiqué cette position à la Commission européenne ?
2) Quel est l'impact de cette indication obligatoire de l'origine instaurée en France sur l'industrie alimentaire et le secteur agricole belges ? Ne craignez-vous pas que cela nuise à notre part de marché en France et à nos exportations vers ce pays ?
3) Dans quelle mesure discutez-vous avec nos producteurs de denrées alimentaires, avec nos agriculteurs et avec les Régions de cette tendance, définie comme du gastro-nationalisme ou du nationalisme alimentaire ? Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour combattre cette tendance ?
4) Condamnez-vous sans ambiguïté l'obligation de mentionner l'origine sur l'étiquette et pensez-vous qu'une telle mesure soit une forme de protectionnisme ? Dans la négative, pourquoi ?
5) Le cas échéant, entreprendrez-vous des démarches juridiques pour vous opposer aux règles annoncées quant à l'indication de l'origine, celles-ci étant contraires à la libre circulation des biens, pierre angulaire de l'Union européenne ?
6) Savez-vous si d'autres États membres de l'Union européenne souhaitent recourir à ces règles relatives à l'indication de l'origine sur les étiquettes ? Mon information selon laquelle le Portugal, l'Italie et la Lituanie seraient demandeurs est-elle exacte ? Pouvez-vous détailler votre réponse et préciser très concrètement le lieu, le calendrier et le contenu des mesures envisagées par ces pays, et ce que vous comptez faire pour faire obstacle à cette forme de protectionnisme ?
7) Êtes-vous disposé à mettre la question du « gastro-nationalisme » à l'ordre du jour du Conseil de l'Union européenne et de la prochaine concertation avec les ministres européens de l'Agriculture ? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser votre réponse ? Dans la négative, pourquoi ?
En 2016, la Commission européenne a publié un rapport sur l’étiquetage obligatoire d’origine sur le lait, les produits laitiers et la viande transformée. Les conclusions de ce rapport ne plaident pas en faveur d’un étiquetage obligatoire en raison des coûts élevés et de l’entrave au marché interne. J’ai donc été surpris que la Commission donne ultérieurement son accord à la France pour son projet de décret national d’étiquetage obligatoire.
La position de la Belgique a toujours été extrêmement claire en ce qui concerne ce projet d’étiquetage d’origine au niveau national. Lors des différents Conseils des Ministres européens de l’Agriculture lors desquels le sujet était à l’agenda, la Belgique, rejointe par d’autres Etats membres, s’est prononcée contre toute nouvelle législation d’étiquetage obligatoire d’origine au niveau national. J’ai appuyé cette décision en écrivant, de concert avec mon collègue luxembourgeois, un courrier aux Commissaires compétents fin mai 2016 afin de leur faire savoir que tout projet de décret national représentait une entrave au marché unique.
Je suis également en contact avec mes collègues allemand et luxembourgeois afin de voir une si une action commune est envisageable en cas d’impact néfaste sur nos exportations.
Notre pays exporte vers la France; un impact sur nos exportations me semble donc hélas inévitable. Je n’ai à ce jour pas encore d’informations précises sur l’impact de ce décret français qui est en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Néanmoins, les secteurs de la transformation étudient cet impact et m’informeront prochainement des premiers résultats de cette analyse.
Au niveau juridique, je ne manquerai pas d’examiner tous les recours possibles en concertation avec le vice-premier ministre et ministre de l’Économie, monsieur Kris Peeters et mes collègues européens opposés à ces démarches.
Concernant les autres États membres, et selon les dernières informations reçues du Service public fédérale (SPF) Économie qui suit ce dossier au niveau des groupes d’experts de la Commission Européenne, l’Italie, la Lituanie, le Portugal, la Grèce et la Finlande auraient soumis à ce stade un projet d’étiquetage national à la Commission. Ces États membres sont en attente de l’accord de la Commission pour mettre en place leur propre décret d’étiquetage obligatoire. Je regrette évidemment ces nouveaux projets. En concertation avec le ministre Kris Peeters, la Belgique a demandé à la Commission de mesurer l'impact du projet expérimental de la France avant d’autoriser toute autre initiative protectionniste.
Je suis bien évidemment prêt à mettre ce point à un prochain Conseil des ministres européen de l’Agriculture dès que des informations plus précises sur les impacts de ce décret français sur une période de plusieurs mois seront disponibles. Par ailleurs, j’invite les secteurs à se concerter avec leur fédération européenne afin d’envisager une stratégie globale à ce sujet.