SÉNAT DE BELGIQUE
________
Session 2012-2013
________
18 septembre 2013
________
SÉNAT Question écrite n° 5-9880

de Martine Taelman (Open Vld)

au secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, adjoint à la ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances, et secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, adjoint au premier ministre
________
Droits dans le cadre du du SEEQE (Système européen d’échange de quotas d’émission)- Marché - Fraude au CO2 - Réforme du SEEQE
________
échange de droits d'émission
permis de pollution négociable
fraude
Interpol
________
18/9/2013Envoi question
7/11/2013Réponse
________
Aussi posée à : question écrite 5-9878
Aussi posée à : question écrite 5-9879
________
SÉNAT Question écrite n° 5-9880 du 18 septembre 2013 : (Question posée en néerlandais)

Fraude fiscale, suspicions de blanchiment et atteintes à la sécurité des numéros de compte : peu semble épargné au marché européen des droits d'émission. En outre, il y a malheureusement un énorme excédent de quotas d'émission. Les droits liés au SEEQE (Système européen d’échange de quotas d’émission) sont pour le moment considérés comme des obligations pourries. Dans un rapport du 2 août 2013, Interpol s'est penché sur le SEEQE. Ce système reste, paraît-il, exposé à la fraude à grande échelle et le crime organisé s'y est infiltré (voir http://www.interpol.int/fr/Internet/Centre-des-m%C3%A9dias/Nouvelles-et-communiqués%C3%A9s-de-presse/2013/PR090). La Banque mondiale estime à 132 milliards d'euros la valeur actuelle du marché en droits d'émission de CO2. Si l'on veut vraiment contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, il est essentiel de rendre le système moins sensible à la fraude. Le risque sérieux qu'on tire un profit abusif des marchés du CO2 est lié à une vulnérabilité significative qui le distingue des autres marchés, à savoir son caractère insaisissable. Interpol déclare cependant que huit sociétés de courtage en crédits carbone opérant dans le cadre du Système européen d'échange de quotas d'émission ont récemment été fermées à la suite d'irrégularités. Intrinsèquement, le marché des quotas d'émission ne fonctionne d'ailleurs pas comme il devrait.

Voici donc mes questions :

1) Comment réagissez-vous au rapport d'Interpol et pouvez-vous indiquer les recommandations ou les mesures que vous avez soutenues ou allez soutenir devant la Commission européenne ?

2) Êtes-vous au courant de fraudes qui auraient été commises sur notre sol et/ou d'auteurs qui opéreraient depuis notre territoire ?

3) Quelle réforme faut-il pour remettre au point le SEEQE ? Qui s'en occupe et avec quel calendrier ?

4) Avez-vous une idée du montant total que la fraude au CO2 a coûté dans l'Union européenne (UE) et éventuellement dans notre pays ? Quelle est votre réaction à ce sujet ?

Réponse reçue le 7 novembre 2013 :

Je comprends fort bien votre préoccupation concernant l'utilisation frauduleuse du système d'échange de droits d'émission.

Le système d'échange de droits d'émission est en fait victime de son succès : dès qu'apparaît un marché qui fonctionne bien, des criminels tentent en effet d'en faire un usage frauduleux. Le système doit donc s'y adapter. Le registre belge faisait partie des mieux sécurisés au monde. Depuis la mi-2012, tous les registres européens ont été regroupés en un seul registre européen consolidé. Le contrôle de sécurisation du logiciel et de l'accès au registre incombe donc maintenant à la Commission européenne.

Le rapport d'Interpol donne en effet un bon aperçu des différents types de fraude, mais ne nous a pas appris grand-chose de neuf en ce domaine. En effet, nous connaissions les problèmes et nous avons depuis longtemps entrepris plusieurs actions.

Suite aux problèmes rencontrés, la Commission européenne a ajouté au règlement relatif au registre toute une série de mesures de sécurité strictes. Sous l'impulsion de la Belgique, par exemple, les données des utilisateurs ne sont plus mentionnées sur internet. Les utilisateurs doivent maintenant fournir un extrait du casier judiciaire, le contrôle de leurs données est plus strict, les transactions doivent être confirmées par une deuxième personne et sont effectuées avec un jour de retard, etc. Le système d'échange de droits d'émission doit en outre désormais être considéré comme un marché financier régulé sous surveillance, et les règles relatives à la lutte contre la criminalité organisée et le financement du terrorisme sont applicables à l'échange de droits d'émission.

De même, l'administrateur du registre belge travaille depuis 2009 à une série de mesures visant à renforcer la sécurité :

  • Un arrêté royal a été publié qui autorise le contrôle des transactions, afin de lutter contre le blanchiment d'argent et la fraude fiscale.

  • Une collaboration très étroite a été mise sur pied avec la cellule antifraude de l'Inspection spéciale des Impôts du SPF Finances.

  • Une excellente collaboration existe avec la police et la justice.

  • Un audit indépendant sur la sécurité et les risques a débouché sur plusieurs d'améliorations.

  • L'accès au registre était autrefois sécurisé au moyen de la carte d'identité électronique, ce qui rendait le "phishing" (subtilisation des mots de passe des utilisateurs) impossible. Le nouveau registre de la Commission européenne n'est pas sécurisé à ce point, mais travaille à une sécurisation future au moyen de clés physiques. La Belgique ne cesse d'insister sur ce point.

Mes services ont maintes fois fait savoir à la Commission européenne, et par ailleurs également aux Nations unies, qu'elles sont les mieux placées pour détecter les transactions internationales frauduleuses. Grâce à leurs registres centraux, elles disposent en effet d'un regard sur l'ensemble des transactions, tandis que la Belgique ne peut voir que ses propres transactions entrantes et sortantes. Jusqu'il y a peu toutefois, il n'en était pas question pour la Commission.

C'est pourquoi mes services ont développé l'année dernière un instrument indépendant en vue d'obtenir, entre autres, une meilleure vision des transactions de droits d'émission. Sur la base de cet instrument, l'Allemagne a développé un module d'analyse des transactions. Ceci doit permettre de détecter certains types de fraude.

Cet été, la Belgique, conjointement avec l'Allemagne, a proposé à la Commission européenne de mettre en œuvre cet instrument pour l'analyse de toutes les transactions européennes. La Commission s'est montrée favorable à cette initiative.

Le premier et dernier incident de sécurité dans le registre belge remonte à début 2010, lorsqu'un utilisateur, à son insu, a communiqué son mot de passe, ce qui a entraîné le vol de droits d'émission sur un compte.

En 2009, effectivement, des dommages ont été subis du fait d'une fraude à la TVA concernant des droits d'émission. Chaque cas de dommage individuel est traité par la justice. Mes services travaillent à cet effet en étroite collaboration avec l'inspection financière, la police et la justice, ainsi qu'avec d'autres registres européens. Je ne suis pas en mesure de confirmer les chiffres d'Interpol, et pour les chiffres de la Belgique, vous devez vous adresser à mon collègue des Finances.

Cette fraude à la TVA n'est par ailleurs plus possible en Belgique depuis le 18 janvier 2010, à la suite de la publication d'un arrêté royal qui impose l'obligation de remboursement de la TVA à l'acheteur et non plus au vendeur. Nous continuons donc de plaider auprès de nos collègues États membres pour qu'ils prennent la même mesure.

En ce qui concerne la faible valeur des droits d'émission, la Belgique est partisane de mesures ponctuelles, mais également structurelles. La Commission européenne a proposé six mesures structurelles. Le Conseil organise en ce moment des consultations avec les parties prenantes pour examiner ces options.

La position belge à ce sujet est préparée au sein du groupe de travail EU ETS du Comité de coordination de la politique internationale de l'environnement et de la Commission nationale Climat.

À court terme, la Belgique souhaite qu'au minimum 900 millions de droits soient retirés de façon permanente ou ne puissent être remis sur le marché qu'après 2020. L'objectif de réduction dans le système ETS doit également être aligné sur l'objectif à long terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre à raison de 80 à 95% à l'horizon 2050. À cet effet, le prix d'un droit d'émission devrait plutôt s'élever à 30 euros à l'horizon 2020, et grimper à 50 euros à l'horizon 2050. Ceci offrirait davantage de certitude d'investissements dans une technologie efficace en CO2 et entraînerait des innovations, fournirait un avantage concurrentiel, augmenterait la sécurité énergétique, créerait des emplois durables et améliorerait la santé.

Je continuerai de défendre ce point de vue belge dans les forums formels du Conseil européen ainsi que dans les réunions informelles des ministres européens de l'Environnement, auprès des entreprises et d'autres parties prenantes.