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Sénat de Belgique

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Annales - version française

MERCREDI 29 AVRIL 2009 - SÉANCE DU MATIN


Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.


Rapport de la Commission spéciale chargée d'examiner la crise financière et bancaire (Doc. 4-1100)

Excusés


Présidence de M. Armand De Decker

(La séance est ouverte à 10 h 10.)

Rapport de la Commission spéciale chargée d'examiner la crise financière et bancaire (Doc. 4-1100)

Discussion

M. le président. - Je tiens à féliciter cette commission spéciale pour son excellent travail, qui s'est déroulé de manière très sereine, contrairement à ce qui s'est passé ailleurs !

M. José Daras (Ecolo). - Je désire poser une question, monsieur le président.

Aurons-nous droit, pour ce débat aussi important, à la présence d'un représentant du gouvernement ? Elle montrerait le respect de ce dernier pour les travaux réalisés, qui devraient normalement influencer les décisions qu'il prendra à l'avenir.

M. le président. - Rassurez-vous, monsieur Daras. Le gouvernement a promis d'être présent.

M. Berni Collas (MR), corapporteur. - Monsieur le président, par respect pour les deux communautés de ce pays, j'alternerai les langues française et néerlandaise.

Le rapport de la commission spéciale se compose de trois grandes parties.

La première est consacrée au contexte de l'établissement de la commission et au cadre de sa mission et de son fonctionnement. La deuxième reprend les constatations du groupe d'experts. La troisième contient des pistes de réflexion.

Le 4 décembre 2008, dans le contexte de la crise particulièrement grave qui touchait le pays depuis la fin septembre 2008 dans le secteur financier et bancaire et qui avait lourdement frappé plusieurs grandes banques et institutions financières, la Chambre des représentants a adopté en séance plénière une proposition visant à instituer une commission spéciale chargée d'examiner ladite crise, conformément au règlement de la Chambre.

La proposition d'institution de la commission spéciale, qui avait été déposée par les groupes de la majorité, a été immédiatement examinée en séance plénière.

Comme la proposition d'institution visait à créer une commission composée de membres de la Chambre et de sénateurs, le Sénat a approuvé à son tour en séance plénière, le 11 décembre 2008, l'institution de la commission spéciale.

La mission principale de la commission spéciale consistait à analyser les mécanismes et les responsabilités ayant mené à la crise financière et bancaire, ainsi que le contrôle du secteur, la gestion de la crise et les manquements de la législation, notamment au plan du contrôle, et ce sur la base d'un rapport à rédiger dans les trois mois par quatre experts présentés par la Cour des comptes et désignés par la commission.

À titre complémentaire, la commission a été chargée de développer et d'affiner la description de la tâche des experts, ce qu'elle a fait lors de sa réunion du 22 janvier 2009.

Conformément au texte de base adopté par l'assemblée plénière de la Chambre - Doc. nº 52 1643/001 - la commission a été chargée, sur la base du rapport des experts, d'évaluer la manière dont la crise s'est déroulée et a été gérée ainsi que l'arsenal législatif et réglementaire belge en matière de mécanismes de contrôle, de rechercher les manquements éventuels, de proposer des adaptations concrètes et de suggérer des pistes de réflexion susceptibles d'être mises à l'agenda belge et européen.

La commission a été chargée d'établir un rapport définitif, incluant le rapport d'expertise, dont les conclusions et recommandations seront, après débat en séance plénière, soumises au vote à la mi-avril 2009.

La commission est composée de onze députés et de dix sénateurs et d'autant de suppléants, désignés suivant la règle de la représentation proportionnelle des groupes politiques. Les autres groupes politiques des deux Chambres ont pu chacun désigner un membre qui participerait, sans droit de vote, aux travaux de la commission spéciale.

J'en viens à présent au fonctionnement. Dans l'exercice de ses missions, la commission a dû veiller, conformément à la mission qui lui a été confiée par la Chambre et le Sénat, à la défense des intérêts économiques de notre pays et aussi, par conséquent, à la protection de ses sources. Elle s'est aussi vu accorder le droit de demander les documents qu'elle jugeait utiles.

La commission s'est en principe réunie à huis clos, comme les deux assemblées le lui avaient demandé, mais, à partir du 10 mars 2009, il a été décidé par le bureau élargi de demander dorénavant aux personnes entendues lors d'une audition si elles préféraient être entendues en réunion publique ou non. L'immense majorité de ces personnes ont préféré être entendues à huis clos. Les réunions avec les experts ont été publiques, de même que celles au cours desquelles les recommandations ont fait l'objet d'un débat.

La commission a adopté son règlement d'ordre intérieur dans lequel ses règles de fonctionnement sont précisées, le 22 janvier 2009. Ce règlement contient une série de dispositions spécifiques, en particulier concernant la garantie de la confidentialité, le mode de délibération, le compte-rendu et le rapport des travaux et la désignation des experts.

La première mission de la commission était de désigner des experts, sur proposition de la Cour des comptes et selon les modalités décrites dans la définition de sa mission. Dès le 5 décembre 2008, le président de la Chambre a envoyé à ce sujet un courrier au Premier président de la Cour des comptes, qui a proposé le 16 décembre 2008 une liste de quatre candidats. La liste tendait à un équilibre entre connaissances académiques et expérience du terrain dans les secteurs bancaire, financier et des assurances, la Cour des comptes ayant également tenu compte de l'indépendance des candidats à l'égard des principaux acteurs dans ce domaine. Par courriers des 19 et 21 janvier 2009, le président de la commission spéciale a demandé une liste supplémentaire de candidats au Premier président de la Cour des comptes.

La commission a décidé, au cours de sa réunion du 22 janvier 2009, de désigner comme experts :

Les experts ont été autorisés à se faire assister de collaborateurs.

Le 22 janvier 2009, la commission a procédé à la description des tâches confiées à ses experts. Par suite de sa décision, les demandes suivantes ont été adressées aux experts :

En ce qui concerne les travaux de la commission, on peut essentiellement distinguer, outre le règlement de son propre fonctionnement au cours essentiellement de réunions du bureau et la concertation avec les experts sur l'avancement de leurs travaux et les problèmes qui se sont posés à cet égard, les deux parties suivantes : d'une part, les auditions devant permettre à la commission et au collège des experts de rassembler des informations détaillées et les données nécessaires pour l'enquête et l'analyse et, d'autre part, les réunions consacrées à la discussion des constatations et à la formulation des recommandations, sur la base d'une série de propositions formulées par les experts.

La majeure partie des auditions a eu lieu à huis clos. Afin de respecter les engagements pris en matière de confidentialité à l'égard des personnes entendues, la commission a décidé de ne pas publier le compte rendu des auditions dans son rapport. Les experts y ont néanmoins puisé des éléments d'information essentiels pour la rédaction de leurs constatations.

Lors des auditions, la liste des personnes et des organisations entendues a été fixée en fonction des thèmes suivants : l'environnement macroéconomique et les faiblesses du système qui ont mené à la crise ; l'organisation des banques et l'estimation des risques ; le rôle des contrôleurs et la gestion de la crise.

En ce qui concerne l'intervention du gouvernement, il a été décidé d'inviter les membres du cabinet restreint de l'époque qui ont été associés, en cette qualité, aux premières mesures à prendre à partir du vendredi 26 septembre 2008 et durant les semaines suivantes.

La commission spéciale a consacré 22 réunions à son enquête, y compris les auditions. La commission s'est réunie pendant 92 heures et 25 minutes, dont 33 heures et 17 minutes en réunion publique et 59 heures et 8 minutes à huis clos.

Le bureau élargi aux rapporteurs s'est réuni à plusieurs reprises.

Je voudrais maintenant brièvement résumer la deuxième partie, la plus consistante. Elle comporte 478 pages et sa qualité et sa solidité ont été unanimement appréciées par les commissaires. Elle est axée sur les cinq points suivants : la propagation de la crise bancaire et financière ; les orientations stratégiques des établissements financiers concernés en Belgique ; la réglementation, la gestion de la crise et la surveillance dans le secteur bancaire et financier ; le processus d'analyse des risques ; le processus de gestion de la crise.

Les recommandations de la commission sont subdivisées de la manière suivante : synthèse des mesures proposées par d'autres forums, organisation du contrôle prudentiel, fonctionnement du contrôle prudentiel, structure et organisation des marchés financiers, amélioration de l'information, risques et produits, gouvernance, gestion des crises, pistes de réflexion.

Quarante-cinq recommandations ont été formulées par la commission. Je n'entrerai pas dans les détails puisque divers intervenants s'étendront sur ce sujet.

La commission recommande au parlement d'installer une commission du suivi de la crise financière et de la mise en oeuvre des recommandations adoptées par le parlement ainsi que des conclusions du comité Lamfalussy et de la Commission européenne.

Les rapports d'autres parlements nationaux sur des éléments de la crise en lien avec la situation de notre pays devraient également faire l'objet de ce suivi.

La commission de suivi souhaitée doit aussi porter son attention sur le rythme à respecter effectivement pour la réalisation des réformes recommandées.

Les recommandations ont été adoptées par quinze voix et deux abstentions. Le rapport a été approuvé à l'unanimité des membres présents.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je remercie le rapporteur pour ses explications.

Chacun ici se souvient certainement de l'inquiétude et des remous qu'ont suscités l'installation de la commission Fortis à la Chambre et celle de la commission mixte Chambre et Sénat sur la crise financière et bancaire. On avait alors eu droit à de nombreuses prévisions apocalyptiques : nous ne pourrions pas travailler, ce serait un champ de bataille, les discussions s'enliseraient...

La qualité du rapport, qui répond dans une certaine mesure au défi auquel nous sommes confrontés, est impressionnante. Ce texte donne lieu à un débat peu spectaculaire au plan politique, ce qui explique peut-être le faible taux de présence. Malheureusement, ces dernières années, seuls les débats politiquement animés attirent de nombreux parlementaires. Quoi qu'il en soit, à chacun ses responsabilités.

Avant d'intervenir sur quelques points essentiels du rapport et d'en tirer des conclusions politiques, je voudrais insister sur l'importance de la crise actuelle, importance qu'on peut mesurer en évaluant le degré de perturbation des équilibres sociaux existants.

Une crise générale s'est produite dans un monde globalisé. Les équilibres financiers, économiques et institutionnels ont été dramatiquement bouleversés.

L'ampleur de la crise - l'État est le rempart ultime, à l'échelon tant national qu'international - requiert une réflexion sur une intervention politique efficace permettant de préserver l'avenir. La prospérité actuelle n'est pas définitivement acquise ; il faut aussi de la préserver pour l'avenir.

Je commence par une question simple : pourquoi n'a-t-on pas prévu cette crise, la plus grave depuis 1930 ? La crise des subprimes a en effet été précédée, au cours des années nonante et au début de ce siècle, d'une série d'autres crises financières : une crise immobilière au Japon, une bulle spéculative causée par les transactions commerciales sur l'internet, une crise financière en Asie. Tous ces événements ont montré que l'économie financière occupe une position centrale dans notre monde globalisé. La crise financière semble s'être manifestée à l'improviste, comme un voleur dans la nuit. Il suffit de jeter un coup d'oeil dans le rétroviseur pour constater qu'elle se trouve dans le prolongement des événements récents et d'un certain type de capitalisme financier.

Qui plus est, d'un point de vue historique, les caractéristiques intrinsèques de cette crise ne sont pas si nouvelles. De pareils excès de cupidité ont déjà été condamnés par le passé.

Comment un tel paradoxe est-il possible ? Savoir tant de choses et ne rien prévoir.

Le secteur financier et, dans une certaine mesure, le monde politique n'ont pas été capables de tirer les leçons des crises financières précédentes, avec les effets dramatiques que l'on sait.

Lorsque l'euphorie financière règne, la voix de la prudence n'a aucune chance de se faire entendre. À chaque crise financière, on se dit surpris mais c'est en fait une forme de pathologie financière.

Pourquoi notre mémoire est-elle défaillante ? Pourquoi l'aveuglement mène-t-il à la catastrophe ? Comment se fait-il que l'on n'ait pu prévoir ce qui était raisonnablement prévisible ? Comment le monde financier, pour qui les calculs mathématiques les plus complexes sont l'expression du summum de la rationalité, a-t-il pu se laisser aller à un comportement spéculatif si irrationnel ?

Tout tient aux forces en présence. Les profits rapides, la valeur des opérations spéculatives, la position sociale des spéculateurs, l'efficacité économique de la croissance du capital ont été le moteur politique et moral de la foi dans la légitimité de l'approche néolibérale.

Comment pourrait-on s'en prendre à la hausse des cours boursiers ? Le marché a toujours raison ! Il faut s'incliner humblement devant le verdict du marché ! C'était l'un des dogmes bien connus.

Keynes avait pourtant déjà mis en garde, dans les années trente : le fonctionnement des marchés boursiers et la sagesse universelle n'obéissent pas aux mêmes lois.

Les Cassandre ne sont cependant pas les bienvenues à la Bourse et dans la politique. De quel droit tuerait-on la poule aux oeufs d'or ?

Ce sont toujours des arguments de ce type qu'on entend en présence de bulles financières, comme l'a démontré le Prix Nobel Galbraith dans son ouvrage A Short History of Financial Euphoria.

Pourquoi devrait-on s'intéresser au jugement de quelques-uns s'il va à l'encontre du jugement de ceux qui ont dirigé le monde financier si activement et avec tant de succès ces dernières années ?

C'est une caractéristique spécifique de la postmodernité, dominée par les marchés financiers et le profit, que le conformisme de la prétendue sagesse des masses tel qu'il s'exprime sur le marché est sans cesse célébré. Le marché ne se trompe jamais et garantit l'efficacité absolue du monde financier.

Face à une telle coalition de forces, de pouvoirs et d'intérêts, l'argument de la prudence ne pèse pas lourd. Il est illusoire de croire qu'une idée juste peut à elle seule empêcher le développement d'une société bâtie sur un mirage.

À la Bourse, on sait pourtant très bien que les possibilités ne sont pas infinies. Mais on ne fait preuve de prudence que lorsque la crise éclate et que les actions sont vendues. Une vérité intrinsèque ne peut rien face à la force des intérêts et à la foi dans l'euphorie financière. Lorsqu'il faut choisir entre le profit immédiat et les dommages éventuels que provoquera une crise future, le marché choisit le profit immédiat. Nous devons tenir compte de cette réalité lorsque nous proposons des solutions.

En avril 1994, lors de la discussion du projet de loi modifiant la loi du 17 juin 1991 portant organisation du secteur public du crédit et de la détention des participations du secteur public dans certaines sociétés financières de droit privé en commission des Finances et des Affaires économiques, le ministre des Finances de l'époque a déposé un amendement visant à insérer un certain nombre d'articles. Cet amendement tendait à modifier le Code civil, les lois sur les transactions financières, la loi sur le crédit hypothécaire et introduisait notamment la titrisation des créances hypothécaires. La titrisation des emprunts à long terme visait à créer davantage de liquidités.

On a souligné à cette occasion qu'il fallait assouplir les règles de prudence habituelles, à l'instar de ce qui s'est fait en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Lors de mon intervention dans le débat au printemps 94, j'ai invoqué les arguments classiques contre le constant assouplissement des conditions annexes des produits financiers. La crise des subprimes montre que j'avais raison. Elles ignorent la règle historique selon laquelle les hypothèques occultes et divisibles conduisent inévitablement à de nombreux abus financiers et à l'insécurité quant à la valeur réelle des engagements financiers. L'abstraction et la titrisation des hypothèques conduisent naturellement à un système d'hypothèques cachées. L'histoire l'a déjà montré à plusieurs reprises, mais la législation de la « bulle d'air » de ces dernières années, y compris la législation modifiée sur les banques de 2002 et la nouvelle législation relative aux sûretés financières de 2004, ont démontré une nouvelle fois que les mots précaution et prudence n'ont aucune chance si on vise un gain spéculatif rapide. Nous devons rechercher un nouveau modèle sociétal. Comme les experts l'ont d'ailleurs souligné dans le rapport, la formalisation que j'ai décrite est principalement un levier dans un monde virtuel dans lequel on s'éloigne de la réalité. Un monde du travail et d'efforts, qui est la réalité, est toujours perdant quand on constate qu'on peut obtenir beaucoup plus en spéculant.

Pour être durable, un marché qui fonctionne bien a besoin d'un État fort. Un État fort, s'il veut être démocratique, a besoin de citoyens sûrs d'eux et d'une collectivité forte. Le marché, l'État et la collectivité dépendent l'un de l'autre, ils font contrepoids. Cet équilibre est nécessaire. Ces dernières décennies, les institutions politiques et les politiques n'ont pas suffisamment fait contrepoids face à la dynamique propre du marché et de l'État. C'est ce que révèlent les considérations générales du rapport annuel 2008 du Conseil d'État néerlandais.

Cette année, les principes de base de l'État de droit démocratique sont au centre du rapport annuel. Ils méritent une attention particulière en temps de crise. Pour sortir de la crise, non seulement la force de l'économie mais sans doute encore plus celle de la démocratie sont déterminantes. L'État est d'ailleurs apparu comme le dernier sauveur. Selon le Conseil d'État néerlandais, il faut un équilibre pour avoir un État de droit démocratique et fort, tant au sein du triangle démocratique de l'État, du marché et de la société civile, qu'entre l'État, le législateur, l'administration et le juge. À cet égard, la distinction entre fonction et personne, public et privé est essentielle. Au cours des années précédentes, l'État a fortement agi sur l'aspect privé en négligeant l'aspect public. Lorsque les acteurs de marché négligent leur responsabilité publique - et nous devons malheureusement constater que la crise financière en est un exemple -, que la morale publique est subordonnée à l'intérêt privé et qu'en outre l'État ne peut pas mettre sur pied à temps un contrepoids, la confiance dans l'État de droit démocratique est ébranlée. Les événements de ces derniers mois dans notre pays l'ont montré. Cela se produit aussi lorsque la qualité du service public devient l'objet de discussions et que l'État ne peut pas répondre à temps de façon adéquate.

Si nous faisons part de considérations sur le fonctionnement du monde financier, il est trop facile de négliger nos propres responsabilités. Le monde politique aussi et le parlement portent une grande responsabilité en raison du manque d'attention à ce problème, d'un manque de prévoyance ou d'une forme d'aveuglement, et en s'étant laissé guider par l'air du temps. Celui qui se laisse ainsi entraîner a toujours une vision limitée. Le contrôle du parlement ou l'intérêt de ce dernier pour les affaires financières, en effet très complexes, ont été insuffisants. Il convient dès lors de prendre les mesures nécessaires pour restaurer l'équilibre requis entre les différents pouvoirs et à l'égard du marché et de la société civile.

Je souhaitais faire ces considérations générales parce que je pense que, a fortiori dans un système bicaméral, le parlement peut jouer un rôle important dans la gestion et la maîtrise de la crise et que nous devons avoir le courage de nous mettre au niveau du défi. La crise est une invitation pour le parlement à faire de la politique d'une autre manière. La politique a été fort dominée par le modèle social sous-jacent aux événements.

Les recommandations et le rapport ont été adoptés à une large majorité. Dans mon introduction, j'ai déjà indiqué que, lorsque les travaux de la commission spéciale ont commencé, les signes précurseurs n'étaient pas favorables. Le déroulement à huis clos de la commission mixte de la Chambre et du Sénat a apporté une plus-value. Il en va de même pour la commission mixte de la Chambre et du Sénat à l'Assemblée française, laquelle joue également un rôle important dans le suivi et l'anticipation des règles en matière de lutte contre la crise. De nombreuses recommandations de la commission correspondent aux points de vue qui avaient déjà été repris dans un programme en 30 points du CD&V.

Il faut être plus attentif au monde financier et nous devons pour cela, vu la mondialisation, mettre en place une structure de contrôle européenne. C'est nécessaire car nous ne pouvons maîtriser la crise au seul niveau national. Des propositions sont formulées dans le rapport de Larosière. Nous en retirons l'idée qu'il faut faire une distinction entre le contrôle macroprudentiel et le contrôle microprudentiel et que la responsabilité en matière de contrôle macroprudentiel doit revenir à la Banque centrale européenne.

En Belgique, il faut améliorer l'interaction entre les contrôles macro- et microprudentiels. Les recommandations mentionnent trois possibilités : le maintien du statu quo, l'attribution de compétences opérationnelles au Comité de stabilité financière ou une intégration poussée de la CBFA et de la Banque nationale.

Le CD&V estime que les structures de gestion et les canaux de communication doivent être mieux harmonisés. C'est pourquoi nous choisissons la deuxième option. Elle consiste à reprendre pour le monde financier la solution OCAD de la politique de sécurité qui prévoit une collaboration entre les différents services de sécurité et de police pour arriver à une évaluation globale du risque. Pour ce qui est de la composition des organes du contrôle prudentiel, les recommandations mentionnent qu'une personne doit être désignée au nom du ministère de la Justice. En effet, une des raisons de la crise est l'estompement de la norme dans le monde financier et nous estimons qu'un représentant du ministre de la Justice peut exercer un contrôle spécial sur cet aspect.

Tout le monde s'accorde sur la nécessité de renforcer le patrimoine propre. Nous devons aussi juguler le short selling, réguler les hedge funds, avoir prise sur les paradis fiscaux, réguler les agences de crédit qui accordent les notations. En effet, nous constatons que les bureaux de notation peuvent considérablement influencer d'un jour à l'autre les valeurs boursières. Quand l'État belge a décidé fin septembre 2008 de participer à Fortis, le lendemain la cote de Fortis a sensiblement baissé, ce qui est assez incompréhensible. La qualité et la fiabilité des notations doivent donc augmenter et il faut prévoir une règle générale de responsabilisation. Les instances de contrôle doivent pouvoir intervenir à temps.

Les institutions financières ont une responsabilité propre et il ne faut pas avoir une confiance aveugle dans les agences de notation. Ce sont les institutions financières qui créent le produit financier et qui en assument la responsabilité.

Créer une muraille de Chine entre les banques de dépôts et les banques commerciales est une proposition qui doit être examinée avec les nuances nécessaires. Les normes comptables sont différentes aux États-Unis et en Europe et cela peut donner lieu à des glissements en termes de marché. La prudence est de mise car on ne peut pas évaluer aujourd'hui la véritable valeur des actifs.

Le texte des recommandations de la commission spéciale concernant la protection des consommateurs est assez progressiste et tente d'améliorer la standardisation et la transparence des produits financiers et d'assurer un meilleur contrôle de la diffusion des instruments financiers.

Tous ces contrôles additionnels et ces mesures d'accompagnement ne doivent pas empêcher un renforcement du contrôle interne. La gestion du risque s'est révélée totalement défaillante et le risque de liquidité a été complètement sous-estimé. C'est pourquoi des mesures internes s'imposent, par exemple en adaptant les règles de bonne gouvernance et en exigeant des administrateurs de banques une meilleure justification de leurs rémunérations.

Lors de l'ouverture de l'année parlementaire, j'avais souligné que nous ne pouvions gérer la crise sans songer à une législation d'urgence. Dans les conclusions, on retrouve la nécessité d'un cadre réglementaire qui permette aux entreprises, aux banques et à l'État, lorsque les circonstances l'imposent, de prendre des mesures qui ne suivent pas à la lettre les dispositions statutaires des sociétés ou des institutions bancaires.

Nous avons pu voir comment l'application classique des règles des sociétés sans tenir compte du fait qu'une banque n'est pas seulement la propriété des actionnaires, mais que les épargnants, les emprunteurs, les travailleurs, l'intérêt général entrent en ligne de compte - je renvoie au rapport des experts à ce sujet - fait que le processus décisionnel repose sur un seul modèle et à quelles complications cela peut donner lieu. Une initiative s'impose de toute urgence sur ce plan.

Il faudrait aussi éventuellement examiner si nous pouvons accorder une prime aux actionnaires de référence des institutions financières. Lorsque ceux-ci prennent des décisions à long terme, ils devraient bénéficier d'une rémunération spéciale pour honorer dûment leur fidélité à la société et que ce soit un contrepoison aux décisions à court terme.

Lors du débat à huis clos, le transfert de Fortis et la fusion prévue avec ABN AMRO ont suscité de nombreuses questions et mené à des conclusions implicites ou explicites. Le cadre juridique dans lequel le transfert a été réalisé, le paiement de 24 milliards d'euros en décembre 2007 alors que l'opération avec ABN AMRO ne s'est jamais concrétisée, comportait un risque énorme. C'est pourquoi nous devons examiner l'opportunité de créer un cadre juridique qui rendrait de telles opérations plus transparentes.

Il conviendrait aussi d'examiner la clause contractuelle de sortie, la clause « MAC », si de nouvelles circonstances se présentent. Si les conditions du marché changent et qu'on affirme que les circonstances empêchent d'activer la clause de sortie, cette clause n'a plus aucun sens car cela signifie qu'en cas de crise profonde, cette clause n'a plus aucune utilité. Nous devons examiner si une meilleure solution n'est pas envisageable.

C'est typique d'une société qui ne prend pas le temps pour juger avec sagesse. Avant que le rapport et les recommandations ne soient imprimés, j'ai entendu à la radio des commentaires sur des éléments qui ne figurent même pas au rapport. Les journalistes, qui ne cessent de morigéner les hommes politiques parce qu'ils affirment des choses erronées, n'ont cette fois pas fait remarquer aux intéressés que ce qu'ils disaient ne figurait pas dans le rapport. C'est une autre caractéristique d'une société de bulles. Dans ce monde virtuel, on n'a plus le temps de lire un rapport de quatre cents pages mais on veut immédiatement en communiquer les conclusions.

Les constats et les recommandations sont sévères. Ils n'ont pas vocation à rendre les choses plus difficiles. Au contraire, ils visent à résoudre les problèmes.

Lorsque la commission spéciale a été créée, cela a suscité de la nervosité. La commission devait absolument terminer ses travaux avant Pâques, sinon la révolution éclaterait. Eh bien, la commission est arrivée unanimement à la conclusion qu'une commission mixte de suivi devait être constituée pour veiller à ce que les constats et les recommandations ne restent pas lettres mortes. Cette commission doit aussi réfléchir, avec le gouvernement, sur ce qui peut être mis en oeuvre immédiatement au niveau fédéral, comme une législation d'urgence et l'adaptation de certaines structures juridiques. En même temps, elle doit penser aux initiatives que le gouvernement belge pourrait prendre au niveau européen pour que les dommages subis par les citoyens, dommages qui sont réels, soient limités et qu'une nouvelle forme de solidarité soit mise sur pied.

Il est facile de faire des reproches en séance plénière à des absents. Mes derniers mots s'adressent dès lors aux hommes politiques et au parlement. Après l'État gardien de l'ordre et l'État de bien-être, nous entrons dans l'ère de l'État pompier. Le gouvernement doit se précipiter constamment comme un pompier pour résoudre toutes sortes de problèmes avec l'argent mis à sa disposition par les contribuables.

Les pompiers ne sortent que dans des circonstances exceptionnelles. Dans ces circonstances, il ne convient pas que les hommes politiques rendent les choses plus difficiles. Les pompiers doivent pouvoir agir vite et efficacement. Dans des temps agités, il nous faut une véritable politique nouvelle. Nous sommes dans ce pays devant un choix. Ou nous poursuivons dans les tracasseries et le harcèlement, ou bien nous sommes conscients de la gravité de la situation et nous essayons de trouver de vraies solutions sur une base commune et dans le respect des conceptions de chacun.

Nous devons avoir à l'esprit que ce ne sont ni les idéologies, ni les théories qui sont centrales en politique, mais les gens. C'est ce qu'attendent les citoyens de nous et du gouvernement. Ils n'ont que faire de chamailleries qui ne mènent nulle part.

Mme Marie Hélène Crombé-Berton (MR). -

Une grenouille vit un boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma soeur :
Est-ce assez ? dites-moi : n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point. » La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.

Décidément, la modernité de M. de La Fontaine ne cessera jamais de nous étonner. Comme l'orgueilleuse grenouille, toutes les bulles spéculatives finissent par crever. Mais, contrairement à la première, l'explosion des secondes se décline en myriades d'effets collatéraux dont on ne mesure qu'à présent la dangerosité.

Pour la première fois dans l'histoire, la crise financière n'est pas la conséquence d'une autre mais bien la cause. Inattendue, brutale, dévastatrice, les qualificatifs ont fusé en florilège dans la bouche de tous les intervenants au cours de travaux marqués par un sérieux dont nous pouvons être fiers.

Il est vrai que nous avons été accompagnés par des experts dont il faut souligner, au-delà de leurs compétences, l'impartialité, la constance et la convivialité. L'isolement du politique est un de ses travers les plus dangereux. Nos travaux ont prouvé qu'il était possible et souhaitable que le monde scientifique nous apporte son expertise. C'est une des premières conclusions à tirer de nos réunions.

L'autre leçon, c'est qu'au-delà de nos différences de valeurs et d'appréciations, il reste chez les responsables politiques un sens certain de l'intérêt général à condition de rester à l'abri des sirènes médiatiques. La confidentialité de nos auditions nous a évité les travers de la pantomime navrante qu'ont joué d'autres commissions.

Les questions écrites posées par les experts et les questions orales posées par les parlementaires ont permis aux premiers de nous remettre un rapport et des recommandations dont la qualité est à saluer.

Permettez- moi de revenir brièvement sur les conclusions du rapport des experts qui me paraissent importantes.

Je cite : « Finalement, c'est aussi l'exigence de rendements élevés qui a poussé les banques à prendre des risques démesurés et mal contrôlés. Tant du côté du management que des actionnaires, la focalisation sur le rendement a conduit les banques à sortir de leur manière traditionnelle de fonctionner. » Le rapport a donc clairement identifié la responsable de la crise : une recherche effrénée du profit.

Les prêts hypothécaires dits subprime, la titrisation et les marchés CDO/ABS ont finalement explosé en cocktail Molotov à la face de la finance internationale.

Pour ce qui est de la CBFA, le rapport est clair : « La CBFA peut être considérée comme un régulateur pointu et proactif dans le cadre de ses missions ... cela veut dire que l'autorité prudentielle n'est à priori ni un loup ni un agneau : elle applique les règles du jeu, avec ce que cela implique comme difficulté en période de crise. Il serait selon nous malséant de le lui reprocher. »

Les mesures mises en place pour le suivi de la solvabilité et des modèles d'évaluation des risques ont été nombreuses et ont été jugées adéquates par les experts. De plus, dès juillet 2007, la CBFA a intensifié ses mesures de suivi de la liquidité et a exigé un rapport journalier sur les ratios de liquidité des grands groupes.

En ce qui concerne l'action du gouvernement, les experts ont confirmé les conclusions de la Commission européenne, du FMI, du comité Lamfalussy, du comité des experts mandatés par la Cour d'appel : « Les décisions et interventions de sauvetage du système bancaire en Belgique ont permis d'en garantir la survie dans un laps de temps très court et de limiter les implications catastrophiques que des faillites successives auraient engendrées pour les déposants. »

Qu'ajouter à ces conclusions qui ne serait superfétatoire ou redondant ?

Pour ce qui est des recommandations, je m'attarderai plus particulièrement aux réformes qui sont de la compétence de notre parlement fédéral.

Premièrement, il paraît indispensable d'introduire dans notre législation la capacité pour le gouvernement de prendre des mesures urgentes et exceptionnelles lorsqu'il s'agit du sauvetage de banques systémiques.

Deuxièmement, parmi les options présentées dans les recommandations de la Commission spéciale chargée de la crise financière et bancaire, les experts ont préconisé de renforcer le rôle du Comité de stabilité financière en mettant sur pied une cellule opérationnelle permettant d'approvisionner les autorités micro et macroprudentielles en informations et analyses.

Ce transfert de données que l'on pourrait appeler contrôle « mésoprudentiel » permettrait, à partir de la surveillance d'institutions individuelles, de délivrer des informations macro-économiques.

Troisièmement, comme le souligne le rapport, une good bank ou une bad bank n'est pas destinée à rester, à moyen terme, une institution publique. Il n'entre en effet pas dans les missions régaliennes de l'État d'exercer le métier de banquier. Par ailleurs, en cas de stand alone, on assisterait alors à un rapprochement de tous les organismes bancaires publics, ce qui renforcerait encore le risque systémique qui a failli entraîner notre pays dans une catastrophe financière et économique.

Quatrièmement, le rapport insiste sur l'amélioration de la corporate governance. D'une part, le rôle des administrateurs indépendants devrait être renforcé et, d'autre part, l'évaluation de la qualification des administrateurs devrait être effectuée par l'autorité de surveillance.

Cinquièmement, il est important de renforcer le rôle de supervision de l'audit interne sur le contrôle interne des banques.

Pour le reste, il conviendra de trouver, au niveau européen et même mondial, des mesures visant à instaurer l'agrément des agences de notations par un organisme public, à réviser les règles IFRS et leur effet procyclique et à encadrer le short selling. Je ne vais pas répéter tout ce que vous avez lu dans les recommandations.

Monsieur le président, chers collègues, le chemin fut long et difficile mais il ne fut pas vain. Nous disposons aujourd'hui d'un rapport exceptionnellement fourni qui a fait l'objet, en commission mixte, d'un vote à l'unanimité. C'est dire ...

Il reste maintenant à effectuer un travail législatif d'importance pour éviter que l'Histoire ne se réécrive à nouveau à l'imparfait.

Mme Anke Van dermeersch (VB). - Certaines recommandations formulées par la commission spéciale chargée d'examiner la crise financière et bancaire sont certainement utiles et très souhaitées. Le rapport des experts est tout à fait clair et démolit sur certains points la gestion du risque des banques aveuglées par l'appât du gain. Les avertissements ont été ignorés et la communication interne et externe était mauvaise.

Il reste toutefois à savoir ce que cette commission voulait faire précisément et a finalement fait. Une analyse plus poussée de la crise ? Pour ce faire, il suffit de lire des livres et de consulter la presse spécialisée. Ou s'agissait-il de répondre à la question de savoir si on s'est correctement attaqué à la crise dans notre pays ? Cela me semble assez ambitieux. La crise bancaire est en outre encore loin d'être terminée. Chaque jour, on assiste à de nouveaux développements. Ce fut encore le cas hier avec un vote dans le dossier Fortis. Ce n'est que dans quelques années que nous pourrons porter un jugement sensé sur tout ceci. L'objectif ne pouvait pas davantage être l'obtention des excuses publiques des banquiers, d'autant plus que la commission s'est en grande partie déroulée à huis clos, ce à quoi je me suis toujours opposée.

Certaines recommandations expriment une trop grande confiance dans la manière dont le niveau européen doit intervenir dans la crise financière actuelle. On veut ainsi transférer certains aspects du contrôle sur les institutions bancaires et financières au niveau européen mais ils n'y ont pas leur place. Nous devons prendre nos propres précautions et mesures parce que l'essentiel de l'addition de la crise financière actuelle revient aux États membres et donc à leurs contribuables. Il est injustifiable de transférer le contrôle, et donc la compétence décisionnelle, à l'Europe et à la Banque centrale européenne et de faire payer l'addition à nos concitoyens. Ce devrait être du donnant donnant.

Aux yeux du grand public, la Banque centrale européenne ne fait que modifier le taux en fonction des circonstances économiques et imprimer des euros. Il faut que la BCE mène une politique monétaire osée et non conventionnelle et fasse des choix clairs. Je reste toutefois sur ma faim, tout comme les contribuables européens. Un contrôle davantage européen, s'il devient réalité, doit être développé avec rigueur et clarté. Il doit se baser sur une structure sans faille, une gestion responsable et des compétences claires.

Je n'ai aucune objection à une intégration plus poussée des contrôles micro-économique et macro-économique au niveau des États membres. Il faut une collaboration et une intégration poussées des organes de contrôle étatiques, comme je l'ai déjà dit, les recommandations accusent des lacunes à ce sujet.

Je regrette aussi fort qu'aucune réforme fondamentale n'ait découlé des travaux de la commission spéciale chargée d'examiner la crise financière et bancaire. Je pense notamment au code de bonne conduite ou à la rémunération élevée des banquiers. Ceci doit se faire immédiatement, donc sans attendre les dispositions légales et, ou réglementaires qui doivent généraliser ces réformes, dans les établissements financiers dont les pouvoirs publics sont devenus, à la suite de la crise, le copropriétaire, voire l'actionnaire majoritaire.

Au cours de l'examen par la commission spéciale, le besoin d'une étude plus poussée s'est fait sentir. Il était en effet impossible d'éclairer certains facteurs. Il suffit de penser au règlement des dossiers toujours pendants relatifs à Fortis et à Dexia et à l'absence d'exécution des accords avec les Pays-Bas, ainsi qu'aux responsabilités personnelles des principaux acteurs et au rôle de la maison royale.

Le rapport passe aussi trop vite sur les aspects de la globalisation effrénée, les structures et réseaux planétaires et l'axiome de la croissance, ainsi que sur la mesure dans laquelle tous ces éléments ont contribué à transformer une crise relativement limitée sur le marché américain des hypothèques en crise financière mondiale. J'ai constaté à mon grand désarroi que certaines constatations importantes relatives à l'échec du contrôle de la CBFA contenues dans le rapport n'ont manifestement pu déboucher sur un débat consacré à la responsabilité politique et, ou à la dépolitisation de la gestion de la CBFA.

Je pense que l'intégration de la Commission bancaire dans la Banque nationale n'est pas indispensable et qu'elle ne conduira pas forcément à un meilleur contrôle.

La Banque nationale est actuellement compétente pour le contrôle général de l'économie, le contrôle macroprudentiel, le contrôle de la CBFA ainsi que pour le contrôle des banques elles-mêmes, appelé le contrôle microprudentiel. L'instauration d'un contrôle supplémentaire entre micro et macro, le contrôle « mésoprudentiel », peut en effet contribuer à prévenir la prochaine crise financière mais il n'en reste pas moins que le Comité de stabilité financière, qui est l'actuel organe de collaboration entre la Banque nationale de Belgique et la CBFA, doit être renforcé.

Pour toutes ces raisons, je demande au gouvernement d'exécuter d'emblée les recommandations de la commission dans les institutions financières dans lesquelles l'État a pris une participation et peut dont jouer pleinement le rôle d'actionnaire. Le gouvernement peut ainsi anticiper sur les réformes légales générales ultérieures. Les dispositions relatives au corporate governance, à la rémunération des administrateurs et banquiers et à la distinction entre les banques de dépôt et les banques commerciales peuvent être mises en oeuvre immédiatement. Début octobre 2008, j'avais d'ailleurs déjà plaidé pour la scission du secteur bancaire entre les « banques pour cowboys » et les « banques pour rentiers ».

Pour s'attaquer vraiment à la crise financière, il faut des mesures structurelles suffisamment fermes pour rétablir la confiance des épargnants et des investisseurs. Si l'augmentation à 100 000 euros de la garantie minimale pour les carnets d'épargne est un bon début pour les petits épargnants, elle n'est pas une solution suffisante pour rétablir la confiance des épargnants dans les institutions financières en général.

La cause essentielle de la crise est le manque de contrôle et de transparence. La comptabilité des banques ne reflète par leur situation réelle. Certaines d'entre elles, comme Fortis et ABN AMRO, n'ont pas repris dans leur bilan des obligations exceptionnelles représentant des milliards d'euros, ce qui leur a permis de gonfler leurs avoirs et de surestimer artificiellement leur valeur. Cela empêche les investisseurs d'avoir une idée précise des risques. Sur le marché interbancaire, cela a provoqué une rupture de confiance, avec des problèmes de liquidités comme conséquence.

Pour rétablir la confiance, il faut s'atteler d'urgence à assurer davantage de transparence financière et bancaire, notamment en imposant de nouvelles obligations comptables qui devront être strictement appliquées.

Une deuxième cause de la crise actuelle est le contrôle défaillant par la CBFA. Le fonctionnement de ce mécanisme de contrôle doit donc être repensé. La CBFA ne dispose pas de suffisamment de moyens de contrôle pour assurer sa mission de régulateur. La crise a montré qu'elle n'était pas en mesure de réagir rapidement aux événements. Il s'impose de réformer d'urgence l'autorité bancaire de régulation et le mécanisme de contrôle financier dans notre pays. Les pouvoirs publics doivent réformer en profondeur le secteur bancaire pour rétablir durablement la confiance de la population.

Une solution pourrait être la scission du secteur bancaire en deux branches avec, d'une part, les banques d'investissement et, d'autre part, les banques commerciales et de dépôt. La branche commerciale serait axée exclusivement sur les placements à faible risque, les produits d'épargne destinés au petit épargnant, les prêts hypothécaires et autres produits bancaires ne comportant de risque élevé ni pour l'épargnant-investisseur ni pour l'institution bancaire. En cas de faillite, les avoirs auprès de ces banques commerciales seraient toujours remboursés intégralement et toutes les formes de crédit seraient complètement garanties.

Les banques d'affaires peuvent alors offrir toutes les autres « transactions de cow-boy » à une clientèle qui est pleinement consciente du caractère financier de ces banques et peut prendre de plus grands risques en toute connaissance de cause.

Abstraction faite de ce qui précède, j'estime que la haute finance belge s'est toujours liée à des intérêts français. Là où d'autres pays, comme les Pays-Bas, interviennent en tant qu'État pour préserver les intérêts de leurs épargnants, notre gouvernement peut se rendre à Paris pour y brader nos intérêts. Il est urgent que, dans ce secteur, nous stimulions à nouveau le débat sur l'ancrage flamand.

Notre système bancaire doit indéniablement être assaini de manière résolue, éventuellement avec une participation publique, mais nous devons veiller à ne pas rester avec une paire de banques zombies dans les bras, maintenues en vie par l'État mais qui ne rempliraient plus leur rôle de prêteurs aux familles et aux entreprises.

Pour finir, j'insiste sur la création d'une commission d'enquête qui puisse poursuivre le travail d'investigation commencé par la commission mixte. Cela implique une enquête plus étendue que celle de la commission d'enquête sur Fortis. Du reste, à un moment donné de la discussion sur la création de la commission spéciale, cette perspective avait été envisagée. Cette commission d'enquête pourrait entre autres s'intéresser au règlement des dossiers Dexia et Fortis encore en suspens, à la non-exécution des accords avec les Pays-Bas, à la responsabilité personnelle d'un certain nombre de protagonistes et au rôle de la maison royale.

Mme Joëlle Kapompolé (PS). - Je remercie le rapporteur, M. Collas, pour la qualité de son rapport.

L'étincelle qui a déclenché la crise financière en septembre 2008 s'est produite aux États-Unis. Mais en fait, la soif effrénée de profits qui a généré des prises de risques insensées était déjà bien présente sur toute la planète.

Nos grandes entreprises belges ont été fortement touchées. La crise économique, aggravée par la crise financière, conduit aujourd'hui notre pays à une crise sociale très sérieuse.

Les excès du monde bancaire et financier ont eu un effet dévastateur sur les efforts budgétaires que notre pays s'efforçait de poursuivre afin de prévoir notamment les coûts du vieillissement de la population.

La contribution du groupe socialiste du Sénat aux travaux de la commission spéciale nous permet de tirer plusieurs conclusions sur la crise financière que traverse notre pays.

Celui-ci a été déstabilisé par la crise et doit à présent entreprendre certaines réformes afin de se protéger à l'avenir. Derrière nos travaux se profile une préoccupation : protéger l'économie réelle, celle qui donne du travail et améliore le quotidien de l'ensemble des citoyens.

Il faut se garder de tirer à boulets rouges sur le système américain, en omettant de regarder ce qui n'a pas fonctionné dans notre pays. Nous devons au contraire analyser les failles de notre système de contrôle et améliorer la protection des épargnants.

On ne peut accepter que le coût résultant de la cupidité et de l'aveuglement de certains soit payé par le contribuable.

En attendant les conclusions du Comité Lamfalussy et les premiers résultats concrets du Sommet du G20, le Sénat doit se pencher très rapidement sur les suites à donner aux recommandations des experts. Certains problèmes exigent une réaction rapide.

Je souhaite attirer votre attention sur cinq éléments.

Tout d'abord, le travail d'analyse des experts a démontré que la Commission bancaire, financière et des assurances, la CBFA, n'a pas réalisé une évaluation poussée de la situation des liquidités des grandes banques belges. Notre arsenal législatif met pourtant à la disposition du contrôleur microprudentiel toute une série d'instruments à cet effet. La CBFA pouvait ainsi se faire communiquer toute information sur la situation des liquidités, désigner un commissaire spécial, suspendre, pour une durée fixée, l'exercice partiel ou total des activités de la banque, remplacer des administrateurs et gérants ou encore révoquer l'agrément.

Nous devons éviter d'ajouter des règles à notre cadre législatif si des outils existent déjà. Il faut plutôt veiller à leur application effective. Nous constatons donc que la CBFA n'a pas utilisé tous les outils prévus par la loi pour contrôler la situation des liquidités des banques.

Ensuite, notre analyse des rapports entre les contrôleurs macro- et microprudentiels révèle que de nombreuses informations concernant les établissements financiers n'ont pas été transmises à la Banque nationale, malgré l'existence de connexions entre les deux institutions.

La défaillance de la CBFA a empêché nos autorités de contrôle d'apprécier les risques systémiques. Comme l'a souligné la Banque nationale devant la commission, la surveillance macroprudentielle exige que les banques centrales puissent accéder directement à l'information sur les évolutions affectant des institutions individuelles et sont de nature à mettre en péril la stabilité financière globale.

Nous pouvons en outre pointer le manque de réalisme des « stress tests » réalisés en vue d'évaluer la stabilité du système, étant donné l'absence de chiffres concrets. Le contrôleur a fait preuve d'une confiance aveugle dans notre système bancaire alors qu'on attend plutôt de lui qu'il nous évite de nous retrouver dans une crise impliquant nos plus grandes banques.

Ainsi, le Comité de stabilité financière a exercé sa mission en l'absence de chiffres des banques durant toute l'année 2008.

Le groupe socialiste a également pointé du doigt l'absence de contrôle des stratégies des établissements bancaires belges. Une dimension dynamique doit être introduite dans le contrôle de nos banques. Il faut absolument s'intéresser aux politiques managériales déployées.

Nous déplorons aussi le manque de formalisme de notre contrôle prudentiel. Le fonctionnement du Comité de stabilité financière aurait pu être formalisé et amélioré via un arrêté royal. La loi du 2 août 2002 avait prévu que le Comité de stabilité financière puisse prendre des décisions selon des modalités à préciser par le Roi. Malheureusement, cet arrêté n'a jamais été pris.

En conclusion, cette crise est une opportunité pour refonder notre système afin d'en corriger les excès. Le parti socialiste n'a d'ailleurs pas attendu la crise pour formuler des propositions concrètes renforçant la transparence du système financier. La finance doit être au service de l'économie réelle et améliorer les conditions de vie de la population. Elle ne peut en aucun cas devenir un facteur de déstabilisation de l'économie.

Les recommandations des experts permettront sans doute aux parlementaires de mener des réformes législatives. À cet égard, le groupe socialiste insiste sur la nécessité d'une meilleure réglementation du système bancaire et financier dans notre pays. Cela ne signifie pas nécessairement ajouter de nouvelles lois ; il importe surtout d'améliorer l'efficacité de notre arsenal législatif par le biais de textes plus adaptés, dont l'effectivité doit être renforcée.

De nombreuses personnes auditionnées ont mis l'accent sur la nécessité d'une « éducation financière » du consommateur. Sans adhérer à ce concept ambigu, nous sommes partisans d'une meilleure information des citoyens quant au fonctionnement des marchés financiers. Il est piquant de voir que cette prétendue « éducation financière » semble avoir fait défaut aux dirigeants de banques qui ont entretenu une certaine opacité au détriment de l'intérêt général.

Le parti socialiste dénonce depuis longtemps les dangers d'une société qui fonctionne à crédit de façon outrancière. La crise des subprimes qui a éclaté aux États-Unis a notamment été causée par l'octroi trop facile de prêts hypothécaires à des ménages peu solvables. Même si la Belgique dispose d'un cadre juridique plus contraignant en la matière, le groupe socialiste veut avancer davantage afin de mieux encadrer les crédits dits « faciles », sachant qu'en parallèle, il faut prendre des mesures pour augmenter les revenus des citoyens.

L'euphorie financière qui n'a cessé de s'amplifier depuis les années 80, qui s'est manifestée par l'émergence de bulles spéculatives à intervalles réguliers, est à l'origine des problèmes observés au sein de l'économie mondiale. Le système financier ne pourra être durablement assaini sans adopter des mesures permettant de stopper le développement de la frénésie spéculative. Si la crise est le résultat d'une déréglementation des marchés provoquée par la cupidité et l'aveuglement de certains acteurs, ses conséquences sociales et son coût sont supportés par l'ensemble de la population et particulièrement par le monde du travail. Par conséquent, le parti socialiste souhaite qu'à l'avenir, le monde du travail soit davantage associé au contrôle de la finance.

L'ingénierie financière a créé des produits d'une opacité de plus en plus grande qui les rend incontrôlables. Cette opacité et cette technicité, que souvent les employés de banque ne comprennent pas eux-mêmes, concourent au dysfonctionnement des marchés financiers, notamment par la dilution des risques, de plus en plus difficiles à identifier.

Le système financier porte en lui une incitation à la prise maximale de risques à court terme. Cela met en péril la stabilité des institutions bancaires ainsi que la gestion saine et durable de leurs activités. Ce modèle doit être refondé afin de décourager les approches basées sur le court terme, lesquelles doivent céder la place à des stratégies durables et stables.

Il apparaît également - nous l'avons constaté tout au long de ces auditions - que les modes de rémunération des dirigeants et cadres des systèmes bancaire et financier poussent ces derniers à privilégier le rendement à court terme, au détriment des intérêts fondamentaux des entreprises et, a fortiori, au détriment de l'intérêt général, sans oublier le rôle destructeur joué par les paradis fiscaux.

Dans une certaine mesure, le caractère systémique de certaines de nos banques a pris l'État en otage. Les autorités publiques sont intervenues à juste titre afin de garantir la survie de certains établissements financiers belges de premier plan. La préoccupation poursuivie était le maintien de l'emploi et du rôle joué par ses institutions dans l'acheminement du crédit au profit des particuliers et des entrepreneurs.

Ce constat pose clairement la question de la taille des banques et du métier de celles-ci.

Le PS refuse qu'à l'avenir, l'on procède à une mutualisation des pertes, dès lors que les bénéfices ont été privatisés.

Nous devons, à l'avenir, éviter qu'une crise de cette ampleur se reproduise, afin de ne pas hypothéquer les efforts budgétaires nécessaires pour préparer les défis fondamentaux de demain, comme le coût du vieillissement de la population. Il en va de l'intérêt des ménages, mais aussi de l'économie dans son ensemble.

Limiter notre analyse à la simple question d'une meilleure organisation financière, c'est refuser de s'attaquer à la racine du mal, à savoir la mauvaise répartition des richesses sur la planète. Tant qu'on ne rétablira pas l'équilibre entre les revenus des capitaux et ceux du travail, les inégalités seront toujours présentes et les crises se répéteront, sous d'autres formes et en d'autres lieux.

Nous devons donc inventer, à l'échelon mondial, un nouveau modèle de redistribution qui assure une utilisation parcimonieuse des ressources naturelles, de manière à intégrer pleinement un développement économique et humain, dans l'intérêt de tous.

M. Bart Martens (sp.a). - Les recommandations de la commission spéciale répondent partiellement à la crise financière, laquelle a en effet commencé aux États-Unis mais est très vite arrivée en Europe, n'épargnant ni notre pays ni nos institutions financières. La crise financière est en grande partie imputable à un libéralisme outrancier, à un excès de confiance dans l'autogestion des institutions financières et à la main invisible qui a trop tâtonné et dont les doigts se sont révélés très longs, car de nombreux investisseurs crédules ont perdu leur argent. Ils ont été emportés par l'éclatement d'une bulle de prospérité illusoire. La crise financière a aussi affecté l'économie réelle. De ce fait, des entreprises tombent en faillite et une seconde vague de problèmes risque même de déferler sur le monde financier s'il s'avère que les entreprises ne peuvent plus rembourser leurs emprunts.

Nous avons fait notre part du travail et examiné la crise à la loupe, le résultat étant une série de recommandations soutenues par notre groupe. Elles sont peut-être trop tardives mais elles doivent être suivies d'effets concrets pour nous permettre de tirer un enseignement de la crise et d'éviter que l'histoire se répète.

Ces recommandations visent notamment à accroître la transparence. Les investisseurs doivent connaître les risques liés à certains produits d'investissement. Ils doivent pouvoir se baser sur une notation correcte qui reflète le taux de risque de ces produits.

Des règles s'imposent quant au contrôle exercé non seulement sur les banques et les institutions financières elles-mêmes, mais aussi sur les agences qui jugent de la solvabilité des produits et des institutions. Ces agences ont joué aux apprentis sorciers. Par exemple, FSA, filiale de Dexia, bénéficiait de la notation AAA, qui correspond au degré de solvabilité le plus élevé ; il est apparu par la suite qu'elle avait pris d'énormes risques et commercialisait de mauvais produits, ce qui a déstabilisé Dexia.

Il faut aussi des règles concernant l'exigence de fonds propres et le portefeuille tampon, des règles comptables. Certaines recommandations concernent la répression de la vente à découvert, une politique de rémunération correcte dans nos institutions financières et la scission des banques d'épargne et de dépôt et des banques d'investissement.

Je ne répéterai pas toutes les recommandations, mais je vous mets en garde contre les faux espoirs. D'une certaine façon, nos recommandations sont en effet contradictoires. D'une part, nous espérons bien plus de prudence et de réserve de la part de nos banques dans l'octroi des crédits. D'autre part, nous considérons qu'en ces temps de crise économique, les familles comme les entreprises doivent obtenir davantage de crédits. Des choix devront donc être faits.

Je voudrais m'arrêter un moment aux recommandations du dernier chapitre, intitulé : « Autres pistes ». On envisage notamment l'utilisation du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

Ce problème mérite d'être examiné plus à fond.

Le dollar restant la monnaie de réserve au niveau mondial, les États-Unis peuvent fonctionner comme consommateur et débiteur en dernière instance. Très longtemps, les États-Unis ont absorbé les surplus de production, surtout du monde asiatique et particulièrement de la Chine, et sont devenus les débiteurs du reste du monde. En quelques décennies, les États-Unis qui étaient les plus grands fournisseurs de crédits sont devenus les plus grands débiteurs au niveau mondial. Une telle situation est intenable. Dans une économie normale, les pays ayant un déficit commercial comme celui des États-Unis voient la valeur de leur monnaie baisser. Cela ne vaut pas pour le dollar en tant que monnaie de réserve au niveau mondial.

Pour ces raisons, de nombreux pays en développement achètent, afin de constituer des réserves, des certificats du trésor américain et des obligations d'État en dollars à un rendement très faible.

Selon l'analyse de l'économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz, c'est l'un des problèmes du système financier mondial. En achetant des titres américain à faible rendement, les pays en développement sont privés d'un multiple de l'aide officielle au développement qu'ils reçoivent. En investissant ces montants dans l'économie réelle, le return on investment serait nettement supérieur.

Au G20 à Londres, la Chine a mis ce point en évidence et a été suivie, entre autres, par la Russie. Provisoirement, le G20 renvoie aux droits de tirage spéciaux du FMI d'une corbeille de monnaies que le FMI a constituée lui-même, ce qui fait que divers pays peuvent maintenant constituer des réserves moins dépendantes du dollar.

Nous devons poursuivre dans cette voie et tenir compte des recommandations de Stiglitz pour arriver à un système de monnaie de réserve beaucoup plus stable que l'actuel billet vert. C'est indispensable si on veut que le système financier mondial résiste.

M. Vandenberghe a utilisé la métaphore de l'État pompier. La commission spéciale a fait de nombreuses recommandations mais malgré les instruments de détection d'incendie et de protection contre le feu, les fondements de la construction ne sont pas encore suffisamment stables. C'est pourquoi nous devons passer à un autre système de monnaie de réserve mondiale. Ce n'était pas le but de la commission d'enquête spéciale mais la question mérite d'être approfondie.

Un système monétaire mondial stable est aussi fondé sur la confiance. Dans son livre Trust, Francis Fukuyama écrivait déjà qu'un système financier, un système économique, une société n'existent qui si on a confiance dans les banques, les institutions financières, l'économie et les pouvoir publics. Je me demande si nos recommandations peuvent y contribuer. En tout cas, le gouvernement devra les suivre minutieusement. Cela montre que l'idée d'une commission de contrôle était réellement valable.

Le gouvernement devrait d'ailleurs s'exprimer d'une seule voix. J'ai toutefois constaté hier avec stupeur que le ministre De Gucht est vivement opposé à la vente de la banque Fortis à BNP Paribas. Notre groupe avait aussi espéré un stand alone. Dans des circonstances économiques difficiles, on a procédé bien trop rapidement à la vente de la banque.

Nous avons bradé notre secteur de l'énergie à la France et c'est ce que nous faisons aujourd'hui avec notre plus grande banque nationale. Ce n'est pas de nature à susciter la confiance auprès des épargnants, des investisseurs ou des actionnaires. Le numéro auquel nous avons assisté hier autour de Fortis n'est certainement pas bon pour l'image de notre pays en tant que région d'investissement.

Nous soutenons la recommandation de la commission. Nous espérons que l'autorité la suivra scrupuleusement mais il faudra bien plus pour maintenir la stabilité du système monétaire mondial. Il faut un nouveau système de monnaie de réserve mondial. Il faut tout faire pour rétablir la confiance de la société dans les institutions financières et les pouvoirs publics.

M. José Daras (Ecolo). - Il me sera sans doute difficile de ne pas être redondant à cette tribune à propos des conclusions qui ont été adoptées à l'unanimité.

Le moment de notre débat n'est pas innocent puisqu'il est crucial pour le principal collecteur d'épargne de notre pays, Fortis.

Je tiens avant tout à remercier notre collègue Collas pour son excellent rapport. Je vous dirai ensuite, avec une humilité qui m'est naturelle, que j'ai fait ces dernières semaines un véritable stage d'immersion dans des matières que je ne maîtrisais pas très bien. Je ne suis en effet ni un spécialiste de la réglementation financière ni un spécialiste de l'analyse de la finance mondiale.

Des travaux de la commission, que j'ai suivis assidûment, je retiendrai deux constats assez simples mais qui méritent d'être soulignés. Le premier constat est l'opacité totale du système : les acteurs eux-mêmes ne savent plus quels produits ils achètent, quels produits ils vendent, quelle est la qualité du produit. De même, ils ne sont plus en mesure d'évaluer le risque qu'ils prennent et se laissent parfois séduire par l'éventualité de gros profits et d'énormes rendements.

Il ne vous étonnera pas que je puisse comparer la situation à une pollution. Je prendrai l'exemple d'une pollution de l'eau. Quand on a affaire à de l'eau polluée, on peut soit l'épurer, soit la mélanger à de l'eau propre pour diluer la pollution et respecter les normes. C'est exactement ce que l'on a fait avec les produits structurés. On a dilué la pollution, on l'a étendue un peu partout dans le monde dans l'espoir de ne pas atteindre le taux de toxicité. Malheureusement, cette pollution financière a bel et bien atteint le taux de toxicité.

À cette opacité structurelle s'ajoute un certain culte du secret, une tentation de rétention d'informations de la part des opérateurs financiers, ce qui rend le système d'autant plus opaque. Les experts nous ont ainsi avoué avoir eu des difficultés à accéder à certains rapports et documents. Nous avons dû à la limite recourir à la menace de muer notre commission en une véritable commission d'enquête pour faire entendre raison aux opérateurs financiers. Dans la situation actuelle, il est particulièrement regrettable que certaines institutions financières cultivent encore le culte du secret et craignent que l'on découvre des erreurs, des fautes, des imprudences dans leur gestion, des rapports restés sans suites, etc.

Toutefois, même si nos experts n'ont pas eu un accès absolu à toutes les informations, nous avons pu collecter assez de renseignements pour que notre rapport, nos conclusions et nos recommandations soient fondés.

Le deuxième constat frappant que j'ai pu faire au terme de nos travaux est le culte de l'irresponsabilité qui règne dans les milieux financiers. La situation est simple : si le système fonctionne bien et assure un bon rendement, vous, dirigeant d'une banque, serez récompensé avec divers bonus et des stock options.

Si cela ne marche pas bien, vous serez poussé vers la sortie, avec un parachute doré. J'espère que les initiatives relatives à la réglementation des parachutes dorés qui ont été prises au parlement aboutiront et qu'elles tiendront compte aussi de ce qui pourrait les remplacer, à savoir des espèces de primes à l'embauche.

Quoi qu'il en soit, il est clair que ce système n'incite pas les dirigeants de nos institutions financières à se sentir responsables, surtout s'ils marquent leur foi dans ce postulat bizarre que l'on a beaucoup entendu : too big to fail, nous sommes trop grands pour faire faillite et de toute façon, l'État interviendra en cas de difficultés.

L'opacité et l'irresponsabilité sont évidemment des constats graves.

La première des priorités que nous devons avoir à l'esprit est la protection de l'épargnant et ce, pas uniquement par la garantie de l'État qui ne devrait d'ailleurs être mise en oeuvre qu'en cas de situation vraiment catastrophique et dont le but est plutôt de rassurer psychologiquement. Pour protéger l'épargnant, il ne suffit pas non plus de l'éduquer. Faudra-t-il bientôt un permis d'investir comme il faut un permis de conduire ? Cela me semble un voeu pieux. Pour protéger l'épargnant, il faut lui fournir une information correcte. Or nous nous trouvons dans une situation totalement surréaliste : l'acheteur d'un fer à repasser qui coûte 50 euros dispose d'un mode d'emploi en 30 langues et bénéficie d'une garantie, de labels, de normes de sécurité, alors que l'épargnant qui achète des titres financiers pour des montants nettement plus importants ne dispose d'aucune information ni garantie !

Aussi nous pensons que parallèlement à l'inspection économique, nous devrions avoir une inspection financière qui pourrait dire à l'épargnant quel produit est fiable, quel autre l'est moins, quel autre encore est interdit parce que présentant de trop gros risques. Il serait logique que les produits financiers soient soumis à un minimum de règles avant d'être proposés aux épargnants, comme c'est le cas pour quantité de produits dans notre société.

La deuxième priorité est la séparation des métiers bancaires. Il y a trente ans - à l'époque nous n'étions ni au Moyen Âge ni dans un système soviétique - cette séparation existait. Il y avait des banques publiques et des banques privées et le secteur ne se portait pas si mal. Depuis vingt ans, on a mélangé les choses. Les banques traditionnelles sont aussi devenues des banques d'affaires et se sont lancées dans des activités spéculatives. Par moments, nos banques ont eu des rendements de 20%, ce qui est évidemment très au-delà du rendement d'une banque qui se contenterait de collecter l'épargne et de prêter de l'argent aux entreprises et aux citoyens. Nous en payons les conséquences aujourd'hui. C'est pourquoi nous sommes favorables à la séparation des métiers bancaires, avec des banques traditionnelles non cotées en bourse, qui ne seraient donc pas touchées en cas de faillite des banques financières.

Il importe, à terme, d'obliger les banques à garder un certain niveau de solvabilité, à renforcer cette dernière de manière contracyclique.

Voici quelques années, dans notre pays, les fonds propres de certaines banques ne dépassaient pas 2,5%. C'était d'ailleurs le cas de Fortis et c'est encore celui d'autres banques. C'est évidemment beaucoup trop peu pour assurer une certaine sécurité. Voyant ce qui se passe en Espagne, nous sommes favorables à une augmentation des fonds propres dynamiques, à une stratégie - comme Mme Crombé, je ferai appel à ce bon M. de La Fontaine - de la fourmi plutôt que de la cigale. Il faut faire remonter le ratio de solvabilité des banques quand tout va bien et leur permettre de le diminuer en période de crise. Ce n'est évidemment réalisable qu'à moyen terme, car c'est infaisable aujourd'hui au creux de la crise. Il est impératif de constituer des réserves quand tout va bien, de manière à pouvoir faire face aux situations de crise.

L'amélioration des normes comptables a aussi été largement évoquée afin de réduire leur procyclicité. En l'occurrence, les États-Unis se montrent plus pragmatiques que l'Europe puisqu'ils ont déjà commencé à prendre des mesures pour réduire cette procyclicité.

Une autre voie est la taxation des opérations boursières. Elle existe déjà et s'élève aujourd'hui à 0,16% en moyenne. Elle est donc extrêmement faible. Si elle était un peu plus élevée - 0,5% par exemple -, cela ne poserait aucun problème au petit investisseur qui réalise un placement de bon père de famille, stable, s'étalant sur plusieurs années.

En revanche, cela poserait des problèmes aux spéculateurs qui vendent et achètent des actions plusieurs fois par jour et cela représenterait un poids important dans les transactions. En période de forte volatilité, on pourrait augmenter cette taxe, ce qui aurait pour effet de freiner cette activité purement spéculative.

Tels sont les éléments qui nous semblent importants et qui ne sont pas tous applicables à court terme. M. Vandenberghe a parlé d'une législation d'urgence. Il est vrai que certaines mesures peuvent être prises à court terme, mais d'autres demanderont du temps ou ne pourront commencer à être mises en oeuvre que quand la crise sera passée et la situation se sera améliorée.

Il me revient également de saluer globalement le travail de cette commission. Elle ne s'est pas livrée à un show, elle a travaillé sérieusement semaine après semaine et n'a pas fait la une des médias à chacune de ses réunions.

Le huis clos a fait l'objet de discussions, mais il a permis la réalisation d'un travail en profondeur et l'audition de personnes qui ne se seraient pas présentées s'il n'avait pas été décrété. Il a donc eu des côtés positifs.

J'ose espérer que ce rapport ne traînera pas au fond d'une armoire, mais servira de référence pour les années à venir.

Je regrette toutefois que l'on n'ait pas suffisamment établi de lien entre la politique financière et celle des revenus. J'avais personnellement évoqué ce lien à plusieurs reprises au début des travaux de la commission.

Il est évident que vivre à crédit a ses limites si la politique des revenus ne suit pas, comme cela s'est passé aux États-Unis. Les règles sont différentes chez nous : on ne prête pas de l'argent à partir de la valeur de l'actif mais à partir des revenus des gens. Néanmoins, on ne peut pas séparer les problèmes qui sont à l'origine de cette crise et les politiques de revenus.

Nous sommes aujourd'hui en campagne pour les élections européennes. Beaucoup de propositions et de recommandations devront être examinées à l'échelon européen, même s'il est difficile de s'accorder à vingt-sept. Peut-être faudra-t-il agir en partie au niveau de l'eurozone, voire par le biais de coopérations renforcées. Un contrôle prudentiel à l'échelon européen constituerait déjà une avancée considérable. C'est en tout état de cause une idée que nous défendrons durant la campagne électorale, et par la suite au Parlement européen.

Nous sommes unanimes à demander une commission de suivi qui sera quasiment permanente.

Je rejoins les préoccupations qui ont été exprimées à cette tribune par Mme Kapompolé. Nous ne sommes en effet pas les seuls concernés par cette crise : les pays du sud, les pays les plus pauvres en souffrent énormément. Par conséquent, il importe que nous en revenions à un fonctionnement sain du commerce et de la finance mondiale. Nous n'avons pas parlé de ces pays, étant préoccupés par notre propre situation en Europe. Nous devons cependant être conscients qu'en bien d'autres endroits au monde, on pâtit de cette crise et il faut en tenir compte dans notre politique de coopération au développement et dans les mesures qui seront éventuellement décidées pour rééquilibrer la situation au niveau mondial. Nous ne devons pas agir uniquement en fonction des intérêts du nord de la planète.

Aujourd'hui, nous sommes à un moment crucial pour notre banque Fortis. J'ignore si l'assemblée d'Utrecht est terminée mais nous n'en attendons guère de surprises. Ce sera donc l'adossement à BNP Paribas. Pour notre part, nous avions critiqué cette option et défendu le stand alone et la nationalisation.

Je veux être clair : je ne suis pas un groupie de M. Modrikamen. Notre conception du stand alone diffère de la sienne. Nous nous préoccupons de l'intérêt général et pas uniquement de celui des actionnaires. Bien entendu, nous défendons les petits actionnaires et le personnel de la banque. Ce qui s'est passé hier lors de l'assemblée n'a servi ni lui ni personne. Cette saga se terminera vraisemblablement aujourd'hui. On nous dit que la décision a été prise grâce au soutien de fonds spéculatifs basés dans des paradis fiscaux.

À l'heure où nous dénonçons les fonds spéculatifs et où nous affirmons qu'il convient de mettre fin au système des paradis fiscaux, la solution au problème de Fortis n'a peut-être pu être trouvée que grâce au soutien de fonds spéculatifs installés dans des paradis fiscaux. Cette information doit être vérifiée, si c'est possible. Un malaise règne toutefois et nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si les orientations actuelles ne sont pas en contradiction avec les conclusions de la commission.

M. Francis Delpérée (cdH). - Je voudrais tout d'abord parler de nos méthodes de travail. Les travaux de la commission spéciale se sont ajoutés à ceux des commissions permanentes et des séances plénières. Dans la semaine du 23 mars, par exemple, la commission Fortis s'est réunie durant sept demi-journées. Nous avons dès lors dû réorganiser nos travaux et certaines séances de commission ont été supprimées. Le procédé utilisé était particulièrement utile et opportun mais ce travail a peut-être montré ses limites. Attention à ne pas asphyxier l'assemblée par des travaux auxquels elle n'est pas toujours habituée !

La commission spéciale a travaillé à huis clos, à la différence de la commission Fortis et sur la séparation des pouvoirs. Nous devons nous féliciter de l'application de cette règle. Je dois toutefois déplorer que certains commissaires aient cru nécessaire, lors de chaque réunion, de remettre en question la règle du huis clos. Après le rappel, par la commission, de l'application de cette règle, ces mêmes commissaires s'épanchaient immédiatement devant les caméras de télévision ou les micros.

Le huis clos était particulièrement utile. Nos interlocuteurs se sont en effet sentis plus libres de s'exprimer et de faire part de leurs préoccupations, sans crainte de voir leurs réflexions, leurs commentaires et leurs analyses immédiatement répercutés à l'extérieur ou sans crainte de voir des informations transmises à leurs concurrents. Au début de leur audition, certaines personnes ont parfois fait preuve d'une certaine réserve et, le temps faisant son oeuvre, elles se sont ensuite ouvertes. Cela valait pour les banquiers, les financiers, les experts et les fonctionnaires, mais aussi pour les hommes et les femmes politiques et notamment pour les membres du conseil des ministres restreint.

Une commission de ce type ne doit d'ailleurs pas se transformer en une sorte de tribunal du peuple et les parlementaires ne doivent pas se muer en détectives préoccupés de débusquer l'information croustillante ou de coincer l'interlocuteur à la suite d'une parole peut-être maladroite. La commission a fait oeuvre utile parce qu'elle s'est principalement préoccupée de tirer les leçons de l'échec et de préparer l'avenir dans les meilleures conditions qui soient.

Le huis clos était également indispensable pour les parlementaires qui ne considéraient pas devoir parler à deux millions de téléspectateurs mais qui acceptaient de faire le point avec des collègues sur une question importante du droit bancaire ou du droit financier.

Nous n'étions pas dans un match de boxe. Nous ne devions pas censurer le gouvernement. Il ne s'agissait pas d'une rivalité entre majorité et opposition, sans doute parce que nous constations que les responsabilités devaient avant tout être recherchées dans le secteur de l'économie, de la banque et des finances et non du côté gouvernemental.

Je ferai une troisième observation sur la méthode. On l'a dit et il faut le redire : la commission n'aurait pas pu travailler utilement si elle n'avait pas été assistée, je dirais même accompagnée, par un groupe d'experts, un comité de quatre experts du monde économique et financier qui ont accompli un travail remarquable d'analyse et de synthèse, qui ont réalisé dans la commission et en dehors de celle-ci un travail essentiel d'investigation, qui ont pendant trois semaines accompagné la commission, qui ont rédigé un rapport de plus de trois cents pages et, il faut le dire également, qui ont finalement largement inspiré les recommandations de la commission. Il faut rendre à César ce qui est à César et aux experts ce qui est aux experts. C'est une leçon essentielle de modestie.

Le parlement ne peut pas tout faire. Les parlementaires ne sont pas des Pic de la Mirandole. L'élection par le suffrage universel ne leur donne pas des capacités d'analyse et de synthèse qui leur permettraient de faire oeuvre utile dans tous les domaines et dans les délais qui leur sont assignés.

Rassurez-vous, je ne proclame pas ici la mort du politique. Je ne mets pas sur le pavois les experts. Mais je me dis qu'une expertise dans un domaine complexe peut être utile et que le dialogue entre les politiques et les experts peut être fructueux. Encore faut-il que, comme ce fut le cas dans la commission Fortis, les experts restent dans les limites des tâches qui leur sont attribuées, apportent une collaboration sans faille à l'institution parlementaire, n'empiètent pas sur le domaine des appréciations politiques et apportent ainsi une énorme valeur ajoutée à notre travail. Le dialogue entre un parlementaire qui accepte de reconnaître ses limites et un expert qui accepte de lui apporter son concours technique, ce dialogue ne peut être que fructueux.

J'en viens aux questions de fond. Elles sont nombreuses. Elles ont déjà été très largement débattues. Je pourrais parler des parachutes dorés, des paradis fiscaux, des agences de notation... Je me félicite en tout cas de constater que les vingt-cinq propositions que le cdH avait formulées dès le 14 novembre 2008 dans un document qui s'intitulait « Pour une nouvelle gouvernance financière » ont été très largement rencontrées. Cela sans compter que, depuis lors, le rapport intermédiaire Lamfalussy et le rapport de Larosière sont venus confortés nos options de base. Je vous renvoie sur ce sujet aux considérations que la commission a formulées in fine.

Je ferai des observations sur trois questions : la régulation, le contrôle et la décision.

La régulation. Les banquiers nous ont dit - était-ce naïveté ou bonne excuse ? - qu'ils vendaient des produits financiers dont ils ne connaissaient pas le contenu, les risques et, pour tout dire, la toxicité. Comme M. Daras, je constate qu'un certain nombre d'activités s'exercent sans que des dispositions contraignantes ne viennent enserrer cet exercice. Je ne peux pas vendre des produits pharmaceutiques, je ne peux pas vendre des appareils électroménagers, je ne peux pas vendre des produits d'élevage sans disposer de certificats d'origine, de labels de qualité, d'attestations de fiabilité. Rien de pareil sur le terrain financier ! Les plus hauts dirigeants des banques, ceux que nous avons interrogés, ont avoué qu'ils distribuaient des produits dont ils ne maîtrisaient ni les tenants ni les aboutissants et dont ils n'étaient pas capables de vérifier la non-toxicité.

J'ajoute que dans la mesure où certains de ces produits ne sont pas des produits indigènes, il est évident que la régulation devrait être organisée au niveau européen.

L'une des idées majeures de notre commission porte sur la traçabilité des produits financiers. C'est une question essentielle et élémentaire de protection des consommateurs.

Pourquoi ne pas faire comme dans les vieilles drogueries de mon enfance et signaler les bons produits, d'une part, et ceux qui sont toxiques, dangereux ou explosifs, d'autre part ? Nous pourrions alors acheter en connaissance de cause, par exemple en choisissant des produits à risque ; nous pourrions aussi opter pour des produits qualifiés de fiables et qui correspondent à nos préoccupations de bon père de famille.

La deuxième piste est celle du contrôle. On nous a expliqué, de façon très pédagogique, que la Banque nationale opérait un contrôle macro-économique et que la Commission bancaire financière et des assurances remplissait la même tâche sur le terrain micro-économique. Les lignes de démarcation sont-elles claires ? La coordination est-elle suffisante ? Les passerelles entre les deux institutions fonctionnent-elles de manière correcte ?

Les contrôleurs nous ont dit, avec peut-être aussi beaucoup de naïveté, que leur tâche se limitait souvent à vérifier si les informations fournies par la banque étaient suffisamment explicites mais qu'ils n'entraient pas dans des analyses d'opportunité d'achat ou de vente des produits financiers.

Les experts ont notamment dit que la CBFA était un gendarme désarmé. La formule est assez cruelle. Elle n'est pas désavouée par l'institution qui demande elle-même au Parlement des armes pour être efficace. Qui veut la fin, veut les moyens.

Je ne m'étendrai pas sur les pistes qui figurent dans le rapport : renforcement de la CBFA ou, au contraire, intégration à la Banque nationale du contrôle prudentiel ou encore organisation d'une troisième institution qui servirait, en quelque sorte, de passerelle entre ces deux contrôleurs.

Après la régulation et le contrôle, j'en viens à la décision. Je ferai quelques remarques à ce sujet.

Lors de la crise alimentaire, on a vu apparaître des problèmes institutionnels importants : éclatement du pouvoir de décision, longueur des circuits de décision, répartition difficile des compétences entre l'État et les régions. La crise financière et bancaire nous oblige peut-être à faire les mêmes constats. Autrement dit, l'État dispose-t-il de tous les instruments utiles au plus fort de la crise ? En Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, il y a des instruments législatifs dont l'État peut faire usage en cas d'extrême nécessité. Rien de pareil en Belgique. Les Belges se trouvèrent dépourvus, comme aurait dit La Fontaine, lorsque la bise, ou plutôt lorsque la crise, fut venue. À crise exceptionnelle, moyens exceptionnels. À crise ordinaire, moyens ordinaires. Sur ces questions, ne sommes-nous pas un peu trop désarmés ?

J'en viens au deuxième aspect du processus de décision. Le premier ministre Leterme et les membres du kern nous ont expliqué qu'au plus fort de la crise, le gouvernement s'était doté, en un week-end, d'un comité de pilotage pour l'éclairer sur les décisions à prendre et sur l'attitude à adopter vis-à-vis de nos partenaires étrangers. Le gouvernement Van Rompuy a ensuite officialisé ce comité. La question est de savoir s'il ne conviendrait pas de poursuivre dans cette voie, de déterminer avec précision le statut, les responsabilités, les fonctions et les moyens d'un tel comité.

La question est d'autant plus aiguë que certains membres du comité font partie de la BNB et d'autres, de la CBFA. Je ne vais pas évoquer une fois de plus les mânes de Montesquieu, mais je ne peux m'empêcher de poser cette question : une même personne peut-elle être à la fois régulateur, contrôleur et décideur ? Des hommes et des femmes peuvent-ils découper à ce point leur cerveau pour remplir en même temps ces diverses fonctions ?

Dernière remarque. Un véritable esprit de corps s'est fait jour au sein de la commission mixte ou spéciale, selon les diverses appellations qui lui ont été données. J'en demande témoignage à Berni Collas, Marie-Hélène Crombé, José Daras ou Hugo Vandenberghe. Ainsi, lorsque certains de nos collègues sont arrivés en commission - on ne les avait pas vus pendant trois semaines puisque la commission se tenait à huis clos - et qu'ils ont voulu recommencer certains débats et revenir sur un certain nombre de questions, ils ont provoqué un véritable tollé : il ne s'agissait pas de reposer les questions auxquelles nous avions déjà obtenu réponse.

Au bout de quelques semaines, nous nous sommes rendu compte qu'un travail pharaonique restait à accomplir dans les mois et les années à venir. La mise en oeuvre de l'éventail des recommandations formulées par les deux chambres va occuper notre temps pendant plusieurs années. Nous allons devoir nous mobiliser sur le plan législatif et sur le plan du contrôle. Dès lors, l'idée de constituer un comité F - F comme Finances - au sein du Parlement pour suivre le dossier financier et bancaire me paraît particulièrement justifiée. Nous appuierons évidemment la constitution d'une telle commission.

J'en viens à ma conclusion. Les travaux de la commission ont permis de mettre en évidence des phénomènes que nous n'avions peut-être pas suffisamment décelés ou mesurés. L'ébranlement du système bancaire et financier en Belgique, avec ses lourdes conséquences économiques et sociales, résulte sans doute d'une crise mondiale - d'un « tsunami » pour reprendre l'expression consacrée - qui a pris naissance aux États-Unis, mais qui a eu des répercussions dans la plupart des États du monde.

Il faut ajouter que la Belgique et ses institutions bancaires et financières, qui ont sans doute commis des erreurs importantes de management, mais aussi, politiques et administratives, qui n'étaient pas toujours suffisamment armées pour faire face à ces nouveaux défis, se sont montrées particulièrement vulnérables. La crise était externe, mais les imperfections du système interne ont contribué à lui donner une ampleur particulière.

Il revient à notre assemblée de tirer la morale de l'histoire, de nous mettre si possible à l'abri de telles mésaventures - le mot est faible - et, en tous cas, de nous donner les moyens d'en éviter les conséquences les plus préjudiciables pour nos concitoyens.

M. Berni Collas (MR), corapporteur. - Nous connaissons aujourd'hui une crise financière et bancaire d'une intensité rare. Son onde de choc et les effets collatéraux ont dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer auparavant.

Cette crise financière a précipité une crise économique d'une violence sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale. Les derniers chiffres macroéconomiques du Fonds monétaire international, de l'Organisation mondial du commerce et d'autres organisations ne mentent pas : le monde est en récession.

De nombreux plans de relance nationaux ainsi que des actions concertées du G20 et de l'Union européenne ont été mis en place, d'énormes fonds ont été injectés par les banques nationales, la Federal Reserve, la Banque centrale européenne, pour stabiliser les marchés financiers et redresser la situation, pour rétablir la confiance, élément indispensable qu'il s'agisse de la confiance des épargnants, des clients bancaires, des actionnaires et surtout des banques entre elles.

D'aucuns se sont interrogés sur le fait de savoir comment on en était arrivé là. Quelles sont les causes et les origines de cette crise ? Quelles sont les leçons à tirer ? Quelle gouvernance y aura-t-il demain pour les banques ? Faut-il mettre en place de nouvelles régulations ?

Notre commission a été chargée de répondre à ces questions.

Pour y parvenir, comme la souligné M. Delpérée, des moyens importants ont été mis en oeuvre. Quatre experts indépendants, reconnus et acceptés de tous, ont été désignés afin de préparer un rapport sur lequel les parlementaires se sont basés pour leurs conclusions. Cinquante-six dirigeants ou ex-dirigeants de banques, de responsables des organes de contrôle, de membres du gouvernement et d'experts ont été interrogés par les parlementaires et les experts.

On ne réécrit pas l'histoire et avec des « si » on ne refait pas le monde. C'est pour cette raison que notre commission s'est attelée à formuler, sur la base de ces travaux, des recommandations afin d'éviter ce genre d'évolutions à l'avenir.

On retiendra plusieurs facteurs à la crise, notamment que la politique monétaire a été trop accommodante pendant trop longtemps ou que les déséquilibres macroéconomiques globaux avaient atteint des niveaux difficilement supportables.

Le monde de la finance en Belgique et en Europe souffre d'un manque de réglementation généralisée et harmonisée au niveau international.

Une économie nationale, aussi réglementée soit-elle, ne peut éviter ni contrer seule l'ensemble des effets d'une crise financière qui survient dans un contexte globalisé. La crise résulte avant tout d'une incohérence structurelle : la mondialisation de l'économie ne s'est pas accompagnée d'une mondialisation du cadre juridique et réglementaire. La régulation financière doit dès lors être adaptée à la taille réelle de l'économie et de la finance, donc, à un niveau supranational, européen voire mondial.

Par ailleurs, les normes comptables internationales IFRS ont, dans une certaine mesure, amplifié les effets de la crise par un usage parfois trop étendu et inapproprié dans les comptes de la fair value. Nous avons souligné l'effet procyclique qu'ont joué les normes comptables. La crise a également mis en lumière un certain nombre de limites et de déficiences dans l'application de la fair value lorsque les marchés de référence pour la détermination de cette valeur deviennent moins liquides, voire totalement inactifs. À quoi ressemble une fair value s'il n'y a pas de marché ?

Dès lors, nous devons soutenir les démarches entreprises directement et indirectement en direction de l'IASB, le comité responsable du développement des normes comptables IFRS, afin que les changements normatifs nécessaires soient mis en oeuvre dans les meilleurs délais.

Les membres de la commission, s'alignant certes sur les plans de forums internationaux, se sont efforcés de dégager des pistes à l'échelle de la Belgique.

La politique de rémunération des établissements financiers doit être axée sur la stratégie générale de l'entreprise, s'inscrire dans ce cadre et être en adéquation avec les valeurs et les intérêts à long terme de l'établissement. Les indemnités de départ, « les parachutes dorés », et les rémunérations octroyées à la faveur d'opérations de rachat ne peuvent plus être des « récompenses à l'échec » et doivent être proportionnelles aux prestations à long terme.

La machine financière s'est emballée parce que certains organismes bancaires, ainsi que leurs clients, avaient une mauvaise perception des risques. « Het risicobeheer is in gebreke gebleven » a dit M. Vandenberghe. Et c'est valable pour les banques, les agences de notation et les investisseurs. Le risque doit être apprécié à sa juste mesure. L'information doit être aussi transparente et objective que possible et le client doit mesurer son « acceptabilité » du risque.

L'OCDE et la Commission européenne sont d'avis qu'une régulation des modalités de commercialisation des produits financiers portant sur l'information, la publicité et les canaux de distribution ne suffira pas pour protéger le consommateur de choix d'investissement inappropriés et restaurer la confiance dans le système financier. L'enquête menée par la CBFA à la demande du ministre des Finances est arrivée à la même conclusion. Il faut impérativement accroître les connaissances du public en matière financière.

Au vu du remarquable travail réalisé par le comité de pilotage durant la crise, il serait souhaitable que le gouvernement institutionnalise un comité composé de personnes détentrices des compétences requises afin de le conseiller en période de crise.

La crise actuelle aurait-elle été évitée si nous avions disposé de l'arsenal repris dans les recommandations de la commission ? Je n'ose pas répondre à cette question de manière catégorique. Je prétends cependant que ses effets auraient en tout cas été (fortement) atténués.

J'en viens au plan de relance. Nos moyens limités doivent être judicieusement affectés en raison du coût du vieillissement de notre société et de l'endettement important de l'État. Nous devons aussi tenir compte des actions menées dans les pays voisins ou ailleurs ; nous en sommes tributaires. Nous ne pourrons pas redresser la situation seuls car notre économie est très ouverte.

La crise n'est pas terminée. La priorité reste évidemment sa gestion et la relance économique. Le redressement économique passe par le redressement des secteurs financiers et, dès lors, par la restauration de la confiance, véritable « capital » des banques et de notre économie.

Le monde a changé. « L'avenir n'est plus ce qu'il était », surtout dans le chef des banques. « Optimism is a moral duty » a dit le philosophe Karl Popper. Il faut garder le moral et rester optimiste !

Je terminerai en remerciant tous les commissaires. Ils ont accompli un travail de qualité, dans un esprit constructif, en gardant leur sérénité.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Mon exposé sera très bref. Je ne souhaite pas lancer ici un débat car nous aurons certainement l'occasion, sur la base des recommandations de la commission et d'autres rapports, d'élaborer un certain nombre de réformes.

Je voudrais simplement formuler quelques observations.

J'aimerais tout d'abord remercier le rapporteur, l'ensemble des membres de la commission et les personnes qui ont contribué au travail de celle-ci pour la manière dont les débats ont été menés. Nous avons, tout particulièrement, pu disposer à la fois d'un rapport d'experts et d'un certain nombre de recommandations complémentaires ou en tout cas élaborées au sein de la commission.

Depuis quelques mois, l'atmosphère a changé au gouvernement. Il s'est jusqu'à présent donné pour tâche de gérer la crise. Une collaboration de la Chambre et du Sénat a vu le jour et c'est une bonne chose. Cela permet d'éviter les doublons et l'organisation des mêmes auditions. Grâce à cette commission, le parlement s'est correctement attaqué à l'affaire.

Concernant la gestion de la crise, la comparaison a souvent été établie avec l'activité des sapeurs-pompiers lors d'un incendie. Une fois celui-ci éteint, les pompiers récoltent les félicitations. C'est le climat qui régnait fin septembre, début octobre. Dans les semaines suivant l'incendie, on commence à se demander si les pompiers ont eu raison de défoncer la porte ou d'utiliser autant d'eau... Bref, des questions sont posées sur la manière dont les opérations ont été menées. Il appartient, certes, au parlement de mener ce type de réflexion ; encore faut-il le faire de manière sereine, ce qui fut le cas en l'occurrence.

Il était très utile que la commission entende de nombreux experts. Peu importe que cela ait eu ou non des conséquences positives au parlement. J'ai aussi entendu et lu les exposés d'experts en commission spéciale. Ils n'ont pas toujours été suivis par les membres de la commission...

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Expert n'est pas un titre légal !

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - C'est exact. Nous sommes tous experts dans différents domaines.

J'ai aussi lu les avis des experts désignés par la cour d'appel de Bruxelles. Pour le gouvernement, il était très utile de pouvoir en déduire que ses décision n'étaient peut-être pas excellentes mais bien correctes. C'est quand même important compte tenu des circonstances difficiles de la fin de septembre et du début d'octobre.

J'ai aussi lu les déclarations des experts concernant le fonctionnement des différents organes de contrôle. Les responsabilités incombent en premier lieu - cela a été clairement établi - à la gestion même d'un certain nombre d'institutions financières. Je ne m'exprimerai pas plus longuement sur ce sujet. D'autres instances examineront probablement cette responsabilité.

Quoi qu'il en soit, l'une des premières réformes importantes portera sur le management du risque et sur la manière de remettre celui-ci à l'avant-plan.

Quant à l'action d'un certain nombre de contrôleurs, il ne faut pas - une fois de plus - se tromper de cible. On peut réformer certains mécanismes, on peut tenter de modifier la manière dont le contrôle est organisé, mais les institutions financières elles-mêmes restent les premières responsables.

J'ai malgré tout été satisfait de lire ce qui suit dans les constatations des experts : « La CBFA peut être considérée comme un régulateur pointu et proactif dans le cadre de ses missions ». De là à dire qu'elle ne dispose peut-être pas d'un nombre suffisant d'outils, c'est une autre question.

De là à dire qu'il ne faut pas renforcer encore la collaboration avec la Banque nationale de Belgique, initiée en 2002, il y a un pas que, selon moi, il ne faut pas franchir. Nous devons aussi renforcer la collaboration au sein du Comité de stabilité financière, présidé par le gouverneur de la banque nationale. Ne jetons pas trop vite les bébés avec l'eau du bain. Tentons au contraire de les faire grandir, de les éduquer, de les faire évoluer et de renforcer leurs moyens. Ne nous trompons pas de cible.

Je voudrais encore ajouter que nous allons surtout devoir travailler à l'échelle internationale. S'il est des réformes qui devront être réalisées en Belgique, nous devrons surtout être actifs dans le débat international et avant tout européen. En effet, la globalisation des marchés financiers, de l'économie et même de la politique sociale - pensons à la mobilité accrue des travailleurs - impose une globalisation de la puissance publique. Il est sans doute utile de mettre en place des mécanismes nationaux mais cela ne suffira jamais face à la globalisation de l'économie. C'est aussi vrai pour la supervision et le contrôle et c'est un point de vue que j'ai encore défendu le week-end dernier à Washington lors des réunions du Fonds monétaire international.

Enfin, je suis bien sûr résolu à mettre en oeuvre les recommandations de votre rapport, ainsi que celles d'autres rapports, comme les rapports Lamfalussy et de Larosière. Le premier a été réalisé à la demande du premier ministre Yves Leterme, notamment pour préparer la position belge dans les débats internationaux. Le second est actuellement débattu par les instances européennes et internationales. Nous aurons à mettre en place certains mécanismes afin de renforcer les dispositifs existant en Belgique et de les intégrer dans un cadre international.

Dans un débat tel que celui que nous venons de vivre et qui ne manquera pas de se poursuivre, il est toutefois impossible de prendre des mesures concernant la manière de gérer une crise tant que dure cette crise. Face à une telle crise, nous devons improviser et tenter de répondre le mieux possible aux préoccupations. C'est ce que nous avons fait, d'abord de manière informelle puis de manière formalisée à travers le Comité de pilotage. Nous avons imaginé de nombreux mécanismes. Nous allons maintenant devoir mener une réflexion approfondie sur le type d'arsenal législatif dont la Belgique devrait disposer pour pouvoir gérer une telle crise, en espérant bien sûr ne devoir jamais utiliser cet arsenal mais en étant conscient de ce qu'il est des circonstances exceptionnelles que l'on ne peut gérer avec le droit ordinaire.

Je vous donne un exemple : si l'on considère qu'à partir d'une certaine taille ou d'un certain volume d'activités, une banque est systémique et ne peut être laissée à l'abandon jusqu'à une procédure de faillite, il faut trouver la manière de gérer la transition entre le constat de la quasi-faillite et les interventions publiques décidées dans la foulée.

Plusieurs États sont déjà dotés de tels instruments qui, certes, ne sont pas toujours des plus efficaces. Nous devrons y travailler également mais pas tant que nous gérerons les dossiers liés à cette crise, sans quoi nous serions impliqués dans des débats judiciaires. À l'avenir, nous ne devrons pas hésiter à tenter de nous doter d'un arsenal plus efficace au cas où une crise devrait à nouveau survenir.

Pour terminer, je tiens à vous remercier pour la manière dont les travaux se sont déroulés et pour les conclusions énoncées dans votre rapport. Celles-ci nous serviront de guide et nous aideront à mener les réformes nécessaires.

-La discussion est close.

-Il sera procédé ultérieurement au vote sur les recommandations de la commission spéciale.

M. le président. - Nous poursuivrons nos travaux cet après-midi à 15 h 00.

(La séance est levée à 12 h 40.)

Excusés

Mme Lizin, pour raison de santé, Mme Delvaux et M. Van den Brande, à l'étranger, Mme Temmerman et M. Swennen, pour d'autres devoirs, demandent d'excuser leur absence à la présente séance.

-Pris pour information.