2-256

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Sénat de Belgique

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Annales - version française

SAMEDI 21 DÉCEMBRE 2002 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI


Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.


Projet de loi-programme 1 (Doc. 2-1390) (Procédure d'évocation)

Projet de loi-programme 2 (Doc. 2-1391)

Annexe


Présidence de M. Armand De Decker

(La séance est ouverte à 14 h 40.)

Projet de loi-programme 1 (Doc. 2-1390) (Procédure d'évocation)

Projet de loi-programme 2 (Doc. 2-1391)

Suite de la discussion générale

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - Une étude dont les résultats ont été publiés dans le monde entier et qui a été menée par le jeune professeur de Harvard Dani Rodrik démontre avec certitude que le niveau de bien-être des pays dépend de la qualité de leurs institutions et non, comme ont le pensait encore récemment, de la situation géographique ou de l'ouverture au commerce international. Chaque autorité démocratique a pour devoir de développer une vision à long terme du contrôle de qualité des organismes publics. C'est la condition de base au soutien de la croissance économique. Mais développer la confiance dans les institutions ne se fait pas en un jour et est partout dans le monde un des principaux défis.

C'est une tâche non seulement pour les pays en voie de développement mais pour tout État démocratique. Il semble que le gouvernement arc-en-ciel ait compris tout cela dès son installation. En juillet 1999, la transformation de la Belgique en État-modèle constituait en effet la première partie, et la plus importante, du projet gouvernemental. Les autorités devaient parvenir à remplir attentivement, démocratiquement et équitablement leur tâche. Un pouvoir attentif développerait une offre de services de haut niveau qui supporterait la comparaison avec les meilleures entreprises du secteur privé et les meilleures administrations publiques à l'étranger. À cet effet, le gouvernement demanderait un audit externe de la fonction publique, conclurait un pacte qui garantirait une dépolitisation des nominations ainsi qu'une objectivation de tous les engagements et de toutes les promotions et, enfin, réduirait de 10% la charge administrative et le volume de la réglementation au cours des deux premières années et d'un quart avant la fin de la législature.

Que constatons-nous aujourd'hui ? Le gouvernement suffoque et doit recourir à une loi-oxygène. Des objectifs précités, très peu a été réalisé.

L'audit externe de la fonction publique n'a pas été mené. Il n'a plus été question d'un pacte de dépolitisation. Le nombre de lois et de réglementations n'a pas diminué mais a au contraire augmenté.

La réforme Copernic visant à la modernisation de l'administration fédérale a été lancée mais le projet initial a été revu à la baisse, surtout sous la pression des socialistes francophones, et limité à une opération au sommet de la hiérarchie de l'administration. La sélection des présidents des services publics fédéraux est assurée, il est vrai, sur la base de soi-disant critères objectifs mais par des jurys composés par le ministre qui a lui-même le dernier mot.

Presque tous les présidents des SPF ont un profil politique clairement affirmé. Cinq d'entre eux appartiennent à la famille libérale et les cinq autres à la famille socialiste.

La réforme Copernic prévoyait également la suppression des cabinets mais la réalisation de cet objectif est déjà reportée à une prochaine législature. En outre, les cabinets actuels sont plus coûteux que ceux du gouvernement précédent. Il est donc déjà certain que la réforme Copernic ne sera pas achevée durant cette législature. La population, cliente de l'administration, n'a pas encore vu le moindre signe de cette réforme. L'offre de services assurée par cette administration n'est pas meilleure qu'il y a trois ans. À plusieurs reprises, le gouvernement a sérieusement manqué à ses devoirs, par exemple lors de l'organisation d'une enquête socio-économique et de l'introduction de la plaque minéralogique rétroréfléchissante. Il a lancé certains projets relatifs à l'e-government mais ceux-ci se sont surtout bornés à la sécurité sociale et n'ont rien à voir avec une réduction du volume des lois : ils ne permettent qu'une simplification de certaines déclarations.

Le gouvernement s'est assigné pour objectif de replacer le citoyen au centre du processus décisionnel par la modernisation du système électoral, la réduction de moitié de l'effet dévolutif de la case de tête, l'élargissement des possibilités d'organisation de consultations populaires et en éliminant les confusions d'intérêt dans l'exercice d'un mandat politique.

Qu'a réalisé le gouvernement ? Seulement la réduction de moitié de l'effet dévolutif de la case de tête, l'introduction des circonscriptions électorales provinciales - au détriment des partis flamands - et le détestable double mandat. La liste séparée des suppléants, d'abord supprimée, a été réintroduite par le biais de la loi de réforme électorale. Celle-ci donnera non pas plus mais moins d'influence à l'électeur ; elle favorisera la personnalisation et la médiatisation de la politique. La possibilité d'organiser des consultations populaires n'a nullement été élargie.

Le gouvernement n'a jamais demandé l'avis du citoyen sur ses soi-disant réformes. La consultation sur la réforme Copernic relevait davantage de la propagande que de la véritable consultation.

Un autre objectif de la Belgique État-modèle était des pouvoirs publics tolérants et faisant preuve d'équité. On visait surtout un meilleur fonctionnement de la justice et de la police, avec notamment un environnement plus sûr, une administration de la justice plus efficace et plus rapide et une réduction du nombre d'agressions.

Comme instruments pour atteindre ces objectifs, le gouvernement a choisi un plan de sécurité qui devait entraîner une diminution effective de toutes les formes de criminalité et une augmentation du nombre d'affaires résolues, une plus grande présence policière sur le terrain, une lutte intensifiée contre la criminalité organisée et la criminalité en col blanc, ainsi qu'un plan d'action visant à supprimer l'arriéré judiciaire.

Après bien des frictions internes, le gouvernement a adopté un plan de sécurité mais l'exécution de la plupart de ses points en est toujours en phase initiale. Le gouvernement exhibe aujourd'hui des statistiques qui indiqueraient une diminution de la criminalité. Ces statistiques ne sont cependant jamais complètes et ne concernent que certaines formes de criminalité dans une ville ou une région particulière.

Le snelrecht qui devait être l'arme contre la criminalité est rarement appliqué. En outre, la Cour d'Arbitrage a récemment annulé certaines dispositions de cette loi. Le gouvernement ne parvient pas non plus à se mettre d'accord sur un nouveau droit sanctionnel des jeunes.

La réforme des polices telle que menée par le gouvernement Verhofstadt n'a pas débouché sur une présence plus importante de la police sur le terrain. Au contraire, nous voyons moins de bleu dans la rue et ce malgré les importants moyens financiers qui ont été consacrés à cette réforme.

Dans la lutte contre la criminalité organisée, le gouvernement n'a pas poursuivi sur la lancée de son prédécesseur. Les réalisations concrètes sont dues au gouvernement précédent qui avait entièrement préparé ce dossier.

D'autres dossiers comme ceux des repentis, des témoins anonymes et de la protection des témoins menacés sont totalement bloqués ou ont été vidés d'une bonne partie de leur substance par l'adoption d'amendements de la majorité. Le gouvernement n'a pas réussi à créer un pouvoir capable de résister aux infiltrations de la criminalité organisée. La Sûreté de l'État et le service anti-corruption manquent de personnel.

J'en viens à l'objectif visant à créer des pouvoirs publics tolérants. L'accord gouvernemental annonçait une simplification drastique de la législation relative à la nationalité ainsi qu'une restauration de la qualité de la vie dans les villes. La législation sur la nationalité a certes été fortement simplifiée mais le résultat en est qu'une intégration cohérente et une politique des étrangers sont devenues impossibles et que de sérieux risques pour la sécurité sont apparus. La suppression de la volonté d'intégration était un mauvais signal dont les conséquences sont imprévisibles. La loi de naturalisation accélérée est une des plus mauvaises lois jamais adoptées.

Est-ce là la nouvelle culture politique qui doit accroître la confiance et, selon les économistes, la prospérité et le bien-être ? Nous en doutons fort. On nous a annoncé le renouveau de l'administration, la clarification de la législation, la simplification administrative, la dépolitisation, etc., mais sur le terrain les citoyens n'en ont pas remarqué grand-chose.

À cela s'ajoutent la réduction de tous les organes de contrôle dans notre société, la restriction des pouvoirs du Conseil d'État et de la Cour des Comptes, la disparition de la représentation démocratique an profit de la médiatisation, les conseillers de partis qui deviennent des fonctionnaires officiels pour préparer la prochaine campagne électorale, les articles parus dans la presse européenne, le harcèlement des journalistes. Nous sommes donc encore loin de la nouvelle culture politique qui doit restaurer la confiance dans nos institutions.

M. René Thissen (CDH). - On peut le dire cette fois, la fin approche. On assiste au chant du cygne. Dans un dernier râle qui se prolonge depuis quelques mois, vous soumettez à la discussion une loi-programme qui ne contient pas moins de quatre cent septante-cinq articles à la veille de Noël. C'est un record, peu enviable. Malheur au parlement qui fait preuve de bonne volonté. Avec un tel programme, c'est de la loi elle-même qu'on se moque. À quoi riment les travaux menés en profondeur durant toute la législature au sein d'une douzaine de commissions parlementaires spécialisées si les meilleures propositions de nos collègues - et quelques fois les nôtres -, les recommandations des groupes de réflexion, les résultats d'auditions, le mémorandum des organisations représentatives, les suggestions de l'administration sont doublées, dépassées, effacées par le travail désordonné, erratique et même anarchique de quelques collaborateurs de cabinet ministériel ?

Avec ce gouvernement champion de la « ligue d'impro » - rappelons-nous le coup de poker de la Saint-Polycarpe - le parlement est devenu un chantier permanent d'expérimentation. Avec le calendrier fou que vous lui imposez, même notre président ne sait où donner de la tête, l'imprimerie est débordée, les services administratifs peinent à suivre. J'en profite pour leur rendre hommage. Tout cela pour ajuster, revenir en arrière, corriger encore et vexer de plus en plus d'organisations professionnelles, d'associations et de citoyens.

À la chambre, de nombreux articles nouveaux et des amendements ont été introduits au dernier moment par le gouvernement. Puis du fait de leur qualité douteuse, ils ont été soumis d'office au conseil d'État.

À propos du contexte économique, on pourrait, avec une certaine légèreté, dire que le gouvernement joue de malchance. Mais pour ceux qui l'ont oublié, je rappellerai que vous avez été on ne peut plus vernis lorsqu'arrivant au pouvoir en 1999, vous avez bénéficié de deux années successives de croissance économique, 3% en 1999, 4% en 2000. Quelle aubaine ! Vous n'avez d'ailleurs pas réfléchi fort longtemps : puisque la manne céleste nous comble, distribuons allègrement. Et sans compter, vous avez promis revalorisations diverses, allégements d'impôts, meilleure gouvernance et bonheur pour tous.

Comme on ne jette pas de pierres aux oiseaux de bon augure, vous avez vécu les premiers mois sur un petit nuage : la plupart des indicateurs étaient au vert, les partenaires sociaux espéraient, les nouveaux porte-parole des ministres exultaient, la presse était aux anges. Patiemment l'opposition s'organisait. Puis des nuages sont venus obscurcir un ciel jusque là bleu azur. À l'époque, vous ne les avez pas remarqués. Les premiers indicateurs viraient à l'orange, c'est ainsi que nous sommes souvent les premiers à les reconnaître. Ils passèrent ensuite au rouge.

La terrible désillusion de la faillite de Lernout & Hauspie ne préfigurait-elle pas un formidable retournement de la bourse et un dégonflement de l'e-économie, cette économie virtuelle qui porte si bien son nom ? Vous n'avez rien vu venir, comme d'autres d'ailleurs. Mais quel revers pour les investisseurs et les épargnants ! Les malversations découvertes dans la comptabilité de nombreuses sociétés multinationales, comme Enron ou Worldcom, et la crise de confiance dans les valeurs technologiques sont telles que les attentistes sont devenus légion. Chacun tente légitimement de compenser sa perte de revenus et de reconstituer patiemment son épargne.

Le retournement boursier n'a pas fini de faire sentir ses effets patrimoniaux sur la confiance des ménages et des entrepreneurs. Pourtant son impact sur l'économie réelle continue d'être sous-estimé par le gouvernement et la plupart des conjoncturistes, dont il est notoire qu'ils se fourvoient dès qu'un événement inédit survient.

Bien avant les attentats terroristes du 11 septembre 2001 abondamment cités dans tous les discours gouvernementaux, nous vous avions alertés à propos de signes inquiétants d'un sérieux ralentissement conjoncturel. Si la croissance économique a quasiment disparu dans notre pays depuis deux ans - à peine 1% en 2001, 0,7% en 2002 - ce n'est pas d'abord à Ben Laden qu'on le doit. Si la récession se prolonge au point qu'une croissance négative est même envisagée par certains organismes internationaux durant le premier semestre 2003, on sera bien loin de l'optimisme béat qui nous conduisait à prévoir un taux de croissance économique de 2,1% pour les douze prochains mois.

De mois en mois, les prévisions de croissance sont revues à la baisse et l'espoir d'une reprise rapide et vigoureuse s'éloigne toujours plus. La dernière prévision en date est celle de la FEB, qui table sur un taux moyen de 1,5% en 2003, ce qui est assez éloigné de vos bases de calcul. On peut donc dire que l'arc-en-ciel, c'est malheureusement le règne de l'imprévoyance et d'une certaine mystification.

Alors que le climat international est on ne plus tendu et après la chasse à l'homme en Afghanistan, une nouvelle guerre menace en Irak, et malgré les démarches de notre volcanique ministre des Affaires étrangères, la crise entre Israël et la Palestine est toujours aussi dévastatrice, et de nouveaux attentats se produisent ou peuvent se préparer dans plusieurs régions du monde. Au-delà des drames humains qui se répètent malheureusement et doivent nous préoccuper et nous mobiliser, l'effet économique de ces tensions est également désastreux.

L'incertitude est la plus grande concernant les prix futurs de l'énergie et du pétrole en particulier. C'est le moment que choisit le gouvernement pour mettre fin, contre l'avis de tous les experts, ceux de la commission Ampère, de la Commission européenne et de l'Agence internationale de l'énergie, à la filière nucléaire de production d'électricité, une des plus fiables du point vue technologique, une des plus diversifiées sur le plan de l'approvisionnement et, du fait de notre haute compétence, une des plus profitables pour notre économie. Cette loi absurde sera peut-être modifiée dès la prochaine législature ou peut-être ne passera-t-elle même pas le cap du Sénat, mais j'en doute. On peut espérer davantage par rapport aux déclarations de certains membres de la majorité actuelle qui ont déjà laissé entendre quel pourrait être le sort réservé à cette loi dans un futur peu éloigné.

L'une après l'autre, de grandes compagnies aériennes connaissent des difficultés et tombent en faillite. Chez nous, l'hécatombe est telle que même la petite société aux ambitions limitées baptisées précipitamment sur les ruines de la Sabena traverse déjà des turbulences lors de son décollage. Le tourisme international est de plus en plus menacé par les risques d'attentats aveugles, tout le monde le sait.

Pendant ce temps, comme Perrette dans la célèbre fable de La Fontaine, votre esprit bat la campagne, vous bâtissez des châteaux en Espagne. D'ici quelque temps, fortune répandue, vous pourriez bien vous retrouvez gros Jean comme devant.

Plutôt que de spéculer autour d'un incertain scénario de reprise de l'économie mondiale, vous seriez avisés de prendre l'exacte mesure des difficultés que traversent les chercheurs d'emploi, les dirigeants d'entreprises, les agriculteurs, les professionnels de la santé, les préretraités forcés, et combien d'autres personnes qui souffrent d'une économie qui se traîne, d'investissements qui tardent, d'une consommation qui hésite et d'un gouvernement qui semble l'ignorer.

À propos, qu'en est-il du taux d'emploi, indicateur prioritaire du gouvernement lors de son entrée en fonction ? Pour rappel, depuis le sommet de Lisbonne, l'Union européenne, à laquelle nous adhérons pleinement, considère cet objectif comme un de ses principaux critères de convergence sociale. Comment notre pays fera-t-il pour atteindre à l'horizon 2010 les taux d'emploi de 70% pour les hommes et de 60% pour les femmes ; cela représente 800.000 emplois supplémentaires.

J'en viens maintenant au contexte budgétaire qui n'est malheureusement pas meilleur, mais la loi-programme c'est aussi l'exécution d'une politique budgétaire. Encore faut-il qu'il y en ait une !

À votre arrivée au pouvoir, héritier d'une situation financière assainie par vos prédécesseurs, vous pensiez profiter - largement et durablement comme disent les Écolos - des fameuses marges budgétaires générées par la disparition de l'effet boule de neige : plus la dette publique fond, plus les charges d'intérêts se réduisent proportionnellement, c'est une évidence.

Longtemps, vous nous avez fait croire que, grâce à ce miracle, tout était possible en même temps. Diminuer les impôts, alléger les charges, augmenter les allocations, accroître les dépenses d'investissements, constituer un fonds capable d'absorber le choc démographique, ramener la dette sous les 100% du PIB, réduire le déficit au point même de générer un excédent.

Jusqu'il y a peu, la plupart de ces objectifs étaient effectivement atteignables, pour autant que les arbitrages budgétaires soient judicieusement proportionnés. C'est ici évidemment que la politique intervient, que la coalition majoritaire montre ses limites et que les contradictions commencent à sauter aux yeux.

À lui seul, l'allégement de l'impôt des personnes physiques, bien qu'étalé dans le temps, profite d'abord aux plus nantis et coûte si cher qu'il consomme l'essentiel des marges disponibles, d'autant plus que celles-ci doivent être revues à la baisse en même temps que chute la croissance.

La constitution d'un pôle de convergence des gauches plurielles, aussi incantatoire qu'impuissant à ce jour, n'y changera rien. Les principales allocations sociales ont certes été majorées, mais beaucoup moins que ne le revendiquait le grand rassemblement social du mois de mai 2001 : ils espéraient 10%, ils en reçurent quatre !

Entre-temps, la lutte contre la véritable pauvreté est en panne.

Les dépenses d'investissement ont été chichement comptées. Le plan décennal de modernisation de la SNCB est passé de 10 à 12 ans. Sordidement, l'entreprise publique doit mendier une partie du financement auprès des Régions ou d'hypothétiques sponsors privés, pour quelque 90 milliards, dit-on.

Les conditions définies pour la reprise de sa dette, au plus tôt à l'horizon 2005, sont toujours incertaines puisque liées à la réduction de la dette globale de l'État.

La vente des licences UMTS est un échec et, tout récemment, la société Belgacom est spoliée de 250 millions d'euros. De même, la subvention due à La Poste est reportée à la législature suivante, ce qui postposera d'autant son équipement en centres de tri compétitifs.

À ce sujet, quel progrès en matière de service universel que le timbre Prior : pour un prix plus élevé, c'est beaucoup moins de courrier distribué à J+1. Je passerai sur la saga des top managers. À peine a-t-on mémorisé leurs noms qu'ils sont déjà partis ailleurs.

Le Fonds de vieillissement a bien été institué, mais il n'est toujours pas structurellement alimenté. Les seuls produits qui lui ont été affectés, les licences UMTS et la recette BNB sont généralement aléatoires, surestimés et non récurrents. Ce n'est pas ainsi que l'on garantit le devenir des pensions légales ainsi que le développement des soins de santé.

Quant à l'assurance autonomie, véritable besoin social pour les générations les plus âgées de notre population et souci croissant pour l'avenir, elle est scandaleusement laissée à l'initiative de la Région flamande, si ce n'est une majoration du plafond de l'Aide à la personne âgée, mais dans le régime de l'aide sociale.

À ce sombre tableau, j'ajouterai l'effondrement des bases du Programme de stabilité 2002-2005 sur lequel est fondée toute la politique socioéconomique et budgétaire du gouvernement. La prévision initiale des croissances cumulées sur les deux premières années 2002-2003 était, souvenez-vous, de 4,3%.

Aujourd'hui, nous pouvons raisonnablement pronostiquer qu'un taux cumulé de 2% sera très difficilement atteint.

Quant aux résultats budgétaires proprement dits, nous savons maintenant avec certitude qu'ils seront très éloignés des promesses fanfaronnes de vos débuts.

De « léger surplus », il ne sera plus question, ni en 2002, ni en 2003, malgré vos trucs et ficelles, vos maquillages de comptes, vos prélèvements conjoncturels et autres reports de charges sur la prochaine coalition. Le solde de financement du pouvoir fédéral redevient inexorablement négatif : - 0,5% du PIB en 2002, - 0,4% en 2003 et encore, nous savons aujourd'hui que l'hypothèse de croissance pour 2003, à savoir 2,1%, est totalement irréaliste.

Nous en sommes malheureusement persuadés, la dette publique ne descendra pas sous le seuil des 100% du PIB sous cette législature. Si le scénario gouvernemental, le plus optimiste aujourd'hui, se réalise, la dette publique brute s'élèvera encore à 102,3% du PIB au 31 décembre 2003, soit une différence de quelque six milliards d'euros par rapport à l'objectif mais, heureusement pour le ministre des Finances, on ne pourra pas le vérifier avant les prochaines élections.

Pour couronner le tout, le surplus primaire sera, pour la première fois depuis cinq ans, inférieur à 6% du PIB. Toujours dans l'hypothèse la plus favorable et hors charges d'intérêts, ce solde ne sera plus que de 5,5% : adieu les marges budgétaires prétendument disponibles durant la prochaine législature. Le Bureau du Plan vient d'ailleurs de le confirmer lors d'une journée d'étude sur les finances publiques.

Seule économie en vue : les générations futures n'auront pas de merci à adresser à l'arc-en-ciel !

J'en viens au contexte politique où l'on assiste à la débâcle.

Après une période aussi agitée dont Francorchamps n'est pas la moindre victime, comment ne pas traiter dans ce débat général la question de la crédibilité politique de votre gouvernement qui ose présenter une telle loi-programme !

J'ai déjà évoqué à suffisance l'État mauvais gestionnaire : faillite de la Sabena, installation tardive de l'Agence fédérale pour la sécurité alimentaire - on en parle depuis quatre ans...

M. Frans Lozie (AGALEV). - Il faut aller voir sur le terrain.

M. René Thissen (CDH). - Parce que vous trouvez que cela fonctionne ? Nous ne disposons vraiment pas des mêmes informations.

M. Frans Lozie (AGALEV). - Ce n'était pas comme cela il y a trois ans.

M. René Thissen (CDH). - J'ajouterai l'incompétence de nombreux top managers, les interférences de la réforme Copernic, la sous-capitalisation des entreprises publiques et l'ingérence via des cabinets et conseils d'administration politisés, l'incapacité de gérer des dossiers importants comme le RER ...

Mais le climat politique actuel est aussi marqué par votre bilan à l'égard de ce que nous osons appeler le « développement humain ». Que penser d'une coalition qui met à son actif la légalisation de l'euthanasie, qui se met à dos pratiquement tous les métiers de la santé, qui permet la recherche sur les embryons bien au-delà de toutes les frontières reconnues sur le plan international - je me réfère à la thérapie génique germinale -, qui légalise le « mariage » des homosexuels ...

M. Frans Lozie (AGALEV). - Il faut être progressiste !

M. René Thissen (CDH). - ... qui proclame la banalisation de la consommation de certaines drogues - et cela vous touche, monsieur Lozie. S'agit-il de progrès pour l'humanité, de pas vers une plus grande responsabilité éthique, de protections nouvelles au service des plus faibles ? Durant ces dernières semaines, le Sénat a été témoin de votre grande habileté à troquer le mariage des homosexuels contre la recherche sur les embryons.

Voilà la réalité politique, monsieur Lozie. Dernièrement, à la Chambre, c'était la même tentative de marchandage : écotaxes et nucléaire contre la publicité sur le tabac.

La menace d'attentats économiques se précise dans tout le pays, dans tous les domaines où, en fait, nous excellons : contre le développement des aéroports de Zaventem et de Bierset, qui constituent des pôles de plus en plus importants d'attraction, de création de valeur ajoutée et d'emplois ; contre la production d'énergie nucléaire, alors que le principe de précaution, eu égard notamment aux objectifs de Kyoto en matière de réduction des émissions de CO2, voudrait qu'on laisse l'option ouverte ; contre la production et l'exportation d'armes au départ de la Belgique, dans le respect pourtant des critères et contraintes les plus sévères au monde ; contre l'embouteillage d'eaux minérales, production dont plusieurs entreprises de notre pays se sont fait une spécialité, enfin, contre un des événements majeurs du calendrier sportif international, le grand prix de Francorchamps.

Durant cette législature, les attaques contre la démocratie ont été nombreuses. Tellement que je crains d'en oublier : viols de la Constitution dans le cadre des réformes institutionnelles, tentative de discrédit du Conseil d'État, critique de la Cour des comptes, dévalorisation de la Cour d'arbitrage, projet de suppression du Sénat.

Et, comme si cela ne suffisait pas, c'est à présent à la monarchie constitutionnelle que s'attaquent ouvertement les écologistes et parfois le parti du premier ministre.

À travers ces provocations répétées, c'est le gouvernement fédéral lui-même qui se discrédite tandis que la confiance de la population dans ses institutions démocratiques est durement ébranlée.

Cette loi-programme, c'est trop et pas assez. Elle compte évidemment trop d'articles. Nous savons tous qu'en fin d'année, en fin de législature de surcroît, les corrections légistiques s'accumulent au rythme où croît la nervosité politique dans la majorité. Mais à ce point, cela ressemble à de l'hystérie.

Nous savons aussi que ces nombreuses dispositions ne suffiront pas pour éteindre tous les foyers d'incendie que je viens d'énumérer : les problèmes socio-économiques de compétitivité et d'emploi, les carences de gestion des entreprises publiques, les compensations requises par les divers maquillages budgétaires et par le nouveau dérapage - il faut bien le nommer ainsi depuis que nous avons la certitude que la reprise de la croissance économique nous échappe toujours -, la colère des médecins, des kinésithérapeutes et de diverses professions paramédicales.

Certes, la simplification des programmes de lutte contre le chômage part d'une bonne intention, mais le dispositif ne sera pas d'application avant 2004. Quant au statut social des conjoints aidants, il est amélioré sur papier si ce n'est que l'équilibre financier est en péril pour l'avenir avec des recettes surestimées et des dépenses dont la croissance est sous-évaluée.

Il y a un certain nombre de bonnes nouvelles de dernière minute, comme l'intégration d'un chapitre sur les mineurs non accompagnés, même si les délégations de pouvoir nous semblent excessives.

Il y a aussi quantité de choses qu'on préférerait ne pas y voir, comme cette improvisation d'un Fonds Kyoto qui, sous le couvert du développement durable, produira surtout des impôts supplémentaires, une énergie plus chère pour les entreprises et les ménages et une compétitivité forcément dégradée.

Derrière certains dossiers, présents et absents, on ne peut s'empêcher de voir une menace de plus en plus précise de dégraissage de l'État fédéral et de régionalisation : la SNCB et les soins de santé en sont quelques exemples. Sous l'arc-en-ciel, le communautaire est partout ; la vipère confédérale, chère au VLD, envenime tous les dossiers.

Francorchamps en a été un exemple, de même que les ventes d'armes de la FN, les conventions collectives de travail, le droit de vote des étrangers, la connaissance des langues par les demandeurs d'emploi, les titres-services, l'assurance autonomie, le cadre de la magistrature à Bruxelles, le financement de la SNCB, l'aéroport de Bruxelles-National et les nuisances sonores, Copernic, la réforme des polices, les centres fermés, etc. La coupe est pleine.

En ce qui nous concerne, c'est clair : nous ne pourrons soutenir la loi-programme que vous nous présentez aujourd'hui.

Le moment était, me semble-t-il, bien choisi pour faire le point de la situation. C'est certainement la dernière fois - avant les élections - que nous pouvons aborder ces questions. Je suis en effet convaincu que votre gouvernement n'effectuera pas le contrôle budgétaire prévu pour le début de l'année prochaine.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Il y a deux ans, nous pensions avoir atteint le sommet en matière de lois-programmes. Nous avions alors déposé de très nombreux amendements qui avaient été longuement débattus mais cela n'a servi à rien.

Aujourd'hui, le gouvernement se surpasse. La manière dont cette loi-programme a vu le jour est injustifiable. De plus en plus le gouvernement met le parlement de côté et dirige le navire tout seul, à sa façon, selon ses propres règles et à son propre rythme. Il est bien plus facile de travailler sans gêneurs et sans débats. Foin de la culture du débat et de la participation !

Ces derniers jours, je me suis parfois demandé si les sénateurs étaient devenus des robots. Certains s'en tiennent à une présence physique. J'apprécie au plus haut point que certains sénateurs de la majorité, comme MM. Moens et Geens, se soient donné la peine de venir présenter un rapport.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Nous avons bien entendu vos poèmes et vos extraits de livres philosophiques en commission. Nous étions physiquement présents.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Nous vous avons en effet vus en commission mais nous ne vous y avons pas entendus.

Une loi-programme dont on affirme qu'elle contient de nombreuses mesures importantes doit faire l'objet d'un débat. Nous espérons toujours qu'un amendement du CD&V sera adopté mais n'ayant encore jamais vécu cet événement, je crains que cet espoir soit vain. Les temps ont changé : le gouvernement préfère les mauvaises lois aux bonnes lois.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Hormis M. Barbeaux, aucun membre de l'opposition n'a dit un mot du contenu de la loi-programme.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Nous y viendrons tout à l'heure.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Comment pouvez-vous espérer un débat si vous parlez de tout sauf du contenu de la loi-programme ? En commission des Affaires sociales, je ne vous ai pas entendu formuler la moindre critique sur le contenu, à l'exception peut-être d'un point.

Faute de critiques sur le contenu, le CD&V a déposé toute une série d'amendements sur les sujets les plus divers.

Mme Erika Thijs (CD&V). - La loi-programme contient aussi les mesures les plus diverses.

En cours d'année nous avons déposé de nombreuses propositions mais jamais elles n'ont été mises à l'ordre du jour. Il est frustrant de devoir constater que la majorité reprend dans la loi-programme les propositions de loi que nous avons déposées. Pourquoi n'avons-nous pu débattre antérieurement de ces propositions ?

Nous ne sommes pas les seuls à nous plaindre de cette situation intolérable. La semaine dernière, j'ai lu dans le Standaard que la qualité du travail législatif diminue lorsqu'on ne peut débattre de certains sujets.

La loi-programme est examinée aux forceps quatre jour avant Noël. Nous n'avons pas eu le temps de mener une discussion approfondie.

M. le président. - Le débat d'aujourd'hui résulte d'un compromis entre la majorité et l'opposition.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Nous n'avons pas le choix. Devrions-nous discuter de cette loi le 24 décembre ? Cela ne me pose aucun problème.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - J'aimerais savoir, madame, ce que vous pensez du statut des artistes, du statut social des conjoints aidants des indépendants, des mesures en faveur de la pension libre complémentaire pour ces mêmes indépendants, des mesures pour la marine marchande et des nombreuses autres nouvelles mesures prises par le gouvernement. Vous n'en dites rien. Depuis ce matin, j'attends que quelqu'un donne son avis. M. Barbeaux l'a fait. Je l'en félicite car cela devient exceptionnel au Sénat.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Nous n'en avons pas eu l'occasion. Mais prenez patience, monsieur le ministre. D'autres membres de mon groupe aborderont tout à l'heure les questions de fond. Je tiens aussi à signaler qu'en commission de l'Intérieur et des Affaires administratives, votre collègue M. Van den Bossche n'a même pas pu répondre aux questions que nous lui avons posées. M. Lozie pourra le confirmer.

Mme Myriam Vanlerberghe (SP.A). - C'est exact.

M. Frans Lozie (AGALEV). - Je puis en effet le confirmer. Un débat de qualité n'est possible qu'avec un adversaire de qualité. Dans ce domaine, le CD&V a encore à apprendre. Je dois aussi donner raison au ministre Vandenbroucke. En commission des Affaires sociales où le ministre était présent, le CD&V a évité toute discussion sur le contenu de la loi-programme.

Mme Sabine de Bethune (CD&V). - En commission des Affaires sociales, le CD&V a déposé de nombreux amendements, relatifs notamment aux conjoints aidants dont le statut est en effet amélioré. Nous avons aussi fait des propositions complémentaires en faveur de ce groupe de personnes. Le ministre a pris acte de nos amendements mais n'a donné aucune réponse.

Lors de la discussion de la déclaration gouvernementale en octobre, nous avons proposé que les femmes qui exercent une activité indépendante et deviennent mères puissent faire appel pendant un an à un assistant qui bénéficierait d'une exemption complète des charges sociales. Les mères pourraient ainsi mieux combiner travail et vie de famille. C'est un thème que nous voulons soumettre au débat. Le premier ministre a dit qu'il soutenait cette idée et a proposé un amendement en ce sens lors de l'examen de la loi relative au statut des conjoints aidants. Mais je constate que M. Vandenbroucke refuse de parler de cette proposition. Et je pourrais donner beaucoup d'autres exemples de tels refus.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Voilà ce qui arrive lorsque le gouvernement introduit dans la loi-programme tous les sujets sur lesquels nous avons déposé des propositions et qu'il ne permet pas un débat sérieux. Nous n'avons jamais dit que tout était négatif mais en refusant le débat le gouvernement cherche les problèmes.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - La seule chose que fait le CD&V, c'est déposer toutes sortes de propositions de loi sous la forme d'amendements sur des tas de sujets qui n'ont pas grand-chose ou rien à voir avec la loi-programme. Mais on n'entend pas l'opinion des sénateurs CD&V sur le contenu de la loi-programme alors qu'on a entendu celle des députés : pour eux, la loi-programme n'est pas si mauvaise, mais finalement ils se sont quand même abstenus. Pour une raison qui m'échappe, le groupe CD&V du Sénat esquive le débat et passe son temps à discutailler.

Mme Erika Thijs (CD&V). - Nous avons essayé, mais un ministre qui voudrait nous répondre en commission ne peut pas le faire.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Plutôt que de perdre toute la journée en bavardages inutiles, il vaudrait mieux que vous disiez ce que vous reprochez aux mesures concernant le statut social des artistes, les pensions complémentaires, la marine marchande, les gardiennes encadrées. Mais apparemment vous n'avez pas d'opinion sur la loi-programme. Peut-être n'osez-vous pas dire qu'elle est bonne ?

Mme Erika Thijs (CD&V). - À l'issue de la discussion générale, nos membres donneront leur avis.

À l'heure actuelle, le gouvernement ne s'intéresse qu'à son image. La majorité craint que le gouvernement tombe fin janvier, début février et qu'une série de lois ne soient pas votées d'ici là. Je vois que M. Lozie le nie mais il a tort. Selon certains journaux flamands, on est en train de distribuer des friandises à gauche et à droite.

Le ministre ferait bien d'aller écouter les étudiants qui sont en train de lire la loi-programme dans une autre partie du bâtiment. Ils ne seront pas arrivés au bout avant la fin de notre débat.

M. le président. - Votre histoire ne tient pas debout. Les étudiants pourront lire plusieurs fois la loi-programme avant que nous ayons achevé notre débat. Ils doivent bien entendu tenir compte du fait qu'ils ne peuvent pas passer la nuit ici. Il y a eu assez de démagogie. Si nous continuons à ce train-là, nous serons encore ici cette nuit.

Mme Erika Thijs (CD&V). - La façon dont nous sommes traités ici défie l'imagination !

Mme Jeannine Leduc (VLD). - Lors des réunions de commission auxquelles j'ai participé, M. Vandenbroucke a répondu à toutes les questions qu'on lui a posées. Il vous a fait remarquer que certains de vos amendements étaient à côté de la question. (Exclamations du CD&V). Venez-en au fait !

Mme Erika Thijs (CD&V). - Le problème est que la majorité ne supporte pas la critique. Elle a peur !

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Bien entendu, le CD&V a des idées sur un certain nombre de volets sociaux de la loi-programme. En commission des Finances et des Affaires économiques, on a notamment abordé la question du statut social des indépendants et du conjoint aidant. Il était frappant que le CD&V était quasiment le seul à formuler des observations.

Lorsque le ministre Daems nous aura rejoints, j'aborderai certains points du volet consacré aux indépendants qui n'ont pas été traités de manière approfondie en commission.

Je voudrais évoquer trois points à l'intention du ministre des Affaires sociales. Un volet de la loi-programme est consacré à la modification des règles d'intervention en faveur des handicapés, dans un souci de modernisation et de simplification de la législation.

L'article 134, §3 fixe les conditions dans lesquelles une personne handicapée est considérée comme isolée. Les revenus de la personne avec laquelle le handicapé constitue un ménage sont pris en compte pour déterminer si elle a ou non droit à une allocation. La définition du ménage est essentielle pour déterminer le montant de l'allocation auquel la personne a droit dans le système du revenu de remplacement. En effet, celui qui n'est pas considéré comme isolé n'a droit qu'au montant de base alors que la personne isolée a droit à une allocation majorée.

Pour être considérés comme un ménage, les intéressés doivent cohabiter et constituer une entité économique. Ce deuxième critère surtout me paraît difficile à prouver. Quand deux personnes forment-elles une entité économique ? Il y a d'abord les membres de la famille, puis les parents qui habitent chez leurs enfants. Un parent handicapé vivant seul qui décide de vivre chez un de ses enfants verra son allocation réduite s'il constitue avec lui une entité économique. Cette mesure sera ressentie comme une injustice.

Je voudrais également évoquer à cet égard les travaux parlementaires sur la garantie de revenus aux personnes âgées. Dans cette nouvelle législation, on a également abandonné les anciens concepts de « ménage », « isolé » et « séparé de fait ». Le ministre a déclaré que les nouvelles formes de cohabitation rendaient cette adaptation nécessaire.

À propos des parents qui vivent chez leurs enfants, le ministre a déclaré lors des débats qu'il était conscient des demandeurs de GRAPA qui cohabitent avec leurs enfants et qu'il espérait pouvoir élaborer une disposition à cet égard à partir du 1er janvier 2003.

Je voudrais donc savoir si la situation des parents qui vivent chez leurs enfants fera l'objet d'une réglementation spéciale.

Le troisième groupe dont je voudrais parler est celui des communautés religieuses. Est-ce une coïncidence si ce groupe risque à nouveau d'être le moins bien loti ? Déjà lors des débats sur le montant maximal facturé et la garantie de revenus aux personnes âgées, il est apparu que ces personnes n'étaient pas traitées de manière conséquente et que dans les deux cas elles étaient défavorisées.

J'ai déposé en son temps une proposition de loi visant à modifier la loi sur le revenu garanti afin que les membres des communautés religieuses soient dorénavant considérés comme des isolés. Ni les partis de la majorité ni le ministre ne s'y sont montrés favorables.

Au cours des discussions en commission sénatoriale sur la GRAPA, le collaborateur du ministre a déclaré que puisque le nombre de religieux était en diminution et leur rôle social moins affirmé, il fallait se demander si notre société était prête à octroyer à ces communautés ce droit résiduaire sans complément d'enquête quant aux revenus de leurs membres et en faisant abstraction d'éventuelles activités commerciales de certaines congrégations. Il a ajouté qu'il ne fallait pas perdre de vue qu'il s'agissait d'un avantage gratuit pour lequel aucune cotisation n'avait été payée auparavant.

Il y a pourtant d'autres personnes qui demandent une GRAPA sans avoir cotisé au préalable. C'est d'ailleurs l'essence même d'une réglementation qui appartient au système résiduaire. Le ministre a déclaré aux médias francophones que l'augmentation du coût des hôpitaux s'expliquait notamment par le fait qu'autrefois davantage de membres de congrégations y travaillaient. Au lieu d'insister sur le fait que certains d'entre eux n'ont pas cotisé, on ferait mieux de leur être un peu plus reconnaissants de leur engagement désintéressé.

L'intervention en faveur des personnes handicapées pénalisera les religieux qui n'ont pas ou très peu de revenus, qui sont âgés et dont l'autonomie est inexistante ou réduite. Cette loi risque de mettre de nombreuses congrégations dans une situation financière difficile.

J'aimerais donc savoir quelles dispositions le ministre compte prendre à l'égard des membres handicapés des communautés religieuses dans le cadre de la modification du concept de « ménage ».

Ma deuxième remarque concerne la situation des bénéficiaires d'une pension de survie. Les ménages organisent leur existence en fonction de leurs moyens financiers. Dans bien des cas, l'homme et la femme exercent une profession et ont donc tous deux un revenu.

Au décès de l'un d'eux, le conjoint survivant est confronté à une perte financière importante. Le revenu professionnel qui disparaît n'est que partiellement compensé par la pension de survie. Il serait donc opportun que le conjoint survivant puisse cumuler la pension de survie avec un revenu professionnel propre. Or ce cumul est limité par la législation en vigueur.

L'État a tout intérêt à encourager les bénéficiaires d'une pension de survie à exercer une activité professionnelle accessoire. Cette mesure s'insère dans le cadre de l'État social actif et répond à l'objectif européen de relever le taux d'activité de la population en âge de travailler. Qui plus est, les cotisations sociales et fiscales sur ces revenus professionnels supplémentaires profitent à l'État.

Les bénéficiaires d'une pension de survie qui la cumulent avec une activité professionnelle sont confrontés à des difficultés majeures en cas de chômage ou de maladie : s'ils peuvent cumuler leur pension de survie avec un revenu professionnel certes trop limité, il leur est interdit de cumuler les allocations sociales découlant de cette activité autorisée avec leur pension. Bien qu'ayant toujours cotisé dans le cadre de cette activité autorisée, ils n'ont pas droit, dans ce cas, à un revenu de remplacement. Ce principe méconnaît le principe de l'assurance inhérent à notre sécurité sociale.

Enfin, le règlement actuel de cumul d'une pension de survie avec une pension de retraite est aussi particulièrement inéquitable en raison de l'effet Matthieu qu'il entraîne. Le plafond de cumul étant calqué sur le niveau de la pension de survie - on peut cumuler au maximum jusqu'à 110% de la pension de survie complète théorique -, une personne dont la pension de survie est plus élevée recevra nettement plus qu'une autre qui a une petite pension. Ce n'est pas juste. C'est pourquoi le gouvernement devrait autoriser le cumul d'une pension de survie avec un revenu de remplacement découlant de cette activité autorisée ; supprimer ou relever de manière substantielle les plafonds en matière d'activité autorisée ; supprimer ou du moins réduire sensiblement la pénalisation fiscale de l'activité autorisée ; enfin, augmenter le plafond de cumul entre pension de survie et pension de retraite et ne plus le lier au montant de la pension de survie mais le remplacer par un plafond identique pour tous.

J'en viens à l'activité autorisée aux pensionnés, dont les montants viennent enfin d'être publiés au Moniteur. Étant donné qu'il avait été question d'un déplafonnement total, j'aimerais que le ministre me dise si le Conseil national du travail ou d'autres comités de gestion des parastataux ont été saisis d'une demande officielle dans ce sens.

M. Jacques D'Hooghe (CD&V). - Nous en sommes à notre numéro semestriel imposé de loi-programme. Chaque fois, la façon cavalière dont cette législation est élaborée fait l'objet de critiques. Les choses vont de mal en pis. Jamais on ne nous avait présenté une loi-programme d'une telle ampleur. Le gouvernement y a en outre ajouté quatre ou cinq projets, empêchant pratiquement les sénateurs de remplir correctement leur tâche en commission. J'ai donc déposé aujourd'hui une proposition ouvrant à révision les articles 76 et 142 de la Constitution de manière à exclure des lois-programmes aussi vastes à l'avenir.

Le Conseil d'État a déjà maintes fois dit son insatisfaction sur la méthode des lois-programmes et la doctrine en a elle aussi souligné les inconvénients pour le bon fonctionnement de la démocratie parlementaire et la qualité de l'ordre juridique. Il en résulte notamment que toutes les dispositions des lois et décrets-programmes n'ont pas la permanence qui devrait normalement les caractériser.

Les lois et décrets-programmes ont leurs caractéristiques propres. Ils sont tout d'abord un recueil de thèmes diversifiés. Il est difficile de trouver une majorité parlementaire pour chacun d'eux, surtout dans le temps imparti. Le gouvernement veut faire voter ces nouvelles dispositions au forceps, en présentant un amalgame de mesures où chaque courant politique trouve en partie satisfaction tout en étant obligé d'accepter des dispositions qui ne lui plaisent pas mais qui satisfont les autres. C'est ce qu'on peut appeler de manière lapidaire un « marchandage législatif ».

Les lois et décrets-programmes doivent en outre toujours être adoptés à l'arraché, juste avant les vacances parlementaires ou la fin de l'année. À l'origine, ils contenaient généralement des mesures présentant un caractère budgétaire urgent ou des adaptations législatives urgentes. Aujourd'hui, ils contiennent même parfois des dispositions législatives tout à fait nouvelles.

C'est le cas de ce projet, notamment en ce qui concerne le statut des artistes. Je n'ai rien à redire quant au fond mais bien quant à la procédure. Les sénateurs n'ont pas eu l'occasion d'y changer un iota ni même d'en discuter sérieusement. Nous pouvons certes déposer des amendements mais il n'en sera de toute façon pas tenu compte. Cela pose un immense problème au Sénat en tant que seconde chambre.

Les lois-programmes contiennent par ailleurs de plus en plus de dispositions accordant les pleins pouvoirs au Roi. Le Conseil d'État a maintes fois souligné que les délégations devaient être limitées dans le temps, confirmées par une loi et justifiées par des raisons impérieuses. Ces restrictions sont de moins en moins respectées.

Je propose dès lors d'adapter l'article 76 de la Constitution en y insérant une disposition précisant que chaque projet doit avoir un contenu homogène. Celui-ci doit aussi faire l'objet d'une évaluation, d'où ma proposition d'adapter l'article 142 de la Constitution relatif aux compétences de la Cour d'arbitrage, laquelle doit être habilitée à vérifier si les projets constituent un ensemble homogène et à annuler les projets qui ne satisferaient pas à ce critère.

Quant au fond du projet, je m'en tiendrai à trois thèmes.

Pour les pensions de survie, nous estimons peu raisonnable de soumettre à des conditions de revenus strictes l'octroi d'une pension de survie aux personnes qui deviennent veufs ou veuves et qui ont encore des enfants à charge. Le ministre affirme qu'il est budgétairement impossible d'assouplir ces conditions et souligne que la pension de survie s'inscrit dans l'ancienne philosophie des droits dérivés que nous devons abandonner. Je pense que le problème ne peut se limiter à la question des droits dérivés.

La loi-programme relève les allocations aux handicapés isolés de 45% à 50% du salaire perdu. Cette augmentation est insuffisante pour le CD&V qui réclame une majoration graduelle de 20% des allocations minimales pour les handicapés isolés et chefs de famille.

Deuxième thème, les petites modifications apportées à la loi sur la Loterie nationale qui ne date pourtant que d'avril dernier. Nous avons l'impression que les Belges et particulièrement les jeunes sont encouragés à jouer aux jeux de hasard. Mon collègue Steverlynck a déposé des amendements en commission. Je demande au gouvernement de réexaminer ces mesures immorales.

La Loterie nationale se voit conférer un monopole pour organiser divers nouveaux jeux basés sur les techniques informatiques.

Elle a l'intention de mettre sur le marché de nouveaux jeux échappant au contrôle social et s'adressant particulièrement à un public jeune. Les pouvoirs publics ne peuvent avoir une telle intention. Le gouvernement a pour mission d'endiguer les jeux de hasard dont nous connaissons les conséquences sociales. On enlève en outre à la Commission des jeux de hasard le pouvoir de contrôler la Loterie nationale. La loi sur les jeux de hasard vient à peine d'être adoptée et le gouvernement profite déjà de cette loi-programme pour la modifier.

Je demande explicitement au gouvernement de ne pas considérer ce dossier dans la seule optique des revenus de la Loterie nationale mais surtout dans une perspective sociale.

Enfin, je comprends la déception des pharmaciens à la lecture de l'article 226 relatif à la cotisation sur les produits pharmaceutiques. Le ministre ramène cette cotisation de 3% à 2% et compense cette réduction par une cotisation complémentaire en cas de dépassement du budget, tandis que 0,2% de la cotisation servirait à garantir le revenu des pharmaciens. C'est dérisoire. En imposant moins l'industrie au détriment du secteur de la distribution et des pharmaciens, le ministre donne à mon sens un mauvais signal. Les pharmaciens sont aujourd'hui confrontés à de nombreux problèmes. Les nouvelles réglementations relatives aux grands conditionnements, aux médicaments génériques et aux vaccins ainsi que les baisses de prix qui interviendront le 1er janvier 2003 réduiront leur marge bénéficiaire. Selon le ministre Vandenbroucke, les problèmes financiers consécutifs à ces baisses de prix seront compensés par l'industrie pharmaceutique. Je ne vois pas comment on pourrait imposer cela à l'industrie sur la seule base d'un accord et sans prendre des mesures légales. Nous sommes déjà le 20 décembre et les mesures doivent entrer en vigueur le 1er janvier.

Nous resterons attentifs à ces dossiers et dénoncerons les problèmes si nécessaire.

Discussion générale du volet Affaires sociales

M. le président. - M. Barbeaux et Mme Pehlivan ont présenté leur rapport ce matin.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Nous traitons cette fois de la sécurité sociale des indépendants dont nous avons longuement discuté en commission. Quant au statut social des travailleurs indépendants, je me réfère au rapport écrit de la Commission des Finances mais je voudrais néanmoins approfondir cette question, soit parce que nous n'avons pas obtenu de réponse sur certains points, soit parce que nous n'avons pas eu le temps de les traiter à fond.

La simplification de la structure des cotisations prévue par le projet est un point positif. Le brutage des cotisations sociales s'opérera désormais selon un nouveau tarif et sur avis unanime du Comité général de gestion du statut social des indépendants.

Une mesure au profit des indépendants débutants a également été proposée unanimement.

Le Comité général de gestion a proposé de régulariser les trimestres de la première année incomplète en exprimant sur une base annuelle les revenus de cette même année incomplète. Cela servirait aussi de base pour les trois années suivantes.

Pourquoi la simplification n'a-t-elle pas tenu compte de cette suggestion qui aurait aidé les débutants ?

Quant au statut social du conjoint aidant, nous avons formulé des remarques en commission et déposé des amendements visant à prendre automatiquement comme base une répartition 50/50 au lieu de 70/30. S'il apparaissait que la répartition 50/50 n'est pas la meilleure solution, la mesure pourrait toujours être modifiée.

Nous regrettons également que le régime soit d'emblée imposé intégralement. Nous aurions préféré une introduction progressive et avons donc demandé de retenir l'année 1996 pour la condition d'âge plutôt 1956. Nous avons constaté avec plaisir que le gouvernement a sensiblement corrigé son projet initial après que nous ayons signalé que la pension familiale ne peut diminuer lorsqu'un conjoint aidant a une carrière de moins de trente ans.

En ce qui concerne la pension et la suppression partielle de la pénalisation en cas de pension anticipée, je voudrais dire que pour les indépendants, la pension est toujours réduite de 5% par année d'anticipation et ce pour toute la durée de la pension. Pour les salariés, cette règle a été supprimée. La loi-programme prévoit que la réduction ne s'appliquera pas si l'intéressé présente une carrière complète. Il faut être réaliste. Une carrière complète représente 45 années. Pour échapper à cette réduction, une personne qui prend sa retraite à 60 ans devrait donc avoir commencé à travailler avant l'âge de quinze ans. Selon la législation de l'époque sur les pensions, on ne pouvait en outre payer des cotisations sociales à cet âge. Dans la pratique, la mesure ne peut donc s'appliquer qu'aux personnes qui ont d'abord travaillé en tant que salarié et ne sont passées au statut d'indépendant que par la suite. Seulement 420.000 euros ont été dégagés, ce qui prouve qu'il s'agit surtout d'une mesure symbolique.

Le dernier alinéa de l'article 38 prévoit que les années prestées simultanément dans différents régimes ne sont prises en considération qu'une seule fois, ce qui est particulièrement curieux.

Une personne qui a travaillé simultanément dans les régimes des indépendants et des salariés et qui a payé des cotisations sociales pour ces deux activités au titre d'activité principale parce que ses revenus dépassaient le plafond, pourrait avoir constitué deux carrières. Les années ne sont toutefois prises en compte qu'une seule fois pour le calcul de la réduction.

Il est donc encore plus difficile de justifier d'une carrière complète de 45 années à l'âge de 60 ans. Nous avons également fait cette remarque en commission mais n'avons pas obtenu de réponse.

Bien sûr, il est possible qu'on ne veuille pas aller plus loin. Nous avions déposé un amendement visant à maintenir la réduction jusqu'à l'âge de 65 ans et à la supprimer au-delà. Nous comprenons que les incitants à la pension anticipée ne répondent pas aux souhaits de l'Europe mais nous voulons que cette réduction disparaisse à partir de l'âge normal de la pension.

La mesure symbolique proposée à ce sujet par le gouvernement pourrait signifier qu'il a l'intention d'instaurer un système similaire également pour les salariés.

La mesure relative à la pension libre complémentaire pour les indépendants a été prise sous la pression, ou plus exactement sous le prétexte de l'Europe. La problématique est moins liée à la pension libre complémentaire pour les indépendants qu'à la pension complémentaire pour les professions libérales et les médecins. L'Europe a estimé que le financement supplémentaire des pensions des médecins par l'INAMI pourrait être discriminatoire en raison de la double déductibilité fiscale. Désormais, les indépendants qui devaient antérieurement s'adresser exclusivement aux organismes pour les professions indépendantes ou aux caisses d'assurances sociales pourront s'adresser aussi aux compagnies d'assurances. Le seul changement est donc le libre choix de l'institution. Le montant déductible, lui, demeure inchangé.

Le plan de pension sociale complémentaire est une bonne mesure mais en aucun cas le ministre ne peut prétendre que la pension complémentaire facultative est un progrès. Il n'est pas mis fin aux discriminations existantes à l'égard des salariés. La cotisation est encore toujours limitée à 7% du revenu et il n'y a toujours pas de possibilité d'un back-service. Aucune compensation n'est donc possible pour les années où on n'a pu faire de paiement en raison d'un revenu trop faible ou parce qu'il fallait beaucoup investir.

Les assurances de groupe offrent la possibilité de prendre en compte quelques années du passé comme back service. La limitation à 7% implique une discrimination par rapport aux salariés qui peuvent se constituer une pension allant jusqu'à 80% du dernier revenu. La cotisation aurait dû atteindre au moins 15%, certainement si on recherche l'égalité avec les professions libérales. Les cotisations personnelles du médecin et la cotisation de l'INAMI représentent ensemble environ 15% du revenu.

Il subsiste différentes formes de discrimination, tant entre indépendants et salariés que dans le groupe des indépendants. Les chefs d'entreprise et les professions libérales sont mieux lotis que les indépendants.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Ce que vous dites est exact mais je tiens à signaler que nous clarifions aussi les règles du cumul. Nous disons clairement que la pension légale, la pension complémentaire facultative et d'éventuelles autres formules de pension peuvent être cumulées jusqu'au niveau de 80%. Cela peut être important pour les chefs d'entreprise. Il est désormais possible d'optimaliser sa situation fiscale sans devoir recourir comme dans le passé à des systèmes qui ne sont pas totalement conformes à la loi.

Vous avez raison de dire que les mesures n'améliorent pas la situation de façon spectaculaire. Elles ne résolvent pas la question de la pensions des indépendants. Nous devrons sous la prochaine législature élaborer une réforme plus fondamentale. Il nous faudra peut-être opter pour une sorte de capitalisation obligatoire où l'apport des individus devrait dépasser les 7%. Nous avons seulement tenté, à la demande de l'Union européenne, d'améliorer les règlements existants.

Je me réjouis que M. Steverlynck ait insisté sur la différence de traitement qui subsiste entre les professions libérales et les autres indépendants. Il est étonnant que les médecins se plaignent de leur statut social alors que la contribution INAMI, qui échappe à la taxation, leur permet d'aller au-delà des 7%.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Le ministre Daems présente cette réforme comme un progrès fondamental. Je ne partage pas cet avis. Le fait d'avoir établi la clarté au sujet des possibilités de cumul constitue un point positif. La mesure n'est toutefois avantageuse que pour les chefs d'entreprise. Pour se constituer leur propre pension, les autres indépendants doivent procéder comme par le passé, à partir de revenus déjà taxés. En fait, la discrimination est même renforcée : d'une part, ils ont la certitude de pouvoir cumuler jusqu'à 80%, mais d'autre part ils n'ont pas la possibilité de se bâtir correctement une pension complémentaire.

Il y a une autre discrimination. La proposition de loi portant sur la pension complémentaire des salariés dispose qu'ils peuvent déduire un montant de 1.500 euros en tant que frais professionnels lorsqu'ils quittent une entreprise dotée d'une assurance-groupe pour rejoindre une autre qui ne l'est pas. Aucune mesure similaire n'a été prévue pour les indépendants, ce que je trouve regrettable.

En commission, j'ai également signalé la discrimination en matière de droits de succession, mais il s'agit d'une compétence flamande.

Le grand débat concernant les pensions doit encore avoir lieu, le ministre a raison sur ce point. Il a été décidé au conseil des ministres d'examiner le moment venu les propositions du professeur Cantillon conjointement aux décisions déjà approuvées en matière de pension complémentaire. Je regrette en tout cas que celle-ci ait été écartée de la législation relative aux pensions.

La pension des indépendants était en fait un précurseur car elle comportait deux parties, un système légal obligatoire et un système libre complémentaire. On aurait mieux fait de laisser la pension complémentaire libre dans la loi car ainsi on était obligé de s'orienter vers une capitalisation obligatoire d'une partie de la pension. Cette discussion nous mènerait trop loin mais elle doit certainement être prise en compte à l'avenir.

M. Jacques Devolder (VLD). - M. Vandenberghe a parlé ce matin du Pont des soupirs et du Pont d'Avignon mais sans indiquer lequel avait sa préférence. Personnellement, je compare les lois programmes à une course cycliste classique en décembre. Les équipes participantes peuvent grosso modo être comparées à un groupe qui roule pendant quatre ans avec le maillot de l'opposition, alors que l'autre groupe porte le maillot de la majorité.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Il y a eu le Tour de Flandre ou Paris-Roubaix, mais cette fois c'est Bordeaux-Paris et sans derny.

M. Jacques Devolder (VLD). - Bordeaux-Paris a toujours été un classique qui convenait bien aux Flamands. Pensez à Herman Vanspringel. Nous devons donc également pouvoir être à la hauteur, monsieur Caluwé.

Je constate aussi qu'alors que le classique est encore en cours, certains sont déjà en train de négocier pour la législature suivante. Un autre élément récurrent est que ceux qui portent le maillot de l'opposition se plaignent toujours des circonstances dans lesquelles le classique doit être couru.

Dans le secteur médical et paramédical, on s'est beaucoup plaint au début de la course. Il était même question d'une vague de grèves. Mais en fin de course, nous constatons que des négociations avec l'industrie et les partenaires concernés ont permis de trouver une solution. Pour les médecins également une solution est en vue. L'opposition dit qu'on la force à avaler la loi programme. Je constate cependant que certains articles qui avaient suscité beaucoup de mécontentement dans le secteur médical et paramédical ont été retirés.

J'ai pour ma part une question concrète qui aurait été évoquée en commission des Affaires sociales mais je n'en trouve nulle trace dans le rapport.

À l'article 13 du Titre VI, « Mesures relatives à la responsabilisation individuelle des dispensateurs de soins et à la réforme du contrôle médical », au chapitre intitulé « Les prestations de santé superflues ou inutilement onéreuses », il est dit que l'article 73 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnité, paragraphe 1, dernier alinéa, stipule que les prestataires de soins autres que les médecins et les dentistes s'abstiennent également d'exécuter ou de faire exécuter des prestations inutilement onéreuses ou superflues à charge du régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités. Que signifie ce texte ? La réglementation actuelle en matière de santé publique dispose que certains dispensateurs de soins ne devraient pas donner suite aux prescriptions médicales normalement considérées comme des ordonnances. Je sais que c'est possible pour des anesthésiques. Lorsqu'un pharmacien constate que quatre médecins différents prescrivent des drogues à un patient sans qu'aucun ne soit informé des autres prescriptions, ce pharmacien est obligé d'intervenir, sans quoi il est aussi pénalement responsable. Comment le ministre pense-t-il résoudre ce problème ?

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - L'alinéa en question concerne effectivement toutes les sortes de dispensateurs de soins mentionnées dans la législation INAMI et qui sont visées dans le reste de l'article. Il ne s'agit donc pas uniquement des médecins. Les pharmaciens sont aussi concernés.

Le but n'est pas que les pharmaciens deviennent également responsables en matière de lutte contre la surconsommation classique. Nous avons ainsi sensibilisé les médecins pour qu'ils prescrivent moins d'antibiotiques. S'il apparaît qu'un certain médecin prescrit manifestement de manière excessive et n'est pas disposé à adapter son comportement, les services de contrôle peuvent intervenir et le médecin en question peut même recevoir une amende administrative. Cette disposition ne concerne pas de telles affaires. En matière de prescriptions d'antibiotiques, le pharmacien est un collaborateur passif, il doit donner les médicaments prescrits.

Le but est d'éliminer les situations aberrantes. Les services de l'INAMI m'ont cité l'exemple d'un pharmacien qui délivrait de très nombreuses huiles essentielles sur prescription médicale. Il a été qualifié de co-responsable de pratique malsaine. Il ne s'agit donc pas de surconsommation classique.

M. Jacques Devolder (VLD). - Je suis au courant de cette affaire. Il s'agissait d'un vrai scandale, où il était question de collusion. Je ne pense pas que les pharmaciens auront des objections à ce sujet.

J'ai encore quelques idées pour l'avenir. Le ministre a indiqué que les pharmaciens et médecins devront pouvoir consacrer plus d'attention à leur rôle d'information et d'entretien avec le patient, rôle pour lequel leurs tâches administratives ne leur laissent souvent pas assez de temps.

Le ministre pourrait-il, avec ses collègues de l'emploi et éventuellement ses collègues régionaux, imaginer une solution novatrice ? Il rencontre déjà les voeux financiers des médecins mais il pourrait aussi faire quelque chose au niveau de l'emploi, par exemple en mettant des auxiliaires administratifs à temps partiel à la disposition des médecins et des pharmaciens.

Enfin, le nombre de spécialités onéreuses augmente. Je sais bien que le ministre n'en est pas responsable. Lors de la reconnaissance des médicaments, une concertation entre les Affaires économiques, la Santé publique et les Affaires sociales a fixé le plafond des bénéfices a 300 F par spécialité pharmaceutique. Les spécialités onéreuses représentent déjà 45 à 50% du chiffre d'affaires du pharmacien et je préconise donc que le ministre entame ultérieurement un travail de réflexion et d'action sur le terrain en la matière.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Il me revient d'intervenir au nom de mon groupe pour les matières qui ont été discutées en commission des Affaires sociales.

D'emblée, je dirai que le groupe PS marque son accord sur le volet « emploi » du projet soumis à notre examen. La simplification et l'harmonisation des mesures de promotion de l'emploi telles qu'elles sont présentées par le gouvernement stimuleront l'emploi de manière significative. Nous en sommes persuadés. En effet, l'abaissement structurel des charges fait l'objet d'une réforme importante puisque le nombre de formules est ramené de huit à deux. En outre, les treize techniques de calcul de la réduction du groupe-cible sont ramenées à deux forfaits. Enfin, le nombre de plans d'embauche passe de dix-neuf à cinq. C'est dire si le système dans son ensemble est rationalisé de manière optimale. Nous savons tous que l'obtention du bénéfice des mesures d'embauche représente souvent un véritable chemin du combattant pour le monde du travail. Les dispositions avancées par la ministre de l'Emploi permettront l'utilisation ciblée des enveloppes budgétaires mises à la disposition des partenaires sociaux. Nous nous en réjouissons.

Nous sommes en outre convaincus que l'augmentation du rendement de la politique des groupes-cibles profitera tout particulièrement aux jeunes dans le cadre de la convention de premier emploi.

Enfin, nous sommes particulièrement satisfaits de l'encouragement donné à la réduction collective du temps de travail et de l'application réelle de la semaine des quatre jours. Chacun sait en effet l'intérêt que nous accordons à cette piste de réflexion pour créer de l'emploi dans notre pays.

Le plan « Rosetta indépendant » a également retenu notre attention et nous approuvons que le gouvernement accorde les moyens financiers nécessaires au Fonds de participation pour assurer des missions dans ce cadre.

Enfin, nous avons été attentifs aux mesures assurant la pérennité des avantages sociaux qui furent accordés au personnel de la Loterie nationale lorsque cet établissement avait un statut public. La sécurité juridique des rapports entre l'employeur et le personnel est assurée. C'est une excellente chose pour les travailleurs concernés.

Les mesures relatives au statut des artistes ont été largement débattues, y compris lors de l'examen du présent projet à la Chambre. Ce dossier a fait l'objet de travaux parlementaires durant de nombreuses années tant dans les commissions permanentes que dans des groupes de travail.

Le PS a par ailleurs déposé dès 1995 une proposition de loi très élaborée comptant quelque 200 pages. Cette proposition visait à accorder un véritable statut social aux artistes.

La loi-programme constitue une avancée intéressante dans ce dossier délicat. On peut en effet souligner quelques dispositions qui rencontrent notre approbation : la réduction des cotisations patronales, la centralisation des réglementations et le paiement des allocations par les parastataux sociaux, la suppression de la discrimination entre les arts de création et les arts d'exécution.

Nous sommes également persuadés que le recours à des agences d'intérim passant des contrats de travail en bonne et due forme est une mesure positive puisqu'elle permettra aux artistes de se constituer des droits à la sécurité sociale. Nous serons attentifs à l'évaluation de cette mesure.

Lors du débat à la Chambre, les socialistes, le groupe PS en particulier, ont exigé des garanties supplémentaires sur la manière dont la commission qui sera mise en place appréciera la situation des artistes. Il a dès lors été prévu que cette commission soit présidée par une personne indépendante et qu'elle puisse s'entourer d'experts issus notamment du monde artistique.

La loi-programme ne résout pas tous les problèmes mais elle apporte des solutions intéressantes propres à étendre à tous les artistes la protection sociale prévue par l'arrêté royal du 28 novembre 1969.

Le volet consacré à la santé publique a également retenu toute notre attention.

La création du Centre fédéral d'expertise des soins de santé rencontre notre adhésion. La collecte des éléments objectifs basés sur l'analyse et le traitement de données enregistrées et de données validées ou d'ailleurs de toute autre sources d'information pertinente devrait effectivement contribuer à la réalisation d'une politique de soins de santé encore plus efficace.

Le rapport final sur la modernisation de l'administration publique l'a d'ailleurs mis en évidence : la réussite de la politique de la santé est subordonnée à une plus grande cohérence entre l'organisation et le financement des soins de santé.

Le volet consacré à la sécurité sociale représente une part non négligeable de l'ensemble des dispositions soumises à examen. Bon nombre de mesures sont très techniques mais il est cependant important de souligner que cette loi-programme est éminemment sociale, malgré le tableau noir brossé par certains. J'épinglerai dans cette brève intervention quelques éléments qui en témoignent.

Pour ce qui concerne le financement du Fonds d'équipements et de services collectifs, par exemple, nous approuvons la majoration du montant des allocations familiales prévue pour les enfants handicapés et gravement malades, selon un système d'évaluation qui sera progressivement mis en oeuvre.

La première phase concerne quelque 30.000 bénéficiaires supplémentaires ; c'est une excellente chose et nous notons par ailleurs que le gouvernement a l'intention de généraliser cette mesure dans un délai relativement bref.

Le volet réservé à l'amélioration du statut des gardiennes encadrées a également retenu toute notre attention. Il s'agit là, certes, d'un premier filet de protection sociale pour cette catégorie de travailleuses et nous plaidons pour un renforcement de cette politique qui devrait, à tout le moins dans un premier temps, s'étendre aux allocations de chômage et au pécule de vacances.

La loi prévoit à cet égard une évaluation de la mise en oeuvre du statut en question. Nous y serons attentifs, car je pense que le parlement a certainement un rôle à assumer en la matière.

Nous nous réjouissons de la mesure qui prévoit l'octroi d'une aide spécifique pour les enfants de moins de seize ans atteints de maladies chroniques. Cette mesure entrera en vigueur très rapidement ; elle concernera les facteurs afférents à des frais médicaux remboursables.

Pour ce qui concerne les personnes âgées, nous saluons la simplification en profondeur des procédures relatives à la perte d'autonomie et nous approuvons la suppression de la réduction des deux tiers de l'allocation pour l'aide aux personnes âgées qui résident en institution.

Nous rejoignons nos collègues socialistes de la Chambre qui ont souligné positivement les mesures prises en matière d'incapacité primaire de travail. Pour nous, la situation particulière de la maladie justifie en effet des minima plus élevés que dans le cadre du chômage.

En revanche, nous serons attentifs à ce qu'une solution soit dégagée pour ceux qui, du fait de la revalorisation des revenus de leur cohabitant, perdent leur statut de chef de ménage.

Je le répète, je n'ai pas été exhaustive dans cet exposé, mais je marquerai encore la satisfaction de mon groupe par rapport aux mesures relatives aux soins de santé en général.

Les dispositions concernant la responsabilisation individuelle des prestataires de soins rencontrent notre adhésion.

Enfin, nous nous réjouissons des mesures prises en ce qui concerne le maximum à facturer ; en effet, le mécanisme général d'accessibilité aux soins évolue vers une prise en compte de la totalité des frais. C'est une évolution positive.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Je répondrai d'abord à M. Barbeaux.

Je ne suis pas d'accord avec les critiques de certains milieux contre les mesures en faveur du statut social de l'artiste. M. Barbeaux cite les critiques syndicales mais elles ne me semblent pas convaincantes. Ce projet permet toujours à l'artiste de choisir le statut d'employé et c'est très facile. Il ne doit pas du tout prouver l'existence d'un contrat de travail et ne doit pas non plus démontrer un lien de subordination. Il suffit qu'un salaire soit payé pour une prestation artistique et qu'il y ait un commanditaire pour que s'ouvre le droit à la protection sociale due au statut d'employé. L'artiste peut de sa propre initiative opter pour un statut d'indépendant. Toutefois il y a une commission spéciale qui donne à l'artiste une certaine protection contre des phénomènes comme celui du faux indépendant ou une mauvaise estimation de la qualité de vie d'une activité d'artiste menée sous statut d'indépendant.

Les artistes sont particulièrement bien protégés et je ne m'émeus donc pas des critiques de M. Barbeaux. Mais ces critiques émanent peut-être moins de lui que de certains milieux syndicaux.

Il regrette qu'il n'y ait qu'un seul parlementaire au sein du centre d'expertise, un député. Que le parlement soit représenté dans un tel organe qui relève clairement de l'exécutif est une innovation et un grand pas en avant pour la transparence du pouvoir exécutif et pour le contrôle parlementaire. Nous ne pouvons évidemment pas y reprendre un représentant de chaque parti, sinon le conseil d'administration du centre d'expertise se transformerait en reflet du parlement.

M. Steverlynck a posé des questions pertinentes, entre autres sur l'article 134, §3 concernant les handicapés et de la notion de famille. Dans les arrêtés d'exécution qui sont en instance d'avis auprès du conseil d'État, nous disposons que la famille du premier au troisième degré n'est pas prise en compte dans le calcul. Les parents qui vivent chez des enfants seront identifiés séparément pour la prise en compte des moyens d'existence.

Quant aux communautés monastiques, je rappelle ce que j'ai dit en commission. J'admets qu'une amélioration est possible quant à la garantie de revenus pour les parents qui vivent chez leurs enfants et sont soignés par eux, et parallèlement pour les communautés monastiques qui s'occupent de leurs membres âgés. Cependant ce n'est pas une option évidente du point de vue budgétaire. Traiter les parents qui habitent chez leurs enfants comme une entité indépendante en vue de la garantie de revenus est sans doute à prendre en considération mais implique un sérieux coût budgétaire supplémentaire. C'est pourquoi on l'a pas encore fait.

La réglementation pour les handicapés diffère quelque peu de celle de la garantie de revenus aux personnes âgées. Pour obtenir celle-ci, on s'appuie sur le registre national comme preuve qu'on forme un ménage. Pour les handicapés en revanche, on parle d'une unité de fait qui forme une entité économique. Cela permet de fournir la preuve contraire que, quoique habitant à une même adresse, on ne forme pas un seul ménage. Toutes les voies de droit peuvent être utilisées pour fournir cette preuve. Bien que ce ne soit pas évident, il n'est théoriquement pas exclu que cette preuve puisse être délivrée par des personnes qui font partie d'une communauté monastique, donc qui habitent à la même adresse mais ne constituent pas nécessairement comme qui dirait un seul ménage.

Si cette preuve est acceptée, on est considéré comme isolé.

Pour conclure, je voudrais encore signaler à M. Steverlynck que je partage sa préoccupation pour cette question. Durant les prochaines années, nous devrons voir comment délimiter la notion de « famille » et rechercher la manière de soutenir aussi généreusement que possible les attentions que se portent ces personnes.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Je prends acte de l'affirmation du ministre selon laquelle c'est un choix politique de ne pas accorder immédiatement la garantie de revenus aux personnes âgées. Mais il y a aussi des obstacles pratiques. Si des membres d'une congrégation séjournent régulièrement à un autre endroit, elles doivent chaque fois constituer un nouveau dossier. Aussi négligent-elles souvent de le faire.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - J'apprends quelque chose. Je m'en souviendrai certainement. Je n'ai jamais entendu parler de personnes qui n'introduisent pas de dossier pour cette raison.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Les Mutualités chrétiennes qui s'occupent sérieusement de cette question peuvent le confirmer. Je pense même que M. Marc Justaert a écrit une lettre au ministre pour lui signaler que ces problèmes techniques se produisent et que le gouvernement doit les résoudre rapidement.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - C'est exact.

En ce qui concerne le travail autorisé, nous avons écrit au Conseil national du Travail pour lui demander son avis sur des options plus fondamentales, notamment la suppression totale du plafond pour le travail autorisé. La lettre n'a pas encore été envoyée mais comme chacun sait l'arrêté royal vient seulement d'être publié. En commission des Affaires sociales, j'ai amplement discuté de la question délicate des pensions de survie et du travail autorisé. Je vous renvoie donc au rapport et aux discussions que nous avons déjà eues à ce sujet.

M. Steverlynck demande une répartition automatique 50/50 des revenus fiscaux pour les conjoints aidants des indépendants. Je crains que nous n'ouvrions ainsi la porte à des pratiques que nous ne pouvons contrôler. Aujourd'hui, nous demandons que les gens produisent eux-mêmes la preuve que la répartition 70/30 ne leur est pas applicable. Le renversement de la charge de la preuve me semble imposer trop de travail à l'administration fiscale. Ni le gouvernement ni moi-même n'en sommes partisans.

M. Steverlynck a également critiqué le caractère obligatoire de l'assurance sociale. Il touche ainsi au noeud du problème. Nous estimons que le gouvernement a bien fait de couper la poire en deux en commençant par une assurance-invalidité obligatoire et en ne faisant suivre les autres branches qu'en 2006. La protection sociale ne peut plus être garantie sans instaurer une certaine obligation. Ce n'est pas seulement un point de vue idéologique mais aussi une constatation de fait. Imposer une obligation en plusieurs phases me semble être un compromis honorable étant donné les points de vues divergents des différentes organisations d'indépendants.

M. Steverlynck a également adressé une question à M. Daems sur la simplification des cotisations des indépendants. Comme cette matière est en partie de ma compétence, je puis y répondre. Pour les nouveaux indépendants, c'est plus qu'une simplification au sens strict. Nous devons rendre le système des cotisations plus accessible aux nouveaux indépendants mais à condition de renforcer la solidarité de personnes à revenus plus élevés, ce qui est lié au plafonnement des allocations. Tout est dans tout. Lors d'une réforme plus profonde à l'occasion de laquelle nous améliorerions par exemple la couverture et les allocations tout en rendant peut-être les cotisations moins régressives, nous pourrons peut-être faire aussi quelque chose pour les débutants. Aujourd'hui, nous avons consciemment voulu nous limiter à une simplification.

M. Barbeaux a annoncé qu'il déposerait un amendement tendant à remplacer l'alinéa 3 de l'article 319.

Cet amendement précise que l'article 16 de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs s'appuie, à juste titre, sur une fixation du montant concertée avec les partenaires sociaux.

C'est dans cet esprit qu'a été conclue la CCT nº 82 du 10 juillet 2002, rendue obligatoire par arrêté royal. L'article 12 de cette convention collective de travail fixe la contribution à 1.500 euros.

Il n'y a, d'une part, aucune raison de remettre en cause une prérogative accordée à bon escient aux partenaires sociaux. Mais, d'autre part, en portant atteinte à l'article 12 de la CCT, le projet de la loi-programme remet l'ensemble de la convention en cause. C'est ce que dit M. Barbeaux.

En réponse, je peux d'ores et déjà signaler à M. Barbeaux que la CCT fixe la contribution à 1.500 euros. L'arrêté royal pris en exécution de la loi fixera la contribution au même montant. Si les partenaires sociaux souhaitent l'augmenter dans le futur, le gouvernement modifiera l'arrêté royal qui devra peut-être être revu en fonction de l'exécution des procédures de reclassement. Cela se fera sur la base de l'expérience vécue par les partenaires sociaux s'ils l'estiment nécessaire.

En bref, on peut dire que l'autonomie des partenaires sociaux est absolument respectée et garantie.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Je suis d'accord avec le ministre lorsqu'il affirme que de nombreux aspects du statut social des indépendants doivent être réformés en profondeur et que le statut social des nouveaux indépendants peut faire partie de cette réforme. De nombreux études, rapports et tables rondes ont été consacrés à ce thème mais le gouvernement manque de courage ou de volonté commune pour proposer un plan global relatif à la sécurité sociale des indépendants. Il s'est contenté de quelques mesures concrètes. Certaines sont bonnes mais le gouvernement ne dispose ni d'une vue d'ensemble ni d'un plan pluriannuel. Notre groupe le regrette.

Discussion générale du volet Finances et Affaires économiques

M. le président. - M. Moens, rapporteur, a présenté son rapport ce matin.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Le gouvernement souhaite que davantage de personnes puissent profiter des possibilités offertes par l'informatique et l'internet. Il a donc lancé le projet « PC privé », permettant au travailleur de faire financer par son employeur l'acquisition d'un PC avec connexion internet. Cette intervention de l'employeur n'est pas considérée comme un avantage en nature et n'est donc pas imposée. L'employeur peut en outre inclure cette dépense dans ses frais même si elle n'est pas liée à gestion normale de l'entreprise. Beaucoup d'interrogations planent toujours sur la concrétisation de cette mesure mais c'est en tout cas une initiative louable.

Le gouvernement ne respecte toutefois pas ses engagements de rapidité et d'efficacité. C'est déjà la quatrième fois qu'il annonce cette mesure, ce qui crée des tensions également dans le groupe libéral. Le 15 mai 2000, M. Destexhe a ainsi déposé une proposition de résolution réclamant notamment que 80% des citoyens belges aient accès à l'internet en 2005.

À la suite du rapport de la Fondation Roi Baudouin, MM. Destexhe et Van Quickenborne ont déposé une nouvelle résolution invitant le gouvernement à concrétiser les 30 recommandations de la Fondation.

Le 10 janvier dernier, MM. Destexhe et Ramoudt ont déposé une proposition de loi qui a été examinée en commission en mars mais dont nous n'avons plus entendu parler par la suite.

Le premier ministre avait aussi inscrit ce point dans sa note sur ses priorités économiques. Un an après le gouvernement n'a toujours pas réussi à exécuter ce projet. Les dispositions de cette loi-programme ne sont encore qu'une ébauche.

Le système proposé pourra-t-il aussi s'appliquer aux fonctionnaires ? Si oui, il faudra le prévoir dans le budget des différentes administrations.

Les chefs d'entreprises seraient exclus du bénéfice de cette mesure ce qui, compte tenu de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, pourrait être considéré comme une discrimination.

Le projet prévoit que le plan doit concerner l'ensemble des travailleurs. Que se passe-t-il si le travailleur n'accepte l'offre qu'en partie ? Il peut n'avoir besoin que d'un nouveau PC ou d'une connexion internet.

Peut-être une offre plus flexible est-elle souhaitable de manière à pouvoir limiter le remboursement à une partie du matériel informatique acheté.

À l'exception de ce point précis, toutes les répercussions fiscales du projet sont claires, ce qui n'est pas le cas pour la sécurité sociale.

Il n'est dit nulle part que l'intervention de l'employeur n'est pas soumise à la sécurité sociale. Cette mesure perdrait beaucoup de son attrait si le montant fiscalement exonéré était soumis à la sécurité sociale en tant que rémunération.

Quelle incidence cette intervention a-t-elle en outre sur le calcul du pécule de vacances, du treizième mois, de l'assurance-groupe ? Ce système sera-t-il intégré dans la norme salariale ?

Quelle procédure faut-il suivre pour l'élaboration du plan de l'entreprise ? Tous ces détails ne sont pas encore précisés. Il faut éviter un formalisme excessif, comme la conclusion de CCT spécifiques.

Qu'adviendra-t-il des accords que ces entreprises ont déjà conclus avec le fisc ?

Pourquoi le projet précise-t-il que le projet « PC privé » s'applique aussi au logiciel au service de l'activité professionnelle ? Ne s'agit-il pas de coûts que l'employeur supporterait de toute façon et pouvant difficilement être considérés comme un avantage imposable dans le chef du travailleur ?

Enfin, je voudrais réagir au projet appelé eDay visant à permettre à 100.000 ménages à bas revenus d'acquérir un PC avec connexion internet pour un montant de 5 à 25 euros par mois. Ce projet se focalise sur les chômeurs peu qualifiés et est donc très important car ce groupe risque particulièrement de rester à la traîne. Or, selon le professeur Mark Elchardus, il existe une forte corrélation entre la méfiance technologique et la méfiance sociale.

Ce projet sans cesse annoncé est sans cesse reporté. Il ne figure toujours pas dans la loi-programme et tout indique que le gouvernement ne le réalisera plus. Quelles sont les intentions du gouvernement à son égard ? Quand s'emploiera-t-il à combler le fossé numérique ?

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Le nouveau régime s'applique aussi aux fonctionnaires. Aucune somme n'est toutefois encore prévue à cette fin au budget 2003. Il faut peut-être que nous commencions par acheter des PC pour l'administration elle-même. Les besoins du ministère des Finances à cet égard sont très importants. Nous pourrons peut-être commencer à concrétiser la mesure pour les fonctionnaires et leurs familles en 2004.

Pour le département des Finances, nous avons acheté plus de 15.000 PC au cours des deux dernières années, ce que le chef de votre groupe à la Chambre a jugé insuffisant.

Nous devons prendre plus de mesures encore. Le régime n'est toutefois possible que pour les fonctionnaires.

Le plan offre certainement des possibilités de flexibilité.

Le même raisonnement s'applique sur le plan social que sur le plan fiscal. C'est le point de vue qu'a aussi défendu le ministre Vandenbroucke au Conseil des ministres. Il a été proposé de ne pas imposer l'employeur et de ne pas considérer l'intervention de celui-ci comme un avantage. Ce raisonnement ne s'applique toutefois pas à d'autres choses, comme le treizième mois.

Un accord interprofessionnel a été conclu et la norme salariale indicative a été fixée à 5,4%. Cela ne me pose aucun problème puisque le régime vient au-delà de cette norme fixée pour les deux prochaines années.

Certains se demandent si la mesure sera exécutée par le biais d'un arrêté royal. Je confirme que la mesure s'appliquera le 1er janvier 2003 aux revenus de 2003.

La loi-programme ne contient effectivement aucune proposition relative aux bas salaires et aux minimexés. Un projet à ce sujet a toutefois été approuvé au Conseil des ministres d'hier. Nous envisageons d'offrir la garantie de l'État en cas d'emprunt. Le projet sera déposé au Parlement.

Quant à la répartition 70/30 pour le conjoint aidant, j'ai déjà dit en commission qu'il était toujours possible d'adopter un pourcentage plus élevé mais qu'il fallait le prouver.

M. Jan Steverlynck (CD&V). - Notre proposition de répartition 50/50 s'inspirait du principe de l'égalité homme-femme, tous deux exploitants d'une entreprise indépendante.

À propos du projet « eDay », les personnes peu qualifiées auront-elles la possibilité d'acquérir un PC avec connexion internet ?

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Notre intention est de réaliser ce projet dans les prochains mois.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - En tant que ministre de la Mobilité et des Transports, Mme Durant est chargée depuis trois ans et demi de la compétence relative aux chemins de fer et j'imagine qu'elle ne se réjouit guère de la situation actuelle. Le Sénat a été particulièrement attentif à la SNCB et à son plan d'investissement. Les premiers projets relatifs à ce plan ont été déposés fin 2000. Ils ont été discutés en commission et ont fait l'objet de nombreuses demandes d'explications. Il n'était pas du tout acquis que ce plan d'investissement serait accepté par le gouvernement flamand mais, finalement, un accord est intervenu.

Le CD&V a toujours affirmé que le plan d'investissement était irréaliste. Ces projets et leur mode de financement ne concordaient pas avec la réalité. En réalité, il s'agit d'un plan virtuel qui ne pourra jamais être concrétisé. On a prétendu qu'il répondait à des besoins réels et on est allé jusqu'à y intégrer les besoins imaginaires de la Wallonie.

La semaine dernière, M. Vinck, le nouvel administrateur délégué a déclaré que le plan ne sera pas exécuté. En dépit du travail qu'y a consacré la ministre pendant deux ou trois ans, des innombrables réunions et des discussions parlementaires, ce plan ne sera pas mis en oeuvre parce qu'il est irréaliste. Il est juste bon à être classé ou, éventuellement, à servir de sujet à une thèse de doctorat.

J'aimerais savoir comment la ministre réagit à cette déclaration. Quand seront entamées les discussions relatives au nouveau plan d'investissement ? Envisage-t-on de s'atteler aux projets pour le nouveau plan décennal de la SNCB immédiatement après les fêtes ?

Le deuxième volet de la politique de la ministre était la loi de réforme des structures de la SNCB.

(M. Jean-Marie Happart, vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)

C'était aussi une procession d'Echternach. Les discussions au Parlement ont été systématiquement reportées. Le PS exigeait que le Parlement flamand adopte le plan d'investissement avant que le Sénat vote la loi de restructuration. Ce vote a finalement eu lieu en mars.

Dans la loi-programme, différents articles de cette loi de restructuration ont à nouveau été modifiés. De plus, les amendements que nous avions déposés en mars et qui furent alors rejetés par la ministre se retrouvent actuellement dans la loi-programme en tant que propositions du gouvernement.

Une série de mesures tarifaires ont également été prises. Selon les médias, le mérite de la diminution de prix de 10% revient non pas à la ministre Durant, mais au ministre Vande Lanotte. On peut toutefois se demander si la baisse des prix changera quelque chose au problème de la mobilité et entraînera une augmentation du nombre de voyageurs. Il s'agit davantage à mon sens d'une mesure de redistribution des recettes. Toutes les études montrent que si les gens ne voyagent pas en train ce n'est pas en raison du prix, mais bien à cause de l'insuffisance de l'offre et du manque de confort.

Lors de l'entrée en fonction de la ministre, nous pensions que le réseau régional express, le RER, progresserait. Or, il n'est pas encore réalisé et ce que l'on en fera reste un grand point d'interrogation.

La seule performance de la ministre fut de faire disparaître M. Schouppe, l'administrateur délégué.

Après M. Heinzmann, ce fut le tour de M. Vinck. Mme Durant a donc, finalement, réussi à nommer un nouvel administrateur délégué. Je me demande si elle a pris une bonne décision en fondant pour une large part sa politique sur le départ de M. Schouppe.

M. Jef Tavernier, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Le poids et les mérites d'un administrateur délégué doivent être évalués au vu des résultats de l'entreprise. Si j'en juge d'après la situation financière de la SNCB, d'ABX et d'Inter Ferry Boats, l'arrivée d'un nouvel administrateur délégué ne peut être que bénéfique.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Une société ne peut être bien gérée que si les actionnaires mettent le capital nécessaire à sa disposition.

M. Jef Tavernier, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - M. Schouppe n'est pas le seul à avoir vu trop grand. Différentes sociétés privées ont commis la même erreur. C'est une phase révolue, et nous devons maintenant nous concentrer sur la mission de la SNCB.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - M. Schouppe aurait pu être un bien meilleur gestionnaire s'il avait reçu des moyens financiers suffisants de la part de ses actionnaires. Un article de la loi-programme concerne la reprise, par l'État, de la dette de la SNCB. La reprise aura lieu avant la fin de 2004, mais seulement si la dette de l'État est inférieure à 100% du PIB. Le prochain mariage d'un de nos collègues princiers va obliger le gouvernement à rester en lice plus longtemps que prévu. Je crains dès lors que le ministre Vande Lanotte ne doive procéder au contrôle budgétaire à partir de chiffres virtuels et que la dette ne descende pas sous la barre des 100%. L'article en question ne sera dons pas exécuté.

Je souhaite encore réagir à quelques dispositions ayant trait à la restructuration de la SNCB. Nous constatons que bon nombre de nos propositions qui avaient été rejetées en mars dernier sont reprises dans la loi-programme.

L'article 497 stipule que le comité stratégique doit être présidé par l'administrateur délégué. Or, en mars dernier, un amendement déposé par notre groupe tendant à permettre à l'administrateur délégué d'être membre de ce comité avait été rejeté parce qu'il était, selon la ministre, contraire aux principes de « corporate governance ». Soit ces principes ont fortement évolué en six mois, soit le gouvernement les a reniés.

En mars, nous avons également déposé un amendement tendant à permettre à l'administrateur délégué d'être membre du comité de nomination et de rémunération. Cet amendement avait été rejeté à l'époque, mais l'idée est maintenant reprise dans la loi-programme.

Nous avions également demandé en mars que l'administrateur délégué puisse être invité par le comité d'audit. Cela avait également été rejeté parce que c'était contraire à la corporate governance. Maintenant, en vertu de la loi-programme, il doit être invité.

En mars, nous avons également déposé un amendement tendant à permettre aux organisations représentatives des travailleurs de proposer elles-mêmes leurs représentants. Cet amendement avait été rejeté. À présent, nous constatons que cette disposition est reprise dans la loi-programme.

Nous nous réjouissons d'être enfin écoutés, même si c'est un peu tard.

Nous avions également demandé en mars que le commissaire du gouvernement soit invité aux réunions du comité d'audit. Cette demande avait également été rejetée à l'époque. Maintenant, la loi-programme stipule que le commissaire du gouvernement est invité aux réunions du comité d'audit.

Nous trouvions aussi que le système de la double signature de l'administrateur délégué et du directeur général ne pouvait être acceptée. Il y a six mois, la ministre disait que le système devait être maintenu. Aujourd'hui, elle est en partie revenue sur sa décision.

Il y a encore l'article 500 qui donne exécution à un des grands principes de l'accord de gouvernement : l'augmentation du taux d'activité, même s'il ne concerne qu'une seule personne, M. Vinck, lequel pourra continuer à travailler jusqu'à ses 67 ans.

Mme Isabelle Durant, vice-première ministre et ministre de la Mobilité et des Transports. - Le premier élément important est la modification de la loi de 1991.

Sur proposition d'un groupe d'experts, parmi lesquels se trouvaient MM. Vinck et Deneef, et d'autres personnes, spécialisées en « corporate governance », nous avons modifié le texte en ce qui concerne la présidence du comité stratégique, celle du comité de rémunération et, notamment, l'âge du « capitaine », lequel aurait dû, comme vous le savez, quitter l'entreprise l'année prochaine.

Ces modifications sont de nature à simplifier le travail qui doit être accompli à la SNCB dans les années à venir.

Le second élément est la reprise de la dette de la SNCB.

La loi-programme prévoit effectivement que la dette de la SNCB peut être reprise dès décembre 2004, selon l'importance de la dette de l'État et conformément aux règles européennes. C'est une décision très importante visant à garantir l'avenir de la SNCB.

Le troisième élément concerne les dividendes de la SNCB qui doivent être payés à TGV-FIN. Un cinquième d'entre eux peuvent à nouveau faire l'objet d'une négociation avec les différents partenaires. C'est important pour laisser une petite marge au contrat de gestion.

Le dernier élément ne concerne en rien la SNCB. Il établit la base juridique pour le programme d'isolation dans le cadre de la politique des aéroports. Douze mille maisons doivent être isolées. BIAC entamera cette opération en 2004 avec les moyens qui seront demandés en tant que rétribution aux compagnies aériennes.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Je dois remercier la ministre parce qu'elle a finalement repris, certes avec six mois de retard, plusieurs des propositions que nous avions introduites sous la forme d'amendements à la loi restructurant la SNCB. Nous estimions déjà suffisant que l'administrateur délégué soit membre du conseil d'administration. Mais la ministre jugeait que cela allait à l'encontre des principes de « corporate governance ». Heureusement, certains experts ont contesté ce point de vue et, depuis lors, la ministre a même confié à l'administrateur délégué la présidence du comité stratégique. Six autres de nos propositions ont également été reprises, en tout ou en partie, dans la loi-programme. Je me réjouis que la ministre reconnaisse notre expertise.

Je voudrais poser une question importante. M. Vinck a déclaré que le programme d'investissement pour les prochaines 10 à 15 années n'est pas réalisable et que, pour lui, ce plan n'existe plus. Cela signifie-t-il que le gouvernement proposera un nouveau plan d'investissement et que de nouvelles négociations vont être entamées, notamment avec les Régions ? Comment la ministre réagit-elle à ces déclarations de M. Vinck ?

Mme Isabelle Durant, vice-première ministre et ministre de la Mobilité et des Transports. - Le conseil d'administration de la SNCB a discuté hier du plan d'investissement et surtout du budget 2003. Les éléments concernant éventuellement la SNCB ont été examinés.

Je ne suis pas responsable du fait que l'argent destiné au TGV a déjà été utilisé, par exemple pour acheter certaines filiales d'ABX. C'était une mauvaise décision dont je ne suis pas responsable.

M. Vinck doit maintenant réfléchir à ce qu'il est possible de faire pour le plan d'investissement 2003. Nous examinerons ensemble si, par exemple, certains investissements peuvent être reportés ou réalisés d'une autre manière. En commission de l'Infrastructure de la Chambre, M. Vinck a indiqué qu'il pourra peut-être trouver de nouveaux moyens grâce à la gestion des parkings.

Je répète que la situation est mauvaise mais la faute n'incombe pas au gouvernement. Depuis 1999, la dotation de la SNCB a été augmentée de 11,5%. Dans le passé mais également au début de cette législature, le management de la SNCB, société autonome, a toutefois fait de mauvais choix.

Des propositions seront formulées dans le plan d'entreprise. Elles concerneront notamment la restructuration de la SNCB et les efforts que devront réaliser la SNCB et les pouvoirs publics à l'avenir. En ce qui concerne les investissements dans les trois Régions, le plan tiendra compte des plans d'investissement précédents.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Nous verrons quels seront les résultats.

(M. Armand De Decker, président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Discussion générale du volet Justice

M. le président. - Mme de T' Serclaes se réfère à son rapport écrit.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - La loi-programme est un comble d'absurdité, ce qui est une qualité artistique pour un gouvernement de Dadaïstes qui règle en différents endroits des matières liées à la justice mais n'ayant aucun rapport entre elles, ni avec le budget.

Le premier chapitre concerne la procédure rendant obligatoire le tentative de conciliation en ce qui concerne l'adaptation du prix des loyers, le recouvrement des arriérés de loyer ou l'expulsion. À quel poste budgétaire cette réglementation se rapporte-t-elle ?

Un deuxième point, qui peut certes avoir une incidence indirecte sur le budget, est l'usage par la police des véhicules saisis. J'y reviendrai.

Je citerai ensuite les règles relatives aux opérations qui exigent la présentation d'une somme d'argent pour la lutte contre le crime organisé. Il ne s'agit pas non plus d'un problème budgétaire.

Je ne vois pas davantage de lien entre le budget et la procédure de publication au Moniteur belge ni la tutelle des mineurs non accompagnés extraeuropéens.

Le gouvernement a estimé que toutes ces réglementations diverses étaient urgentes. C'est pourquoi il les a liées à d'autres dispositions ayant bien trait au budget.

Je commencerai mes commentaires sur le volet Justice par quelques remarques sur des points pour lesquels le groupe CD&V a déposé des amendements.

Le premier point concerne la procédure rendant obligatoire la tentative de conciliation devant le juge de paix dans des litiges locatifs. Ces dispositions sont-elles utiles ? En cas de litige en matière de location, de baux à ferme ou de baux commerciaux, je n'ai presque jamais été témoin d'un arrangement. Généralement, le locataire ne comparaît pas. Si on veut néanmoins imposer cette mesure, on aurait pu prévoir une procédure plus légère. Le projet instaure une procédure de conciliation mais si celle-ci échoue, l'affaire n'est pas inscrite au rôle et il faut recommencer toute la procédure, à commencer par le dépôt d'une requête. Pourquoi ne pas avoir prévu qu'en cas d'échec de la conciliation, le juge de paix puisse inscrire d'emblée l'affaire au rôle et organiser une audience d'introduction ? Cela épargnerait bien des coûts et du temps.

La réglementation proposée, qui allonge le délai de règlement du litige, n'est favorable ni au locataire, ni au bailleur.

Au cours des dernières années, le législateur a d'ailleurs systématiquement empêché le propriétaire d'expulser le locataire qui ne paie pas son loyer. La plupart des litiges locatifs sont liés au non-paiement du loyer et à des abus manifestes. Le propriétaire accorde déjà naturellement plusieurs mois de report de paiement. Si le locataire ne paie pas, il est appelé à une conciliation. Si celle-ci échoue, le propriétaire doit introduire une nouvelle requête. L'affaire est examinée sur le fond par le juge de paix et un recours peut encore être introduit contre le jugement rendu par celui-ci. Même en l'absence de recours, le propriétaire ne peut, pour des raisons humanitaires, faire exécuter le jugement pendant les mois d'hiver. En attendant, les loyers impayés s'accumulent. Le propriétaire est privé de ces revenus et le locataire se retrouve en mauvaise posture puisque le propriétaire dispose d'un titre exécutoire qu'il peut faire appliquer à tout moment. Tous ces désagréments sont évitables : si le juge peut intervenir plus précocement, diverses mesures peuvent être prises pour résoudre rapidement le problème, comme une gestion des dettes par le CPAS.

L'idée d'une conciliation est certainement défendable mais si cette conciliation échoue, il faut que l'affaire soit automatiquement inscrite au rôle et suive la procédure normale.

Un deuxième point est l'usage des véhicules saisis par la police. Les véhicules saisis restent des années dans des dépôts. Un jugement ou un arrêt peut prononcer la confiscation ou l'acquittement. Dans ce dernier cas, le propriétaire doit rechercher son véhicule qui a parfois disparu. Les véhicules saisis sont souvent entreposés dans des lieux ouverts où ils peuvent facilement être volés. La responsabilité des pouvoirs publics est alors engagée. Je suis donc favorable à une approche non économique du parc de véhicules saisis.

La réglementation proposée par cette loi-programme ne concerne que les véhicules saisis par la police. La police peut employer les véhicules saisis comme véhicules de police. Si le véhicule doit être restitué, une indemnisation éventuelle est prévue. C'est une expérience osée. Une telle réglementation n'est pas à sa place dans une loi-programme mais doit faire l'objet d'une loi générale sur la saisie de biens par les autorités. Elle doit offrir une grande sécurité juridique et se fonder sur le respect du droit de propriété et sur la présomption d'innocence. Aucune mesure définitive ne peut être prise tant qu'un jugement définitif n'a pas été rendu.

La réglementation proposée n'est pas une réglementation de principe. Il s'agit seulement de quelques articles permettant à la police d'utiliser les véhicules saisis dans certaines circonstances et prévoyant, en cas d'acquittement, une indemnisation pour les dommages et l'usure

Une question nous taraude depuis plusieurs mois : quelle économie la suppression du Moniteur belge permet-elle de réaliser ? Le gouvernement prétend réaliser une économie de deux millions d'euros, alors que, selon le Financieel Economische Tijd, l'exploitation du Moniteur belge rapporte 22 millions d'euros. Il faut réaliser une véritable analyse coûts-bénéfices, comparant l'avantage pour les citoyens de pouvoir lire notre journal officiel aux coûts qui disparaîtront grâce à la suppression.

La consultation sur internet, c'est bon pour la jet-set de l'arc-en-ciel, mais pas pour le simple citoyen de Poperinge. On trouve le Moniteur dans toutes les bibliothèques communales du pays. Internet n'est peut-être pas un problème pour les jeunes générations, mais pour les autres ... Je sais bien que ce gouvernement ne s'adresse plus à eux. Il faut être en vogue. Les autres vont rater le TGV de l'arc-en-ciel.

Cette mesure est particulièrement regrettable. Le professeur De Hert de la VUB a exposé plusieurs arguments juridiques qui vont à l'encontre de la suppression du Moniteur imprimé. Ils se fondent sur une vision déterminée du droit et du rôle du mot. La culture internet n'a pas la même portée politique que la culture de l'imprimé.

Je ne pense pas que cette mesure contribuera à endiguer la négligence du législateur. La seule raison de supprimer la version papier du Moniteur au 31 décembre 2002 est qu'elle donnera à la présente loi-programme une valeur historique sans précédent. Dans les vitrines de tous les musées, le Moniteur belge s'étalera comme les lois de Frédéric II de Prusse. Cette loi-programme pourra être consultée à travers les siècles et tous les ministres trôneront, en tant que législateurs historiques, dans le dernier numéro du Moniteur.

Les Pays-Bas ont, quant à eux, une publication pour les lois et une autre pour tous les autres arrêtés : le « Staatscourant ». Pourquoi ne pas continuer à publier les règles normatives au Moniteur tandis que les autres décisions publiques seraient rendues publiques d'une autre manière ?

La publication d'arrêtés individuels sur internet peut d'ailleurs donner lieu à des abus. Ce fut déjà le cas à propos de la signature d'un notaire. J'estime donc que cette décision, même si elle peut paraître séduisante, a été prise à la légère. Enterrons donc Gutenberg et allons admirer sa statue à Strasbourg. Le livre et l'imprimerie ont vu le jour dans l'obscurantisme du Moyen Âge. Nous pouvons enfin tourner cette page et nous brancher sur « l'e-government ». L'avenir nous apprendra si cette décision peut subsister.

Le comble, c'est que l'on règle dans une loi-programme la tutelle des mineurs non accompagnés. En commission de la Justice, j'ai souligné des erreurs juridiques mais nous n'avons pas pu les rectifier. Le gouvernement nous donne raison mais décide de ne pas corriger le texte car tout le monde a droit à l'erreur. En voilà une explication !

La tutelle est réglée par le Code civil. On élabore une réglementation particulière pour les mineurs non accompagnés issus des pays non UE et le justiciable qui veut en connaître la teneur doit consulter la loi-programme. Le gouvernement pourrait tout aussi bien utiliser cette loi pour régler les procédures de divorce. Nous devons respecter l'unité du code. Pourquoi le gouvernement n'insère-t-il pas les dispositions relatives aux institutions privées - la tutelle est en effet une institution et non un contrat - dans le code des institutions privées, à savoir le Code civil et pourquoi les amendements visant à corriger cette disposition sont-ils rejetés ? Cette législation n'est pas vertueuse. Des pans essentiels du Code civil sont inscrits dans une loi-programme et font l'objet d'une numérotation particulière. Ils ne peuvent pas être lus en même temps que le règlement de la tutelle figurant dans le code civil.

Cela témoigne d'un manque de respect pour le citoyen. Nous avons eu toute l'opération du Code des sociétés. Le gouvernement s'est vu doté de la compétence de coordination du Code des sociétés pour que le citoyen puisse facilement trouver ce dont il a besoin. Je ne pratique pourtant pas la langue de bois lorsque je souligne que la tutelle doit être réglée par le Code civil. Quel argument peut-on y opposer ? Le gouvernement a réglé cette question dans la loi-programme. Les erreurs juridiques permanentes qui s'y trouvent font montre d'un manque total de connaissance du droit privé mais le législateur n'y accorde sans doute plus grande importance. Nous y reviendrons lundi lors de la défense des amendements.

On avait envisagé d'insérer aussi dans la loi-programme des dispositions concernant le statut des greffiers. Toutes les dispositions seraient retirées du Code judiciaire pour être réglées par la loi-programme. Heureusement, on n'est pas allé si loin. La casse est limitée mais nous devons l'endiguer. Les fêtes de Noël sont la période idéale pour lancer un appel à tous les hommes de bonne volonté en leur demandant de voter au moins les véritables amendements scientifiques objectifs.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Je voudrais soulever un problème qui l'a déjà été à la Chambre à propos de la disparition du Moniteur imprimé.

Dorénavant, tout le monde devra consulter le Moniteur via internet et ce n'est pas une mince affaire. Le site www.moniteur.be n'offre en effet pas un accès direct au Moniteur, comme c'était le cas à l'époque où M. Van Parys était ministre de la Justice. On arrive d'abord sur le site du service public fédéral de la Justice et ensuite, à la page d'accueil du ministère. Ensuite seulement, on peut cliquer sur un lien qui donne accès au Moniteur. Ce système est d'une complication extrême pour ceux qui n'ont pas de connexion permanente à internet et qui doivent, à chaque fois, se reconnecter. Le ministre a été interrogé plusieurs fois à ce sujet mais le problème subsiste.

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Il y aura bientôt une ligne directe entre le site de l'autorité fédérale et le Moniteur belge. À l'avenir, celui-ci sera encore imprimé en trois exemplaires. Enfin, je voudrais souligner qu'internet est accessible dans toutes les bibliothèques publiques.

Discussion générale du volet Intérieur et Affaires administratives

M. le président. - M. Galand renvoie à son rapport écrit.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - Je voudrais poser au ministre de la Fonction publique quelques questions relatives à la controverse qui a éclaté en commission de l'Intérieur et des Affaires administratives.

Des chiffres précis ont été préconisés pour la réduction de la réglementation. Selon l'accord de gouvernement, le volume de la réglementation doit être réduit de 25%. Cela semble assez séduisant aux yeux des citoyens et des entreprises car leur créativité est bridée par la surcharge administrative, à un point tel que l'on ne crée plus ni nouvelles entreprises ni emplois nouveaux. La simplification administrative constitue donc une nécessité absolue pour notre pays.

Quel est toutefois le bilan à la fin de cette législature ? En la matière, le gouvernement n'a encore établi aucun rapport car aucun instrument de mesure précis n'a été élaboré. Quoi qu'il en soit, les charges administratives devaient être réduites de 10% entre 1999 et 2001 et de 25% avant la fin de la législature. Un instrument de mesure aurait donc été le bienvenu. On aurait également pu édicter les directives générales d'une standardisation et veiller à une évaluation du fonctionnement et de l'effectivité des lois existantes, en collaboration avec le bureau de coordination du Conseil d'État. Dans cette optique, l'e-government est généralement considéré comme un des piliers d'une simplification administrative. À cet effet, le développement d'une administration électronique doit être considéré comme un objectif complémentaire.

En ce qui concerne la réduction des charges administratives, les objectifs n'ont pas été atteints. Le seul instrument de mesure complet des charges administratives réelles est une enquête menée par le Bureau du plan auprès d'un échantillon d'indépendants et d'entrepreneurs. Cette enquête donne, d'une part, une estimation du coût supposé des charges administratives exprimé en pourcentage du PIB et, d'autre part, l'évolution au cours de la période 1999-2000.

À l'automne 2001, la Commission européenne a demandé qu'une consultation indépendante soit réalisée dans l'ensemble de l'Union. Plus de 4.000 entreprises ont dû évaluer la qualité de la législation et l'influence de celle-ci sur leur politique et leurs activités. Malgré toute la rhétorique sur la nécessité d'une simplification de la réglementation, 63% des entreprises belges ont indiqué qu'elles n'ont pas encore vu le moindre signe de cette simplification. Peu de mesures de l'évolution durant cette législature sont disponibles. Les bilans du service chargé de la simplification administrative, que le premier ministre a utilisé lors de sa conférence de presse de juillet 2002, sont très sommaires et ne mentionnent que les projets qui ont été lancés et éventuellement réalisés au sein de l'administration.

Il est possible d'élaborer un instrument d'évaluation de la législation dans notre structure fédérale. Le projet de loi créant une procédure d'évaluation de la législation a été adopté au Sénat mais il n'a pas été repris après les élections de 1999. Le gouvernement actuel n'a pas réussi à enregistrer des progrès dans le domaine de l'évaluation systématique de la qualité de la législation existante et nouvelle.

Le manque de résultats peut être considéré comme particulièrement dérangeant. Ainsi, 53% des indépendants et des entrepreneurs interrogés considèrent que la simplification administrative est prioritaire pour la réduction notamment de la charge administrative. Il ressort aussi d'une enquête du Bureau du plan qu'une meilleure législation constitue une priorité. Pour l'instant, nous ne disposons cependant d'aucun instrument de mesure de la surcharge administrative et aucune évaluation de la législation n'a débuté. Malgré les diverses propositions et le texte qui a été adopté au Sénat, on n'observe aucun progrès. Tout ceci constituait pourtant la principale priorité de l'accord de gouvernement et une grande préoccupation de la population.

En commission de l'Intérieur et des Affaires administratives, nous avons réalisé une évaluation de la réforme de la fonction publique. Le ministre était très alerte mais il a été réduit au silence par le président de la commission et n'a pu participer au débat.

Nous avons réalisé une évaluation de l'État-modèle belge et posé toute une série de questions sur ce que prévoit la loi-programme. La réforme Copernic a été étendue à des institutions liées à la sécurité sociale qui avaient été jusqu'alors tenues à l'écart. Cela nous surprend, principalement parce que l'on a toujours affirmé qu'une réforme n'était pas nécessaire parce que ces institutions fonctionnaient bien. Nous aurions aimé recevoir des explications et une comparaison entre la situation actuelle, la situation envisagée et la réglementation Copernic. Quels sont les dysfonctionnements constatés dans le chef de ces institutions ? Quels sont les manquements ? Quelles solutions y apportera la réforme Copernic ?

Une autre question concerne le mandat très large donné au Roi dans le domaine du cumul. Dans la fonction publique, le cumul peut bien entendu engendrer des problèmes en cas de conflits d'intérêts ou de disponibilité insuffisante des personnes occupant des postes supérieurs. Nous souhaitons des règles précises et non une idée générale au sujet d'un futur arrêté royal. Enfin, nous souhaitons savoir si un audit interne sera organisé dans les différents départements et dans quels délais.

M. Luc Van den Bossche, ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration. - J'ai déjà répondu à plusieurs reprises, y compris au Sénat, à ces remarques.

Discussion générale du volet Affaires institutionnelles

M. le président. - M. Siquet se réfère à son rapport écrit.

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Il n'est pas normal d'inscrire dans une loi-programme des dispositions relatives aux institutions. C'est techniquement possible en l'occurrence, parce que la loi relative au financement de la Communauté germanophone n'est pas une loi spéciale. Nous sommes d'accord sur le contenu des dispositions ; il s'agit de la rectification d'une erreur de calcul de façon à ce que la Communauté germanophone reçoive plus d'argent. Le gouvernement aurait dû régler cette question dans un projet de loi distinct. La prochaine fois, il pourra peut-être inclure une révision de la Constitution dans la loi-programme !

M. Luc Van den Brande (CD&V). - Le gouvernement a dépassé les limites de la honte. Il s'agit non pas d'une loi poubelle, mais d'une loi container, où se déversent tous les déchets.

Je ne comprends pas que le ministre Van den Bossche, qui dispose d'une certaine sagesse institutionnelle et fait preuve de bon sens, souscrive à de telles dispositions. Je suppose qu'il a dû se soumettre au consensus. Il devait se soumettre ou se démettre. Il a choisi de rester au gouvernement. Cette attitude est regrettable pour les institutions.

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je remercie MM. Caluwé et Van den Brande de leur commentaire sur le fond !

M. Ludwig Caluwé (CD&V). - Le gouvernement n'explique jamais pourquoi ces dispositions se trouvent dans la loi-programme. Il s'agit simplement de la rectification d'une erreur. On a bien sûr ajouté deux articles à la loi, ce qui rapproche celle-ci du record de la loi contenant le plus d'articles.

M. Luc Van den Brande (CD&V). - L'ancien ministre de l'Enseignement devrait, en fait, écrire quatre pages de punition pour la méthode utilisée dans la loi-programme.

M. Luc Van den Bossche, ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration. - J'accepte ma punition !

Discussion générale du volet Relations extérieures et Défense

M. le président. - M. Geens, rapporteur, a déjà énoncé son rapport ce matin.

Mme Sabine de Bethune (CD&V). - Je voudrais encore intervenir brièvement sur la coopération au développement, un sujet qui mérite mieux que le traitement sommaire qu'il reçut en commission. Je veux réagir à la proposition gouvernementale de fixer dans la loi que la norme de 0,7% soit atteinte pour 2010. Nous sommes évidemment demandeurs. Et nous nous rangeons sans détours derrière ce plan. Nous l'approuverons donc.

Du reste, il y a quelques mois, nous avions introduit une proposition de loi en ce sens. Cette proposition était prête depuis longtemps mais nous avions attendu jusqu'après le congrès de notre parti à Anvers, congrès au cours duquel cette proposition a été adoptée à une majorité écrasante. Nous trouvions important de déposer une proposition qui était à l'évidence largement considérée par nos militants comme une priorité sur le terrain, dans les communes et les provinces.

Nous avons aussi introduit des amendements dans cette partie de la loi-programme parce que nous déplorons que le débat de fond ait été si limité et n'ait pas permis que soit discutée l'application de cette loi ni que soient obtenues toutes les garanties quant au calcul, aux critères d'évaluation, etc.

Qui aura la patience de parcourir ce volumineux paquet de pages, constatera que le rapport de la commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale ne contient que quelques lignes sur ce thème. J'ai aussi jeté un oeil sur le compte rendu du débat à la Chambre. J'y ai trouvé l'intervention de notre collègue Laenens, que je soutiens. Mais je n'ai rien lu d'autre de quelque intérêt et surtout aucune réponse solide du gouvernement à la question de la façon dont va être appliquée cette loi.

Quand je jette un regard rétrospectif sur cette législature, je deviens préoccupée profondément de ce que nous allons fixer cela maintenant dans une loi. J'ai fait un petit calcul. Je l'ai d'ailleurs résumé en commission, mais je trouve important de le refaire en séance plénière. Lors de son entrée en fonction, le gouvernement promit d'accroître substantiellement et progressivement les moyens de la coopération internationale. Malgré une croissance forte de l'économie - 3,2% en 1999 et 3,7% en 2000 - ces promesses n'ont pas été tenues. Les chiffres le confirment : pour 1998 les dépenses pour la coopération au développement comptaient pour 0,35% du PIB et en 2001 on atteint à peine 0,37%, une bagatelle !

En 2000, le gouvernement avait pourtant fixé une croissance suivant laquelle le budget augmenterait de 75 millions d'euros en 2002 et de 100 millions d'euros en 2003. En d'autres termes, le budget de la Coopération au développement passerait sous le gouvernement Verhofstadt de 0,06 à 4,41% du PIB, si le plan de croissance était respecté.

Les chiffres contrastent avec les promesses du premier ministre et du secrétaire d'État sur toutes les scènes internationales. Plus on est loin de chez soi, plus ambitieuses sont les promesses. Plus on est près de chez soi, plus modeste est l'engagement. C'est quasiment une procession d'Echternach.

Durant la dernière discussion budgétaire, on s'est même écarté du plan de croissance fixé en 2000. Le budget de la Coopération au développement est augmenté de 66 millions d'euros pour atteindre 782 millions d'euros, alors que l'on promettait 100 millions. Après deux ans, le gouvernement ne peut déjà plus tenir sa promesse.

Des mesures légales sont prises pour atteindre la norme de 0,7% en 2010, mais le projet ne précise pas la façon de procéder. Aucun plan de croissance n'est établi. Aucune mesure concrète ou condition n'est fixée. Il n'y a qu'une déclaration d'intention. Je crains que ce ne soit une fois de plus un instrument de campagne pour pouvoir dire à la base en fin de législature que l'objectif sera atteint dans le futur. En effet, cela figure soi-disant dans la loi !

Plusieurs experts affirment que les marges budgétaires des prochaines années sont épuisées. Ils se demandent comment le norme de 0,7% pourra être atteinte en 2010. Nous devrons nous efforcer tous ensemble d'atteindre cette norme, mais la responsabilité est reportée au prochain gouvernement.

Sur toutes les scènes internationales, le premier ministre a souligné la nécessité de la remise de la dette.

Je sais que le gouvernement respecte fidèlement les accords du Club de Paris. Nous restons toutefois bien en deçà des montants nécessaires pour parvenir à réduire de moitié la pauvreté mondiale, objectif fixé pour 2015. Il faut se donner les moyens de son éthique. Le groupe CD&V déposera quelques amendements à cet effet.

Je voudrais également évoquer la terrible famine qui menace l'Afrique subsaharienne. Le Programme alimentaire mondial a lancé, voici quelques jours, une campagne bien étayée à ce sujet.

En commission des Relations extérieures et de la Défense, j'ai demandé au secrétaire d'État ce que notre pays comptait faire en la matière. Il m'a expliqué que le budget 2003 comportait un poste destiné à l'aide urgente et que d'autres efforts étaient envisageables. Après plus ample information, je ne suis toujours pas rassurée.

Le groupe CD&V a dès lors déposé un amendement visant à souscrire un engagement sérieux en la matière et à obliger légalement le gouvernement à respecter celui-ci.

Selon le Programme alimentaire mondial, notre pays occupe, pour 2002, la dix-neuvième position sur la liste des donateurs. Notre contribution s'élève à un peu plus de 18 millions de dollars, contre 58 pour les Pays-Bas.

Le secrétaire d'État a promis d'entamer le budget consacré à l'aide urgente pour pouvoir accéder à la demande du Programme alimentaire mondial. Les Pays-Bas quant à eux ont libéré, cette semaine déjà, un budget supplémentaire de 5 millions d'euros à destination des ONG qui s'efforcent de combattre la famine en Afrique. Je plaide en faveur d'une plus grande efficacité et de davantage d'enthousiasme en la matière.

Cet amendement propose que le gouvernement s'engage, par cette loi-programme, à honorer le plan de croissance en 2003. Cela implique que le budget 2003 pour la coopération au développement soit augmenté de cent millions d'euros. La différence entre les dépenses promises et les dépenses engagées pourrait être versée, au moins partiellement, au Programme alimentaire mondial, ce qui augmenterait significativement notre contribution. Même si nous décidions de verser la totalité de la différence, la contribution de la Belgique à ce programme ne représenterait que la moitié de celle des Pays-Bas.

L'importance de ce problème est inversement proportionnelle au temps que l'on y consacre dans la discussion de la loi-programme. En dépit des promesses du gouvernement, sur le terrain, on ne constate aucune évolution des moyens accordés à la coopération. On est encore très loin des objectifs fixés.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Je ne me suis pas livrée à une étude chiffrée comme l'a fait Mme de Bethune mais je ne puis que rejoindre son point de vue sur l'importance à accorder à la coopération au développement. J'ai le sentiment que l'on n'a peut-être pas donné suffisamment d'importance au budget de ce département.

On pourrait en offrant plus de moyens aux pays en voie de développement pour favoriser le développement et la démocratie, peut-être consacrer moins d'argent aux problèmes posés par l'immigration, l'immigration clandestine mais aussi la prostitution, la politique d'asile, les centres fermés, les centres ouverts, et même la protection de la jeunesse. Je pense entre autres à la politique de soutien aux micro-crédits aux femmes comme nous le faisons, je crois, en République dominicaine qui évite à ces femmes de rejoindre les filières de la prostitution.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Madame Bouarfa, vous venez de parler des centres fermés. C'est un problème que nous avons abordé en commission de la Justice à l'occasion de l'examen de la loi-programme puisqu'un de ses chapitres traitait de la tutelle des mineurs non accompagnés. Vous savez que ce problème de tutelle est heureusement réglé par la loi-programme. Mais tout ce qui concerne l'accès au territoire ne l'est pas.

D'un côté, nous devons nous féliciter que la tutelle spécifique des mineurs soit instituée, il est simplement bizarre que ce soit par le biais d'une loi fourre-tout. D'un autre côté, nous savons que la majorité n'a pas pu se mettre d'accord sur l'accès automatique au territoire pour les mineurs et encore moins sur la problématique des centres fermés. Pour ouvrir le débat en commission de la Justice, j'ai introduit un amendement visant à la suppression des centres fermés. J'attire votre attention sur le fait que votre groupe politique s'est opposé à cet amendement.

M. Eddy Boutmans, secrétaire d'État à la Coopération au développement. - Il est important que nous concrétisions finalement l'objectif, convenu voici trente ans, des 0,7% du PIB. Cette mesure bénéficie déjà d'un large soutien à la Chambre et peut-être aussi au Sénat.

Ce projet de loi émane bien entendu de la majorité mais je remercie vivement les membres de l'opposition qui le soutiennent. Il y va de l'intérêt commun de tous les partis démocratiques.

Dans le budget, le gouvernement a pu maintenir une croissance assez stable en faveur de la Coopération au Développement. Cela aurait effectivement pu aller plus vite mais c'est la première fois qu'une croissance continue est maintenue.

Le texte de loi est bien rédigé. Selon celui-ci, le gouvernement doit expliquer quelles mesures il prend afin d'atteindre l'objectif au plus tard en 2010. Ces mesures ne sont pas évidentes. L'objectif est d'augmenter constamment le budget, de remettre les dettes et d'exécuter le budget. Tous ceux qui ont dirigé le département de la Coopération au développement savent qu'il n'est pas simple d'utiliser utilement le budget prévu. Cette année, nous avons réalisé un tour de force. Nous avons réussi à dépenser réellement 97 ou 98% - même si ce ne sont que des pourcentages provisoires - du budget prévu.

Nous devons rechercher des solutions créatives aux problèmes techniques qui sont liés à ces dépenses intégrales. Tous les ans, on risque de ne pas utiliser de l'argent affecté au poste très important du Fonds européen de Développement. Au cours des derniers mois de l'année, nous devons vite réaffecter le montant concerné. Nous avons pris les dispositions qui s'imposaient. Notre budget est loin du montant prévu jadis par l'Union européenne, avec tous les risques que cela comporte. Nous avons budgété 50 millions alors que 75 millions étaient demandés. Finalement, nous avons dépensé un peu plus de 49 millions.

Les dépenses de la Coopération au développement doivent être budgétées comme celles de n'importe quel autre département mais, sur le terrain, le planning se heurte à des problèmes. Ainsi, voici quelques années, lorsque des accords ont été conclus avec la Côte d'Ivoire, personne ne pouvait prévoir qu'il ne serait plus possible d'y travailler cette année. De tels problèmes techniques nous empêchent de dépenser ce qui a été prévu.

Mais il existe des solutions techniques. Nous y avons travaillé mais les prochains gouvernements devront y réfléchir de manière créative et peut-être établir des ponts entre les budgets des années successives.

Je déclare publiquement, à l'adresse de mon successeur, que 1999 a été l'année la plus difficile parce que le précédent gouvernement avait prévu un budget trop restreint et parce que le gouvernement actuel a effectué ses dépenses trop tard. La politique est restée à l'arrêt pendant plusieurs mois. Durant une période d'affaires courantes, on ne peut plus prendre aucune décision de fond. On a ainsi perdu un temps précieux pour le Fonds de survie pour lequel un nouvel arrêté royal et toute une série d'accords spécifiques avec des pays partenaires étaient nécessaires.

On a alors mis à juste titre l'accent sur la remise des dettes. L'initiative HIPC (Heavily Indebted Poor Countries) commence à porter ses fruits mais est beaucoup trop lente et est partiellement inefficace pour les pays concernés. Le seul pays HIPC dont la Belgique a pu remettre la dette grâce à un accord bilatéral, est la Tanzanie. Nous avons convenu de supprimer totalement la dette de ce pays au lieu de l'étaler sur dix ans, simplement parce qu'autrement, je n'aurais pas pu utiliser, par manque de candidats, le montant adopté par le parlement pour la remise de dette. Pour la Tanzanie, c'était bien entendu une bonne affaire.

J'ai dû quitter les travaux de la commission parce que, l'après-midi, je devais assister à une réunion sur la pénurie alimentaire. Lors de celle-ci, divers accords ont été conclus. Grâce à eux, le planning 2003 a pu être avancé d'environ un mois et demi. Je prendrai à ce sujet une décision définitive au début du mois de janvier. La réorientation de certaines affectations représenteront, avec les affectations déjà prévues, plus de cinq millions d'euros supplémentaires pour les pays africains menacés.

-La discussion générale est close.

M. le président. - Je vous propose de reporter la discussion des articles du projet de loi-programme 1 (Doc. 2-1390) à notre séance de lundi prochain et de passer maintenant à la discussion des articles du projet de loi-programme 2 (Doc. 2-1391) (Assentiment)

Discussion des articles du projet de loi-programme 2 (Doc. 2-1391)

(Le texte adopté par les commissions est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 50-2125/14.)

(Exceptionnellement, le texte des amendements est publié en annexe.)

-Le vote sur les amendements et sur les articles auxquels ils se rapportent est réservé.

-Les autres articles sont adoptés sans observation.

-Il sera procédé ultérieurement aux votes réservés ainsi qu'au vote sur l'ensemble du projet de loi.

M. le président. - L'ordre du jour de la présente séance est ainsi épuisé.

Les prochaines séances auront lieu le lundi 23 décembre 2002 à 10 h et à 14 h 30.

(La séance est levée à 18 h 53.)

Annexe

Projet de loi-programme 2 (Doc. 2-1391)

Amendements

Article 2

Amendement n° 9 de M. Caluwé (Doc. 2-1391/2)

Article 3

Amendement n° 10 de M. Caluwé (Doc. 2-1391/2)

Article 13

Amendement nº 6 de Mme van Kessel et M. D'Hooghe (Doc. 2-1391/2)

Article 18

Amendement nº 7 de Mme van Kessel et M. D'Hooghe (Doc. 2-1391/2)

Article 21

Amendement nº 8 de Mme van Kessel et M. D'Hooghe (Doc. 2-1391/2)

Articles 51 à 73 (nouveaux)

Amendement nº 1 de Mme Nyssens et consorts (Doc. 2-1391/2)