2-167

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Sénat de Belgique

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Annales - version française

JEUDI 20 DÉCEMBRE 2001 - SÉANCE DU MATIN


Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.


Ordre des travaux

Projet de loi modifiant la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités et la loi du 1er septembre 1980 relative à l'octroi et au paiement d'une prime syndicale à certains membres du personnel du secteur public (Doc. 2-960)

Projet de loi instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police (Doc. 2-778) (Procédure d'évocation)

Ordre des travaux

Proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (de M. Philippe Mahoux et consorts, Doc. 2-12)

Ordre des travaux

Excusés


Présidence de Mme Sabine de Bethune, première vice-présidente

(La séance est ouverte à 10 h 10.)

Ordre des travaux

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - Le troisième point de notre ordre du jour porte sur une proposition de loi très importante qui a été débattue en commission de la Justice il y a plus d'un an. Elle appelle aussi un débat en séance plénière. Certains aspects auxquels nous accordons la plus grande d'importance doivent encore être abordés. Nous constatons cependant que le rapport n'a été distribué sur nos bancs que ce matin. Je demande dès lors le report de la discussion puisque nous nous réunissons encore demain toute la journée.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - La journée de demain sera entièrement consacrée à la discussion sur la loi-programme, et je me permets donc d'insister pour que l'on examine cette proposition de loi.

Je crois qu'elle est en préparation depuis longtemps, qu'il y a eu de nombreux débats très approfondis en commission, que tous les groupes et le gouvernement se sont exprimés et ont déposé des amendements. M. Mahoux est absent parce qu'il copréside en ce moment une réunion de commissions réunies Affaires européennes et Relations extérieures. Bien entendu, il sera présent lorsque nous aborderons la discussion sur cette proposition de loi.

Ce serait tout à l'honneur du Sénat de débattre d'une proposition globale qui lutte contre les diverses discriminations.

Mme Iris Van Riet (VLD). - J'insiste pour que nous nous en tenions à l'ordre du jour prévu. Le rapport a d'ailleurs été lu en commission cette semaine. Il a en outre été distribué la semaine précédente, même si la traduction n'en était pas achevée. Les membres ont donc eu suffisamment de temps pour l'examiner.

Mme la présidente. - Les services m'indiquent que le rapport a été déposé sur les bancs hier après-midi et qu'il a aussi été distribué hier après-midi dans certaines commissions. Il n'a pas été envoyé au domicile ou au bureau des sénateurs.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Il n'y avait pas de séance plénière hier après-midi. Déposer un rapport sur les bancs ne constitue pas une communication aux sénateurs. Nous avons certes été présents au Sénat toute la journée mais nous n'y dormons quand même pas ! On aurait pu envoyer le rapport à nos bureaux. Une communication suppose qu'on puisse prendre connaissance des documents. Je n'ai pas non plus été informé du fait que le rapport était déposé sur nos bancs.

M. Frans Lozie (AGALEV). - Étant donné notre agenda chargé, j'insiste pour qu'on débatte de la proposition ce matin comme prévu. Mme Kaçar, la rapporteuse, sera ici dans quelques instants pour expliquer le rapport qui a été longuement examiné en commission.

Mme la présidente. - Tout le monde sait que le rapport n'a pas été envoyé mais qu'il a été déposé sur les bancs et distribué dans certaines commissions hier après-midi. Je propose d'appliquer l'article 40 de notre règlement et de nous prononcer par assis et levé sur l'ajournement du point 3.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Je ferai deux remarques, l'une quant au fond, l'autre, quant à la procédure.

Tout d'abord, je comprends mal les demandes de nos collègues du CD&V. Nous n'avons pas affaire à un piège, mais à une proposition dont on a longuement débattu et qui, selon moi, trouvera un large consensus au sein de cette assemblée.

Par ailleurs, j'aimerais que l'on ne vote pas par assis et levé en l'absence de l'auteur principal de la proposition. Je propose donc de suspendre nos travaux pendant quelques minutes afin que M. Mahoux puisse nous rejoindre.

Mme la présidente. - Nous nous prononcerons dès lors tout à l'heure sur la demande d'ajournement.

Projet de loi modifiant la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités et la loi du 1er septembre 1980 relative à l'octroi et au paiement d'une prime syndicale à certains membres du personnel du secteur public (Doc. 2-960)

Discussion générale

M. Frans Lozie (AGALEV), rapporteur. - Le projet de loi veut améliorer la représentation des syndicats au sein des comités de secteur en l'élargissant à tous les syndicats qui siègent aussi dans les comités nationaux. Il comporte également une réglementation relative à la rémunération de certains délégués permanents.

La brève discussion en commission a surtout porté sur la représentativité des syndicats. Un amendement de M. Vandenberghe relatif à la condition de 10% a été discuté. Finalement, le texte transmis par la Chambre a été adopté par huit voix contre une.

Proposition de renvoi

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - C'est la deuxième fois ce matin que je me plains du fonctionnement du Sénat et des commissions. La discussion générale de ce petit projet auquel nous avons déposé un important amendement s'est déroulée en commission dans la matinée. La discussion des articles et le vote ont toutefois eu lieu à l'improviste l'après-midi et en l'absence de notre groupe. Nous avons protesté mais la présidente a néanmoins procédé au vote sans que nous ayons pu justifier notre amendement.

Je vais dès lors exposer ici notre important amendement. Nous voulons la suppression de l'article 2. L'objectif principal du projet est d'élargir l'accès des organisations syndicales aux comités de secteur et aux comités particuliers. Les comités de secteur peuvent conclure des protocoles d'accord qui ont la même valeur que des conventions collectives de travail. Ces conventions collectives constituent bel et bien une source de droit. C'est pourquoi il importe qu'il y ait une représentativité des organisations syndicales qui siègent tant dans les comités de secteur que dans les comités particuliers. En effet, les organisations n'agissent pas alors en leur nom propre mais au nom de tout le secteur. Le résultat des négociations est transposé en législation. Par la suppression de l'exigence de représentativité, les actes de ces organisations syndicales perdent leur portée sociale, de sorte que le travail législatif que les comités doivent accomplir risque d'être compromis.

Mme Jeannine Leduc (VLD). - Nous avons en effet débattu de ce projet le matin mais nous n'avons pas eu le temps de terminer. Il a été annoncé en présence des membres du groupe CD&V que les travaux se poursuivraient l'après-midi. Lors de la reprise, nous avons attendu un quart d'heure mais les membres du CD&V n'étaient toujours pas présents.

M. Wim Verreycken (VL. BLOK). - J'étais présent à cette réunion de commission. L'explication de Mme De Schamphelaere est parfaitement correcte. Le projet était à l'ordre du jour du matin. La discussion a été reportée pour cause de show médiatique sur les morts en Irlande, un sujet qui justifie certes un large débat mais non un show médiatique. L'après-midi, le projet a de nouveau été discuté en début de séance alors qu'il ne figurait pas à l'ordre du jour. On a procédé au vote sur les amendements du CD&V en l'absence de leurs auteurs, ce contre quoi j'ai expressément protesté.

Mme Jeannine Leduc (VLD). - Moi aussi, Madame la Présidente.

M. Wim Verreycken (VL. BLOK). - Je me suis référé à l'article 23, 2° de notre règlement qui prévoit explicitement que le règlement des travaux est fixé par le président de la commission en concertation avec le bureau. Il n'y a pas eu de concertation avec le bureau de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives. Si nous prenons notre règlement au sérieux, nous devons renvoyer le projet en commission et voter sur l'amendement en présence de leurs auteurs. Je me rallie dès lors à l'observation de Mme De Schamphelaere.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - Nous étions en effet absents. Mais auparavant j'avais clairement dit à la présidente de la commission que je ne savais pas que nous discuterions de la proposition l'après-midi et que je devais aller chercher mon dossier, ce qui, étant donné la distance entre la salle M et mon bureau, a pris un certain temps. D'un point de vue politique, je trouve indécent que la présidente ait profité de mon absence pour soumettre l'amendement au vote.

Mme Jeannine Leduc (VLD). - À la fin de la réunion du matin, il avait été convenu que nous poursuivrions la discussion du projet l'après-midi. L'heure du début de la commission avait été clairement fixée. À ma demande, nous avons attendu un quart d'heure. J'ai même demandé d'attendre plus longtemps. Le CD&V n'arrivant pas, nous avons commencé nos travaux. On ne peut donc rien reprocher à la présidente.

M. Frans Lozie (AGALEV). - Je propose de discuter de l'amendement maintenant, en séance plénière. Il a en effet été redéposé.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - Je demande le renvoi en commission.

Mme la présidente. - Je propose de voter par assis et levé.

-La proposition de renvoi est rejetée.

-La discussion générale est close.

Discussion des articles

(Le texte adopté par la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 50-1435/4.)

Mme la présidente. - L'article 2 est ainsi libellé :

M. Vandenberghe propose de supprimer cet article (amendement n° 1, voir document 2-960/2).

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je renvoie à l'explication donnée par Mme De Schamphelaere.

-Le vote sur l'amendement et sur l'article 2 est réservé.

-Les autres articles sont adoptés sans observation.

-Il sera procédé ultérieurement aux votes réservés ainsi qu'au vote sur l'ensemble du projet de loi.

Projet de loi instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police (Doc. 2-778) (Procédure d'évocation)

Discussion générale

Mme Meryem Kaçar (AGALEV), rapporteuse. - En instaurant la peine de travail comme peine autonome, nous sommes parvenus à renouveler le Code pénal et à le mettre en phase avec notre époque.

Le projet de loi a été évoqué par le Sénat. La commission a adopté des amendements relatifs tant au contenu qu'à la technique juridique. Il n'y a pas eu d'auditions.

Le projet de loi vise à instaurer la peine de travail en sus de la peine de prison comme peine autonome dans le Code pénal. Cette peine ne peut s'appliquer qu'aux affaires correctionnelles et de police, non aux crimes. La loi énumère plusieurs méfaits auxquels la peine de travail ne s'applique pas, tels que la prise d'otages, le viol, les faits commis sur des mineurs ou l'homicide.

Le juge dispose désormais d'un nouvel instrument autonome en plus de la peine de prison. Les peines ne peuvent être appliquées concomitamment. La peine de travail doit être comprise entre 20 et 300 heures et doit être exécutée dans les douze mois qui suivent le jour où la décision judiciaire a acquis force de chose jugée.

Le condamné exécute sa peine de travail gratuitement et exclusivement auprès des services publics de l'État, des communes, des provinces, des Communautés et des Régions. La peine de travail ne peut comprendre des activités exercées par des travailleurs salariés. Cette restriction vise à ne pas créer un deuxième ONEm.

Il convient également de distinguer la peine de travail autonome d'une part et la loi de probation du 29 juin 1964 et la médiation dans les affaires pénales d'autre part, dont seules relèveront à l'avenir les mesures de formation, de thérapie et d'aide. Le projet contient des articles modifiant la loi de probation du 29 juin 1964 qui visent à mettre cette loi en concordance avec le contenu du présent projet de loi. On fait donc clairement la distinction entre les peines alternatives et la peine de travail comme peine autonome.

Les arrêtés d'application de la loi de probation et de la médiation dans les affaires pénales seront également adaptés aux dispositions du présent projet de loi. Il s'agit tout d'abord de l'arrêté royal du 6 octobre 1994 portant les mesures d'exécution concernant les travaux d'intérêt général et la formation ; deuxièmement, de l'arrêté ministériel du 19 décembre 1994 portant les mesures d'exécution concernant les travaux d'intérêt général et la formation ; et, en troisième lieu, de la circulaire du 7 mars 1995 relative au recrutement par les communes de personnel supplémentaire pour l'encadrement des mesures judiciaires alternatives au sein du Plan global pour l'emploi, la compétitivité et la sécurité sociale. Ces modifications pourront être apportées dans les huit mois.

Les maisons de justice sont activement impliquées dans l'application des peines de travail. Elles établissent un rapport sur l'offre de places disponibles et le transmettent au président du tribunal de première instance et au procureur du Roi de l'arrondissement concerné et, sur simple demande, à toute institution intéressée ou à l'avocat de la personne concernée.

Le condamné à une peine de travail est suivi par un assistant de justice, lequel fait rapport à une commission de probation qui contrôle l'application de la peine.

Cette loi ne résoudra pas le problème de la surpopulation pénitentiaire mais elle aura cependant un effet favorable à cet égard. Elle apportera aussi une réponse partielle au problème des peines de courte durée qui, actuellement, ne sont pas exécutées.

Permettez-moi à présent de parler au nom de mon groupe.

Après le vote de ce projet, les juges auront à leur disposition un nouveau type de peine.

La peine de travail a comme caractéristique essentielle d'« ajouter une souffrance » mais elle a également un pouvoir complémentaire de formation, elle favorise la prise de conscience et apporte une aide. Elle a des vertus formatrices et thérapeutiques. L'accomplissement de travaux d'intérêt général aiguisera le sens des responsabilités du condamné.

La peine de travail cadre parfaitement avec l'humanisation du droit pénal où peine et resocialisation vont de pair. C'est pourquoi ce projet de loi peut compter sur notre soutien total.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Ce projet est louable car il entend insérer des peines alternatives dans l'arsenal des peines existantes et mettre les peines de travail sur un pied d'égalité avec les peines de police ou correctionnelles. Les crimes sont exclus du champ d'application de la loi.

Pour la première fois, le juge peut régler l'application de la peine, entraînant un transfert partiel de l'exécutif au judiciaire.

Le groupe CD&V estime cependant que ce projet attribue au juge une compétence qui ne correspond pas à l'ordre juridique en place. Pour confier au juge l'application de peines, il serait préférable de créer une nouvelle instance judiciaire.

Il ne saurait être question ici d'un élargissement des compétences des institutions judiciaires existantes étant donné que l'application des peines suppose une refonte totale de l'ordre constitutionnel. Le juge ne prononce pas un droit mais exerce une sorte de compétence de tutelle sur l'application d'une décision judiciaire. C'est pourquoi nous déposons un amendement à l'article 3 visant à supprimer l'article 37ter, §.4 du Code judiciaire.

L'application de la peine est une prérogative par excellence de la puissance publique. En appliquant les peines, l'État exerce son autorité en qualité de puissance régulatrice de la vie sociale. Accepter que des asbl et des fondations puissent appliquer les peines revient à dire que l'État délègue une partie de sa souveraineté à des personnes privées ou à toute sorte de clubs sportif ou d'associations de pêche, ce qui est contraire à l'idée que la peine a une valeur pédagogique. L'application de la peine vise non seulement à réparer les dommages mais aussi et surtout à rappeler l'existence de la norme. Il s'agit d'une mission essentielle des pouvoirs publics.

Dès lors que ce sont les pouvoirs publics qui imposent la norme par l'intermédiaire d'un ordre juridique démocratique, il n'est que normal qu'ils en assurent aussi le respect. Notre amendement vise à supprimer la possibilité ouverte par l'article 3. S'il était rejeté, il faudrait à tout le moins limiter aux seules asbl agréées par le Roi l'application des peines de travail.

Le projet perd de vue la proportionnalité entre le délit et la peine. Dans certains cas, des délits sont passibles de peines d'emprisonnement de plus de dix ans, notamment en cas de récidive. Il serait choquant que dans de tels cas, on en vienne à prononcer une peine de travail maximale de 300 heures en une année. C'est pourquoi le CD&V a déposé l'amendement n° 43 à l'article 3.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - L'objectif poursuivi par le projet est de prévoir la possibilité pour le juge du fond de prononcer une peine de travail au titre de peine principale et d'éviter de la sorte l'emprisonnement pour des faits de délinquance face auxquels les sanctions pénales classiques de prison ou d'amende se révèlent soit disproportionnées, soit peu efficaces. En particulier, le projet tend à éviter l'emprisonnement dont les effets négatifs ne sont plus à démontrer.

Il convenait donc, dans la logique du projet, de supprimer la possibilité offerte au ministère public de renoncer aux poursuites moyennant la prestation d'un travail d'intérêt général dans le cadre de la médiation pénale, ainsi que les dispositions instituant le travail d'intérêt général comme condition d'une suspension ou d'un sursis probatoire. À cet égard, je voudrais formuler une remarque sur la forme : le concept de « travail d'intérêt général » est transformé en « peine de travail ». À titre personnel, j'aurais de loin préféré conserver l'ancienne terminologie : dans notre société moderne, l'expression « travail d'intérêt général » est beaucoup plus porteuse que celle de « peine de travail ».

Le groupe PSC soutient pleinement l'objectif poursuivi par le projet. Il a participé activement aux travaux de la commission et a apporté sa contribution à l'amélioration du texte. Nous nous réjouissons, en particulier, que certains de nos amendements aient été adoptés. Travaillant dans l'intérêt général, la commission de la Justice a accordé une grande attention au sujet traité. Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas toujours un clivage majorité-opposition dans les matières discutées. Les amendements adoptés sont les 12 et 17, prévoyant une information du conseil du condamné, l'amendement n° 46 stipulant que le condamné est entendu dans ses observations avant que le contenu concret de la peine soit déterminé, ainsi que l'amendement n° 50 qui précise la procédure de notification de la peine au condamné.

Nous marquons cependant encore notre insatisfaction sur certains points que je rappelle ici brièvement.

Première remarque : plutôt que d'exclure du champ d'application de la peine de travail une liste d'infractions, dont le choix ne peut être que circonstanciel, il aurait été préférable de se référer au seuil de la peine apprécié in concreto. La proposition de loi initiale prévoyait un seuil de cinq ans maximum d'emprisonnement, seuil considéré comme excessif par certains experts. Nous proposions, quant à nous, un seuil de huit mois.

Deuxième remarque : la durée maximale de la peine de travail, à savoir 300 heures, est excessive. C'est en tout cas ce qui ressort des nombreux entretiens que nous avons eus avec des gens de terrain, dont certains travaillent dans les nouvelles maisons de la justice et sont aux prises avec les législations concernées. Vu l'effort que cela suppose et les exigences auxquelles les condamnés sont confrontés, il est permis de penser qu'un maximum de 240 heures aurait atteint le but poursuivi, alors que le surplus concrétise le risque d'échec. De plus, il sera de plus en plus difficile, dans ces conditions, de trouver des lieux de réalisation des peines de travail avec un encadrement suffisant, condition sine qua non de la réussite de pareille mesure. La limite maximale de 240 heures correspond par ailleurs à la durée maximale de ce type de peine dans d'autres pays tels que l'Angleterre, la France, les Pays-Bas. Nous déposerons un amendement à ce sujet en séance plénière.

Troisième remarque : il convenait aussi de fixer un délai strict durant lequel la peine de travail doit être exécutée, en supprimant la possibilité de prolongation de ce délai d'exécution ou, à tout le moins, en fixant une limite à la prolongation de ce délai d'exécution. Deux amendements seront déposés en ce sens en séance plénière.

Quatrième remarque : nous regrettons aussi que le projet ne retienne que la possibilité pour le ministère public, le juge d'instruction, les juridictions d'instruction et les juridictions de jugement, de charger la section du service des maisons de justice, de la rédaction d'un rapport d'information succinct et/ou d'une enquête sociale. La majorité des experts entendus se sont prononcés en faveur du maintien de l'obligation de rédaction d'un rapport et/ou d'une enquête.

Cette suppression du devoir d'information, déjà d'application dans le cadre de la loi sur la suspension et le sursis, est regrettable parce que le dossier pénal fournit peu d'informations de base au juge pour lui permettre de prendre une décision bien réfléchie. Cette obligation aurait permis au juge d'étayer sa décision, tant en ce qui concerne sa nature qu'en ce qui concerne la durée de la peine. Pour rappel, dans le cadre de la médiation pénale, avant de proposer des travaux d'intérêt général ou de suivre une formation, le procureur du Roi demande une enquête sociale à l'assistant de médiation.

Cinquième remarque : nous nous réjouissons qu'à la suite de l'adoption de notre amendement, le condamné sera désormais entendu avant que le contenu concret de la peine soit déterminé par l'assistant de justice. Cette concertation entre l'assistant de justice et le condamné pour la détermination du contenu de la peine de travail est essentielle pour que la réussite de la mesure qui vise, en définitive, la réinsertion sociale de l'individu, soit effective. Plus le condamné est impliqué, plus les chances de réussite sont élevées. Néanmoins, nous sommes d'avis que ce n'est pas le rôle de l'assistant de justice de fixer le contenu de la peine. Il nous semble qu'il eût été préférable, dans l'attente de l'intervention d'un tribunal d'application des peines - dont on parle beaucoup et depuis longtemps - de s'en tenir, à titre transitoire, à la procédure instituée par la loi de 1964 sur la probation.

Il nous semble, en effet, plus cohérent de confier à la commission de probation, présidée par un magistrat, le soin de fixer le contenu concret de la peine. La commission de probation resterait compétente en ce qui concerne le contrôle de l'exécution de la peine, tandis que l'assistant de justice serait responsable de la guidance sociale.

Sixième remarque : de manière générale, nous pensons que le projet pourrait mieux garantir le respect des droits de la défense. Ainsi, en cas de révision ou d'adaptation du contenu concret de la peine de travail, il conviendrait que le condamné soit convoqué par la commission de probation et qu'il puisse prendre connaissance de son dossier. La décision d'adaptation de la commission de probation devrait être motivée et devrait pouvoir faire l'objet d'un recours. La procédure de recours pourrait être calquée sur la procédure de recours prévue par l'article 12 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, contre les décisions de la commission de probation visant à préciser ou à adapter les conditions de probation fixées par décision judiciaire. De même, en cas d'inexécution totale ou partielle de la peine de travail, le ministère public devrait avoir l'obligation de citer le condamné devant le tribunal qui a prononcé la peine de travail et de requérir l'exécution de la peine de substitution prévue dans la décision judiciaire.

Un parallèle peut être fait ici avec la procédure prévue en cas de révocation du sursis probatoire. Le ministère public ne peut que ressaisir le tribunal de première instance et cela sur rapport de la commission de probation. La révocation intervient à l'issue d'une procédure contradictoire, plus respectueuse des droits de l'intéressé.

À défaut d'adopter une telle procédure, la décision du ministère public de faire exécuter la peine de substitution devrait, à tout le moins, pouvoir faire l'objet d'un recours que le condamné introduirait auprès du juge qui a prononcé la décision judiciaire initiale, en attendant l'installation du juge d'application des peines.

Je viens à ma septième remarque. Le texte prévoit qu'il y a lieu de faire exécuter la peine subsidiaire d'emprisonnement ou d'amende prévue en tenant compte de la peine de travail qui a déjà été exécutée par le condamné. Cette indication est fort vague. Il conviendrait de fixer dans la loi, à l'instar de ce qui est prévu dans le Code pénal hollandais, les limites dans lesquelles la peine de substitution doit être déterminée, limites quant à la durée de l'emprisonnement subsidiaire et quant aux taux de l'amende subsidiaire. Et cela dans un souci de respect du principe de la légalité des peines et de sécurité juridique.

Quant à l'entrée en vigueur de la loi, nous déposerons un amendement visant à faire entrer en vigueur toutes les dispositions de la loi au même moment. En effet, il ne convient pas de prévoir une entrée en vigueur différée pour les dispositions visant à supprimer les travaux d'intérêt général dans le cadre de la médiation pénale et de la suspension du sursis probatoire. En effet, afin d'assurer la cohérence du système de peines alternatives, il convient de ne pas faire coexister l'ancien et le nouveau système.

Quelques questions subsistent encore : quid de la formation ou de l'injonction de soins comme peine alternative ? Il n'en a pas été beaucoup question en commission ; nous avons d'ailleurs été saisis d'un courrier à ce sujet, après la fin des travaux. Qu'en est-il des conséquences de ce projet par rapport au casier judiciaire de l'intéressé ? On sait que l'inscription au casier judiciaire de travaux d'intérêt général effectués dans le cadre d'une médiation pénale est épargnée au condamné. Qu'en est-il dans ce cas ?

J'ai longuement développé ces remarques, car elles émanent de personnes actives sur le terrain ; nous espérons qu'elles trouveront un écho à la Chambre.

Nous estimons que ce projet tel qu'il nous a été transmis par la Chambre et, surtout, tel que nous l'avons amendé, constitue une avancée appréciable vers un système de peines alternatives à l'emprisonnement, que nous ne pouvons qu'encourager.

-La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. - L'article 3 est ainsi libellé :

À cet article, Mme Nyssens propose l'amendement n° 5 (voir document 2-778/2) ainsi libellé :

Au même article, Mme De Schamphelaere et M. Vandenberghe proposent l'amendement n° 43 (voir document 2-778/5) ainsi libellé :

Au même article, Mme Nyssens propose l'amendement n° 53 (voir document 2-778/10) ainsi libellé :

À l'amendement n° 53, Mme Nyssens propose l'amendement subsidiaire n° 54 (voir document 2-778/10) ainsi libellé :

Au même article, M Vandenberghe propose l'amendement n° 27 (voir document 2-778/3) ainsi libellé :

Au même article, M. Vandenberghe propose l'amendement n° 28 (voir document 2-778/3) ainsi libellé :

À l'amendement n° 28, M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere proposent l'amendement subsidiaire n° 29(voir document 2-778/3) ainsi libellé :

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Notre amendement propose donc de remplacer le mot « douze » par le mot « dix-huit ». Il s'agit de la durée du délai durant lequel la peine alternative doit être exécutée. Nous souhaiterions un délai plus long, mais sans possibilité de renouvellement.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - L'amendement 43 à l'article 3 veut empêcher qu'une peine de travail puisse être prononcée pour des faits passibles d'une peine correctionnelle d'emprisonnement de plus de deux ans. Nous entendons ainsi instaurer une proportionnalité raisonnable entre le délit et la peine.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Les amendements 53 et 54 sont dans la ligne de l'amendement 52 que je viens de développer et qui a trait au délai et à sa prolongation. Je renvoie donc à ma justification.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - L'amendement n° 27 vise à supprimer le paragraphe 4 de l'article 37ter proposé. Nous estimons que le système pénal doit reposer sur la vision classique de la séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire ayant la compétence de prononcer des sanctions et le pouvoir exécutif celle de les faire appliquer par la voix du ministère public.

Mme la présidente. - L'article 12 est ainsi libellé :

À cet article, Mme Nyssens propose l'amendement n° 55 (voir document 2-778/10) ainsi libellé :

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Pour ce qui est de l'amendement n° 55, je renverrai à ma justification. J'ajouterai seulement que cet amendement a trait à la mise en vigueur. Je propose en effet des modifications à cet égard, car je souhaiterais plus de cohérence entre l'ancien et le nouveau système. Je propose d'abroger l'ancien système beaucoup plus rapidement.

-Le vote sur les amendements est réservé.

-Il sera procédé ultérieurement aux votes réservés ainsi qu'au vote sur l'ensemble du projet de loi.

Ordre des travaux

Mme la présidente. - Mme De Schamphelaere a demandé le report du troisième point de l'ordre du jour parce les sénateurs auraient reçu les documents tardivement.

Il s'avère en effet que les documents n'ont été distribués qu'hier sur les bancs.

Je vous propose de débattre brièvement la demande de Mme De Schamphelaere et de voter par assis et levé.

M. Wim Verreycken (VL. BLOK). - J'apprécie votre désir de consulter le Sénat, Madame la Présidente, mais un vote par assis et levé sur une demande d'ajournement n'est permis que lorsque cette demande vise manifestement à entraver les travaux de l'assemblée. Mme De Schamphelaere souhaite seulement pouvoir prendre connaissance du rapport de manière sérieuse.

Mme la présidente. - L'article 40 du Règlement permet au président d'en juger.

Mme Jeannine Leduc (VLD). - Tous les sénateurs présents hier aux réunions de commissions ou à la séance plénière ont eu l'occasion de parcourir les documents.

-La proposition d'ajournement est rejetée par assis et levé.

Proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (de M. Philippe Mahoux et consorts, Doc. 2-12)

Discussion générale

Mme Meryem Kaçar (AGALEV), rapporteuse. - Cette proposition de loi a une grande importance sociale et juridique car elle vise à combattre la discrimination d'un groupe de notre société fondée sur sa différence et à mettre fin à la discrimination non raciale. Elle s'ajoute à la loi Moureaux de 1981 qui réprime la discrimination raciale.

Une première ligne de force de la proposition est la répression de la discrimination non raciale qui est plus large que la seule discrimination raciale. La proposition définit la discrimination directe et indirecte, ce que ne faisait pas la loi-Moureaux.

Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination, conformément à la directive européenne.

La proposition contient, outre des dispositions pénales, des dispositions civiles. C'est une autre différence avec la loi Moureaux.

Une correction doit être apportée au texte. L'article 15, alinéa 1er, fait erronément référence à l'article 10 au lieu de 11.

La Commission de la Justice a entamé l'examen de cette proposition de loi dès le début de la législature. La discussion a notamment porté sur la question de savoir si la discrimination fondée sur le sexe devait figurer dans la loi générale contre la discrimination. On s'est également interrogé sur l'opportunité de faire une seule loi réprimant la discrimination ou de laisser subsister côte à côte la loi condamnant le racisme et la loi antidiscrimination. Ce point a fait l'objet d'auditions de membres du Centre pour l'égalité des chances. La commission a ensuite décidé de maintenir deux lois séparées. Quant à la discrimination fondée sur le sexe, la commission a demandé l'avis du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Ce comité estime qu'en raison du caractère transversal de la discrimination sexuelle, le mot « sexe » doit être rayé des motifs de discrimination dans la loi générale antidiscrimination. La discrimination des femmes exige une approche différente de la discrimination des groupes minoritaires, tant au niveau politique qu'à d'autres niveaux, car chacun fait partie de l'un des deux groupes sexuels.

En juin 2000, la commission a décidé de solliciter l'avis du Conseil d'État. Près de 200 amendements ont été déposés par le gouvernement et par les commissaires à la suite de cet avis.

Après l'examen des amendements, le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes a de nouveau été invité à donner son avis sur le maintien ou non de la notion de sexe parmi les motifs possibles de discrimination.

Le Comité a estimé que le texte amendé était meilleur que le texte original et que la notion de sexe pouvait être maintenue. Il jugeait toutefois préférable de charger un institut distinct pour l'égalité des femmes et des hommes des actions en justice contre les discriminations fondées sur le sexe.

Quant aux tests de situation visés à l'article 11 du projet de loi, la commission a organisé une nouvelle audition de membres du Centre pour l'égalité des chances.

Pour tenir compte des remarques du Conseil d'État et mettre la proposition en conformité avec la directive européenne, la commission a modifié fondamentalement le texte initial. Des corrections techniques d'ordre juridique ont été apportées sans que l'esprit de la proposition en soit affecté.

La proposition amendée a été adoptée par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

Dans la seconde partie de mon exposé, je voudrais situer la proposition de loi dans un contexte national et international.

Un cadre légal existe déjà à l'échelon international ; cette proposition de loi répond donc à une nécessité. L'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdit toute forme de discrimination. Les citoyens ne peuvent toutefois invoquer cet article que concurremment avec un autre article de la convention. Cet article ne garantit en outre aucun effet direct sur les relations entre les citoyens. Les États membres sont tenus de garantir vis-à-vis de leurs ressortissants les droits et libertés contenus dans cette convention. Afin de promouvoir une meilleure protection contre la discrimination, une interdiction générale de la discrimination a été inscrite dans le Douzième Protocole additionnel à la Convention.

Une autre règle de droit internationale est la protection spécifique contre la discrimination fondée sur la race. Cette forme de discrimination étant en augmentation, elle retient davantage l'attention que par le passé. En octobre 1993, dans le cadre du Conseil de l'Europe, les chefs d'État ont adopté à Vienne une déclaration et un plan d'action pour la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a été créée ; elle est chargée de rechercher les instruments juridiques permettant de renforcer l'interdiction de la discrimination.

C'est dans ce cadre que le texte du protocole 12 à la CEDH a été rédigé et mis à exécution.

Ma troisième remarque au niveau international concerne ledit protocole 12. Il consacre l'interdiction de toute discrimination, même en dehors du domaine des droits fondamentaux. Il rejoint ainsi la portée de l'article 26 du Pacte sur les droits civils et politiques. Son contenu ne s'écarte pas de celui de l'article 14 de la CEDH. Les fondements visés à l'article 1 du Protocole 12 sont aussi peu limitatifs que ceux de l'article 14 de la CEDH. Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme a également appliqué l'article 14 à des fondements de discriminations qui n'y sont pas cités explicitement.

Malgré les nombreuses similitudes entre l'article 14 de la CEDH et l'article 1 du Protocole 12, il y a cependant une différence importante. Contrairement à l'article 14 de la CEDH, l'article 1 du Protocole 12 formule une interdiction générale de discrimination pour tout droit inscrit dans la législation. On peut invoquer l'article 1 du Protocole sur la base de la législation nationale des États membres, un droit résultant d'une obligation évidente d'une autorité, une compétence discrétionnaire exercée par une autorité et tout autre acte ou abstention d'une autorité.

L'objectif premier de l'article 1 du Protocole est d'imposer une obligation négative pour les États membres, à savoir l'interdiction générale de discriminer les individus. L'article ne contient pas d'obligation positive pour les États-membres de prendre des mesures visant à prévenir ou à lutter contre toute forme de discrimination.

L'article 1 Protocole 12 concerne seulement les cas de discrimination dans la sphère publique. Les affaires purement privées ne sont pas concernées, ceci pour prévenir l'enchevêtrement avec le droit de l'individu au respect de sa vie privée, sa famille et sa vie familiale, son logement et sa correspondance, ainsi que le stipule l'article 7 de la CEDH.

Le quatrième point, le plus important au plan international, concerne le Traité instituant la Communauté européenne.

L'article 13 du Traité instituant la Communauté européenne stipule que le Conseil de l'Union européenne doit prendre des mesures adéquates pour lutter contre toutes les formes de discrimination. Cet article a été ajouté au traité par le biais de l'approbation du Traité d'Amsterdam.

La première directive adaptant le principe d'égalité de traitement de personnes, quelle que soit leur race ou leur descendance ethnique, date du 29 juin 2000. Elle a pour but de créer un cadre visant à lutter contre toute discrimination fondée sur la race ou la descendance ethnique, de sorte que le principe d'égalité de traitement puisse être appliqué dans les États membres.

Le 27 novembre 2000 a été publiée la deuxième directive instituant un cadre général pour l'égalité de traitement au travail et dans la vie professionnelle.

Les deux directives contiennent une définition de la discrimination directe et indirecte, reprise presque littéralement dans le texte de la proposition de loi à l'examen. En commission, nous nous sommes basés en grande partie sur l'application de la directive, mais également sur l'avis du Conseil d'État.

Je vais à présent situer la proposition de loi dans le contexte belge.

La Constitution belge stipule que tous les Belges sont égaux devant la loi. De plus, tous les Belges peuvent jouir des droits et libertés sans aucune discrimination.

La Cour d'arbitrage veille, en tant que cour semi-constitutionnelle, à l'application de ces principes. Le principe d'égalité et de non discrimination s'applique aux relations verticales, à savoir les rapports entre l'autorité et le citoyen, mais pas aux rapports réciproques entre citoyens. Jusqu'à présent, la Belgique ne dispose pas d'une loi visant à prévenir la discrimination entre citoyens.

En 1981, une loi visant à lutter contre des actes de racisme et de xénophobie a été votée. Une loi contre le racisme a été votée en 1994.

Les auteurs de la proposition de loi ont opté pour une loi distincte parce que la lutte contre le racisme et la xénophobie mérite une législation distincte. De plus, ils préféraient régler les comportements discriminatoires par le biais du droit civil, en proposant un certain nombre de nouvelles solutions et en limitant la portée de la pénalisation. La commission a finalement décidé d'élaborer une loi distincte pénalisant la discrimination raciale. Dans un cas concret, la loi contre le racisme sera toujours appliquée par priorité.

Pour terminer, citons la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail. Dans des cas concrets, cette loi a aussi priorité sur la loi tendant à lutter contre la discrimination.

J'en viens maintenant au contenu de la proposition de loi.

Cette proposition contient une partie générale définissant la discrimination directe et indirecte. Suivent les dispositions pénales et civiles. La définition reprend celle de la directive de l'UE. En cela, cette proposition diffère de la loi contre le racisme.

D'après la proposition, il y a discrimination directe si une distinction de traitement qui manque de justification objective et raisonnable est directement fondée sur le sexe, une prétendue race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs de discrimination susmentionnée. Sans justification objective, ces formes de discrimination conduisent à des dispositions pénales ou des mesures civiles.

La proposition s'inspire des remarques du Conseil d'État. La principale recommande de définir précisément les conditions afin que les citoyens sachent à quoi s'en tenir dans leurs relations. C'est pourquoi le texte initial a été modifié. La fourniture de biens et de services au public a ainsi été inclus dans les domaines d'application. La proposition de loi ne s'oppose pas à la législation relative à la protection de la vie privée. Cette proposition ne s'applique donc pas au refus d'accès à une fête privée. Elle ne vise que les institutions et organisations qui organisent des activités accessibles au public.

Conformément à une directive européenne, la proposition considère le harcèlement comme une forme de discrimination. Il s'agit d'une nouveauté importante. Nous avons choisi le terme de « harcèlement » parce qu'il est plus large que « mobbing » ou « intimidation ». Les domaines d'application restent identiques à ceux énumérés à l'article 2.

La religion constitue une des causes de discrimination. Un amendement a été adopté en ce sens.

L'amendement clarifie, tout en la confirmant, une règle de droit générale qui veut que la présente loi ne porte pas préjudice à la protection et à l'exercice des droits et libertés fondamentaux inscrits dans la Constitution et dans les conventions internationales. Cette disposition est inévitable car la Constitution sépare l'Église et l'État. En effet, une loi réprimant les discriminations ne peut pas permettre à l'État d'intervenir dans l'organisation interne de l'Église. Une loi ne peut par exemple pas obliger l'Église catholique à accepter des prêtresses. En revanche, la proposition de loi s'appliquera à un instituteur de l'enseignement catholique ou à un infirmier d'une séniorie juive. Ceux-ci ne pourront dès lors pas être discriminés. En effet, il ne s'agit plus de l'organisation interne de l'Église, mais de la fourniture de services à la société.

La présente loi contient un certain nombre de dispositions pénales. La principale différence par rapport à la loi contre le racisme est qu'elle réprime pénalement l'encouragement de la discrimination ou l'expression de l'intention de discriminer. Mais comme dans la loi contre le racisme, les officiers publics ou les fonctionnaires qui commettraient ces délits sont également punissables. La présente loi va plus loin que la loi contre le racisme en prévoyant des circonstances aggravantes personnelles dans certains cas, pouvant donner lieu à un doublement des peines correctionnelles. Le texte initial prévoyait la possibilité de doubler la peine pour tous les délits. La fonction préventive de la loi est importante car en fin de compte, c'est le juge qui déterminera l'effet des circonstances aggravantes personnelles.

Je terminerai par les dispositions civiles. Il peut être fait appel aux tests de situation ou aux données statistiques pour prouver la discrimination. Si ces éléments débouchent sur un début de preuve, la charge de la preuve est inversée. Les huissiers de Justice ont également la possibilité de faire constater par des tests de situation des cas de discrimination flagrante.

Lors de nos auditions, nous avons constaté qu'aux Pays-Bas, les tests de situation et les données statistiques étaient d'application tant dans les dispositions pénales que civiles. Une majorité de commissaires ont estimé que ces éléments ne pouvaient être utilisés que pour les dispositions civiles et pas de manière automatique : le juge porte un jugement souverain sur les preuves apportées dans un dossier particulier. La commission souhaite ainsi fournir un instrument aux personnes se trouvant en position d'incapacité de fournir des preuves.

Les fonctionnaires de l'inspection du travail verbaliseront les infractions à cette loi.

La commission a désiré permettre au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme de saisir le tribunal. Cette mesure s'applique également aux associations disposant depuis cinq ans de la personnalité juridique et s'étant donné pour objectif de défendre les droits de l'homme et de lutter contre la discrimination ainsi qu'aux organisations de travailleurs et d'employeurs et aux organisations d'indépendants.

Le Centre est chargé du suivi de la politique de lutte contre la discrimination. Il est tenu de collaborer avec les organisations mentionnées dans cette proposition de loi.

Les discussions ont débouché sur la conclusion que le sexe est devenu une source de discrimination. La présente proposition est dès lors devenue une proposition de loi générale relative à la non-discrimination. Le droit de saisir le tribunal et de prendre des mesures de lutte contre la discrimination sera transféré du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme à l'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes qui reste à créer. Mme Onkelinx s'est engagée à déposer un projet de loi en ce sens.

Je remercie les commissaires qui pendant deux ans ont travaillé avec beaucoup de courage et d'enthousiasme à cette proposition.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je remercie le rapporteur pour son rapport détaillé.

La proposition à l'ordre du jour vise à l'élargissement de l'application d'une règle amplement présente dans les sources du droit au plus haut niveau, à savoir aux articles 10 et 11 de la Constitution, à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et à l'article 26 du Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques dans lequel le principe général d'interdiction de discrimination est développé.

Il ne faut pas donner l'impression que la discrimination est autorisée aujourd'hui et qu'il n'existe pas de moyens juridiques qui garantissent le droit à la diversité des opinions ou au respect des minorités dans une société démocratique et ouverte. Dans le passé, le CD&V a d'ailleurs pris de nombreuses initiatives visant à supprimer les discriminations. Nous avons par exemple fait des propositions en matière d'égalité entre hommes et femmes.

Le problème vient du fait que la proposition mélange des choses différentes. Elle veut transcrire certaines dispositions européennes. Je pense notamment à l'application de l'article 13 de la convention de l'UE et aux directives du 2 juin 2000 et du 27 novembre 2000. Si l'objectif est d'appliquer ces directives européennes, de préciser certaines choses, de respecter des engagements internationaux, de supprimer des discriminations sociales, et que le législateur estime qu'il doit intervenir dans cette optique, nous sommes d'accord. Indépendamment du fait qu'il faut respecter ses engagements internationaux se pose la question de savoir si la proposition de loi répond à ces attentes.

Lors de la précédente législature, nous avons voté une résolution demandant que le vote d'une loi éventuelle soit précédé d'une étude sur la nécessité sociale d'intervenir au niveau législatif et sur l'efficacité des normes proposées. Il faut donc se demander si ce texte qui revient à une loi pénale générale est bien nécessaire et s'il se justifie.

Je ne suis d'ailleurs pas le seul à me poser cette question. Lors de son exposé en commission, le ministre de la Justice la posait aussi. Sa remarque est le reflet du bon sens.

La réponse à cette question est nuancée. J'ai expliqué en commission que je comprends bien qu'on prenne des mesures supplémentaires pour lutter contre les abus dans des secteurs qui ne tombent pas sous le coup de la loi pénale. La principale critique du CD&V à l'encontre de cette proposition est qu'on prévoit des sanctions pénales dans les dispositions relatives à la discrimination.

J'ai eu l'impression en commission que la majorité accepterait mon amendement subsidiaire visant à ne pas faire tomber la discrimination indirecte sous le coup de la loi pénale. Je me suis trompé car dans le texte qui nous est soumis, on envisage tant la discrimination directe que l'indirecte. Dois-je encore rappeler l'avis du Conseil d'État ? Non. Chaque fois que je monte à cette tribune, pour souligner que le Conseil d'État trouve qu'un texte est anticonstitutionnel ou qu'il n'est pas pertinent d'un point de vue juridique, cela ne fait pas la moindre impression sur cette respectable assemblée et l'avis n'est pas suivi.

Permettez-moi de revenir sur l'historique du concept de discrimination. Il n'y a pas de concept plus ouvert que l'interdiction de discrimination. Ce qui était regardé comme discriminatoire il y a cinquante ans peut être considéré d'une tout autre manière aujourd'hui et vice versa.

En d'autres termes, le temps est une dimension importante quand on se demande si un acte est ou non discriminatoire. Donc, les conceptions divergent dans le temps et dans l'espace et sont déterminantes pour apporter une réponse à cette question et donc aussi pour définir ce concept juridiquement.

Je voudrais rappeler une réflexion de notre ancien collègue Lallemand. Il avait souligné un jour que les dispositions relatives aux bonnes moeurs devraient être retirées du Code pénal car les bonnes moeurs sont un concept trop difficile à définir. O tempora, O mores ! Que sont les bonnes moeurs ?

Les arguments de M. Lallemand m'avaient fait forte impression. Je les reprends donc pour les appliquer au concept de discrimination. Pour déterminer si un acte ou un comportement est discriminatoire, nous devons, comme le dit le Conseil d'État, tout d'abord donner le temps aux juristes d'analyser la jurisprudence de la Cour européenne de Justice en matière de droits de l'homme.

M. Philippe Mahoux (PS). - Puis-je vous interrompre un instant ? Je pense que vos références sont intéressantes mais ne distinguez-vous pas une différence fondamentale entre une législation concernant les bonnes moeurs - et je partage à cet égard ce qui paraît être votre opinion et celle de mon ami Roger Lallemand - et la notion de discrimination parce que celle-ci implique une victime.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Dans les bonnes moeurs également.

M. Philippe Mahoux (PS). - Dans les bonnes moeurs, il n'y a pas nécessairement de victime, sauf s'il y a voie de fait. Dans une législation relative à la discrimination, la victime est la personne qui subit ladite discrimination.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - C'est une discussion intéressante mais je n'accepte pas l'argument. Il ne s'agit pas de l'inutilité du concept de discrimination mais bien de sa pénalisation. Ce sont deux choses différentes.

Sur le plan des bonnes moeurs, il peut aussi y avoir des victimes, ne serait-ce que dans le comportement social. Les programmes de télévision ne font pas de victimes mais ils peuvent avoir un impact sur le comportement des mineurs. Actuellement, des procès sont d'ailleurs en cours sur la responsabilité des chaînes de télévision qui diffusent des programmes susceptibles de donner lieu à des comportements sociaux nuisibles.

On ne répond pas au fond même de ma critique et de celle du Conseil d'État. Il s'agit du fait que l'application de l'interdiction de discrimination se fait sur la base d'une certaine dialectique juridique qui fonctionne après coup et s'appuie sur des raisonnements et des appréciations formels. Le Conseil d'État rappelle que la loi pénale doit être prévisible dans son application. Cela signifie que je dois savoir si la loi pénale m'est applicable en raison du comportement que j'ai adopté. Le Conseil d'État dit que ce concept n'est pas vraiment fonctionnel dans le cadre d'une loi pénale. On ne peut juger clairement qu'après. Le citoyen ne peut conformer son comportement à la norme car elle n'est pas prévisible. Cela se fonde, contrairement à toutes les autres lois possibles, sur le principe de légalité qui est propre à la loi pénale.

Le Conseil d'État n'est pas seul de son avis, le ministre de la Justice a aussi fait des remarques et c'est une première. À la page 220 du rapport figurent quatre raisons pour lesquelles la loi doit être amendée par la Chambre. La première est que le principe de non-discrimination ne se prête pas à une définition d'un délit punissable.

C'est ce que dit le ministre de la Justice qui a obtenu plus de 500.000 voix de préférence. Cela compte quand même.

Il est ministre de la Justice. On peut douter de tout mais pas des paroles du ministre de la Justice quand il s'agit d'affaires aussi importantes.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de l'Emploi. - Je ne suis pas certaine que le ministre de la Justice ait demandé que vous le représentiez pour exposer sa thèse. Peut-être dirait-il les choses différemment ...

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Il ne me l'a pas demandé faute de me faire confiance pour ce faire.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de l'Emploi. - On en revient chaque fois à la volonté de combattre véritablement les discriminations mais vous n'en avez pas envie parce que vous ne voulez pas que notre société démocratique puisse disposer d'instruments concrets permettant de mieux respecter les uns et les autres, avec une sanction à la clef en cas de discrimination.

Au niveau juridique, et vous êtres un juriste brillant, vous trouvez toute une série d'arguments plus intéressants les uns que les autres qui font que l'on se détourne de l'objectif du projet que j'estime indispensable. L'UE, elle-même, a décidé de s'investir dans la lutte contre les discriminations et des directives importantes ont été acceptées par l'ensemble des États membres. Vous devez quitter les hautes sphères de la pensée juridique ...

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Il s'agit d'une loi pénale, madame.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de l'Emploi. - ... et redescendre sur terre. Nous avons le devoir, en tant que gouvernement et en tant que parlement, d'essayer d'intervenir au profit de nos concitoyens pour que cessent ces discriminations qui font de trop d'hommes et de femmes des victimes, en Belgique.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Là n'est pas la question. Nous parlons de textes concrets, de textes de loi, de projets, de propositions assorties de sanctions pénales. La question est de savoir si la proposition consistant à rendre passible d'une peine toute forme de discrimination, directe ou indirecte - compte tenu du nouvel amendement de la majorité -, répond à certaines normes générales propres au droit pénal. C'est une faiblesse que de toujours tenir un discours de principe et de suggérer qu'il s'agit d'idées erronées, que nous ne voulons pas nous attaquer à la discrimination et que nous utilisons des arguments juridiques ingénieux pour cacher des pensées inavouables.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de l'Emploi. - En commission a eu lieu un débat juridique important et intéressant. On ne peut séparer ainsi juristes et démocrates. Le débat juridique a eu lieu et nous a donné l'occasion de répondre à vos arguments.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je sais que mes arguments ne plaisent pas au ministre mais je voudrais pouvoir continuer à les développer.

Mme Meryem Kaçar (AGALEV). - La contribution de M. Vandenberghe aux travaux en commission a été très importante. Je ne veux pas le nier. Mais on a répondu à sa demande de retrait de la discrimination indirecte des dispositions pénales puisque son amendement à ce sujet a été adopté en commission.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je pourrais être d'accord si un nouvel amendement n'avait pas été déposé aujourd'hui.

Mme Meryem Kaçar (AGALEV). - Nous aurons ce débat tout à l'heure.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Ce n'est pas possible. Mon amendement est adopté en commission et la majorité dépose un nouvel amendement visant à réintroduire la discrimination indirecte. Si la majorité retire son amendement, je n'ai plus d'objection.

Mme Meryem Kaçar (AGALEV). - Au nom du groupe Agalev, je propose de retirer l'amendement.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - La question est de savoir si ses auteurs partagent ce point de vue.

Je ne fais que développer les remarques des juristes du Conseil d'État. Nous pouvons bien admettre qu'ils savent de quoi ils parlent. Ils ont une formation approfondie et connaissent aussi les sensibilités du terrain. Ils sont donc conscients des abus potentiels dans un sens comme dans l'autre.

Ils craignent qu'on n'utilise la loi pénale pour faire de la politique.

Indépendamment de mon opinion personnelle sur certaines conceptions politiques, il faut autoriser la plus grande liberté d'expression de la diversité d'opinion dans le débat politique. C'était d'ailleurs la deuxième objection du ministre de la Justice qui se demande si l'article 4 ne conduit pas au délit d'opinion. Il n'a plus rien à voir avec la lutte contre la discrimination : il s'agit d'un élargissement des délits d'opinion allant bien plus loin que les délits connus des lois relatives au racisme et au génocide auxquelles le CD&V souscrit évidemment.

Notre principale objection, certainement si on inclut la discrimination indirecte, est que l'ensemble devient une grande loi pénale. Cela m'apparaît comme un usage exagéré de la loi pénale étant donné qu'on ne démontre nulle part qu'il y a nécessité sociale.

Le Sénat peut encore améliorer la proposition de loi. Le CD&V a déposé une série d'amendements à cet effet.

Nous aurions pu suivre une autre voie et opter pour le mécanisme de la loi antiracisme. La majorité opte pour une loi générale antidiscrimination. Le ministre dit maintenant que cela existe partout en Europe. Il est vrai qu'il existe des directives européennes relatives à l'interdiction de discrimination et que c'est un principe de droit important dans la législation européenne. Mais le ministre peut-il m'indiquer dans quel pays de l'Union européenne la discrimination directe et indirecte fait l'objet de poursuites pénales ? Il n'y en a pas. Aux Pays-Bas, il y a une loi générale sur l'égalité de traitement mais elle ne comporte pas de poursuite pénale de la discrimination en général.

Nous devons procéder à une étude comparée du droit et nous demander pourquoi tous ces pays ont une autre conception. Ont-ils une autre sensibilité face à la discrimination ? Se trompent-ils tous ? Je ne puis le croire.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je vois, monsieur Vandenberghe, que vous insistez beaucoup sur ce point. Il a fait l'objet d'un amendement qui a été discuté et voté en commission. Il subsiste cependant une hésitation.

Si l'on veut incriminer les discriminations, j'estime qu'il faut alors avancer le plus loin possible, sans que cette démarche visant à développer l'égalité n'aboutisse à un processus liberticide. On nous a fait ce reproche mais la discussion en commission a montré que le proposition de loi évitait cet écueil. Elle fait d'ailleurs référence aux libertés garanties par la Constitution et par les traités internationaux. Cela donne des assurances à ceux qui pouvaient penser que la démarche risquait d'avoir des effets opposés à ceux recherchés.

Néanmoins, étant donné les débats de procédure soulevés par cet amendement, mais aussi parce qu'il est important que l'examen de cette proposition, soutenue par le gouvernement, puisse se poursuivre, je propose de retirer cet amendement. Je fais cette intervention maintenant, monsieur Vandenberghe, afin que vous n'ayez pas l'impression que nous nous rendions à vos arguments.

De toute manière, peut-être la Chambre, à laquelle le projet sera soumis quand nous l'aurons voté, en profitera-t-elle pour le réexaminer et approfondir la question de ce point particulier ? Finalement, cette hypothèse est tout à fait conforme au rôle du bicaméralisme.

Je persiste toutefois à penser qu'il faut étendre au maximum la possibilité de lutter contre les discriminations.

M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je suis heureux d'entendre que l'amendement relatif à la discrimination indirecte et qui nous paraît très problématique est retiré.

Il est aussi positif que notre amendement relatif aux droits tels que la liberté d'opinion, d'association, de culte, etc., soit accepté.

Ces dernières semaines, j'ai dû entendre de nombreuses remarques dérangeantes sur le Sénat. J'avais toujours l'impression d'être traité de manière discriminatoire. C'est comme cela que j'ai perçu les attaques constantes à l'encontre du Sénat et des sénateurs. Mais il ne me viendrait pas à l'idée d'introduire une plainte contre ceux qui les ont formulées. Il ne faut pas voir la discrimination de façon abstraite mais dans des situations concrètes. Dans la liberté d'opinion, la liberté politique et la liberté d'association, l'autonomie tient une grande part. En fait, la discrimination à ce niveau n'est pas la même que dans d'autres circonstances. Il est donc positif que notre amendement visant à résoudre ce problème soit accepté.

Les directives européennes sont citées de façon sélective. L'amendement du CD&V sur la discrimination positive et le traitement des personnes handicapées n'a pas été adopté alors qu'il s'agit de l'application de la directive européenne.

Nous avions aussi proposé l'instauration d'un institut séparé pour l'égalité des chances entre hommes et femmes. Si j'en crois la presse internationale, à l'avenir on insistera surtout sur l'égalité des chances pour les hommes.

Il est bien entendu très positif que des inégalités de traitement à l'égard de la femme aient pu être corrigées relativement vite grâce à l'engagement de beaucoup. Le Sénat a d'ailleurs le plus grand nombre de parlementaires féminins. Le CD&V est favorable à ce mouvement et a adopté des positions claires à ce sujet lors de son congrès.

Je l'ai déjà dit à d'autres occasions : si les personnes âgées sont amères, c'est parce qu'elles sont systématiquement exclues de la société et se sentent discriminées.

Nous devons traiter le thème de l'interdiction de toute discrimination dans un esprit d'ouverture et non de manière défensive. Une démocratie a le devoir de garantir tous les droits et libertés démocratiques ainsi que l'égalité de traitement des personnes. Notre démocratie est une démocratie persuasive qui repose sur les normes ordinaires et seulement très exceptionnellement sur les normes pénales.

Madame la vice-première ministre, vous avez souligné l'importance des objectifs que poursuivent ces dispositions et qui figurent déjà dans des traités internationaux. Nous n'avons pas de critiques à formuler sur ce point. Certains de nos amendements ont d'ailleurs été adoptés. En revanche, le problème auquel j'ai consacré la majeure partie de mon exposé subsiste. La loi ne sera pas opérationnelle sur le terrain puisque le degré de complexité des poursuites rend leur résultat particulièrement incertain.

M. Philippe Mahoux (PS). - L'examen de la proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, par notre assemblée, est pour moi un moment important parce qu'il s'inscrit dans une démarche répétée avec la volonté, depuis plusieurs législatures, d'avancer dans la voie de la lutte contre la discrimination.

Ce texte donne corps au principe fondamental qui est au coeur de notre système démocratique : tous les hommes sont égaux en dignité et en droit.

Le premier corollaire de ce principe est l'interdiction de toute discrimination fondée sur les différences entre les personnes parce qu'une telle discrimination constitue, à la fois, une atteinte à la dignité des personnes et une rupture de l'égalité.

De très nombreux instruments de droit international consacrent ce principe dit de la non-discrimination. Ces textes s'appliquent en droit interne tout en invitant le législateur à intervenir pour garantir à chacun une protection effective contre toute discrimination. Cette invitation a d'ailleurs pris, aujourd'hui, un caractère plus impératif puisqu'il nous faut transposer dans notre droit les directives européennes visant à la mise en oeuvre de l'article 13 du Traité d'Amsterdam, relatif à la non-discrimination.

Ce constat avait déjà incité le législateur à intervenir. Depuis le 30 juillet 1981, la loi dite « Moureaux », tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie punit les discriminations fondées sur la race, la couleur, l'ascendance et l'origine nationale ou ethnique d'une personne ou d'un groupe de personnes.

Le législateur a complété cette loi en créant, en 1993, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

L'égalité entre hommes et femmes est aujourd'hui une préoccupation importante du législateur s'exprimant dans plusieurs textes. Mais d'autres discriminations existent et ne sont pas incriminées actuellement. Elles se développent dans le cadre des relations de travail, pour l'accès à certaines activités et à certains services. Quotidiennement, des personnes se voient refuser un emploi ou une promotion, la location d'un logement, l'entrée dans un lieu public, en raison, notamment, de leur sexe, de leurs orientations sexuelles, de leur état de santé actuel ou futur, détecté, entre autres, par un test génétique prévisionnel, leur apparence physique, etc.

Les personnes qui en sont les victimes ne font pas l'objet de protection et ne peuvent agir en se fondant sur une base légale contre les auteurs d'une discrimination.

Ces comportements discriminatoires qui rejettent l'autre pour sa différence sont courants. Nous devons reconnaître cette réalité suite aux témoignages nombreux et concordants. Ces comportements sont inadmissibles, non seulement parce qu'ils blessent et humilient ceux qui les subissent, mais aussi parce qu'ils sapent les valeurs essentielles de notre société, notamment celle de « vivre ensemble », soit la convivialité, ce que nos voisins du sud nomment le « pacte républicain ».

Faute de loi aisément accessible ou inexistante, ils restent cependant impunis et les victimes ne se voient jamais rendre justice.

Ce constat avait motivé le groupe socialiste à convier, sous la précédente législature, les groupes politiques démocratiques à élaborer ensemble une proposition de loi réprimant efficacement les discriminations. La plupart de ces groupes ont cosigné le présent texte.

Depuis, le gouvernement a apporté son appui à ce texte. L'accord de gouvernement précisait qu'une loi générale sur la lutte contre les discriminations serait introduite au parlement. Le gouvernement, par le biais de la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, Laurette Onkelinx, - j'ai évidemment entendu, au niveau gouvernemental, quelques nuances quant à l'appréciation de la proposition - a activement contribué au travail parlementaire en soumettant une série d'amendements à l'étude de la commission, ajoutant notamment le harcèlement comme forme de discrimination et permettant d'adapter la proposition aux directives européennes du 29 juin 2000, relatives à la mise en oeuvre du principe d'égalité du traitement entre les personnes, sans distinction de race ou d'origine ethnique, et du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

Les débats en commission ont été très intéressants et intenses. Ils ont pu s'appuyer sur un avis très fouillé du Conseil d'État. Ils ont conduit, je pense, à un texte équilibré et solide dont notre assemblée peut être satisfaite.

L'objectif que nous poursuivons est de créer un nouveau cadre légal d'incrimination des comportements discriminatoires tant sur le plan pénal que civil. La proposition ne circonscrit pas la discrimination à la limitation de l'exercice d'un droit ou de la jouissance d'une liberté fondamentale mais tend à prendre en compte toutes les situations discriminatoires. Elle vise tous les cas où un individu ou une autorité dispose de la possibilité de provoquer un traitement discriminatoire.

Les motifs de discrimination visés, eux, sont délimités. Il s'agit d'abord des caractéristiques qui s'imposent aux personnes et que celles-ci ne maîtrisent pas : le sexe, une prétendue race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique. Il s'agit aussi des autres motifs de discrimination reconnus par la plupart des textes internationaux dont la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : la conviction religieuse ou philosophique et la fortune.

La proposition concerne donc toutes les situations discriminatoires, sans se limiter à l'exercice d'un droit ou de la jouissance d'une liberté fondamentale. La loi permettrait, par exemple, d'incriminer des situations comme le refus de location d'un immeuble à une personne homosexuelle, le refus d'accès à un lieu ouvert au public à une personne pour son apparence physique, l'élimination d'une personne d'un processus de sélection professionnelle pour son âge ou sa fortune, voire sa naissance.

Certains d'entre nous désiraient profiter de cette proposition de loi pour y transposer l'article 5 de la directive européenne n° 2000/78 du 27 novembre 2000 qui suggère que l'employeur prenne des aménagements raisonnables afin qu'une personne handicapée bénéficie d'une égalité de traitement dans l'exercice de sa profession, à moins que ces aménagements ne constituent une charge disproportionnée pour l'employeur.

Mais, d'une part, la proposition de loi interdit de façon explicite une discrimination qui se fonde sur un handicap ou une caractéristique physique d'une personne. Ainsi, une différence de traitement injustifiée sur le lieu de travail en raison du handicap d'une personne pourrait constituer un fondement pour une action judiciaire à l'encontre de l'auteur de la discrimination.

D'autre part, la proposition de loi est volontairement générale, tendant à déterminer les discriminations qui peuvent exister et à les condamner. À côté de cette proposition générale, il peut exister des législations qui ont pour objet de lutter contre des discriminations spécifiques telles que, d'ailleurs, la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes sur le marché du travail, ainsi que la loi Moureaux du 30 juillet 1981.

Afin de respecter l'esprit de la présente proposition de loi qui doit rester un cadre général sur les discriminations, il m'a semblé plus opportun de déposer à part une nouvelle proposition de loi concernant l'intégration des personnes handicapées sur les lieux du travail en transposant ainsi la directive européenne du 27 novembre 2000, au lieu de le faire dans cette proposition.

Il fallait aussi tenir compte du fait que certaines distinctions entre les personnes peuvent être justifiées et, à ce titre, ne pas constituer une discrimination. La proposition détermine les critères qui permettent au juge d'apprécier si la distinction est fondée sur des motifs légitimes et non arbitraires.

Ces critères sont inspirés de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et de la Cour européenne des droits de l'homme. Ils visent, d'une part, l'objectivité de la mesure et le rapport raisonnable et proportionnel avec le but qu'elle poursuit et, d'autre part, son efficacité par rapport à d'autres mesures plus respectueuses des droits des personnes.

Le Conseil d'État souhaitait une définition plus claire des discriminations directes et indirectes, ce qui apparaît dans le texte actuel à la suite d'amendements du gouvernement. Vous aurez d'ailleurs remarqué que, si le gouvernement modifie l'articulation de la proposition de loi en plaçant la définition des discriminations directes et indirectes et la liste des interdictions au tout début de la loi, cela n'a pas d'influence sur le contenu et l'intention de cette proposition de loi.

Dans le texte initial, les auteurs de la proposition n'avaient pas voulu étendre le champ d'application de la loi aux discriminations opérées sur la base des orientations politiques, philosophiques ou religieuses, tout en laissant le débat ouvert et en condamnant a priori ce type de discriminations.

Par souci de concordance avec les instruments internationaux, ces critères ont été intégrés à la proposition.

Il faut pourtant garder à l'esprit que la prise en compte de tels critères peut poser problème. Dans certains pays où semblables dispositions existent depuis longtemps, des partis extrémistes ou des organisations intégristes s'appuient en effet sur la loi pour tenter d'interdire toute critique ou toute mise en cause publiques de leurs choix politiques ou des conséquences politiques de leurs choix religieux.

Le Conseil d'État s'est d'ailleurs longuement interrogé sur l'équilibre qui devait impérativement exister entre les interdictions prévues par la loi et la sauvegarde des libertés et droits fondamentaux ; il a ainsi rappelé que la loi devait respecter la vie privée, la liberté d'expression, la liberté d'association ainsi que la liberté des cultes, qui sont effectivement, à mon sens, des libertés inaliénables. La loi ne vise évidemment pas les relations entièrement privées entre les individus, en ce compris celles qui naissent de l'association entre les personnes, pour des raisons qui leur sont propres et sur la base de critères qui leur sont communs.

Nous sommes inévitablement entrés dans une discussion importante relative à la limite entre la sphère des relations privées dans laquelle la loi n'a pas à intervenir et le domaine que l'on pourrait qualifier de public.

Cette limite est difficile à déterminer ; nous en avons bien conscience.

J'ai la conviction que l'adoption de l'amendement instituant l'article 3 de la proposition permettra d'éviter ce type d'écueil. Cet article prévoit, comme je l'ai rappelé, que « la présente loi ne porte pas atteinte à la protection et à l'exercice des libertés et des droits fondamentaux qui sont mentionnés dans la Constitution et les conventions internationales sur les droits de l'homme ».

Après avoir défini les discriminations, il fallait doter les victimes d'armes juridiques suffisantes pour lutter contre ces discriminations en organisant des procédures pénales et civiles appropriées.

J'ai déjà dit que la discrimination - la distinction de traitement - pouvait être justifiée en fonction de l'objectif poursuivi et s'il n'existe aucun autre moyen efficace et moins discriminatoire. C'est la définition d'une discrimination, même si toute distinction de traitement n'est pas obligatoirement une discrimination. Un critère de compétence sur le lieu du travail ou en matière sportive pourrait sembler discriminatoire mais être tout à fait justifié en raison des objectifs à atteindre ou de la spécificité de l'activité en question. Cependant, considérant que la victime d'une discrimination est généralement en position de faiblesse par rapport à l'auteur de l'acte, nous avons voulu, au civil, renverser la charge de la preuve du bien-fondé de la discrimination ou du traitement différencié. La proposition de loi impose ainsi à l'auteur d'une distinction présumée de traitement de prouver son éventuelle justification, objective et raisonnable.

De façon générale, à la suite de l'avis du Conseil d'État, on peut admettre qu'il faut effectivement opérer un déplacement de la charge de la preuve uniquement dans les litiges civils et non pas également au pénal, ce qui modifierait de façon trop fondamentale le principe de la présomption d'innocence.

C'est une modification par rapport au texte initial, qui me semble parfaitement justifiée.

Le Conseil d'État a formulé une série d'observations plus techniques, davantage liées à l'organisation judiciaire et aux procédures judiciaires proprement dites.

Par rapport à la proposition de loi déposée, les articles du code pénal qui peuvent être invoqués par la victime d'une discrimination ont été énumérés.

Les auteurs de la proposition ont voulu que soient réprimés pénalement les comportements discriminatoires les plus critiquables, à savoir les incitations à la discrimination ou la publicité d'une intention en ce sens, les discriminations commises par des fonctionnaires ou officiers publics, les infractions énumérées, telles que coups et blessures volontaires.

J'insiste à cet égard sur la disposition qui, au pénal, permet au juge de prononcer un doublement des peines pour motif abject dans les cas où un délit est commis avec un mobile de caractère discriminatoire.

Des procédures civiles sont également prévues. Ce sont des éléments importants de la proposition de loi. En effet, si ce ne sont les dispositions pénales, les autres dispositions rappellent, en délimitant sa portée et le pouvoir d'appréciation du juge, le contenu de normes constitutionnelles et internationales dont les victimes de discriminations peuvent déjà se prévaloir devant les juridictions nationales. C'est précisément l'organisation d'une procédure spécifique qui va permettre aux victimes de faire respecter leurs droits de manière effective.

L'article 11 organise une action en cessation, sur le modèle de l'action qui existe en matière de pratiques de commerce. Il semble en effet qu'une des manières les plus efficaces de lutter contre les discriminations réside dans la possibilité pour le juge de mettre fin très rapidement au comportement discriminatoire.

Une discussion intéressante avec, je le souligne à nouveau, un apport très important du gouvernement, est intervenue autour des moyens de preuve de discrimination, notamment à propos des statistiques et les tests de situation. Il me semble important que ce moyen de preuve, qui n'est pas neuf mais qui reste peu usité, puisse être utilisé dans le cadre de la discrimination. Il s'agit d'un mode de preuve comme un autre et - la discussion en commission l'a montré - sa force probante sera toujours laissée à l'appréciation des juges. L'objectif est d'inciter les tribunaux à être plus réceptifs à ce moyen de preuve. En outre, le juge peut prononcer une astreinte pour contraindre l'auteur de la discrimination à respecter la décision rendue.

Enfin, nous avons souhaité que ces actions soient ouvertes aux particuliers et aussi, sur le modèle de ce qui existe en matière de lutte contre le racisme et la xénophobie, à une série d'associations, dont le Centre pour l'égalité des chances, lequel verra ses compétences accrues en conséquence par le biais de la loi.

Nous savons, nous législateurs, qu'un danger nous menace à tout instant : celui de la « logorrhée législative », de l'inflation des lois. Sans doute devons-nous nous défier de la tentation de croire que nous pourrons régler tous les problèmes grâce à la loi. Nous devons chaque fois nous demander si nous faisons oeuvre utile en incriminant des comportements, en ouvrant la porte à de nouvelles actions judiciaires.

Je suis pour ma part convaincu que la proposition de loi que nous allons voter est indispensable. Les principes dont elle va permettre de faire respecter l'application sont, je l'ai dit, au coeur même de notre société démocratique. Ils sont proclamés par notre loi fondamentale et par les instruments de droit international les plus importants. Ils sont pourtant bafoués quotidiennement et, faute de loi opératoire, aucune mesure ne vient sanctionner leur violation, ni aucune compensation corriger les effets de cette violation.

Je pense qu'il est temps de nous doter des moyens de sanctionner toute discrimination et de donner aux victimes les moyens d'y mettre fin et d'obtenir compensation du préjudice subi. Il nous faut combattre, par le droit, toutes les discriminations pour ce qu'elles sont : une atteinte intolérable aux principes fondateurs de nos démocraties.

Il nous faut dire aussi par cette loi à toutes les victimes de discriminations, femmes, étrangers ou immigrés, homosexuels, personnes handicapées ou malades, que l'État reconnaît et garantit leurs droits.

Bien entendu, cette loi ne sera qu'un instrument. Aux responsables politiques, aux associations, aux citoyens de s'en saisir, car c'est à chacun qu'il échoit d'être acteur de la lutte contre les discriminations, en utilisant les moyens juridiques dont nous allons nous doter, bien sûr, mais aussi et surtout, en rompant au quotidien avec les logiques d'exclusion, en acceptant les différences, en les valorisant, en créant les espaces propices à leur rencontre, à l'épanouissement d'une diversité féconde. Il appartient à l'État de garantir et de faire respecter les droits de chacun mais tous les citoyens détiennent une part de la réponse. C'est à eux aussi de se mobiliser pour une société plus tolérante et plus fraternelle.

Notre débat va bien au-delà d'une réponse à des revendications catégorielles. Pour reprendre une formule célèbre de Sartre, je dirai : le problème des discriminations n'est le problème ni des femmes, ni des homosexuels, ni des immigrés, ni des handicapés ; c'est notre problème.

Je ne doute pas que nous nous retrouvions nombreux autour de cette loi de principe et de justice.

Ordre des travaux

Mme la présidente. - Le premier ministre ne pouvant se rendre au Sénat, les auteurs des demandes d'explications qui lui étaient adressées ont accepté de les reporter sine die.

Nous reprenons nos travaux à 15 heures. Nous ignorons toujours quel point de l'ordre du jour sera traité en premier lieu. Le Bureau du Sénat en décidera à l'instant. Il est presque certains que nous poursuivrons la discussion de cette proposition de loi. Nous avons en effet appris que le gouvernement n'est pas disponible pour répondre aux questions.

Votre présidente n'en est pas tout à fait satisfaite mais la décision finale appartient au Bureau.

Je prie les sénateurs qui s'étaient inscrits dans la discussion sur la proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination d'être présents en temps opportun. Ce débat durera encore au moins deux heures.

(La séance est levée à 12 h 35.)

Excusés

MM. Timmermans, à l'étranger, et Wille, pour d'autres devoirs, demandent d'excuser leur absence à la présente séance.

-Pris pour information.