3-114 | Sénat de Belgique | 3-114 |
Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.
Bienvenue à une délégation étrangère
Projet de loi instituant le système d'information Phénix (Doc. 3-1163) (Procédure d'évocation)
Projet de loi modifiant l'article 610 du Code judiciaire (Doc. 3-1164)
Présidence de Mme Anne-Marie Lizin
(La séance est ouverte à 10 h 20.)
M. Bruno Tobback, ministre de l'Environnement et ministre des Pensions. - Puisque le gouvernement, au terme d'une concertation avec les Régions, a introduit des amendements, je demande à la présidente le renvoi en commission du projet de loi instaurant une cotisation d'égalisation pour les pensions.
Mme Annemie Van de Casteele (VLD). - Un accord informel a déjà été conclu entre les membres de la commission des Affaires sociales. Je propose d'envoyer immédiatement une convocation de sorte que la commission puisse se réunir à 11h.
J'attire aussi l'attention sur un amendement technique à la proposition de loi modifiant certaines dispositions en matière de travail d'étudiant, déposée par M. Noreilde. Cet amendement a été rédigé sur avis du service d'évaluation de la législation. Je propose qu'il soit également examiné durant la réunion de la commission, de manière à ce que nous puissions discuter de cette proposition cet après-midi.
M. Berni Collas (MR). - Pour en revenir au projet de loi instaurant une cotisation d'égalisation pour les pensions, je salue les efforts fournis dans un passé récent en vue d'aboutir à un accord consensuel entre l'État fédéral et les entités fédérées. Cela correspond parfaitement à l'esprit de l'avis motivé que la commission des Affaires institutionnelles du Sénat a élaboré à la suite du conflit d'intérêts. Je trouve cette évolution très favorable.
Mme la présidente. - Si l'assemblée est d'accord, il en est ainsi décidé.
Nous voterons cet après-midi.
-Le renvoi est ordonné.
Mme la présidente. - Je voudrais saluer la présence parmi nous d'une délégation du Conseil national palestinien, invitée par l'Union interparlementaire. Je lui souhaite un séjour fructueux parmi nous. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Luc Willems (VLD), rapporteur. - Le projet de loi a été déposé à la Chambre puis examiné en commission du Sénat les 3 et 10 mai, en présence de la ministre de la Justice.
Il constitue le volet pénal de la réforme de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse. Il vise à modifier le Code pénal afin de punir plus sévèrement les personnes qui se servent de mineurs pour commettre des infractions.
En effet, tenant compte de l'approche spécifique dont bénéficient les mineurs dans le cadre de la loi relative à la protection de la jeunesse, ces adultes espèrent pouvoir se soustraire aux poursuites tout en continuant à récolter les fruits des infractions commises par les mineurs.
L'article 433 du Code pénal, à lire conjointement avec l'article 66 relatif aux coauteurs, doit permettre d'élever de manière relative et conséquente le minimum de la peine d'emprisonnement ou de réclusion pour chaque délit et crime prévu dans ce Code et d'imposer une augmentation supplémentaire si des conséquences aggravantes le requièrent.
Cet article a été amendé par la commission de la Justice de la Chambre. Une hausse des amendes a également été prévue. L'application de cet article a été précisée par rapport à l'incrimination de la traite des êtres humains.
L'occasion a été mise à profit pour inscrire dans le Code pénal la plupart des dispositions pénales figurant au Titre IV de la loi relative à la protection de la jeunesse, de sorte que la protection pénale des mineurs, que la loi du 28 novembre 2000 oriente de manière assez systématique sur les délits de moeurs, puisse également être étendue.
Il s'agit notamment des dispositions relatives à la divulgation de l'identité de la personne poursuivie devant les juridictions de la jeunesse ou faisant l'objet de mesures prononcées par ces juridictions, ou à l'entrave à la tutelle des prestations familiales.
Enfin, des dispositions pénales de la loi du 8 avril 1965, relatives à des infractions aujourd'hui réprimées par d'autres dispositions légales ou qui ne sont plus appliquées, sont abrogées.
La ministre souligne la cohérence de l'approche visant à assurer une meilleure protection des mineurs, à savoir la réforme de la loi du 8 avril 1965 qui concerne les mineurs délinquants, le projet de loi visant à compléter la protection pénale des mineurs, le projet de loi modifiant diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains et contre les pratiques des marchands de sommeil, le dessaisissement.
Le projet sur la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains contient la notion d'exploitation de la mendicité. Il est difficile d'évaluer l'impact des incriminations proposées sur la situation des enfants des rues. Il est fait référence à la discussion menée en France, pays qui est allé très loin sur la voie de la pénalisation. Des mères qui utilisaient leurs enfants pour la mendicité ont été acquittées en vertu de la loi Sarkozy parce que l'atteinte à la santé de l'enfant n'était pas prouvée.
Ceci a notamment amené la commission de la Justice à conclure que la question de la mendicité est très compliquée et qu'il faudra vérifier comment cette loi sera appliquée sur le terrain.
Notre collègue de T' Serclaes fait référence au texte adopté par le Sénat sous la précédente législature. Il est fondé sur le rapport du groupe de travail « Droits de l'enfant » qui, sur de nombreux points, va plus loin que le nouveau texte. Elle dépose donc quelques amendements.
Lors de la discussion des articles, deux amendements sont adoptés. L'amendement nº 1 à l'article 7 tend à reformuler l'article 505bis et à en préciser la portée. Cet article renvoie au crime ou délit auquel se réfère l'article 433. On ne peut dire clairement s'il s'agit de l'infraction instituée par l'article 433. L'amendement remplace le texte et met l'article en conformité avec l'article 505 du Code pénal. Il est adopté à l'unanimité.
Le président de la commission de la Justice dépose à l'article 7bis un amendement fondé sur une observation du service d'évaluation de la législation concernant l'article 506 du Code pénal et, en particulier, les mots « les receleurs désignés dans l'article précédent ». Du fait de l'insertion d'un article 505bis, ces mots renvoient uniquement aux receleurs visés par ce nouvel article. Pour y remédier et pour faire également référence aux receleurs visés à l'article 505, notre collègue Vandenberghe dépose un amendement qui est aussi adopté à l'unanimité.
Enfin il est décidé d'apporter quelques corrections de texte. À l'article 2, dans le texte français, les mots « la tutelle aux prestations » sont remplacés par les mots « la tutelle sur les prestations ». À l'article 6, dans le texte français de l'article 433bis inséré, les mots « par la télévision » sont insérés entre le mot « radiophonie » et les mots « ou par quelque autre manière ».
L'ensemble du projet ainsi amendé est adopté à l'unanimité des neuf membres présents.
-La discussion générale est close.
(Pour le texte amendé par la commission de la Justice, voir document 3-1137/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme Marie-José Laloy (PS), rapporteuse. - En adoptant, le 13 avril 1995, une loi contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine, la Belgique renforçait la position qu'elle a traditionnellement adoptée en la matière, à savoir la volonté marquée de lutter pour promouvoir la coopération internationale dans la lutte contre la traite des êtres humains et assurer une meilleure protection des victimes.
C'est bien évidemment dans le même esprit de protection des plus démunis qu'a été adopté en commission de la Justice le projet soumis aujourd'hui à votre vote et qui vise à modifier diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains et contre les pratiques des marchands de sommeil.
Le texte transpose des instruments de droit international et de droit européen et se fonde sur trois lignes conductrices.
La première concerne la traite et le trafic d'êtres humains. La distinction entre la notion de traite et celle de trafic des êtres humains, imposée au niveau européen et international, est désormais traduite en droit belge.
L'incrimination de traite des êtres humains sera dorénavant possible, qu'elle soit transfrontière ou nationale. Autrement dit, l'incrimination de traite ne sera plus réservée aux seuls étrangers, elle visera également les Belges.
L'incrimination de traite s'appliquera à toute une série de formes d'exploitation, qu'elle soit sexuelle, comme la pornographie, la débauche et la prostitution, ou économique, comme l'exploitation par le travail, l'exploitation de la mendicité et le prélèvement d'organes.
Des circonstances aggravantes nouvelles ont été prévues et les sanctions adaptées pour être conformes aux textes internationaux. À cet égard, soulignons qu'en matière de traite et de trafic d'êtres humains, le fait que ces derniers soient mineurs constituera une circonstance aggravante.
La mendicité est la deuxième ligne conductrice. Ce sujet, qui a soulevé de nombreux débats, ne visait pas à « recriminaliser » la mendicité mais bien à punir l'exploitation de celle-ci. Ainsi, des sanctions pénales lourdes ont été prévues à l'encontre de ceux qui font habituellement mendier un mineur ou auront procuré un mineur de moins de 16 ans à un mendiant.
Troisième ligne conductrice : les marchands de sommeil. Le projet introduisait enfin dans le code pénal l'infraction d'abus de la vulnérabilité d'autrui en louant, vendant ou mettant à disposition un bien immobilier en vue d'un profit anormal.
Le but initialement poursuivi par cette disposition consistait à punir les « marchands de sommeil », lesquels abusent régulièrement de la situation précaire ou illégale d'étrangers pour les soumettre à des prix de location ou de mise à disposition anormalement élevés.
La protection offerte par cette disposition a été élargie à tous, étrangers et Belges, et le champ d'application de l'infraction a été étendu aux biens meubles. Il n'est pas rare en effet que des containers ou des caravanes soient mis à disposition par des « marchands de sommeil ».
Il s'agit là des points essentiels du projet. Je m'en réfère pour le reste à mon rapport écrit.
En ma qualité de sénatrice socialiste, je tiens à souligner l'importance du texte qui vous est soumis aujourd'hui.
Dans son programme de 2003, intitulé Le Progrès pour tous, le parti socialiste se proposait d'agir pour « lutter plus efficacement contre la prostitution des mineurs d'âge, la violence, le proxénétisme, l'exploitation économique, la traite des êtres humains, bref, toutes les situations constitutives d'entrave aux libertés individuelles et à l'exercice du libre arbitre ».
À cet égard, et même si elles ne sont pas encore parfaites, les dispositions du projet examiné rencontrent nos préoccupations et notre volonté sans cesse renouvelée de porter attention aux plus faibles d'entre nous : les mineurs, les défavorisés, les étrangers, les démunis.
« S'il existe un phénomène tel que le mal absolu, il consiste à traiter un autre être humain comme un objet » écrivait John Brunner.
Gageons dès lors qu'en soulignant avec force, par ce texte, notre volonté explicite de refuser de faire de l'homme un objet de commerce ou d'abus, nous progressons, pas à pas, vers une société plus humaine et certainement plus solidaire.
Mme Nathalie de T' Serclaes (MR). - Cette problématique a toujours été au coeur des préoccupations du Sénat. Je regrette d'ailleurs d'être la seule intervenante dans ce débat, alors que ce projet de loi est important.
Personnellement, je suis cette problématique depuis l'origine puisque j'ai été membre de la commission d'enquête parlementaire que la Chambre a consacrée voici plus de dix ans à ce phénomène de la traite des êtres humains.
Je tiens à souligner ce matin que la Belgique fut pionnière en cette matière, entre autres grâce aux femmes qui siégeaient au parlement à l'époque et qui ont pris à coeur ce problème révélé par le livre de Chris De Stoop, Ze zijn zo lief, meneer.
Depuis lors, beaucoup de chemin a été parcouru tant dans les pays européens que dans les pays où sévissait la traite. C'est la raison pour laquelle nous examinons aujourd'hui ce projet de loi qui vise à nous mettre en ordre par rapport à l'Europe et à l'évolution des concepts de traite et de trafic, de manière à clarifier notre législation et à être encore plus efficaces sur le terrain.
Le Sénat a toujours voulu continuer à travailler sur cette problématique. On s'est rendu compte que cette question avait fortement évolué et s'était même aggravée, malgré les législations mises sur pied. Il est important de poursuivre la lutte, d'affiner les concepts et de mettre en place sur le terrain les éléments nécessaires à la prise en compte des victimes.
Je regrette vivement l'absence de la ministre de la Justice aujourd'hui, mais je profite de la présence du ministre de l'Égalité des chances, M. Dupont, pour dire que le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a toujours joué un rôle important en cette matière. La loi de 1995 lui attribue d'ailleurs une compétence spécifique pour suivre cette problématique. Grâce à ses rapports annuels, il a toujours eu une action efficace et il doit pouvoir poursuivre dans cette voie. Il convient dès lors de lui attribuer les moyens nécessaires à cet effet.
Le deuxième élément relevant de votre compétence, monsieur le ministre, est tout ce qui concerne la prise en charge des victimes. Nous avons toujours veillé à améliorer notre législation sur ce plan mais, tant au Sénat que dans d'autres assemblées, nous avons fréquemment dû intervenir en faveur du financement des centres de prise en charge afin qu'ils disposent des moyens nécessaires pour accomplir leur mission.
Comme vous le savez, c'est par le biais des victimes que l'on peut essayer de poursuivre les réseaux. Malheureusement, elles se trouvent souvent dans une situation telle qu'elles hésitent encore aujourd'hui à dénoncer les réseaux parce que leur protection n'est pas suffisamment assurée. Les différentes associations sur le terrain relayent constamment cette préoccupation.
C'était aussi l'occasion de le redire.
Le texte à l'examen aujourd'hui clarifie et élargit les notions de traite et de trafic, notamment par l'incrimination nouvelle des marchands de sommeil, ceux qui se livrent à une exploitation scandaleuse et qu'il faut pouvoir réprimer efficacement.
Nous devons bien entendu toujours veiller que ce type de législation n'ait pas pour effet d'empêcher les personnes les plus fragiles de trouver un logement. Il y a donc là un difficile équilibre à maintenir.
Le texte à l'examen devrait permettre de poursuivre ceux qui exploitent manifestement ces personnes fragilisées tout en permettant à celles-ci de trouver un logement décent.
Le troisième élément de ce projet de loi concerne la mendicité. Sous la législature précédente, dans le cadre du groupe de travail relatif aux droits de l'enfant, nous avons notamment dressé un rapport sur la problématique des mineurs non accompagnés. À partir de là, nous avions élaboré une proposition de loi relative à l'exploitation de la mendicité car nous nous étions rendu compte que des réseaux d'exploitation de la mendicité s'organisaient, impliquant notamment des enfants, qu'il s'agisse des mineurs non accompagnés ou d'autres enfants.
Sous la législature précédente, notre assemblée avait voté cette proposition de loi qui avait ensuite été envoyée à la Chambre et relevée de caducité ; la ministre l'a finalement « récupérée » dans son projet de loi. J'estime que nous aurions pu aller beaucoup plus vite mais je me réjouis que nous avancions.
Il n'entre dans les intentions de personne de vouloir criminaliser la mendicité ; il s'agit de s'attaquer à ceux qui exploitent la mendicité. Le texte est extrêmement clair à cet égard.
Il reste évidemment la délicate question des parents qui utilisent leurs enfants à des fins de mendicité. C'est la raison d'un amendement que j'ai déposé.
La commission n'a pas estimé devoir retenir cet amendement qui aurait permis d'agir contre des parents qui, manifestement, abuseraient de leurs enfants pour mendier. La ministre de la Justice était absente en commission et c'est pourquoi j'ai souhaité en reparler en séance plénière. Je regrette évidemment que la ministre ne soit toujours pas parmi nous aujourd'hui pour en discuter.
Depuis lors, un élément neuf est intervenu : la ministre a été sollicitée par un certain nombre de personnes dont le Comité pour l'union du peuple rom qui lui a adressé, le 27 mai dernier, un courrier lui demandant de réexaminer ce problème. Il plaide pour que notre législation prévoie un moyen de pression pour que ces parents n'utilisent pas leurs enfants à des fins de mendicité. Voici un paragraphe intéressant de ce courrier : « Cette absence de législation constitue un feu vert au développement de ces réseaux familiaux ou mafieux qui se servent de notre jeunesse comme d'un outil de travail pour l'exploiter non seulement dans la mendicité sous toutes ses formes, mais simultanément dans un nombre croissant d'activités criminelles en dépit de ses droits fondamentaux et de sa dignité humaine : vols, prostitution, vente d'enfants, mariages forcés, ... ».
Le message mérite en tous cas d'être entendu et il convient de réfléchir au problème.
En déposant cet amendement, je n'entends pas criminaliser systématiquement les parents qui utilisent leurs enfants en les envoyant mendier.
En France, une disposition de ce type n'a pas donné de résultats extrêmement probants. Mais il faut travailler simultanément sur deux volets.
Le premier est le volet social. Il ne s'agit pas de vouloir mettre ces parents en prison : cela n'a aucun sens et ne résoudra pas le problème. Les enfants ne doivent pas se trouver en rue avec leurs parents mais à l'école ou être pris en charge par des institutions. C'est le rôle de la Communauté française qui fait certains efforts, encore insuffisants.
Le second volet est d'ordre judiciaire. Il faut pouvoir inciter ces parents à ne plus utiliser leurs enfants en les obligeant à mendier. Dans la rue, on retrouve toujours les mêmes personnes avec leurs enfants. On a essayé de les persuader de trouver un autre type de travail et de faire en sorte que leurs enfants soient pris en charge.
À cet effet, il faut disposer d'un instrument permettant aux magistrats d'exercer une pression assortie d'une répression pénale éventuelle. Sans le judiciaire, le social est inopérant.
C'est exactement la même philosophie que la ministre de la Justice défend dans son projet de loi sur la protection de la jeunesse, déposé à la Chambre. Elle veut responsabiliser les parents et elle a raison de le faire.
C'est ce que je voudrais aussi essayer de faire au moyen de cet amendement. C'est la raison pour laquelle je l'ai déposé en séance plénière afin que nous puissions en discuter.
M. Jurgen Ceder (VL. BELANG). - Je m'exprime au nom de Mme Van dermeersch qui ne peut être présente aujourd'hui.
Le projet de loi qui nous est soumis modifie la législation relative à la traite et au trafic des êtres humains, afin de mettre le droit belge en conformité avec le droit européen. Nous nous réjouissons bien entendu que la pénalisation de la traite des êtres humains ne soit plus limitée à l'abus d'étrangers. Cette pénalisation aura désormais également trait à certaines formes d'exploitation tant sexuelle qu'économique. De nouvelles circonstances aggravantes telles que la mise en danger la vie de la victime ou l'implication d'une organisation criminelle sont en outre prévues. Nous nous en réjouissons, ainsi que du fait que les circonstances aggravantes et les peines qui valent pour la traite des êtres humains s'appliqueront également au trafic d'êtres humaines.
L'augmentation de la peine de prison pour rendre possible l'extradition dans le cadre du mandat d'arrêt européen est également une bonne chose. Les criminels ne s'embarrassent en effet absolument pas de frontières, bien au contraire. La plupart du temps ils opèrent dans différents pays pour échapper aux poursuites.
En deuxième lieu, le présent projet alourdit les peines pour les personnes se rendant coupables de trafic et de traite de mineurs non accompagnés. Dans ce cas également, la portée des circonstances aggravantes est étendue à tous les mineurs, qu'ils soient ou non étrangers.
Nous sommes d'accord avec les objectifs du présent projet. Ils ne peuvent cependant pas être atteints si ces mesures ne s'insèrent pas dans une politique générale qui vise à endiguer le flux d'illégaux étrangers vers la Belgique. Ce n'est nullement le cas avec la politique menée par le gouvernement actuel. Elle est même pour une grande part responsable de la situation des personnes que le projet de loi entend protéger. Elle naturalise en effet massivement des étrangers sans se soucier de leur véritable intégration, rendant ainsi précaire l'existence de certains d'entre eux.
Le même raisonnement vaut pour la pénalisation de la mendicité. Cette législation n'a clairement pas pour but de rendre le délit de mendicité à nouveau punissable mais bien, à l'image de la prostitution, de punir quiconque exploite autrui en le forçant à mendier. Le gouvernement autorise la mendicité mais veut punir les délits qui en découlent. C'est quelque peu contradictoire. N'est-il pas plus logique de punir la mendicité sous toutes ses formes, comme auparavant ? Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d'urgence pour une société plus solidaire, le vagabondage et la mendicité ne sont plus punissables. Nous le regrettons. Mme Van dermeersch prépare pour l'instant une proposition de loi visant à insérer à nouveau le vagabondage et la mendicité dans le Code pénal. Ces pratiques ne profitent en effet à personne : ni au citoyen qui les subit d'un mauvais oeil, ni le vagabond ou le mendiant dont la société doit s'occuper parce qu'elle est obligée de défendre les personnes les plus défavorisées du point de vue socio-économique.
En troisième lieu, cette modification de la législation intègre dans le Code pénal l'abus de la vulnérabilité d'autrui en lui louant ou en lui vendant un bien immobilier ou en le mettant à sa disposition en vue d'un profit anormal. Cet abus est désormais considéré comme un délit autonome et plus comme une forme particulière de traite des êtres humains. Tant les Belges que les étrangers bénéficient désormais de cette protection étendue. Il n'est pas très normal que les Belges soient les derniers à être protégés contre les marchands de sommeil mais mieux vaut tard que jamais.
Malheureusement on abuse aussi fréquemment de la vulnérabilité des Belges en situation précaire.
Les marchands de sommeil commettent un délit des plus graves parce que ce sont les personnes socialement défavorisées de notre société qui sont visées. Entre-temps ces marchands auront déjà trouvé de nouvelles méthodes pour contourner la législation.
En d'autres termes, le législateur a à nouveau un temps de retard sur la pratique. Les marchands de sommeil abritent actuellement à grande échelle leurs activités dans de petites sociétés qui changent constamment de nom et de siège. Ils divisent en outre leurs immeubles en habitations de plus en plus petites afin de pouvoir en tirer encore plus de profit. Dans la pratique, les services compétents établissent un nombre croissant de procès verbaux mais très peu débouchent sur des condamnations. Le gigantesque procès d'il y a quelques mois à Gand fut le seul signal positif dans les médias.
Nous aurions aimé que le gouvernement nous indique le nombre de procès verbaux qui ont été dressés ces derniers mois contre des marchands de sommeil et le nombre de personnes soupçonnées de ce délit qui ont dû comparaître devant un tribunal. Faire des lois est une chose, les appliquer dans la réalité quotidienne en est une autre. Parfois le Sénat perd cela de vue.
M. Wim Verreycken (VL. BELANG). - Cette semaine, nous avons pu voir à la télévision quelques images choquantes. Une habitation en parfait état dont le propriétaire avait abattu deux murs intérieurs est menacée de démolition. Le mobilier a déjà été saisi suite à la décision de l'un ou l'autre fonctionnaire inhumain.
D'un autre côté des propriétaires d'habitations totalement inhabitables parviennent par toute sorte de constructions juridiques à préserver de la démolition leur propriété où ni les canalisations d'eau, ni l'installation de gaz ou d'électricité ne sont en état.
Ne serait-il pas possible d'appliquer la procédure hautement inhumaine de la démolition obligatoire aux taudis et non aux villas en parfait état ? Les marchands de sommeil ont beau élaborer toutes les combines juridiques qu'ils veulent, une habitation démolie ne peut plus être exploitée.
Je suis bien conscient qu'il s'agit de deux législations distinctes mais le citoyen n'en a rien à faire. Sur son écran de télévision, il voit des images de bulldozers qui démolissent des villas et de taudis qui restent debout. Il se demande alors à quel rêve ou à quelle idiotie les autorités souhaitent ainsi donner corps et suppose que les marchands de sommeil ont le bras politique long.
À mon sens les taudis doivent être abattus au profit des victimes des marchands de sommeil mais aussi de l'image de la politique. Les politiciens peuvent ainsi montrer qu'ils ne font pas deux poids deux mesures mais font abattre ce qui doit être abattu.
La loi relative aux démolitions ne peut-elle pas être appliquée de manière humaine pour les taudis et suspendue pour les démolitions inhumaines ?
M. Luc Willems (VLD). - Nous accueillons favorablement ce projet de loi puisqu'il s'attaque à un problème sociétal aigu. Bien entendu une législation parfaite n'a de sens que si elle peut être mise en oeuvre et maintenue.
Dans la législation actuelle, les pratiques des marchands de sommeil n'étaient pas considérées comme des délits. Les victimes étaient surtout étrangères mais les victimes belges sont de plus en plus nombreuses.
Nous espérons que ce texte fournira une base légale plus solide à l'action de la justice contre ce type de criminalité.
Les peines, particulièrement sévères, peuvent atteindre 100.000 euros par victime. Nous devons cependant éviter d'infliger des amendes élevées ou des peines de prisons sévères qui en pratique, ne seront quand même pas appliquées ou que le juge pourra, par exemple transformer en peines conditionnelles à la suite de circonstances atténuantes. Ces peines ne peuvent devenir symboliques sinon, ce sera un coup d'épée dans l'eau.
La formulation de l'article 16 du projet de loi, relatif à l'article 433decies du code pénal nous pose problème. L'insertion, dans le code pénal, du concept de « position particulièrement vulnérable » est une bonne chose mais ce concept pourrait être mieux défini. Pour éviter les abus, la justice doit vérifier si les victimes se trouvent réellement dans une position particulièrement vulnérable. La notion de « profit anormal » est plus délicate. Il ne peut y avoir de distorsion entre le logement offert et les recettes. Qu'est-ce cependant qu'un profit anormal ou normal ? Un loyer mensuel de 400 euros pour une mansarde est-il ou non anormal ? On ne peut pas profiter, au niveau de la location de tous les jours, de cette loi spécifique contre les marchands de sommeil pour d'autres situations, comme cela arrive pourtant. Il ne faudrait pas que le moindre conflit de location aboutisse à une plainte au pénal à l'encontre du propriétaire parce qu'il tirerait un profit anormal de la location. La justice doit faire une nette distinction entre le profit anormal et la position particulièrement vulnérable dans laquelle se trouve la victime dont on profite.
Nous espérons que la Justice utilisera cette modification de la législation pour intensifier la lutte contre les marchands de sommeil.
M. Staf Nimmegeers (SP.A-SPIRIT). - Notre groupe soutient ce projet de loi avant tout parce qu'il se fonde sur une vision exacte de la réalité.
Je me demande si les pouvoirs publics accordent assez d'attention à la mendicité des mineurs, une plaie à laquelle Bruxelles est confrontée quotidiennement. Le centre de Bruxelles est envahi par les mendiants. Certains, l'air macabre, exhibent sans vergogne leurs handicaps physiques. Des enfants sont parfois forcés de mendier sous la surveillance de leurs parents afin d'inspirer de la compassion aux passants ; les femmes donnent ouvertement le sein à leur bébé. Ceci n'a rien à voir avec de la pudibonderie mais tout à voir avec le respect de la femme.
La justice doit créer un cadre pour la mendicité. Les directives ne sont pas suffisantes. Les services de police de peuvent se contrecarrer et il faut une politique globale liant l'action de la police aux infrastructures médicales, à l'enseignement et à la politique urbanistique.
Voici quelque temps, je me suis rendu à Anvers avec quelques représentants de l'administration communale pour examiner l'impact des mesures de découragement de la prostitution. Une série de mesures politiques à Anvers concernent l'urbanisation, la création de centres médicaux et l'implantation d'antennes de police. Ce cadre est indispensable à la réussite des mesures judiciaires.
Le problème en discussion aujourd'hui n'est pas exclusivement un problème d'étrangers et certainement pas de tous les étrangers. Il s'agit principalement de gitans et de ressortissants de pays d'Europe Centrale mais également de Belges, allochtones et autochtones. Dans ce dernier groupe on trouve souvent des toxicomanes, parfois dangereux parce qu'ils n'hésitent pas à recourir à la violence pour avoir de l'argent.
Il ne faut pas interdire la mendicité, ce serait trop inhumain, mais il faut punir les mendiants animés d'intentions criminelles. Certaines organisations en abusent parfois.
L'hypocrisie qui entoure les marchands de sommeil me répugne. D'une part il existe une aversion à l'encontre des pauvres, tant Belges qu'étrangers, mais d'autre part on ne trouve pas problématique que les pauvres soient les victimes des marchands de sommeil. À Gand on a déjà arrêté des propriétaires d'origine étrangère. L'exploitation ne fait apparemment pas de distinction entre les nationalités.
Le Sénat n'est pas capable de faire disparaître l'hypocrisie mais il peut faire des lois pour contrer le phénomène.
Je regrette que personne n'ait fait référence aux pratiques scandaleuses du secteur de la construction, où des sans-papiers sont traités comme des bêtes. Dernièrement un travailleur clandestin victime d'un accident sur un chantier a été abandonné dans une voie sans issue.
Il nous faut réfléchir en tant que législateur à ce genre de problème. Les actions récentes à Anvers et Gand sont louables, même si elles ne sont qu'un signal et ne résolvent pas le problème. Dans certaines sphères politiques, on dit souvent que de telles actions permettent de nettoyer le terrain mais ce n'est pas vrai, le problème ne fait que se déplacer. J'espère que ce projet de loi sera un incitant et qu'en dépit de ses imperfections il montrera au politique qu'il doit s'attaquer au fond du problème. Faute de quoi nous nous heurterons à des difficultés imcalculables.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - À la page 2 du rapport, nous lisons que ce projet porte exécution de la décision-cadre du 19 juillet 2002, la directive du 28 novembre 2002 et la décision-cadre du 28 novembre 2002 du Conseil de l'Union européenne. Au lendemain du non opposé à la Constitution européenne par la France et les Pays-Bas, je tiens à rappeler que les parlements nationaux sont de plus en plus confrontés à des décisions-cadres. Elles ont été introduites sur une base juridique incertaine après les attentats de 2001. Ces décisions-cadres traitent de matières de police ou de justice d'une manière qui ne permet plus aux parlements nationaux d'imprimer une empreinte nationale. La Cour constitutionnelle allemande et notre Cour d'arbitrage sont saisies de la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen. Le traité de Maastricht a instauré le principe de subsidiarité. Cela implique-t-il l'utilisation d'instruments de plus en plus nombreux rognant les ailes des parlements nationaux ? L'opinion publique, représentée encore avant tout par les parlements nationaux, a rappelé qu'il ne faut pas en faire trop. Les parlementaires nationaux ont bien plus de contacts avec leur opinion publique. Ils doivent pouvoir imposer une subsidiarité suffisante dans la réglementation européenne fondamentale.
Quant à ce projet, on parle surtout des problèmes juridiques et des problèmes politiques généraux mais je voudrais vous parler du bonheur national brut de la Belgique. Voici quinze ans, le parlement ne se voyait pas encore contraint d'adopter une loi contre la traite des êtres humains et les pratiques des marchands de sommeil, mais depuis lors l'évolution de la société lui impose d'intervenir de manière de plus en plus répressive. C'est déjà un signal en soi.
Adopter des lois de plus en plus répressives n'est finalement pas la solution. Celle-ci réside dans une politique intégrée. Si de telles pratiques ont pris une telle ampleur, c'est surtout en raison du mercantilisme croissant. Dans notre société, l'homme est de plus en plus considéré comme une marchandise pouvant être vendue ou achetée en toutes circonstances, ce qui nuit inconsciemment à la considération qu'on a pour la personne humaine quelle qu'elle soit. Ces pratiques qui touchent différents domaines de la vie humaine créent une accoutumance que le groupe CD&V juge totalement inacceptable.
Les mesures à prendre doivent s'inscrire dans le cadre d'une politique intégrée dont la majorité violette est totalement dépourvue. Sa vision de l'homme et de la société n'est en effet pas conforme aux options politiques qu'elle estime devoir prendre. Cette politique conduira à une impasse qui amènera un jour l'opinion publique à sanctionner la majorité violette.
Une société ne peut vivre sans un ordre naturel, sans un minimum de moralité spontanée. Prôner une vision de la société qui se fonde uniquement sur l'individu pour fixer les limites sociales conduit à une impasse qu'il faudra payer cher. Les dépenses consenties pour la réforme des polices et les efforts requis chaque année dans le domaine de la justice le prouvent déjà.
Le seul fait que la Belgique, État membre d'une Europe qui adhère certainement à la déclaration des droits de l'homme, doive aujourd'hui se pencher sur ce projet, est un signe à prendre au sérieux.
La traite des êtres humains joue un rôle important dans la criminalité organisée et l'organisation de la prostitution. Il faut combattre ces excès.
Nous avons certes voté le texte en commission de la Justice mais je voudrais néanmoins faire quelques remarques à son propos et sur les déclarations de certains collègues.
Nous ne pouvons pas criminaliser la mendicité. Sous la pression de la Cour européenne des droits de l'homme, nous avons abrogé l'ancienne législation relative à la mendicité et au vagabondage qui était contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Nous soutenons bien sûr la répression de l'exploitation de la mendicité.
Quant à l'article 8, je renvoie à l'amendement déposé par mes collègues de Bethune et Thijs et insérant un article 433quater nouveau dans le Code pénal.
Une condition que nous trouvons excessive est ajoutée dans cet article : « 2º en abusant de la situation particulièrement vulnérable dans laquelle se trouve une personne en raison de sa situation administrative illégale ou précaire, de sa situation sociale précaire, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale, de manière telle que l'intéressé n'a en fait pas d'autre choix véritable et acceptable que de se soumettre à cet abus ; ... ». Cet ajout limite la portée du texte censé protéger une personne se trouvant dans une situation particulièrement vulnérable ou précaire. Il ne suffira plus de dire qu'on se trouvait dans une situation vulnérable ou précaire, il faudra aussi pouvoir dire qu'on n'avait d'autre choix que de se soumettre à cet abus. Cette limitation supplémentaire va trop loin. À nos yeux, le fait d'abuser de la situation vulnérable dans laquelle se trouve une personne doit être considéré comme un comportement délictueux.
Le CD&V a adopté le projet en commission. Le Sénat ne peut rester insensible à cette question. Il faudra encore continuer à la suivre de près après l'adoption de ce projet.
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Je voudrais remercier les sénateurs pour leur soutien, parfois critique, au projet. La Belgique a été pionnière en la matière. Certes, la législation que nous sommes en train de mettre en place n'est pas parfaite mais il est vrai que le monstre a plusieurs têtes et que nous devrons suivre le projet de près.
Nous avons besoin d'une politique globale en matière de lutte contre la traite et le trafic des êtres humains, et je pense que c'est l'avis de chacun. La justice ne pouvant néanmoins tout résoudre, nous avons besoin d'une politique intégrée au niveau européen - je m'adresse à M. Vandenberghe. Je ne veux pas lancer la discussion sur la directive mais je savais qu'elle viendrait à un moment donné.
En ce qui concerne l'amendement de Mme de T' Serclaes, si des enfants et leurs parents continuent à se retrouver dans la rue, même en l'absence d'autre solution pour ces enfants, ce problème peut déjà être pris en charge par les communautés et les conseils de l'Aide à la jeunesse, lesquels peuvent dénoncer la situation auprès du juge de la Jeunesse et ainsi faire agir au niveau social et non au niveau pénal. Je signale qu'un article est paru aujourd'hui dans le Journal du droit des jeunes qui plaide pour cette approche sociale. Le gouvernement maintient donc son point de vue.
-La discussion générale est close.
(Pour le texte amendé par la commission de la Justice, voir document 3-1138/5.)
Mme la présidente. - L'article 7 est ainsi libellé :
Il est inséré dans le Livre II, Titre VIII, Chapitre IIIbis du même Code, un article 433ter, rédigé comme suit :
« Article 433ter. - Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cinq cents euros à vingt-cinq mille euros :
1º quiconque aura embauché, entraîné, détourné ou retenu une personne en vue de la livrer à la mendicité, l'aura incitée à mendier ou à continuer de le faire, ou l'aura mise à disposition d'un mendiant afin qu'il s'en serve pour susciter la commisération publique ;
2º quiconque aura, de quelque manière que ce soit, exploité la mendicité d'autrui.
La tentative de commettre les infractions visées à l'alinéa 1er sera punie d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cent euros à deux mille euros. ».
À cet article, Mme de T' Serclaes propose l'amendement nº 13 (voir document 3-1138/6) ainsi libellé :
À l'article 433ter, 1º, proposé, remplacer le membre de phrase « ou l'aura mise à disposition d'un mendiant afin qu'il s'en serve pour exciter la commisération publique » par le membre de phrase « ou l'aura mise à disposition d'un mendiant ou s'en sera servie de quelque manière que ce soit pour exciter la commisération publique ».
L'article 8 est ainsi libellé :
Il est inséré dans le Livre II, Titre VIII, Chapitre IIIbis du même Code, un nouvel article 433quater, rédigé comme suit :
« Article 433quater. - L'infraction visée à l'article 433ter, alinéa 1er, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de cinq cents euros à cinquante mille euros lorsqu'elle aura été commise :
1º à l'égard d'un mineur ;
2º en abusant de la situation particulièrement vulnérable dans laquelle se trouve une personne en raison de sa situation administrative illégale ou précaire, de sa situation sociale précaire, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale, de manière telle que la personne n'a en fait pas d'autre choix véritable et acceptable que de se soumettre à cet abus ;
3º en faisant usage, de façon directe ou indirecte, de manoeuvres frauduleuses, de violence, de menaces ou d'une forme quelconque de contrainte. ».
À cet article, Mmes de Bethune, Thijs et M. Hugo Vandenberghe proposent l'amendement nº 10 (voir document 3-113/3) ainsi libellé :
Dans le nouvel article 433quater, 2º, proposé, supprimer les mots « de manière telle que la personne n'a en fait pas d'autre choix véritable et acceptable que de se soumettre à cet abus. »
-Le vote sur les amendements est réservé.
-Il sera procédé ultérieurement aux votes réservés ainsi qu'au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - Je vous propose de joindre la discussion de ces projets de loi. (Assentiment)
M. Luc Willems (VLD), rapporteur. - Les deux projets de loi à l'examen ont été déposés à la Chambre des représentants par le gouvernement. Le Sénat les a examinés au cours de sa réunion du 17 mai 2005.
Ces projets s'inscrivent dans le cadre du vaste projet Phénix, une grande réforme visant à informatiser l'ensemble des juridictions du pays de manière structurée, cohérente et homogène, afin de permettre à terme que la totalité de la procédure judiciaire puisse se dérouler de manière électronique.
Outre un volet technique important qui concerne le développement du logiciel et l'installation du matériel, deux groupes d'adaptations législatives étaient nécessaires.
Le premier, objet du présent débat, donne à la future base de données que sera Phénix son fondement légal en en définissant les finalités et les organes de contrôle. Le second groupe est actuellement en discussion à la Chambre et vise à adapter les lois de procédure à l'utilisation de l'informatique.
Pour la procédure civile on a choisi de travailler directement dans le Code judiciaire.
Quant à la procédure pénale, et compte tenu de la réforme Franchimont, le gouvernement a opté pour des dispositions légales autonomes. Celles-ci ne modifient pas le fond de la procédure et tendent à être les plus neutres possibles. Elles doivent plutôt se concevoir comme un mode d'emploi de l'électronique en procédure pénale.
Les articles 2 à 14 du premier projet déterminent les raisons pour lesquelles des données pourront être conservées et traitées par le pouvoir judiciaire. Ces finalités sont la communication interne et externe nécessaire au fonctionnement de la justice, l'instauration d'un rôle national, la constitution d'une banque de données de jurisprudence interne et externe, l'élaboration de statistiques, l'aide à la gestion et à l'administration des cours et tribunaux.
L'autre volet du projet concerne les structures de contrôle du système Phénix. Sur ce point, le gouvernement s'est inspiré des structures existantes d'autres grandes bases de données de l'État, par exemple la Banque-carrefour des entreprises, la Banque carrefour de la sécurité sociale et le registre national. On y retrouve aussi un comité de gestion, un comité de surveillance et un comité des utilisateurs.
En résumé, le comité de gestion sera chargé d'assurer, avec le soutien du SPF Justice, la gestion quotidienne de Phénix. Le comité de surveillance veillera aux aspects du système qui touchent à la vie privée et le comité des utilisateurs sera constitué de représentants de tous les utilisateurs de Phénix, tels que les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les magistrats et les greffiers. Ils pourront émettre des avis sur Phénix et formuler des propositions pour en améliorer le fonctionnement.
La banque de données étant au service du pouvoir judiciaire, il a fallu tenir compte du principe de la séparation des pouvoirs.
La composition de la banque de données et la répartition des tâches entre les comités diffère donc sur certains points des règles habituelles. Ainsi, le comité de gestion est composé paritairement de membres de l'ordre judiciaire et de personnes qui n'en font pas partie. Contrairement à l'usage, ce comité n'a pas de compétence décisionnelle quant à l'accès individuel d'une personne au contenu des dossiers. Les règles d'accès à ces dossiers figurent en effet déjà dans les différentes lois de procédure qui doivent être appliquées de la manière la plus neutre possible.
Le comité de surveillance est majoritairement constitué de magistrat.
Le projet de loi a été soumis pour avis à la Commission de la protection de la vie privée. Dans son avis très détaillé du 4 octobre 2004, cette commission avance deux souhaits spécifiques.
Tout d'abord elle voudrait une meilleure délimitation des objectifs de la banque de données tout en permettant au Roi, conformément à la loi sur la protection de la vie privée, de préciser les modalités pratiques de ces finalités, sous le contrôle de la Commission de la protection de la vie privée.
Le second point concerne le comité de surveillance, conçu initialement comme un organe totalement indépendant. La commission souhaite qu'il soit intégré en son sein et en devienne un comité sectoriel.
Le projet a été adapté pour tenir compte de ces recommandations.
Le gouvernement a sollicité l'urgence. Le ministre a indiqué qu'un certain nombre d'arrêtés d'exécution seraient nécessaires pour compléter le cadre normatif de la base de données. Ces arrêtés doivent être pris sur proposition du comité de gestion, après avis du comité de surveillance.
L'essentiel du débat en commission a porté sur le problème de la protection de la vie privée, l'accès au système, interne et externe, ainsi que l'utilisation de l'information comme précédent dans la jurisprudence.
Deux amendements ont été adoptés par la commission.
Mme Laloy a déposé les amendements 1 et 2 visant à supprimer, aux paragraphes 1 et 2, la référence à la future loi relative à la procédure électronique. L'auteur a explique que le projet de loi relatif à la procédure par voie électronique est actuellement en discussion à la Chambre. Elle propose dès lors de ne plus faire référence à cette future loi afin de ne pas retarder la mise en place des comités du système Phénix.
L'ensemble du projet de loi amendé a été adopté par 7 voix, deux membres s'étant abstenus.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Le gouvernement violet est surtout connu pour l'annonce de diverses mesures. On attend toutefois souvent les résultats. Le projet Phénix en est une belle illustration.
On en discute déjà depuis quatre ans. En 2001, le ministre de la Justice de l'époque a annoncé au Sénat que le projet serait lancé le 1er janvier 2002. Le 27 novembre 2004, le secrétaire d'État Vanvelthoven a cependant indiqué que le traitement des infractions au code de la route et des accidents serait totalement informatisé pour la fin de 2005 grâce au projet Phénix. On annonce aujourd'hui que le système informatique sera peut-être opérationnel avant la fin de 2007.
De nombreux problèmes pratiques ont surgi lors de la réalisation du projet. S'est d'abord posé un problème pour l'équipement des justices de paix. Au milieu de l'année passée, la ministre de la Justice a décidé de confier à une autre société l'informatisation des justices de paix. Ceci a eu pour conséquence qu'Unisys, chargé à l'origine de cette informatisation, a refusé de communiquer à la société concurrente l'expertise acquise, ce qui a à nouveau engendré du retard. Un accord aurait été conclu depuis.
Ensuite la société Dolmen a intenté un procès après que son adjudication ait été annulée.
S'est enfin posé un problème relatif au respect de la convention de 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Son article 6 interdit le stockage de certaines données. D'autres ne sont accessibles qu'à des catégories très spécifiques de personnes et ne peuvent être traitées.
En outre le résultat final n'est vraiment pas très clair. Pour la énième fois le gouvernement vient demander les pleins pouvoirs.
Il demande à nouveau les pleins pouvoirs au lieu de laisser au parlement le soin de vérifier si les droits et libertés fondamentaux sont respectés lors de l'accès à des informations juridiques ou à des dossiers pénaux.
L'innovation et l'inspiration du gouvernement se limitent à la phrase suivante, tirée de l'article 4 : « Le Roi détermine en outre, sur proposition du comité de gestion et après avis du comité de surveillance, les données reprises dans ce répertoire, les modalités de collecte de données, leur durée de conservation, les règles de pérennité des données ainsi que les modalités d'accès et d'authentification d'accès. »
Lorsque cette matière est réglée dans des traités internationaux, les chambres doivent tout au moins mentionner dans la loi la manière dont le système est organisé. Avec Phénix, les dossiers et les décisions faisant l'objet d'une communication tant interne qu'externe sont informatisés.
L'informatisation d'un dossier pénal offre bien entendu nombre d'avantages mais elle peut également engendrer des problèmes de protection de la vie privée. La question de savoir si selon la convention de Strasbourg toutes les données contenues dans le dossier pénal peuvent être stockées reste jusqu'à présent sans réponse.
Le dernier paragraphe de l'article 5 prévoit : « Conformément au Code judiciaire, au Code d'instruction criminelle et aux dispositions particulières, le Roi détermine, sur proposition du comité de gestion et après avis du comité de surveillance, les règles de pérennité des données, les règles d'accès et d'authentification d'accès aux dossiers judiciaires. » Aucune disposition relative à la conservation de ces données ne figure cependant dans le Code pénal et dans le Code d'instruction criminelle.
Le dernier paragraphe de l'article 9 est rédigé dans des termes semblables et contient le bout de phrase suivant : « Le Roi détermine, sur proposition du comité de gestion et après avis du comité de surveillance ».
En d'autres termes, c'est une loi de pleins pouvoirs qui donne au Roi toutes les compétences portant sur le projet Phénix. Le pouvoir exécutif a davantage de respect pour la Commission de la protection de la vie privée et tient davantage compte d'elle que des représentants élus du peuple.
Des décisions aussi fondamentales doivent être soumises au législateur. Nous ne pouvons faire dépendre le respect des droits et libertés fondamentaux d'une décision du pouvoir exécutif ou de comités particuliers. Ces derniers, si nombreux, paralysent le processus décisionnel démocratique.
Le gouvernement parle de la distance qui sépare les élites politiques de l'opinion publique, mais pour la réduire il doit commencer par tenir compte des assemblées parlementaires où les élus représentent le peuple. Mais il tente systématiquement de l'éviter.
Je conclus. L'informatisation de la Justice et du processus décisionnel la concernant, visée par le projet Phénix, doit être réalisée dans des conditions bien définies sur lesquelles nous pouvons exercer un contrôle démocratique. Il n'est pas possible de tout laisser au Roi, sans garantie que les droits et libertés fondamentaux sont respectés.
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Je rappelle à M. Vandenberghe qu'il a été établi, en commission, que la loi sur la protection de la vie privée avait été entièrement respectée et que son avis avait été sollicité sur le projet. Il en va de même en ce qui concerne la convention 108 et ses protocoles additionnels.
Nous partageons tous le même souci de respect de la vie privée. Ce fut d'ailleurs une des difficultés de ce dossier, hautement technique, qui a cependant pu être géré dans les meilleurs délais.
-La discussion générale est close.
(Pour le texte amendé par la commission de la Justice, voir document 3-1163/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
(Le texte adopté par la commission de la Justice est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 51-1646/4.)
-Les articles 1er et 2 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, répondra au nom de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.
Mme Sabine de Bethune (CD&V). - En juillet, la Slovénie accueillera la consultation régionale, pour l'Europe et l'Asie centrale, relative à l'étude des Nations unies sur la violence contre les enfants ainsi que la conférence Yokohama review for Europe and Central Asia - Combating sexual exploitation of children. Cette conférence est le suivi du deuxième congrès mondial sur l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales organisé du 17 au 20 décembre 2001 à Yokohama, au Japon.
Dans le plan d'action et la déclaration adoptés à Stockholm au premier congrès mondial, 122 pays se sont engagés à élaborer un plan d'action national pour l'an 2000. La Belgique a officiellement présenté son plan d'action à Yokohama. Il s'est borné à un témoignage assorti de vagues promesses.
La conférence de suivi du congrès de Yokohama, en juillet 2005, vérifiera dans quelle mesure les pays présents ont tenu les engagements pris à Yokohama. La Belgique devra donc présenter un rapport sur sa politique dans ce domaine.
Qui représentera la Belgique à la consultation régionale ?
De quelle manière la Belgique contribue-t-elle concrètement à la réalisation de cette étude ?
Qui représentera la Belgique à la conférence sur la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, chargée du suivi du deuxième congrès mondial de Yokohama ?
Comment la Belgique assurera-t-elle le suivi de cette conférence ? Quel est le contenu du rapport que la Belgique doit y présenter ? Quels en sont les points positifs et les points faibles ?
Quelles études sont-elles menées au niveau fédéral pour dresser le tableau de la violence contre les enfants et définir les mesures politiques à prendre ?
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Le département de l'Intérieur organise le 6 juin une réunion préparatoire de coordination sur la consultation régionale à laquelle participeront des représentants des autorités fédérales et régionales, du Centre pour l'égalité des chances, de Child Focus et d'Unicef Belgique. La représentation officielle de notre pays à la consultation régionale devra y être décidée.
Même si la méthodologie sera définie à la réunion du 6 juin, les services de Mme Onkelinx ne sont pas restés inactifs dans le domaine visé par la consultation. Le service de la Politique criminelle a participé activement aux travaux du Conseil de l'Europe, associé à l'événement. Le SPF Justice a contribué au programme Responses to violence in everyday life in a democratic society, lequel a donné lieu, lors de la conférence ministérielle organisée du 7 au 9 novembre 2004, à une résolution énonçant 12 principes en vue d'une politique intégrée de lutte contre la violence. La violence contre les enfants en a d'emblée été un thème prioritaire.
Quant au suivi du deuxième congrès mondial de Yokohama, Mme Onkelinx ne peut pour l'instant parler que de son département. Le service de la Politique criminelle sera certainement présent à cette conférence. Une réunion préparatoire interne est prévue vendredi.
Pour préparer au mieux cette conférence et anticiper les possibilités d'action, les départements de l'Intérieur et de la Justice participeront, les 1er et 2 juin, à une réunion de la présidence portugaise du Conseil de l'Europe sur le thème The protection of the rights of the child, in particular against trafficking and violence.
Une ligne de conduite sera précisée sur la base des possibilités qui en ressortiront et des indications du groupe de travail sur l'exploitation sexuelle des enfants, constitué au sein du Conseil de l'Europe et présidé par Child Focus. Cette ligne de conduite sera communiquée aux différents partenaires belges et sera débattue.
Le bilan de l'application du plan d'action national de Yokohama est en cours d'actualisation. Il servira de base aux décisions à prendre et à notre attitude future.
Diverses études ont été réalisées ces dernières années avec des fonds fédéraux. L'Université de Gand et le Service général d'appui policier ont ainsi réalisé une étude sur la collecte et la gestion, au niveau international, de données relatives aux enfants disparus et exploités sexuellement. L'Institut national de criminalistique et de criminologie et l'Université de Liège ont fait une étude sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière d'exploitation sexuelle dans les quinze pays de l'Union européenne. S'y ajoutent d'autres études encore, dont l'étude internationale Development of European quality standards and feasibility study of introducing European quality labels for employment organisations, marriage bureaux, travel, escort, au-pair, or adoption agencies and service or telecommunication providers, supported and partly monitored by the said organisations, aimed at preventing trafficking in human beings and sexual exploitation of children, menée conjointement au département de la Justice et à l'Université de Gand.
Mme la présidente. - M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, répondra au nom de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.
M. Jurgen Ceder (VL. BELANG). - Le 9 décembre 2004, un citoyen fut victime d'un délit à Anvers. En fait, il fut insulté et physiquement menacé sur la voie publique par une dizaine de punks. À la suite de cet événement, il a déposé plainte le jour même auprès de la police d'Anvers. Il a alors reçu une copie du procès-verbal du dépôt de la plainte.
Le 26 janvier 2005, l'avocat de cette personne a demandé au procureur du Roi d'Anvers de l'informer des suites qui avaient été données à cette plainte, en d'autres termes de lui indiquer si les auteurs seraient poursuivis ou si l'affaire serait classée sans suite. Cet avocat a en même temps demandé au procureur de lui permettre de consulter le dossier et d'en faire une copie.
Dans une réponse assez laconique, le procureur du Roi lui fit savoir que le fait indiqué avait été traité par la police dans un procès-verbal simplifié et que l'avocat devait s'adresser à son client puisque celui-ci avait reçu une copie lors de sa déposition.
Cette réponse est bien entendu insatisfaisante. Une demande de consultation et de copie d'un dossier pénal a été faite au nom d'un citoyen ayant subi un préjudice ; il ne s'agissait pas seulement d'une demande de copie du procès-verbal du dépôt de la plainte. Les suites données à la plainte n'étaient en outre pas indiquées.
Dans la note générale introductive du parquet d'Anvers envoyée par le procureur à l'avocat, on peut lire que par procès-verbal simplifié (PVS), on entend l'enregistrement par la police des principaux éléments de délits relativement peu graves ou dont l'auteur ne peut être identifié dans certains cas. La note précise également que les PVS sont gérés par les services de police et ne sont pas transmis au parquet. Le service de police qui dresse le PVS fournit au déclarant ayant subi un préjudice une copie du PVS avec mention explicite qu'il s'agit de la seule copie fournie à sa compagnie d'assurance ou à lui-même. Le parquet ne délivrera encore des copies que de dossiers traités par lui ; tous les faits qui sont enregistrés dans des PVS en sont exclus. Enfin, la note indique qu'il ne sert donc à rien de demander des copies de procès-verbaux relatifs à des faits qui sont traités dans des PVS ; le parquet de fournira pas de seconde copie.
Différentes conclusions peuvent être tirées de cette note. D'une part, la victime d'un délit n'est nullement autorisée à consulter et à copier l'intégralité d'un dossier pénal pour vérifier si des devoirs d'instructions ont été menés et, ou, si les bons devoirs d'instruction, par exemple l'interrogatoire des témoins cités par la victime, ont été effectués. De l'autre côté, la victime doit se contenter du procès-verbal de son propre dépôt de plainte.
Vu l'impossibilité d'obtenir une copie de l'intégralité du dossier, comme dans toute autre affaire pénale normale transmise au parquet, la victime ne dispose même pas d'un dossier lui permettant le cas échéant d'assigner directement devant le juge pénal ou civil. Par conséquent, la partie ayant subi un préjudice reste totalement démunie.
En outre les PVS sont gérés par les services de police et ne sont pas transmis au parquet. Les services de police ne mènent aucun devoir d'enquête et n'envoient aucun dossier au procureur du Roi, si bien qu'il est impossible que de telles plaintes débouchent sur la poursuite par le parquet du ou des auteurs. Seul un relevé mensuel des PVS est transmis au procureur du Roi.
Dans une étude empirique du traitement policier, les professeurs Yves Cartuyvels et Paul Ponsaers concluent que le recours plus fréquent aux PVS peut être considéré, en un certain sens, comme une compensation de l'augmentation de la charge de travail des services de police en conséquence du traitement policier autonome. Les auteurs de l'étude vont plus loin et osent affirmer que les négociations qui ont lieu dans certains parquets au sujet des PVS peuvent laisser supposer que la police exerce une influence indirecte dans la définition de l'action judiciaire et surtout dans la décision de l'éventuel suivi.
Certaines directives prévoient que les PVS ne peuvent normalement pas être introduits dans le système TPI. Ils ne peuvent donc pas faire partie des « tâches du parquet ». Si on veut quand même conserver les données dans ce système, on doit les enregistrer d'une manière reconnaissable. Elles sont évacuées des statistiques annuelles.
La ministre peut-elle m'indiquer exactement quelles infractions entrent en ligne de compte pour la rédaction de PVS et ceci par arrondissement judiciaire ? Les constatations des professeurs selon lesquelles la police exerce une influence indirecte dans la définition de l'action judiciaire sont-elles exactes ?
Dans quels parquets implémente-t-on quand même, de manière reconnaissable, les PVS dans le système TPI ?
Quelles sont les données reprises dans le relevé mensuel des PVS qui est transmis au procureur du Roi ?
La ministre envisage-t-elle de rédiger une directive commune précisant clairement les infractions qui peuvent ou ne peuvent pas faire l'objet d'un PVS ?
Combien de PVS a-t-on dressés au cours des dernières années et ceci par arrondissement judiciaire ? Combien d'entre eux furent-ils réclamés par le procureur du Roi, ont ainsi abouti dans le système TPI et ont donc reçu le caractère d'un procès-verbal ordinaire ?
La ministre n'estime-t-elle pas qu'un tel système de PVS lèse les droits de la victime ? N'est-il pas exact qu'après leur enregistrement ces plaintes sont classées sans suite par la police, sans aucune enquête subséquente ? Ne se paie-t-on pas la tête du citoyen qui est déjà la victime d'un délit ?
Certains délits ne sont donc plus poursuivis via le PVS mais d'autre part, dans certains arrondissements judiciaires, ils figurent bel et bien sur la liste des priorités de la police. À Anvers par exemple, les vols à la tire et les vols avec effraction dans les véhicules figureraient sur la liste des priorités de la police alors que le parquet n'y donne plus suite, ce qui est bien entendu contradictoire. La ministre approuve-t-elle cette contradiction ?
Dans la note générale du parquet d'Anvers sur les PVS, il est précisé que cette procédure a pour objectif d'enregistrer aussi efficacement que possible les faits pénaux pour lesquels les citoyens font une déposition et d'enquêter tout aussi efficacement sur ces faits. Peut-on encore parler d'une administration efficace de la justice et la ministre souscrit-elle à l'utilité qui est présentée de cette procédure alors que le système des PVS est également appliqué à nombre de délits dont l'auteur n'est pas resté inconnu, ainsi qu'à des délits pour lesquels d'identité de l'auteur peut être facilement découverte grâce aux informations fournies par la victime et les témoins ?
Cette pratique est-elle également courante dans d'autres parquets que celui d'Anvers ? Depuis quand est-elle usuelle et sur quelle base légale repose-t-elle ?
Est-il exact qu'aucun des délits déclarés pour lesquels un PVS a été dressé n'est repris dans les statistiques relatives à la délinquance et à la criminalité utilisées par le ministère ? Dans ce cas, ces statistiques donnent une image inexacte de la délinquance et de la criminalité en Belgique. Si cette affirmation n'est pas exacte, la ministre peut-elle expliquer comment ces délits et les plaintes qui s'ensuivent sont traitées dans les statistiques précitées si ces plaintes pénales n'arrivent même pas au parquet ?
La ministre estime-t-elle que le système des PVS est conciliable avec la nouvelle loi relative aux sanctions communales administratives ? La loi prévoit qu'en cas d'infraction du deuxième ou du troisième type - il s'agit d'infractions telles que les menaces, les coups et blessures volontaires, les vols et les actes de vandalisme -, un procès-verbal doit être établi. Certains procureurs décident s'il est ou non indiqué de laisser la commune s'occuper du traitement administratif du dossier. Dans quelle mesure ces infractions du deuxième et du troisième type se trouvent-elles dans les directives envoyées dans le cadre de l'application des PVS ? Concrètement, le vandalisme par exemple peut, selon l'article 545 du Code pénal, donner lieu à la rédaction d'un PVS et ne doit donc pas être transmis au parquet alors que - et c'est plutôt ironique - le procureur doit se prononcer sur ce même fait dans le cadre des sanctions administratives.
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - L'exemple de M. Ceder est le même que celui que M. Tastenhoye avait cité la semaine dernière dans une question analogue en commission de la justice de la Chambre.
Il ne raconte toutefois qu'une partie de l'histoire. Ainsi, il oublie de dire que c'est la « victime » qui avait porté des coups aux autres. Son exemple est donc mal choisi.
Le parquet d'Anvers, comme beaucoup d'autres, a demandé aux services de police que dans certains cas bien définis, les plaintes déposées fassent l'objet d'un procès-verbal simplifié. Ainsi les principales informations sur des infractions relativement pas si graves sont enregistrées sur support informatique. La police se borne à d'éventuels devoirs d'enquête sommaires et à des avis de recherche.
Ces parquets utilisent le procès-verbal simplifié pour des raisons d'efficacité.
La charge de travail dans les parquets et services de police et la nécessité de décider le plus vite possible des suites judiciaires à donner à un délit ont amené l'introduction progressive de nouvelles méthodes de gestion, parmi lesquelles le procès-verbal simplifié.
Cela permet de limiter considérablement l'afflux de pièces inutiles au parquet et donc de gagner du temps au profit d'activités plus pertinentes.
Les parquets étant très nombreux à utiliser cette méthode, le Collège des procureurs généraux enverra prochainement une circulaire imposant des règles uniformes. Tous les parquets appliqueront alors la même méthode pour les mêmes infractions et l'imposeront aux services de police. Le choix des infractions étant politique, il incombe à la ministre de la Justice et au Collège des procureurs et non aux services de police.
La liste des infractions pouvant normalement relever de ce régime est actuellement réexaminée en tenant compte de certaines priorités de la politique pénale du gouvernement et des modifications que l'entrée en vigueur de la législation sur les sanctions administratives communales a rendues nécessaires. Il est donc impossible pour l'instant de vous donner un aperçu détaillé par arrondissement puisque la liste peut différer d'un arrondissement ou ressort à l'autre.
Bien qu'une liste uniforme d'infractions pénales figure dans la circulaire en préparation, divers régimes sont prévus, ce qui permet l'établissement d'un procès-verbal ordinaire dans certaines circonstances propres à l'affaire ou à la politique pénale locale et inversement.
L'établissement d'un procès-verbal simplifié par les services de police est une procédure qui jusqu'à présent est régie au niveau des ressorts ou des arrondissements. Des directives ne sont édictées au niveau du ressort ou de l'arrondissement que pour les juridictions d'Anvers, de Bruxelles et de Gand. Il n'existe aucune directive pour les juridictions de Liège et de Mons. Cette pratique y a également été acquise partiellement même si une autre définition y est utilisée. Les procès-verbaux simplifiés ont bel et bien été transmis au parquet par la police et intégrés dans le système TPI. On n'observe une pratique limitée de procès-verbaux simplifiés sur listing qu'à Namur. Selon les derniers chiffres disponibles, le nombre de procès-verbaux simplifiés transmis sur listing au parquet était de 117.170 pour le ressort d'Anvers, de 22.978 pour le ressort de Bruxelles, de 11.887 pour le ressort de Gand et de 2.400 pour le ressort de Liège.
Aucun chiffre n'est disponible quant au nombre de procès-verbaux simplifiés transformés par la suite en procès-verbaux ordinaires et intégrés dans le système TPI. Les listings contenant les procès-verbaux transmis au parquet contiendront toutes les données permettant au magistrat de placer l'infraction dans le cadre adéquat et de rédiger éventuellement un procès-verbal ordinaire. Ces données portent sur l'identité du plaignant, le numéro de notice, le lieu, la date, une brève description et qualification des faits.
Les droits de la victime ne sont absolument pas mis en péril. Tous les renseignement utiles concernant les faits sont notés et conservés par le service de police ayant procédé au constat. En outre on fournit aux victimes les attestations leur permettant de faire valoir leurs droits auprès des compagnies d'assurances. Si elles le souhaitent, le Centre d'aide aux victimes les contactera.
Il est également évident que la politique en matière de recherches et poursuites ne sera pas modifiée. Cela ne viendra certainement pas dans les mains des services de police étant donné qu'ils ne font qu'exécuter les directives du ministère public, lequel contribue à la définition des priorités pénales
On ne compte pas plus d'infractions classées sans suite dans le système des PVS que dans celui des PV ordinaires. Il s'agit seulement d'une méthode d'enregistrement. Les infractions qui figureront sur la liste n'étaient pas poursuivies non plus dans le passé.
Le nouveau système fait gagner beaucoup de temps, temps qui peut alors être consacré à des faits pénaux graves.
Les faits figurant dans un PVS n'apparaissent pas dans les statistiques des parquets mais ils restent disponibles pour les statistiques de police. Un PVS est en effet aussi un PV. On aura donc toujours une image fiable de la réalité.
M. Jurgen Ceder (VL. BELANG). - J'avais posé une question sur les droits de la victime. Le ministre affirme que je retourne la situation, ce qui manque totalement de pertinence. Une personne a un jour déposé plainte pour coups et blessures et cette personne n'a toujours pas pu consulter son dossier.
(M. Staf Nimmegeers, premier vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)
M. le président. - M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, répondra au nom de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.
Mme Jacinta De Roeck (SP.A-SPIRIT). - Ces dernières années, le fossé entre la justice et le citoyen a fait l'objet de nombreuses études et initiatives. Il s'agit aussi bien de la collecte d'informations que du traitement de plaintes.
Il ressort du rapport annuel du Conseil supérieur de la Justice que ce problème est loin d'être résolu. L'homme de la rue ne connaît pas du tout le Conseil supérieur.
Pour y remédier, le Conseil supérieur a lancé à Gand un projet pilote baptisé Agora en vue de recueillir, au niveau local et de la manière la plus accessible, les plaintes à propos de la justice. Ce système qui existe depuis un an et demi n'a encore donné lieu à aucune conclusion officielle.
La ministre s'est déjà prononcée en faveur d'un bureau central de traitement des plaintes qui puisse centraliser et analyser toutes les données et distiller les recommandations scientifiques requises. Nous soutenons cette vision pourvu qu'il ne faille pas des années de concertation avant de concrétiser l'initiative.
Reste à savoir comment la ministre organisera tout cela au plan local. Les maisons de justice existantes sont organisées par arrondissement, elles sont proches de la population et ont déjà acquis une certaine notoriété.
On pourrait donc assez facilement y adjoindre un service indépendant de traitement des plaintes ou service de médiation.
L'information et le traitement des plaintes quant au fonctionnement de la justice pourraient donc être regroupés en un même lieu et être assurés de manière professionnelle.
La notion de plainte étant clairement définie, la ministre accepte-t-elle qu'un service central facilement accessible et doté d'un personnel pouvant intervenir indépendamment de la justice soit instauré dans chaque arrondissement ? Les actuelles maisons de justice entrent-elles en considération à cet égard ? Existe-t-il d'autres possibilités ?
Quand le projet pilote Agora arrive-t-il à échéance ? Pour quelle date la ministre attend-elle le rapport final ?
Tout citoyen hésite à s'adresser à la justice, surtout s'il est pauvre, comme l'indique la note Les 10 ans du Rapport général sur la pauvreté. Les personnes pauvres éprouvent des difficultés financières à recueillir un avis qualifié, elles sont confrontées à un langage juridique compliqué et à des procédures peu transparentes et longues. Ces personnes n'ont que faire des quantités énormes d'informations juridiques, elles veulent la clarté. Elles ignorent en effet les conditions qui leur permettent de réagir, de même que les conséquences d'une absence de réaction ou d'une réaction tardive, indique le rapport d'une réunion du groupe de travail Justice avec des associations donnant la parole aux pauvres.
La ministre a-t-elle déjà envisagé de faire appel à des experts ayant l'expérience de la pauvreté ? Ces personnes sont souvent plus attentives aux difficultés pratiques des justiciables que les professionnels de l'assistance juridique et sont capables d'expliquer dans un langage clair le fonctionnement des tribunaux et de situer la plainte. La ministre envisage-t-elle d'associer ces personnes à l'élaboration de mesures améliorant l'accessibilité de la justice, surtout en ce qui concerne l'information et le traitement des plaintes ?
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Le projet pilote auquel se réfère Mme De Roeck, est en effet une initiative du Conseil supérieur de la Justice, soutenu par le Service public fédéral de la Politique scientifique et réalisé par une équipe de chercheurs de l'Université de Gand. Le projet a commencé en 2004 et devrait être terminé dans le courant de 2005. L'information n'est donc pas encore disponible et il est difficile d'adopter un point de vue précis.
À l'occasion de plusieurs interpellations au Parlement, Mme Onkelinx a déjà déclaré qu'elle était partisane de la création d'un bureau central de traitement des plaintes. Il en sera débattu sur la base des résultats de la recherche scientifique effectuée à l'Université de Gand.
La ministre n'est pas en faveur de l'implication des maisons de Justice dans ce processus de médiation parce que les missions des maisons de justice ont été fixées par un arrêté royal et sont déjà très étendues et variées. Elle vont du conseil de première ligne au suivi de personnes condamnées, en passant par des missions de médiation, de médiation pénale et d'accueil des victimes. Les maisons de justice ne sont pas à même d'assumer un rôle essentiel pour améliorer l'accessibilité de la justice.
La recherche scientifique a été mise en oeuvre à l'initiative du Conseil supérieur de la Justice. Le rapport final sera transmis à ce dernier, ce qui devrait se produire dans le courant de 2005.
Il est exact que certaines catégories de personnes sont particulièrement défavorisées, dans tous les sens du mot, et qu'elles ont effectivement de grandes difficultés à obtenir un accès à la Justice
L'une des difficultés principales concerne l'information sur les droits des personnes individuelles et sur les procédures judiciaires et administratives existantes. L'accent doit être mis sur l'information de sorte que les personnes les plus défavorisées parviennent plus aisément à entrer en contact avec les bons acteurs qui leur donneront la possibilité de faire valoir leurs droits.
Le traitement des plaintes ne s'écarte pas de ces principes généraux. Les citoyens doivent savoir qu'il y a des procédures pour examiner les plaintes. Je souligne à ce propos que, dans le cadre de l'aide juridique de première ligne, les acteurs qui fournissent cette information durant les consultations juridiques organisées dans chaque arrondissement judiciaire par la Commission d'Aide juridique, sont des personnes qui travaillent sur le terrain et sont donc proches des réalités de celui-ci. Ces personnes appartiennent aux maisons de justice, à différentes associations, aux organisations syndicales et aux barreaux. Une information de qualité est donnée aux personnes lorsqu'elles s'adressent à ces acteurs. En vertu de l'article 508 du code judiciaire, les commissions d'aide juridique doivent veiller à la diffusion de l'information sur les conditions d'accès à l'aide juridique, particulièrement auprès des groupes sociaux les plus vulnérables.
Cette information est faite là où se donne l'aide juridique, principalement dans les maisons de justice, les palais de justice, les greffes et les parquets, auprès des huissiers de justice, dans les administrations communales et les CPAS. Il est évidemment toujours possible d'améliorer la diffusion de l'information.
Mme Jacinta De Roeck (SP.A-SPIRIT). - La ministre dit que les associations sont impliquées dans cette problématique. Je suppose qu'il s'agit donc aussi des associations dans lesquels les pauvres ont la parole. Il a aussi été fait référence aux CPAS. En ce qui concerne l'aide juridique, il y a de bons projets pilotes dans lesquels plusieurs CPAS se regroupent pour engager un juriste chargé d'informer les pauvres. Il faut établir un lien avec ces ensembles de CPAS et avec les maisons de justice. J'espère que les ministres Dupont et Onkelinx inventorieront, à la suite des rapports préparés entre autres par la Fondation Roi Baudouin pour les groupes de travail sur la justice, tous ces problèmes et examineront les initiatives qu'ils pourront prendre en commun.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - C'est presque chaque jour que nous lisons dans la presse qu'un automobiliste après avoir causé un accident commet un délit de fuite.
Les auteurs de ces délits sont souvent des personnes dans la trentaine qui ont déjà encouru des condamnations mais qui, du fait du manque de places dans les prisons, n'ont jamais été mis derrière les barreaux.
Récemment, on a pu trouver dans les médias l'histoire d'un conducteur qui a commis, s'il vous plaît, quarante-cinq infractions au code de la route et a déjà par huit fois été condamné à une interdiction de conduire à vie.
Ceci montre qu'il y a un gros défaut dans la manière dont s'appliquent les peines que prononcent les juges de police, à leur grande irritation.
Le ministre de la Mobilité dit que la responsabilité de l'exécution des peines appartient aux procureurs généraux. Le ministre n'estime-t-il pas souhaitable d'avoir très rapidement une concertation avec les procureurs généraux sur cette question ?
Quelles mesures le ministre proposera-t-il pour une meilleure exécution des peines prononcées par les juges de police ? Quelles mesures le ministre prendra-t-il vis-à-vis du phénomène des délits de fuite ?
M. Renaat Landuyt, ministre de la Mobilité. - J'ai convenu avec la ministre de la Justice que nous aurions une concertation avec les procureurs généraux à propos de la circulation routière. Lorsque nous aurons rendu le code de la route plus logique, il faudra aussi rendre son application logique. Quant à dire maintenant quelles mesures nous allons prendre, ce serait anticiper sur la discussion avec les procureurs généraux. Notre attention se porte sur deux éléments. D'une part, la politique de poursuite doit être uniformisée. La hiérarchie des infractions qui est déterminée dans la loi doit en pratique conduire aussi à une hiérarchie des poursuites, de sorte que nous puissions accorder plus d'attention à la criminalité routière proprement dite. D'autre part, la Justice se concertera avec d'autres départements à propos de l'exécution des peines.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Dans la réponse du ministre, je n'ai pas trouvé beaucoup d'éléments concrets qui pourraient me donner une idée précise de la manière dont la situation pourra être sous contrôle dans l'avenir. J'attire plus particulièrement l'attention sur la politique gouvernementale qui consiste à ne faire exécuter que les grosses peines de prison. Étant donné la faible ampleur des condamnations de police, les peines de prisons de substitution ne sont jamais exécutées. C'est un problème. D'une part, il y a trop de personnes en prison, surtout en détention préventive, et les peines de prisons qui ne dépassent pas une certaine ampleur ne sont pas exécutées. D'autre part, les condamnations de police n'atteignent pas l'ampleur suffisante pour être exécutées. Il y a donc un problème de justice, avec comme conséquence que le nombre de délits de fuite croît, que ceux qui les commettent ne sont pas retrouvés et qu'il circule de plus en plus de conducteurs non assurés.
M. le président. - M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, répondra au nom de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.
M. Christian Brotcorne (CDH). - Les articles 1409 à 1412bis du Code judiciaire excluent, partiellement ou totalement, certains revenus du champ de l'exécution forcée. Il s'agit, notamment, des revenus perçus en exécution d'un contrat de travail, de revenus de remplacement, de certaines pensions alimentaires et des prestations sociales telles que les allocations familiales ou les allocations au profit des handicapés.
La protection offerte par le Code judiciaire est efficace lorsqu'on tente de saisir des revenus auprès de l'employeur ou du débiteur, mais elle disparaît dès que les montants en cause sont versés sur un compte bancaire. En effet, par l'effet de la novation, la rémunération du travailleur ou le revenu de remplacement changent alors de nature et peuvent être saisis. Par ailleurs, une fois versées sur un compte, les sommes protégées ne sont plus déterminables, car elles se confondent avec les revenus non protégés.
Ainsi, un créancier ne peut saisir qu'une partie du salaire de son débiteur en cas de versement de la main à la main par l'employeur, mais il peut saisir l'entièreté du montant s'il attend que la rémunération soit versée sur le compte bancaire du débiteur.
Afin de remédier à cette situation, la loi du 14 juin 2004 a étendu les règles d'insaisissabilité et d'incessibilité des sommes protégées par le Code judiciaire lorsque ces sommes sont versées sur un compte bancaire.
En vertu de l'article 5 de la loi du 14 juin 2004, l'entrée en vigueur de celle-ci est prévue à une date fixée par le Roi et, au plus tard, le premier jour du douzième mois suivant le mois au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.
Je souhaiterais savoir si une date a déjà été fixée par le Roi. Si oui, laquelle ? Si non, quels sont les obstacles à la fixation de cette date ? Nous voudrions en effet donner une efficacité réelle à cette législation et protéger les débiteurs en cas de dépôt bancaire.
Les difficultés sont-elles d'ordre technique ? Ont-elle un rapport avec les problèmes inhérents à la mise en oeuvre d'un système informatique performant et accepté par les systèmes informatiques des acteurs concernés, donc notamment du monde bancaire ?
Bref, où en est-on ?
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Aucune date d'entrée en vigueur n'a encore été fixée par le Roi.
En effet, si sur le plan informatique, un type de code a pu être établi en concertation avec l'Association belge des banques, la loi pose de nombreux problèmes d'application pratique.
Lors de l'élaboration de l'avant-projet d'arrêté royal et après consultation de plusieurs institutions et acteurs concernés, divers problèmes d'ordre technique et juridique sont apparus, à tel point qu'il est actuellement impossible de donner à la loi une exécution efficace.
Elle générerait au contraire une réelle insécurité juridique, outre le fait qu'elle priverait, dans certaines hypothèses, les bénéficiaires de la loi de la protection qu'elle a pour but de leur octroyer.
Or, il est essentiel de s'assurer que les mesures techniques, qui seront traduites dans un arrêté d'exécution, pourront être appliquées sans difficultés par les personnes concrètement visées par celles-ci. Ce sont en effet elles qui, en définitive, garantiront le succès et l'effectivité de la loi et, partant, une protection maximale des bénéficiaires des revenus protégés.
Il s'agit, notamment, des secrétariats sociaux, des syndicats, d'institutions de sécurité sociale, d'administrations, qu'elles soient fédérales, communautaires ou régionales, mais aussi provinciales ou communales. De nombreux employeurs devront également appliquer eux-mêmes cette réglementation, sans l'intervention d'un secrétariat social.
Il est par ailleurs nécessaire de laisser aux personnes concernées le temps d'adapter leurs modes de fonctionnement, et en particulier leurs programmes informatiques, pour leur permettre de faire face à la réforme.
Dès lors, il est prévu de postposer l'entrée en vigueur de la loi, par le biais d'une loi portant des dispositions diverses urgentes qui sera soumise au parlement dans les prochains jours.
Afin d'assurer la sécurité juridique, il est prévu de faire entrer en vigueur la modification en projet à la date du 1er juillet 2005, date à laquelle la loi entrerait en vigueur, conformément à son article 5 dans sa rédaction actuelle.
Dans l'intervalle, afin de permettre de trouver une solution à ces problèmes, qui ne remettent pas en cause les principes fondamentaux contenus dans la loi, le Conseil national du travail sera consulté. De par sa composition, il semble en effet l'organe le mieux à même de proposer des solutions aux difficultés techniques actuelles.
Sur la base des réponses que fournira le Conseil national du travail, la loi sera éventuellement adaptée ; les mesures d'exécution pourront alors être prises afin de concrétiser pleinement la volonté du législateur.
M. Christian Brotcorne (CDH). - Cette réponse est étonnante, voire inquiétante. Voilà donc un texte législatif, voté par le parlement il y a pratiquement un an, et à propos duquel on nous dit que la mise en oeuvre est techniquement impossible, malgré l'objectif social évident.
À plusieurs reprises, j'ai souligné en commission et dans cet hémicycle que nous avions trop souvent tendance à confier des pouvoirs au roi et à ne pas aller jusqu'au bout de nos possibilités de législateur. La preuve est encore faite aujourd'hui. La réponse de Mme Onkelinx m'inquiète, car elle ne prévoit pas d'autre solution que de postposer la loi, voire de la modifier, alors qu'elle n'est pas encore entrée en vigueur.
C'est assez dramatique, surtout pour les victimes de cette technique. En effet, la rémunération est protégée mais cesse de l'être dès qu'elle arrive sur un compte bancaire. La tendance va de plus en plus vers une exécution sur le compte bancaire, ce qui contraint les personnes concernées à demander le paiement de leurs rémunérations en espèces, avec toutes les problèmes que cela entraîne puisque l'on développe de plus en plus les systèmes informatiques de paiement, à l'aide de cartes, etc.
Je ne peux qu'engager Mme la ministre à « mettre le turbo » pour trouver une solution, même si je comprends que l'exercice n'est pas aisé sur le plan technique.
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Nous partageons tous le souhait de M. Brotcorne de voir cette législation entrer en vigueur dans les meilleurs délais, et de résoudre les difficultés techniques existantes.
M. le président. - M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, répondra au nom de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Le 31 décembre 2004, le SPF « Justice » a mis fin au contrat avec l'éditeur du Moniteur Belge pour la publication des arrêts de la Cour de cassation.
À ma question orale du 3 février 2005, Mme la ministre Onkelinx répondit : « Différents contacts ont été pris avec des éditeurs privés. Certains ont montré un intérêt pour l'impression et l'édition des arrêts néerlandophones de la Cour de cassation. (...) Plusieurs offres ont été introduites. Les discussions sont en cours. (...) Je puis difficilement donner une date précise mais la décision doit être prise à court terme. »
À ma demande d'explications du 24 mars 2005, elle me répondit, entre autres : « Le Moniteur belge peut publier les arrêts néerlandophones pour autant que la Cour de cassation transmette les fichiers par voie électronique et sous format PDF. Selon les services du Moniteur belge et de la Cour de cassation, le retard de publication sera résorbé dans un an et demi. Cela implique la conversion de tous les documents antérieurs. Les publications en cours peuvent être converties immédiatement. Une décision définitive sera prise dans les prochains jours. »
Je suis ce dossier depuis début janvier. Les praticiens du droit doivent pouvoir lire les arrêts de la Cour de cassation. Ils paraissent sur internet, donc ils sont publics. Les arrêts francophones sont publiés, mais pas les arrêts néerlandophones. Je suis désolé de devoir poser cette question une troisième fois.
La ministre peut-elle nous faire savoir si depuis cette date, elle a conclu un contrat avec un éditeur privé pour l'impression et la publication des arrêts néerlandophones de la Cour de cassation ?
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Aucun contrat n'a été signé avec un éditeur privé pour la publication en néerlandais des arrêts de la Cour de cassation.
Comme la ministre vous en a fait part en réponse à votre question du 24 mars 2005, on travaille actuellement à donner à la Cour de cassation la possibilité de transmettre au Moniteur Belge les fichiers électroniques qui pourront alors être immédiatement publiés.
Ces travaux avancent bien, mais une décision définitive ne peut pas encore être prise. Si cette solution ne devait pas être possible, alors il sera nécessaire de faire appel aux services d'un éditeur privé.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V). - Je poserai cette question tous les mois parce qu'il est inadmissible pour l'opinion publique flamande que les arrêts néerlandophones de la Cour de cassation ne soient pas publiés à la différence des arrêts francophones. Du point de vue de la sécurité juridique, cela ne peut être toléré étant donné l'importance que revêt la jurisprudence de la Cour de cassation.
Mme Sfia Bouarfa (PS), rapporteuse. - Je dois tout d'abord avouer qu'une erreur m'a échappé à la lecture du rapport. C'est d'autant plus impardonnable qu'il s'agit de mes propres propos.
Permettez-moi donc d'apporter une rectification. À la page 18 du rapport, 9e paragraphe, il faut remplacer les mots « je me demande si » par « je pense que », et au 10e paragraphe les mots « dans l'accueil » par « dans le statut social ».
La commission des Affaires sociales a tenu, en vue de l'élaboration d'une résolution concernant la problématique des personnes âgées gay, lesbiennes et bisexuelles et, plus spécifiquement, de leur encadrement, à auditionner différents acteurs issus des associations défendant les droits des gays et lesbiennes, ainsi que le coordinateur du service « Discriminations non raciales » du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.
Les divers intervenants ont souligné que même si, dans notre société, la tolérance envers les différences en matière d'orientation sexuelle est plus grande que par le passé, il subsiste des difficultés et des attitudes de rejet sur le terrain, notamment de la part des dispensateurs de soins aux personnes âgées ainsi que dans les maisons de repos.
Je vous renvoie, chers collègues, au rapport quant au contenu de ces auditions.
Ce constat a amené notre commission à demander au gouvernement, dans la présente résolution, en son premier point, de veiller au respect de la législation existante en matière de discrimination ; en son deuxième point, de mettre l'accent sur la nécessité d'organiser une campagne de prévention afin de sensibiliser les dispensateurs de soins à l'existence des personnes âgées gay, lesbiennes et bisexuelles ; en son troisième point, d'obliger les maisons de repos à avoir une politique accueillante à l'égard de ces personnes et, en son quatrième et dernier point, de se pencher sur le problème de solitude engendrant chez ces personnes un « mal-être » physique et mental.
La présente proposition de résolution a été amendée dans le sens d'une implication, en vertu de leurs compétences, des Communautés et Régions. Celles-ci sont invitées à prendre part à la campagne de sensibilisation demandée au point deux.
La proposition de résolution a été adoptée à l'unanimité des membres présents.
Mme Christel Geerts (SP.A-SPIRIT). - Quoique nous donnions la préférence à une politique générale, avec cette résolution, nous pouvons cependant montrer qu'il y a de bonnes raisons pour accorder un soutien supplémentaire à certains groupes. Sur la base d'une extrapolation des données démographiques et sociologiques, nous constatons en effet que les personnes âgées homosexuelles forment un groupe significatif d'environ 225.000 personnes en Belgique.
Des facteurs qualitatifs aussi justifient un traitement catégoriel. Nous en trouvons de nombreux exemples dans les développements de la résolution et durant les auditions. Certains vieux couples doivent mener une vie invisible et de ce fait ne reçoivent aucune reconnaissance sociale et luttent avec une image négative. Nous avons aussi constaté la mesquinerie avec laquelle plusieurs institutions traitent les personnes âgées homosexuelles.
Toutefois, je suis contente de ce qu'au sein de la commission, nous ayons eu l'opportunité d'entendre les groupes d'intérêt et les associations. Ils ont pu ainsi illustrer les éléments théoriques par des exemples pris dans la pratique. Je suis convaincue que cette résolution peut constituer un signal important.
-La discussion est close.
M. le président. - Je vous rappelle que la commission propose un nouvel intitulé : Proposition de résolution visant à reconnaître les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées en Belgique les personnes âgées gay, lesbiennes et bisexuelles.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble de la proposition de résolution.
M. le président. - Nous poursuivrons nos travaux cet après-midi à 15 h 00.
(La séance est levée à 12 h 45.)
M. Istasse, pour d'autres devoirs, et M. Detraux, pour raisons médicales, demandent d'excuser leur absence à la présente séance.
-Pris pour information.