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23 AVRIL 2014
I. INTRODUCTION
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 53-3479/001). Il a été adopté par la Chambre des représentants le 22 avril 2014, par 85 voix et 30 abstentions, et transmis au Sénat le même jour. Celui-ci l'a évoqué le 23 avril 2014.
La commission des Affaires sociales, qui a été saisie des articles 1er à 4, 12 et 13, 20 à 28, et 55 à 76, a examiné ce projet de loi lors de sa réunion du 23 avril 2014, en présence de Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF
Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi, commente le projet de loi à l'examen.
Le titre 2 concerne la réduction du coût du travail et le renforcement du pouvoir d'achat, et le chapitre 1er, qui comprend les articles 1er à 4, porte sur la réduction des cotisations.
Le gouvernement a accordé beaucoup d'attention à la compétitivité de nos entreprises et ce, malgré la situation économique et budgétaire difficile. C'est ainsi que, gráce à des mesures de modération salariale, de lutte contre l'inflation et de réduction des charges, le coût salarial a été réduit de 1 milliard d'euros en Belgique. Parallèlement, le pouvoir d'achat a été préservé et renforcé par une augmentation du bonus à l'emploi.
Ces efforts doivent aussi être poursuivis après 2014. Aussi la loi en projet prévoit-elle des réductions de charges supplémentaires de 1,35 milliards d'euros étalées sur cinq ans, de sorte que les réductions de charges augmenteront chaque fois de 450 millions en 2015, 2017 et 2019. Parallèlement, le bonus à l'emploi augmente chaque fois de 50 millions.
Cette loi est un signal important donné au monde des entreprises: la Belgique poursuivra ses efforts visant à limiter le coût salarial. Les mesures feront baisser les frais salariaux de 0,9 %.
Trois mesures de réduction du coût salarial font partie du « package ». Deux d'entre elles sont mentionnées au chapitre 1er du titre 2 de cette loi. Les deux mesures réduisent les cotisations sociales.
La première mesure vise à augmenter le forfait de la réduction structurelle de 14 euros par trimestre, chaque fois en 2015, 2017 et 2019. En 2019, l'avantage s'élèvera donc à 42 euros par trimestre. Pour le secteur non marchand, cet avantage est octroyé par le biais du Maribel social, de manière à ce que des emplois supplémentaires puissent être subventionnés directement.
La deuxième mesure augmente de 480 euros le plafond salarial de la réduction pour les bas salaires, ce qui donne une réduction des charges d'un peu plus de 75 euros par trimestre pour les travailleurs ayant un bas salaire, en 2015, 2017 et 2019 chaque fois. En fin de compte, l'avantage s'élève donc à 225 euros par trimestre et le plafond des bas salaires sera relevé jusqu'à 7 000 euros par trimestre.
La troisième mesure renforce le traitement de faveur fiscal pour le travail de nuit et en équipe et bénéficiera surtout à l'industrie. La ministre se réfère à cet égard aux discussions qui ont eu lieu au sein de la commission des Finances et des Affaires économiques (doc. Sénat, n° 5-2865/2).
Le chapitre 1er prévoit également un financement alternatif de la gestion globale de la sécurité sociale, à l'aide duquel le coût net de la réduction des charges salariales sera couvert.
Le chapitre 5, qui contient les articles 12 et 13, concerne la liaison au bien-être des prestations.
Le titre 2, chapitre 2, pour ce qui concerne le régime des travailleurs indépendants, et le titre 5, chapitre 1er, pour ce qui concerne le régime des travailleurs salariés et les allocations d'assistance, de la loi relative au pacte de solidarité entre les générations, prévoient respectivement un système d'adaptations bisannuelles au bien-être des prestations de remplacement de revenus.
Ces dispositions stipulent que le gouvernement prend une décision à propos de la répartition, autrement dit à propos de l'attribution, des enveloppes disponibles. Cette décision est précédée légalement d'un avis émis par les organes consultatifs énumérés dans la loi. Par exemple, s'agissant du régime des travailleurs salariés, il s'agit d'un avis commun du Conseil national du travail et du Conseil central de l'économie sur la répartition et l'importance des moyens financiers. Dans le régime des travailleurs indépendants, la décision intervient après un avis commun du Comité général de gestion pour le statut social des travailleurs indépendants et du Conseil central de l'économie.
La loi prévoit que ces avis doivent être émis avant le 15 septembre de l'année au cours de laquelle la décision doit être prise. En l'absence d'avis, le gouvernement peut prendre une décision dans le cadre d'une procédure inscrite dans la loi.
La ministre se doit de constater que par le passé, le délai en question n'a pratiquement jamais été respecté, mais qu'un report a systématiquement été demandé au gouvernement. Dans la pratique, cela a parfois conduit à des situations où les prestations ou les plafonds de calcul ont dû être adaptés rétroactivement, ce qui a suscité des problèmes administratifs.
C'est la raison pour laquelle le chapitre 5 à l'examen instaure, en cas d'absence d'avis au 15 septembre de l'année au cours de laquelle la décision doit être prise, un mécanisme qui prévoit une adaptation partielle automatique des prestations à l'évolution du bien-être. Gráce à cet automatisme légal, les instances compétentes pourront, une fois le délai dépassé, procéder à temps aux adaptations sans devoir attendre le résultat éventuel de négociations entre les interlocuteurs sociaux ou une décision spécifique du gouvernement.
Les paramètres utilisés le cas échéant pour les augmentations des allocations sont identiques aux paramètres en vigueur pour la détermination de l'enveloppe disponible.
Il s'agit donc:
— d'une adaptation annuelle au bien-être de 0,5 % de toutes les allocations de remplacement de revenus au sein de la sécurité sociale, à l'exception des allocations forfaitaires;
— d'une adaptation annuelle au bien-être de 1 % de toutes les allocations sociales forfaitaires;
— d'une augmentation annuelle de 1,25 % des plafonds salariaux pour le calcul des allocations de remplacement de revenus.
En ce qui concerne les allocations d'assistance, il s'agit d'une adaptation annuelle au bien-être de 1 % du revenu d'intégration, l'aide sociale financière équivalente au revenu d'intégration, l'allocation de remplacement de revenus pour les personnes handicapées, le revenu garanti pour les personnes ágées et la garantie de revenu pour les personnes d'un áge avancé.
L'augmentation des plafonds salariaux pour le calcul des allocations de la sécurité sociale entre en vigueur le 1er janvier de l'année suivant l'année au cours de laquelle les adaptations automatiques entrent en vigueur. Les adaptations des allocations entrent en vigueur le 1er septembre de cette même année.
En ce qui concerne les allocations non-forfaitaires, ces adaptations ne s'appliquent qu'avant ces allocations qui sont entrées en vigueur pour la première fois avant le 1er janvier de l'année concernée.
Ici le gouvernement appuie autant que possible sur les accents que les partenaires sociaux ont placés par le passé dans leurs avis et qui ont été exécutés par le gouvernement.
En ce qui concerne les allocations d'assistance, les adaptations sont effectuées pour le 1er septembre de l'année qui suit l'année durant laquelle les adaptations automatiques entrent en vigueur.
Avec cette attribution partielle automatique, on n'attribue pas l'intégralité des moyens disponibles selon la loi. Cela est lié au fait que les allocations familiales sont comprises dans la composition de base de l'enveloppe (à hauteur de 1 %), tandis que la loi relatif au pacte de solidarité entre les générations du 23 décembre 2005 prévoit déjà que seules les prestations de remplacement peuvent être adaptées. En raison de cette attribution automatique, ces moyens restent donc disponibles. En outre, l'exigence précitée selon laquelle les allocations non forfaitaires doivent avoir pris cours avant le 1er janvier de l'année concernée implique également qu'une partie de l'enveloppe reste disponible.
Le projet de loi prévoit que le gouvernement rédigera à chaque fois un projet de décision motivé et circonstancié relatif à l'utilisation du montant restant et soumettra ce projet pour avis aux organes consultatifs prévus par la loi.
La ministre commente ensuite le titre 4 du projet de loi à l'examen. Le chapitre 1er de ce titre porte sur la formation et l'innovation.
Le problème du coût salarial se pose depuis longtemps dans notre pays. Mais ce coût ne représente qu'une partie du problème. Selon le Bureau du plan, le coût des facteurs de production (capital, travail et énergie) n'intervient que pour un tiers dans notre compétitivité, alors que la formation et l'innovation interviennent à hauteur de deux tiers.
La formation et l'apprentissage tout au long de la vie sont importants pour l'individu lui-même et pour son positionnement sur le marché du travail. Au niveau macroéconomique, l'enseignement et la formation contribuent de manière importante à la croissance économique en raison de leur influence positive sur la productivité et le taux d'emploi.
Très récemment encore, plusieurs sources — la publication Innovation — Union Scoreboard 2014 et les rapports du FMI — ont confirmé que la Belgique devait investir davantage et durablement dans l'innovation pour relever les défis de transformation structurelle auxquels les entreprises belges sont confrontées.
C'est pourquoi le projet de loi à l'examen entend stimuler la formation et l'innovation, tant au niveau sectoriel qu'au niveau intersectoriel.
L'article 20 du projet de loi prévoit qu'au niveau intersectoriel, les partenaires sociaux devront accorder une grande attention aux éléments structurels précités de notre compétitivité lors de leur concertation biennale en vue de la conclusion d'un accord interprofessionnel.
Dans le cadre de l'article 21, les partenaires sociaux ont déjà l'obligation aujourd'hui, au niveau sectoriel, de conclure chaque année, au sein des commissions paritaires, une CCT prévoyant d'augmenter les efforts en matière de formation de 0,10 % de la masse salariale, ou une augmentation de 5 % du taux de participation. Des sanctions sont infligées si moins de 1,90 % de la masse salariale est investi dans la formation pour l'ensemble de tous les secteurs. Une autre obligation vient s'y ajouter: les CCT devront désormais prévoir aussi au minimum l'équivalent d'un jour de formation professionnelle continue par travailleur par année.
L'article précité propose aussi une solution pour la régionalisation du congé-éducation payé. Aujourd'hui, la contribution complémentaire qui doit être payée par les employeurs des secteurs non performants sert à financer le congé-éducation payé. Compte tenu de la régionalisation opérée, ces moyens seront désormais consacrés aux projets complémentaires en faveur des groupes à risque (ces moyens reviendront de facto aux employeurs qui obtiennent de bons résultats).
La ministre explique que l'arrêté royal qui complète la mise en œuvre des modifications a été transmis pour avis au Conseil national du travail et au Conseil central de l'économie.
L'article 22 souhaite créer une véritable dynamique en matière d'innovation au niveau sectoriel.
Les commissions paritaires devront dès lors donner tous les deux ans une idée des principaux défis en matière de transformation structurelle auxquels sont confrontées les différentes branches d'activité pour lesquelles la commission paritaire est compétente et elles doivent conclure des engagements concrets à ce sujet. Ceux-ci peuvent bien entendu différer par secteur.
Cet arrêté royal d'exécution a déjà été transmis pour avis aux partenaires sociaux.
Le chapitre 2 de ce titre concerne la formation en alternance et met en œuvre l'avis nº 1770 du Conseil national du travail, rendu en mai 2011.
Les modifications de loi requises pour exécuter cet article sont limitées. Elles ne visent que deux objectifs:
— la création d'une base légale permettant de régler par arrêté royal la définition générique de la formation en alternance;
— l'ouverture du droit aux prestations d'invalidité pour les jeunes de moins de dix-huit ans qui participent au système de formation en alternance.
Les autres modifications doivent être apportées par arrêté royal, et elles ont d'ailleurs déjà été approuvées par le Conseil des ministres. Il s'agit:
— d'un arrêté fixant la définition générique de la formation alternée;
— d'un arrêté apportant des modifications à la réglementation en matière de chômage.
Certains éléments de l'avis nº 1770 ne sont pas mis en œuvre en raison des évolutions importantes qui sont intervenues sur le plan institutionnel depuis mai 2011:
— les Communautés seront compétentes pour le système de formation en alternance. Il est dès lors souhaitable que l'autorité fédérale se limite aux matières qui continuent à relever de la compétence fédérale;
— les Communautés seront aussi compétentes en matière de prestations familiales. Il a été décidé, en concertation avec le secrétaire d'État Courard et avec les Communautés, de ne plus apporter de modifications en la matière;
— les Régions seront compétentes en ce qui concerne la réduction des charges salariales pour les groupes cibles, notamment les jeunes et les personnes en formation en alternance. Pour exclure tout risque d'augmentation des coûts salariaux dans le système de la formation en alternance, le gouvernement a décidé de ne pas augmenter le taux de la cotisation;
— en ce qui concerne le droit aux congés payés durant la première année de travail, une réglementation générale a été adoptée en 2012, qui s'applique également aux jeunes en formation en alternance.
L'adoption de cette loi et les arrêtés d'exécution représentent encore toutefois toujours une avancée importante. En Belgique, il existe différentes formes d'apprentissage en alternance. Ce projet présente le grand avantage de réglementer de façon uniforme les droits sociaux des jeunes en apprentissage en alternance.
La nouvelle réglementation entrera en vigueur le 1er juillet 2015. Cette date a été choisie délibérément et permet aux Communautés d'introduire aussi les réformes nécessaires au sein de leurs compétences actuelles et nouvelles. L'apprentissage en alternance est un système valable qui réduit l'écart et assure une transition progressive entre l'école et le monde du travail. L'apprentissage en alternance doit devenir un système à part entière qui donne des chances aux jeunes.
III. DISCUSSION
A. Questions et observations des membres
Mme Thibaut affirme que cela arrange bien la ministre que le projet de loi à l'examen doive être examiné au pas de charge, en toute fin de législature et pendant les dernières réunions avant la dissolution du Sénat dans sa forme actuelle. Le projet de loi a l'ambition de relancer l'économie et de créer des emplois. La ministre considère certainement que mieux vaut tard que jamais.
L'intervenante déplore le choix de la ministre d'affecter toutes les ressources dont elle pourra bénéficier pour l'application du projet à l'examen à des réductions de charges et rien d'autre, partant de l'idée que le coût salarial est trop élevé dans notre pays, sans se demander si les mesures proposées créent effectivement de l'emploi.
De nouvelles réductions de charges à hauteur de 1,35 milliard d'euros sont accordées sans obtenir en contrepartie la moindre garantie que des emplois seront créés ou, à tout le moins, maintenus par les employeurs bénéficiant de la mesure. Pour certaines entreprises ou certains secteurs, ce ballon d'oxygène sera très certainement nécessaire, mais cela ne vaut pas pour toutes les entreprises. L'on n'a donc rien retenu de l'expérience de la déduction des intérêts notionnels et l'on refait la même chose.
Mme Thibaut estime que le projet de loi est très vague en ce qui concerne le financement alternatif de la sécurité sociale et qu'il se limite à des déclarations d'intention. Le projet de loi manque aussi d'ambition en matière de formation et d'apprentissage. Il découle de l'article 21 qu'en matière de formation, on demande aux interlocuteurs socaux des commissions paritaires de conclure au niveau sectoriel, en plus de l'obligation existante de conclure une CCT, une convention prévoyant au moins l'équivalent d'un jour de formation professionnelle continue par travailleur et par an, alors que les interlocuteurs sociaux sont partisans de cinq jours de formation professionnelle continue. C'est donc plus anecdotique que structurel.
L'intervenante est donc très déçue que l'on parle de « plan de relance » alors que ce n'en est pas un. Les moyens disponibles ne sont absolument pas utilisés pour relever avec succès les défis du XXIe siècle dans le domaine de l'énergie et de la fiscalité.
B. Réponses de la ministre
Mme De Coninck, ministre de l'Emploi, se réfère à la critique des Régions qui trouvent que les moyens investis sont trop dispersés et trop axés sur la politique des groupes cibles. Le pacte de compétitivité en tient compte et les efforts visent surtout les travailleurs faiblement qualifiés à bas salaires. En période de crise économique et de disette budgétaire, les moyens nécessaires sont dégagés pour réaliser une réduction des charges salariales de ce groupe de travailleurs.
La ministre renvoie aux chiffres d'Eurostat qui montrent que les efforts axés sur les charges salariales en faveur des employeurs et les efforts sur le plan de l'enseignement et de la formation ont augmenté de 140 % ces cinq dernières années. Elle considère donc que ce gouvernement a utilisé de manière optimale les moyens dont il dispose, en vue d'obtenir un maximum d'effets sur l'emploi. Elle partage toutefois la critique selon laquelle la société donne trop souvent un mauvais signal en taxant lourdement le travail et il faudra à l'avenir se concentrer sur une réforme fiscale permettant de moins taxer les gens sur leur travail et plus sur l'accroissement de leur patrimoine.
La ministre indique par ailleurs que le gouvernement a beaucoup misé sur le bonus à l'emploi qui permet aux personnes qui travaillent d'avoir un salaire net plus élevé et donc un pouvoir d'achat renforcé.
Elle partage enfin le point de vue de Mme Thibaut selon lequel on pourra créer beaucoup d'emplois à l'avenir dans le secteur de l'écologie, certainement dans les grandes villes où la qualité des logements doit être améliorée pour les rendre aussi peu énergievores que possible. Le prix de l'énergie et de l'eau ne va en effet pas aller en diminuant et la ministre a la conviction que ce secteur offre encore d'importantes potentialités en termes d'emploi, avec à la clé un effet retour pour les habitants des logements en question.
IV. VOTES
L'ensemble des articles 1er à 4, 12 et 13, 20 à 28, et 55 à 76, du projet de loi portant exécution du pacte de compétitivité, d'emploi et de relance (doc. Sénat, nº 5-2865/1) sont adoptés par 8 voix et 1 abstention.
Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.
La rapporteuse, | La présidente, |
Fabienne WINCKEL. | Elke SLEURS. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-3479/009).