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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 20 MAART 2014 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Cécile Thibaut aan de staatssecretaris voor Leefmilieu, Energie en Mobiliteit, en voor Staatshervorming over «de toekomst van het reizigersvervoer in het kader van het vierde Europese spoorwegpakket» (nr. 5-1372)

Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - Monsieur le secrétaire d'État, le 26 mars 2013, je vous interpellais au sujet du quatrième paquet ferroviaire européen et de ses implications éventuelles pour nos propres chemins de fer. Vous nous signaliez alors que la présidence irlandaise du Conseil de l'Union européenne ne comptait pas s'emparer immédiatement des propositions de ce paquet ayant le plus directement trait à la libéralisation du transport intérieur de voyageurs. « Ce qui permettrait à la Belgique de préparer au mieux sa position en la matière », nous disiez-vous.

Comme vous le savez, le parlement européen a entre-temps voté en première lecture l'ensemble des six propositions législatives de ce paquet. Ce vote a débouché sur un résultat mitigé, du moins du point de vue d'un pays comme le nôtre, au réseau ferré bien maillé et densément utilisé et où la politique ferroviaire demeure de compétence fédérale.

Si l'on a sans doute évité le pire au niveau européen en matière de séparation « verticale », ce qui se prépare en matière de séparation « horizontale », attribution d'un même type de prestation - ici, l'exploitation des trains de voyageurs - à plusieurs intervenants, n'est pas moins inquiétant.

En effet, en vertu du compromis adopté par le parlement européen il y a quelques jours, une autorité compétente nationale ne pourra bientôt plus attribuer un contrat de service public de manière directe (c'est-à-dire sans devoir obligatoirement recourir à un appel d'offres) à une échelle nationale. Pour attribuer de manière directe et sans contestation possible l'ensemble des contrats de services publics permettant de couvrir le territoire de la Belgique, il faudra obligatoirement confier ceux-ci à des « opérateurs internes » relevant directement d'autorités compétentes « locales » ou à tout le moins « non nationales ». À défaut d'être disposé à régionaliser nos chemins de fer, il faudra se résoudre à attribuer par appel d'offres au moins deux contrats de services publics distincts ; le nombre exact de contrats dépendra du nombre de trains-kilomètres offerts chaque année sur le réseau.

Ceci signifie qu'à moins d'un sursaut du Conseil lors de l'examen de ce dossier, puis lors des négociations interinstitutionnelles à ce sujet, la Belgique pourrait bien se voir forcée, demain, de choisir entre une régionalisation de l'opérateur ferroviaire national, voire une régionalisation de sa politique ferroviaire, et une forme ou l'autre de partition du service des trains en au moins deux contrats de services publics obligatoirement attribués sur appels d'offres, et donc potentiellement confiés à des opérateurs différents.

Quasiment un an après nos premiers débats à ce sujet, je souhaite vous poser à nouveau quelques questions, monsieur le secrétaire d'État.

Adhérez-vous à ces compromis ? Dans le cas contraire, quelles sont les propositions alternatives que vous comptez défendre au Conseil, au nom de la Belgique, et quelles limites préconisez-vous de fixer au développement de la concurrence dans le transport ferroviaire de voyageurs, afin de permettre l'organisation de services publics intégrés et de qualité dans ce secteur ?

Quelles initiatives avez-vous déjà prises et/ou comptez-vous prendre, auprès de vos collègues du Conseil des ministres des Transports, pour tenter de faire obstacle aux propositions législatives de la Commission, qui sont contraires au principe de subsidiarité ou risquent le plus de nuire à la lisibilité et à la facilité d'utilisation du train dans notre pays comme dans d'autres ?

M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Comme vous le savez, le quatrième paquet ferroviaire comporte deux thématiques différentes.

La première concerne ce que j'appelle le volet technique : les modifications en matière de sécurité ferroviaire et d'interopérabilité et le rôle nouveau de l'Agence ferroviaire européenne.

La deuxième porte sur un volet plus politique puisque celui-ci traite de gouvernance et de la question de l'ouverture du marché domestique à la concurrence.

En ce qui concerne le volet technique, la position belge a permis de préserver un certain nombre de compétences dévolues aux autorités nationales de sécurité, en Belgique le Service de Sécurité et d'Interopérabilité des Chemins de fer (SSICF). Ainsi, les connaissances que les autorités nationales de sécurité ont du fait de leur proximité avec les activités des entreprises ferroviaires et du gestionnaire d'infrastructure sont-elles préservées ; je me réjouis que la Belgique ait pu faire valoir son point de vue.

En ce qui concerne le volet politique, les travaux n'ont pas encore commencé avec la Commission européenne. Notre position est que la Commission dans ses travaux préparatoires n'a pas apporté la démonstration que l'ouverture à la concurrence du marché domestique apporterait des avantages à la clientèle, aux entreprises ferroviaires nationales et aux finances publiques.

S'agissant de la position officielle de la Belgique, mon cabinet, celui des Entreprises publiques et le SPF Mobilité et Transports préparent actuellement un document visant à en définir le contour précis. Il va de soi que cette position ne vise pas à organiser la régionalisation des chemins de fer belges qui, du point de vue de l'efficacité du système ferroviaire en Belgique, conduirait à un service moins performant et à des difficultés supplémentaires, et non à optimiser le service à la clientèle.

Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.

Si, au niveau technique, vous estimez que c'est une bonne nouvelle, nous nous réjouissons aussi que le Parlement européen n'ait pas suivi la Commission dans sa volonté de séparer plus radicalement la gestion du réseau ferré de l'exploitation des trains. Le gouvernement Di Rupo a cependant choisi de scinder le groupe SNCB en deux entités aujourd'hui parfaitement autonomes. Je m'étonne donc que nous puissions nous retrouver sur le volet technique alors que nos conclusions divergent.

En matière de gouvernance, vous dites que les travaux n'ont pas encore commencé. Vous n'êtes pas convaincu que la concurrence soit aujourd'hui un avantage - parlez-vous à titre personnel ou au nom du gouvernement ? Vous avez déclaré ne pas adhérer au compromis européen. Le rapport de M. Grosch, qui appartient au cdH, a quand même été approuvé. Il y a donc un grand écart entre les positions défendues par votre groupe au Parlement européen et votre réponse aujourd'hui. Vous dites que la régionalisation n'est pas à l'ordre du jour, mais le rapport approuvé à l'échelon européen va dans ce sens.

Votre réponse ne me rassure pas. Dans un pays au réseau ferré aussi dense que le nôtre, je vous appelle à la plus grande vigilance.