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25 FÉVRIER 2014
I. INTRODUCTION
La proposition de loi nº 5-1264 modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État en vue d'accorder aux associations le droit d'introduire une action d'intérêt collectif relève de la procédure bicamérale obligatoire et a été déposée au Sénat par M. Ludo Sannen le 12 octobre 2011.
La proposition de loi nº 5-1330 modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État en vue d'accorder aux associations le droit d'introduire une action d'intérêt collectif relève également de la procédure bicamérale obligatoire et a été déposée au Sénat par Mmes Zakia Khattabi et Freya Piryns le 6 novembre 2011.
La commission a examiné les propositions de loi au cour de ses réunions du 10 décembre 2013, 14 et 28 janvier 2014 et 11 et 18 février 2014.
Lors de sa réunion du 10 décembre 2013, la Commission a décidé de procéder à l'audition des représentants du Conseil d'État.
Le 14 janvier 2014 ont dès lors été entendus:
— Monsieur Roger Stevens, président du Conseil d'État;
— Monsieur Marc Lefever, auditeur général près du Conseil d'État.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF PAR LES AUTEURS DES PROPOSITIONS DE LOI
1. Exposé introductif par Mme Fauzaya Talhoui sur la proposition de loi nº 5-1264
Mme Talhaoui rappelle que la proposition de loi reprend, en l'adaptant, le texte du projet de loi modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État, en vue d'accorder aux associations le droit d'introduire une action d'intérêt collectif (doc. Chambre, nº 52-1939/001). Elle rappelle que ce texte s'inspire d'une proposition de loi qu'elle avait déjà déposée au Sénat le 22 décembre 2006, qui avait été adoptée en séance plénière du Sénat le 15 mars 2007 et ensuite transmise à la Chambre des représentants (doc. Sénat, nº 3-1953/1 à 6).
Le texte de la proposition a été adapté à l'avis circonstancié rendu par le Conseil d'État (doc. Chambre, nº 52-1939/002) sur le projet de loi transmis par le Sénat.
La loi organique sur le Conseil d'État ne définit pas la notion d'intérêt, laissant à la section du contentieux administratif le soin d'en préciser le contenu, tout en tenant compte, à cet égard, des exigences résultant de normes de droit supérieures, notamment les règles de droit international qui sont d'effet direct.
La proposition à l'examen entend déterminer dans quelles conditions une partie pourra dorénavant se prévaloir d'un intérêt collectif à l'appui d'un recours devant le Conseil d'État. Comme le suggère ce dernier, une distinction est opérée à cet égard entre un droit d'action en matière de protection de l'environnement et un droit d'action des personnes morales de droit privé visant à défendre un intérêt collectif.
Mme Talhaoui souligne que cette proposition de loi permet de répondre aux obligations internationales belges qui découlent de la Convention d'Aarhus, laquelle accorde un droit d'action aux associations de défense de l'environnement et aux groupes ayant pour objet la défense d'intérêts collectifs. Il faut par ailleurs également citer les directives européennes mettant en œuvre les dispositions de la Convention d'Aarhus, et la directive 2004/35/CE, qui doivent être transposées en droit belge.
C'est pourquoi il est inséré, dans l'article 19 des lois sur le Conseil d'État, un nouvel alinéa 2, qui confirme la présomption d'« intérêt suffisant » pour ces organisations.
Le renvoi général aux « processus de prise de décision » et aux « règles » arrêtés par les différents législateurs se justifie par la circonstance que ces éléments relèvent de la compétence de chacun des législateurs concernés.
Conformément aux dispositions de droit international applicables en la matière, la présomption d'intérêt « réputé suffisant » est une présomption irréfragable.
La notion de « droit international » auquel il est fait référence doit être comprise dans son sens commun, à savoir comme visant également le droit de l'Union européenne.
Toute autre personne morale de droit privé agissant en vue de défendre un intérêt collectif est, jusqu'à preuve du contraire, présumée justifier d'un préjudice ou d'un intérêt lorsqu'elle remplit les conditions suivantes:
1° jouir de la personnalité juridique depuis au moins un an;
2° exercer de manière régulière, effective et durable des activités en rapport avec son objet social;
3° et ester en justice dans le cadre de son objet social, en vue d'assurer la défense d'un intérêt collectif en rapport avec cet objet.
Ces personnes morales bénéficient donc d'un renversement de la charge de la preuve, tout en laissant à la section du contentieux administratif une certaine marge d'appréciation en cas de contestation de cet intérêt par la partie adverse: la personne morale requérante, qui établit, à l'appui de sa requête, qu'elle répond aux trois conditions ainsi fixées, est réputée avoir un intérêt suffisant, et c'est donc à la partie défenderesse ou intervenante qu'il incombe d'établir concrètement cette absence d'intérêt; dès lors qu'il est établi que les trois conditions sont remplies, le défaut d'intérêt « suffisant » dans le chef d'une telle personne morale ne sera par ailleurs plus examiné d'office par la section du contentieux administratif, comme c'est encore le cas actuellement.
Cette solution présente l'avantage qu'une personne morale qui ne peut se prévaloir d'aucune des deux présomptions ainsi créées peut cependant toujours se fonder sur l'alinéa 1er de l'article 19 des lois coordonnées afin d'établir qu'elle justifie, elle aussi, d'un intérêt « suffisant » à agir en justice pour la défense d'un intérêt collectif, conformément aux critères de la jurisprudence actuelle de la section du contentieux administratif. La présomption ainsi créée ne modifie en rien les conditions spécifiques imposées par des lois particulières en matière de défense en justice d'un intérêt collectif.
Enfin, Mme Talhaoui épingle un arrêt récent de la Cour constitutionnelle qui recommande d'accorder un droit d'action aux associations de défense de l'environnement.
2. Exposé introductif par Madame Cécile Thibaut sur la proposition de loi nº 5-1330
Madame Thibaut déclare dans un premier temps que sa proposition de loi a le même objet que la proposition de loi nº 5-1264. Elle rappelle que la modification proposée avait fait un consensus lors de la précédente législature et que le Sénat l'avait adoptée. Les élections anticipées ont malheureusement interrompu son processus législatif. Elle rappelle également que la Belgique a ratifié la Convention d'Aarhus, signée par la Communauté européenne et ses États membres en juin 1998.
Les associations jouent un rôle important dans une démocratie. Les associations qui défendent un intérêt général ou collectif représentent un pan important de notre système social. Elles assurent une participation accrue de la population à toutes sortes d'évolutions de société ainsi qu'un soutien plus large, au sein de la population, en faveur de toute une série d'objectifs pertinents pour la société, comme la lutte contre le racisme, l'amélioration de l'environnement, la lutte contre l'exclusion sociale de groupes défavorisés, ... La démocratie tire bénéfice de ce que les citoyens puissent assumer des responsabilités par le biais d'associations, en permettant à celles-ci d'ester en justice pour défendre des intérêts qui dépassent l'intérêt individuel.
La présente proposition de loi entend mettre fin au traitement différencié de différents groupes au sein de notre société et de rendre aisé l'accès aux tribunaux pour toutes les associations. Actuellement, il y a un besoin d'un réglementation uniforme à laquelle les associations puissent faire appel, pour autant qu'elles répondent à un certain nombre de conditions (cf. infra). L'article 19, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'État doit pour cela être adapté.
Lors des travaux relatifs à la réforme du Conseil d'État et du vote du projet de loi nº 5-2273, la ministre de l'Intérieur avait marqué son accord de principe mais elle estimait que les conditions devaient être sérieuses et non-contestables.
La proposition de loi énumère dès lors une série de critères qui, combinés, offrent la garantie que l'intérêt général ne sera pas vidé de sa substance et que des actions malhonnêtes ou déraisonnables ne pourront être intentées.
Ces critères sont les suivants:
a) Les associations qui souhaitent introduire une action d'intérêt collectif doivent disposer de la personnalité juridique. La personnalité juridique reste, en effet, le gage d'un certain degré d'organisation et de stabilité. En outre, normalement, seuls des groupements ou des associations dotés de la personnalité juridique peuvent ester en justice. Une association de fait ne dispose pas de la qualité requise pour ester en justice. Si elle souhaite le faire, chaque membre doit agir séparément et justifier de son intérêt (l'association de fait n'étant pas considérée comme partie à la cause).
b) La personne morale doit être dotée de la personnalité juridique depuis plusieurs années au moment de l'introduction de l'action. La présente proposition propose trois ans.
c) La personne morale ne peut ester en justice que si son action s'inscrit véritablement dans la réalisation de son objet statutaire. L'objet statutaire de la personne morale ne peut être l'unique critère pour apprécier si une personne morale peut défendre un intérêt en justice. Ses activités réelles devront donner corps à la définition de l'objet statutaire de la personne morale.
d) L'objet statutaire de la personne morale doit être autorisé.
e) L'activité réelle de la personne morale doit être conforme à son objet social et avoir trait à l'intérêt collectif qu'elle vise à protéger. L'activité réelle peut ressortir de rapports d'activités, de procès-verbaux de réunions, de courriers adressés aux membres, de publications, de bulletins d'information et de contact, de coupures de presse, ... La condition de l'activité réelle doit s'entendre d'une manière souple et large.
L'intervenante termine son exposé en exprimant le regret que cette disposition n'ait pas pu être intégrée dans la réforme globale du Conseil d'État, votée voici peu au Sénat.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
M. Claes déclare que son groupe voit la proposition d'un bon oeil, même si plusieurs points du texte appellent encore une réflexion plus approfondie.
L'intervenant aimerait tout d'abord savoir quelle est l'attitude actuelle du Conseil d'État en la matière. Ne privilégie-t-on pas déjà, actuellement, une large interprétation de la notion d'« intérêt » ? Cela signifierait en tout cas qu'il n'y a vraisemblablement pas de problème d'accès au Conseil d'État.
Il serait sans doute préférable de régler de manière uniforme pour les personnes morales la question de l'accès, non seulement au Conseil d'État, mais aussi aux juridictions ordinaires et à la Cour constitutionnelle, afin d'éviter tout risque d'approche morcelée.
L'environnement est aussi une compétence régionale. Ne faut-il pas se concerter avec les régions dans les matières qui relèvent de leur compétence ?
L'intervenant attire l'attention sur le fait que des propositions similaires sont aussi examinées à la Chambre. Ne faudrait-il pas harmoniser les travaux des deux Assemblées ?
Il est évident que la réglementation belge doit être adaptée aux conventions internationales auxquelles notre pays est partie. M. Claes suggère d'entendre les explications de la ministre de la Justice sur la manière dont l'accès à l'ensemble des cours et tribunaux sera réglé.
M. De Nijn souscrit aux observations de M. Claes. Mme Talhaoui part visiblement du principe selon lequel les associations de défense de l'environnement défendent automatiquement l'intérêt général. Il se demande, pour sa part, si les choses sont aussi évidentes.
Il souhaiterait, lui aussi, soumettre la proposition de loi pour avis au Conseil d'État.
M. Moureaux constate que la matière est en effet largement transférée vers les Régions. La Flandre a d'ailleurs crée un tribunal administratif, le « Raad voor vergunningsbetwistingen ». Il ne connaît pas les règles applicables pour les actions d'intérêt collectif en Région flamande mais il serait intéressant de les connaître afin d'éviter d'éventuelles contradictions. Quant à la suggestion d'étendre le droit d'action collectif à l'ensemble des juridictions, il est d'avis que cela devra faire l'objet d'une proposition de loi séparée.
M. Deprez soutient la suggestion d'entendre le premier président du Conseil d'État sur le principe des propositions de loi. Il rejoint la préoccupation de M. Moureaux quant à la généralisation du principe à l'ensemble des tribunaux. Si, a priori, il n'y est pas opposé, il partage l'idée selon laquelle cela devra se faire par une proposition de loi séparée.
Sur le plan du dispositif des propositions de loi à l'examen, il aimerait une précision: on permettrait aux associations d'intérêt collectif de contester la décision d'une autorité administrative sans qu'il y ait le moindre lien avec les intérêts des citoyens qui sont directement concernés par cette décision administrative. Si, par exemple, les citoyens concernés n'éprouvent pas le besoin d'intenter un recours contre une décision administrative mais qu'une association estime qu'elle doit le faire, que se passe-t-il ? N'est-il pas trop facile de présumer de manière irréfragable d'un intérêt général ? Cela pourrait se produire dans le cadre d'un parc éolien, notamment. Il pourrait y avoir une contradiction entre les intérêts d'une association d'intérêt collectif et ceux des particuliers. Ne faut-il pas prévoir une meilleure articulation entre ces différents acteurs ?
M. Daïf déclare qu'il est important que certaines associations d'intérêt collectif puissent intenter un recours devant le tribunal administratif. Il lui semble toutefois essentiel de bien cibler la définition de l'intérêt général pour éviter la contradiction avec les intérêts locaux ou individuels.
Ne risque-t-on pas de créer des associations avec personnalité juridique dans le seul but de contester une décision administrative ? Les propositions de loi disposent certes que ces associations doivent disposer de la personnalité juridique depuis un an au moins, mais ce délai est selon lui trop court. Il n'offre pas la garantie que cette association disposera de l'expérience nécessaire pour défendre l'intérêt collectif.
Enfin, il plaide également pour que les représentants du Conseil d'État soient invités à s'exprimer sur les propositions de loi.
M. Moureaux suppose que les propositions de loi ont prévu un existence d'au moins un an dans le chef d'une association d'intérêt collectif afin d'éviter qu'une telle association soit spécialement créée pour intenter un recours. Il partage l'avis selon lequel ce délai est trop court.
Mme Talhaoui indique que la proposition de loi à l'examen vise à transposer en droit belge des obligations internationales de notre pays. Il s'agit de la Convention d'Aarhus et des directives européennes que nous devons impérativement transposer dans notre droit.
Cette obligation implique qu'un droit d'action est accordé aux associations de défense de l'environnement et aux associations qui défendent un intérêt collectif. Pour les infractions environnementales, c'est généralement le Conseil d'État qui sera compétent. Pour d'autres actions, des cours ou des tribunaux pourront aussi être saisis.
Comment font les associations de défense de l'environnement à l'heure actuelle, dès lors qu'il n'y a pas encore de présomption irréfragable d'intérêt ? Elles s'efforcent de réunir un certain nombre de citoyens afin d'introduire une action collective devant le Conseil d'État. L'objectif de la Convention d'Aarhus est précisément d'éviter aux associations de devoir demander à des citoyens d'introduire eux-mêmes une action.
L'intervenante renvoie également à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 10 octobre 2013 (Moniteur belge du 5 décembre 2013), par lequel celle-ci constate que le législateur a déjà accordé un droit d'action à des associations qui défendent un intérêt collectif, notamment pour vérifier si nous respectons nos obligations internationales.
En outre, l'intervenante indique que les personnes morales doivent exister depuis au moins un an. Il ne s'agira donc pas d'une personne morale qui a été créée dans le seul but d'introduire une action collective dans un cas concret. C'est précisément ce contrôle marginal que le Conseil d'État opère déjà actuellement.
Enfin, elle rappelle que le Conseil d'État a déjà émis un avis sur la proposition de loi à l'examen.
Mme Thibaut invite les membres de la commission à relire le rapport 5-2277/3 relatif à la réforme du Conseil d'État. Le Conseil d'État avait été entendu lors de l'examen de ce projet de loi et la question relative au droit d'ester en justice des associations avait été posée lors de ces auditions. Il lui semble donc inutile de procéder à une nouvelle audition.
La Commission décide cependant procéder à l'audition des représentants du Conseil d'État.
IV. AUDITIONS
1. Audition de MM. Roger Stevens, président du Conseil d'État, et Marc Lefever, auditeur géneral au Conseil d'État
M. Stevens, président du Conseil d'État, déclare ne pas être habilité à rendre ici un avis technico-juridique, d'autant qu'un avis a déjà été rendu sur un projet de loi antérieur concernant la même problématique (avis 46 643 de l'assemblée générale du 9 mars 2010, doc. Chambre nº 52-1939/2).
Pour ce qui est de l'opportunité des propositions de loi, le Conseil d'État n'entend naturellement pas s'approprier les compétences du Parlement.
L'intervenant souhaite émettre quelques considérations d'ordre général et répondre, dans la mesure du possible, aux questions éventuelles.
En sa qualité de président de la section du contentieux du Conseil d'État, il déclare que les deux propositions concernées n'appellent pas d'objections d'opportunité.
En première instance, il déclare n'avoir aucune objection de principe à l'encontre du premier alinéa formulé dans les deux propositions, qui concerne spécifiquement les associations de protection de l'environnement. Les dispositions en question, qui instaurent une présomption irréfragable d'intérêt dans le chef de certaines des associations en question, s'inspirent de propositions de texte de l'assemblée générale de la section de législation et visent à mettre notre législation en concordance avec la législation supranationale en la matière (principalement la Convention d'Aarhus, ratifiée par la Belgique et l'Union européenne).
Le Conseil d'État n'y voit évidemment aucune objection.
Le deuxième alinéa des propositions, concernant l'intérêt collectif dans le chef des autres personnes morales de droit privé, y compris donc celles qui œuvrent en faveur de la protection de l'environnement, n'appelle pas davantage d'objections majeures.
Ce texte reprend d'ailleurs, lui aussi, une proposition de texte de la section de législation.
Un certain flou existe néanmoins quant à la durée minimale depuis laquelle l'association doit être dotée de la personnalité juridique.
Dans les développements de la proposition de loi de Mmes Khattabi et Piryns (doc. Sénat, nº 5-1330/1), il est question de trois ans, alors que le dispositif proprement dit prévoit que la personne morale doit jouir de la personnalité juridique depuis au moins un an.
Actuellement, la jurisprudence en la matière est assez disparate entre, d'un côté, la Cour constitutionnelle et le Conseil d'État et, de l'autre, la Cour de cassation.
En outre, force est de constater que la jurisprudence des dix chambres de la section du contentieux du Conseil d'État, n'est pas tout à fait uniforme.
D'une manière générale, l'intervenant peut dire qu'on observe un glissement dans le sens de la doctrine également défendue aujourd'hui par la Cour constitutionnelle. L'assemblée générale de la section du contentieux administratif a ainsi affirmé ce qui suit, dans l'arrêt Coomans et consorts, nº 187 998, du 17 novembre 2008: « 28.2.3.2. (...) il convient de rappeler que lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant le Conseil d'État, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son objet social; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que cet objet social n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi. »
Comme on peut le constater, cette jurisprudence n'oblige nullement l'association à être dotée de la personnalité juridique depuis une durée minimale. Pour le reste, les propositions de loi à l'examen ne semblent pas s'écarter fondamentalement de cette jurisprudence.
Toutefois, l'intérêt collectif et l'objet social poursuivi par les associations visées ne peuvent inclure une action populaire.
Dès lors que la proposition ne s'écarte pas fondamentalement de la jurisprudence de l'assemblée générale de la section du contentieux administratif et que rien n'indique que cette jurisprudence aurait entraîné une augmentation du nombre de recours de personnes morales agissant en vue de la défense d'intérêts collectifs, le président du Conseil d'État ne s'attend pas non plus à ce que les propositions à l'examen donnent lieu à un accroissement substantiel du nombre de recours.
Au demeurant, une multiplication de ce type de recours devrait aussi entraîner logiquement une diminution comparable du nombre de recours intentés par des personnes physiques.
2. Échange de vue avec les membres de la commission
M. Moureaux rappelle qu'un problème évoqué lors des précédentes discussions sur les propositions de loi concerne la durée d'existence des associations. La jurisprudence se montre manifestement très souple à cet égard. Les membres de la commission ont toutefois formulé la crainte que des associations se créent uniquement pour un seul cas qui ne serait pas forcément d'intérêt général, mais dans l'intérêt d'un nombre très restreint de personnes. Le Conseil d'État dispose certes déjà d'outils pour contrecarrer ce genre d'initiatives, mais cela reste un point délicat.
M. Depadt conclut de l'exposé du président du Conseil d'État qu'aucune modification de la loi n'est à vrai dire nécessaire. La jurisprudence actuelle du Conseil d'État offre manifestement des garanties suffisantes pour que de telles actions collectives soient considérées comme recevables.
Compte tenu de l'arrêt cité du 17 novembre 2008, on peut dès lors se demander si le travail législatif proposé n'est pas superflu. À moins que le Conseil d'État n'estime préférable d'ancrer dans la loi les principes du droit d'action collective ?
L'intervenant se dit inquiet du fait qu'il existe des différences entre la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour constitutionnelle, d'une part, et celle de la Cour de cassation, d'autre part. Si l'on inscrit le principe de l'intérêt collectif dans la loi sur le Conseil d'État, ne risque-t-on pas de rendre cette différence plus visible, au détriment du justiciable ? L'intervenant estime qu'afin de prévenir ce risque, il convient d'uniformiser l'accès aux différentes instances judiciaires.
Dans quelle mesure des actions similaires, en dérogation du principe général, ont-elles été rejetées par le passé ?
Mme Douifi se réjouit de savoir que le président du Conseil d'État ne s'attend pas à une inflation de recours de la part d'associations en cas d'adoption des propositions de loi. C'était une source d'inquiétude pour différents groupes.
L'intervenante est convaincue que les associations feront preuve d'un grand sens des responsabilités à cet égard et qu'elles n'intenteront certainement pas de tels recours à la légère. La faculté, pour une association, d'intenter une action auprès du Conseil d'État constitue, à ses yeux, un droit démocratique fondamental.
Comme certains membres craignent que des associations ne soient créées dans l'unique but de pouvoir intenter un recours collectif sur un problème spécifique, le groupe de l'intervenante est disposé à adopter un amendement portant la durée d'existence minimale de l'association d'un à trois ans. Il ne faut pas y voir un signe de méfiance à l'égard des associations. À l'heure actuelle, on fait déjà appel à des particuliers pour introduire un recours auprès du Conseil d'État. Il y a toujours bien une personne prête à introduire un recours. Si le fait d'imposer dans la loi une plus longue durée d'existence minimale permet d'accroître la confiance envers les associations, le groupe de l'intervenante est disposée à adopter un amendement en ce sens. Cela permettrait aussi par la même occasion d'éviter une inflation de recours introduits par des particuliers.
M. Deprez déclare souscrire au dispositif des propositions de loi. Notre pays, compte tenu de ses engagements dans la Convention d'Aarhus, n'a de toute façon pas d'autre choix que de prévoir ce droit d'action collectif dans son arsenal législatif.
Il rejoint ceux qui souhaitent que les associations puissent démontrer une durée d'existence suffisante, afin d'éviter que des associations soient créées ad hoc à l'occasion d'un évènement déterminé. C'est pourquoi le délai d'un an lui semble trop court.
Les propositions de loi offriront un avantage réel quand des personnes auront un intérêt réel à l'action en justice parce qu'ils sont directement touchés par une décision administrative.
En revanche, imaginons l'hypothèse d'une zone Natura 2000 bordée de fermes qui fait l'objet de certains aménagements à la demande légitime des fermiers. Si une association d'intérêt collectif extérieure refuse ces aménagements et introduit un recours, se pose la question de savoir qui a intérêt à la cause. Existe-t-il une hiérarchie des intérêts légitimes entre ceux directement concernés par une décision et une association extérieure ? N'existe-t-il pas une notion explicite ou implicite d'un intérêt supérieur aux autres et comment les arbitrer ?
Mme Thibaut revient sur la notion de l'intérêt collectif. Le président du Conseil d'État a déclaré qu'il ne fallait en donner une définition trop large.
Les propositions de loi sont-elles suffisantes à cet égard ou faut-il aller plus loin ?
Concernant la condition supplémentaire impliquant de devoir faire partie de l'association, la jurisprudence a-t-elle déjà statué à cet égard ?
La commission s'est également interrogée sur le transfert des compétences vers les régions et sur le fait que la région flamande dispose déjà d'un tribunal administratif propre. Comment s'articule le droit de recours des associations d'intérêt collectif devant le « Raad voor Vergunningsbetwistingen » ?
M. Claes aimerait savoir si des problèmes se posent encore dans la pratique, compte tenu de la définition plus large donnée à la notion d'« intérêt général » tant par le Conseil d'État que par les autres juridictions.
Du fait de la définition plus large donnée à la notion d'« intérêt général », le statut juridique d'une partie défenderesse (une autorité ou le demandeur d'une autorisation) ne risque-t-il pas de pátir d'associations pouvant systématiquement introduire des recours en annulation ? Jusqu'où pourra-t-on aller à cet égard ? Quelle est la vision des représentants du Conseil d'État à ce sujet ?
Comment la définition plus large donnée à la notion d'« intérêt général » s'articule-t-elle avec l'enquête publique administrative qui est généralement menée avant la prise d'une décision ? L'introduction d'une objection pendant l'enquête publique a-t-elle une influence sur la définition donnée à la notion d'« intérêt général » au cours de la procédure juridique susceptible d'être ensuite menée ?
M. Daïf partage la crainte que des associations ne soient créées dans le seul but d'intenter une action devant le Conseil d'État.
Il souhaite un éclaircissement sur un avis émis par la section de législation du Conseil d'État de 2006, selon lequel le délai d'existence d'un an n'est même pas nécessaire.
La question de l'intérêt collectif lors d'une enquête publique constitue à elle seule un vaste débat. On peut voir des quartiers divisés par un projet, certains le soutenant, d'autres le rejetant. Comment distinguer l'intérêt collectif dans ce cas ? Dans la majorité des cas, des associations ont plusieurs objectifs sociaux. Comment le Conseil d'État peut-il faire la part des choses ?
Enfin, il se réjouit d'entendre que le Conseil d'État ne craint pas une augmentation excessive du volume de travail si les propositions de loi sont adoptées.
M. Lefever répond que la durée d'existence des associations — que ce soit un an ou trois ans — n'a aucune importance pour le Conseil d'État.
Dans son avis, la section de législation du Conseil d'État a clairement affirmé que, selon la jurisprudence du Conseil d'État, aucune durée n'est exigée dans le chef des associations, que l'acceptation de l'intérêt est interprétée de manière très large et que l'instauration d'une exigence d'une certaine pérennité constitue de facto une restriction par rapport à la pratique actuelle. Il s'agit donc d'une question d'opportunité et l'intervenant ne voit aucun argument incitant à choisir entre un an et trois ans.
Concernant l'accès uniforme des associations aux différents ordres juridiques, M. Lefever fait remarquer que cette question a déjà été posée lors de l'examen de la proposition de loi nº 3-1953, adoptée au Sénat le 15 mars 2007.
L'intention était alors de modifier le Code Judiciaire en ces sens, mais il ignore si cela a été réalisé.
Bien entendu, les propositions de loi à l'examen n'offrent une solution que pour le Conseil d'État, et pas pour d'éventuelles autres juridictions.
M. Stevens revient à son tour sur la problématique de la durée d'existence des associations. Il ne faut pas oublier que les propositions de loi introduisent un système de présomption irréfragable d'intérêt dans le chef des associations, pour peu qu'elles répondent, entre autres, à la condition d'une durée d'existence suffisante.
Cette condition de durée est à son sens assez stricte. On pourrait parfaitement s'imaginer qu'une association qui ne répondrait pas aux critères de durée puisse malgré tout démontrer un intérêt suffisant en se fondant sur les dispositions générales de procédure des lois coordonnées sur le Conseil d'État et plus spécifiquement l'article 19 qui stipule: « Les (demandes, difficultés et recours en annulation et recours en cassation) visés aux articles 11, 12, 13, 14 et 16 (, 1 à 6,) peuvent être portés devant la (section du contentieux administratif) par toute partie justifiant d'une lésion ou d'un intérêt et sont soumis par écrit à la section dans les formes et délais déterminés par le Roi. »
Si cette association ne bénéficie plus de la présomption elle peut retomber sur la jurisprudence générale du Conseil d'État. Il rappelle à cet égard que le Conseil d'État n'a jamais rejeté un recours au motif qu'une association avait été spécialement créée pour intenter ce recours.
Il rappelle également qu'il n'existe pas de hiérarchie des intérêts. En cas de recours, le Conseil d'État examine chacune des actions. Si une association introduit une requête, le magistrat vérifiera si cette dernière a un intérêt à agir et répond à l'ensemble des critères, peu importe l'avis ou l'attitude des particuliers directement concernés par la mesure contestée. Si ces derniers ne souhaitent pas agir, cela ne doit pas empêcher une association d'agir dans l'intérêt collectif.
Concernant les discordances dans la jurisprudence, il est d'avis qu'une initiative législative permettrait d'harmoniser la matière. Il existe encore une divergence de vues entre certaines chambres sur le fait qu'une association qui aurait un objet social large en matière environnementale, par exemple, dispose bien d'un intérêt suffisant pour introduire un recours sur un problème local et spécifique.
Certaines chambres estiment qu'il doit y avoir un lien de proportionnalité entre l'objet social de l'association et la décision attaquée. D'autres chambres ne partagent pas cet avis et trouvent suffisant que la matière corresponde à l'objet social de l'association, même s'il n'y a pas de lien de proportionnalité. Il est clair qu'une initiative législative permettra de clarifier les choses, car la thèse des uns n'a pas nécessairement davantage de pertinence juridique que la thèse des autres.
L'introduction d'une réclamation au cours de l'enquête publique n'a pas forcément de conséquences pour la notion « d'intérêt général » dans le cadre de l'introduction d'une demande d'annulation de la décision. Il est vrai que les associations qui interviennent lors de l'enquête publique sont souvent celles qui sont visées par l'alinéa 1er des propositions de loi et par la Convention d'Aarhus. Ces associations disposent donc de plein droit d'une présomption d'intérêt. L'on ne peut pas dire en termes généraux que la non-formulation d'une réclamation dans le cadre d'une enquête publique doit peser d'une quelconque manière sur la question de savoir si une association peut par la suite introduire un recours devant le Conseil d'État.
Le Conseil d'État dispose d'une compétence de cassation sur les arrêts rendus par le Vlaamse Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil flamand pour les contestations des autorisations). À ce jour, cette matière n'a débouché sur aucun litige, si bien qu'il n'existe pas encore de jurisprudence en la matière.
M. Deprez souhaite préciser davantage sa question. Lorsque les intérêts des particuliers directement concernés par une décision et une association pour l'environnement sont opposés, comment se fait l'arbitrage entre un intérêt réel (celui des particuliers) et un intérêt général (celui de l'association) ?
Mme Talhaoui constate que le Conseil d'État ne considère pas la durée d'existence des associations comme une condition insurmontable. Depuis 1946, il part d'ailleurs du principe que l'association doit pouvoir justifier d'un intérêt suffisant et qu'il n'en faut pas plus. Le Conseil d'État a d'ailleurs développé une jurisprudence très importante sur la question de « l'intérêt suffisant » des associations.
L'intervenante indique que son groupe n'a dès lors aucune objection contre un délai d'un an, voire de trois ans. Elle relève toutefois qu'à l'étranger, aucune condition n'est imposée aux associations en termes de durée d'existence. La Convention d'Aarhus n'impose elle non plus, rien dans ce sens.
L'intervenante constate que certains membres de la commission craignent qu'il n'y ait une opposition, voire une incompatibilité entre intérêts privés et intérêts collectifs.
Elle peut comprendre la crainte qu'il soit fait obstruction systématique à certains travaux publics par des associations d'intérêt collectif. Elle rappelle toutefois que le Conseil d'État, dans sa grande sagesse, a la possibilité de décider qu'une autorité publique peut poursuivre ses travaux malgré des recours. Ceci fut le cas pour la ligne de tram à Anvers, alors que des riverains s'y opposaient avec ferveur.
En conclusion, elle constate que les représentants du Conseil d'État ne formulent pas d'objection majeure à la proposition de loi.
M. Stevens revient à l'exemple donné par M. Deprez. Si une association forme un recours contre une décision administrative, le Conseil d'État commence par examiner si elle justifie d'un intérêt suffisant. Si les particuliers directement concernés le souhaitent, ils peuvent intervenir dans la procédure et contester le recours au fond. Dans la pratique, les choses se dérouleront comme suit: une fois que l'existence d'un intérêt suffisant de l'association aura été démontrée, le recours sera déclaré recevable. Les particuliers concernés pourront alors avancer leurs arguments au fond afin de prouver la légalité de la décision administrative. Le magistrat statuera au fond sur la légalité de l'acte. Le fait que les particuliers directement concernés ne veuillent pas introduire un recours contre une décision ou un acte ne signifie toutefois pas qu'une association ne peut pas faire valoir un intérêt à former un tel recours.
Le Conseil d'État a pour mission d'examiner la légalité des actes. En ceci, il diffère des juridictions ordinaires qui examinent des conflits d'intérêts entre deux ou plusieurs personnes. Pour exercer son contrôle, le Conseil d'État vérifie si un requérant a un intérêt suffisant pour attaquer un acte dont il prétend qu'il est illégal. Si le Conseil d'État arrive à la conclusion que l'acte attaqué est légal, la requête sera rejetée. Le problème de l'arbitrage ne se pose pas, ceci ne fait pas partie des prérogatives du Conseil d'État.
V. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES
Article 1er
Cet article est adopté par 10 voix et 1 abstention.
Article 2
Amendement nº 1
Mme Matz dépose à cet article un premier amendement visant à préciser la définition, donnée aux points 1° et 2°, des personnes morales qui œuvrent en faveur de la protection de l'environnement (amendement nº 1, doc. Sénat, nº 5-1264/2).
L'amendement nº 1 est retiré en faveur des amendements nos 3 et 4.
Amendement nº 2
M. De Padt dépose à cet article un amendement visant à porter d'un à trois ans la durée minimale d'existence de la personnalité juridique (amendement nº 2, doc. Sénat, nº 5-1264/2).
Amendement nº 3
Mme Matz dépose un amendement visant à préciser la définition, donnée au 1° de cet article, des personnes morales qui œuvrent en faveur de la protection de l'environnement (amendement nº 3, doc. Sénat, nº 5-1264/2).
Amendement nº 4
Mme Matz dépose un amendement visant à remplacer, dans l'alinéa 2 proposé, la notion d'« intérêt collectif » par la notion de « protection de l'environnement » (amendement nº 4, doc. Sénat, nº 5-1264/2). Dans la justification de cet amendement, elle donne une définition très large de ce qu'il y a lieu d'entendre par la notion d'« environnement ».
Certains membres craignaient en effet que l'adoption de cet amendement ne restreigne trop le champ d'application de la proposition de loi, en excluant de celui-ci les personnes morales qui défendent un autre intérêt collectif. Afin d'apaiser cette inquiétude, il est donné dans la justification de l'amendement une interprétation très large de la notion d'« environnement ». Cette notion doit en effet être comprise à la lumière non seulement de la Convention d'Aarhus mais aussi des différentes directives européennes. L'intervenante insiste sur le fait qu'en l'occurrence, la notion d'« environnement » ne doit donc pas être comprise au sens strict de défense de la nature, mais dans une acception large incluant les biens ayant une valeur culturelle, la santé et la sécurité, et même « l'urbanisme » si l'on tient compte des directives européennes.
Elle espère qu'une interprétation aussi large permettra de trouver un consensus sur la proposition de loi.
Le président insiste sur l'importance de cette justification, car celle-ci trouve un équilibre entre, d'une part, le simple établissement d'une présomption légale en faveur d'associations de protection de l'environnement au sens strict du terme et, d'autre part, l'extension d'une présomption légale à toutes les personnes morales qui défendent « un » intérêt collectif.
Mme Thibaut constate que l'amendement donne effectivement à la notion d'« environnement » une interprétation très large, mais regrette que d'autres associations qui défendent un intérêt collectif (en faveur de la lutte contre la pauvreté, par exemple) soient exclues. C'est la raison pour laquelle elle n'approuvera pas l'amendement, mais bien le texte dans son ensemble.
M. Claes estime qu'un certain nombre de questions demeurent. Outre les associations environnementales, il existe d'autres organisations qui défendent des intérêts collectifs. Celles-ci ne pourront toutefois pas bénéficier de la présomption créée par la proposition de loi à l'examen. Les syndicats et les instances publiques ne jouissent pas de la personnalité juridique et devront donc justifier de leur intérêt à agir devant le Conseil d'État, tandis que les associations environnementales n'auront pas à le faire.
Il n'y a pas eu de concertation avec les régions, alors que la reconnaissance des associations environnementales visées au 1° leur incombe. Par ailleurs, ce sont les régions qui sont compétentes pour la législation environnementale et donc pour les règles devant être appliquées par le Conseil d'État.
Le Raad voor vergunningsbetwistingen (Conseil flamand pour les contestations des autorisations) est compétent en Région flamande pour le traitement en première instance de toutes les contestations d'autorisations. Une meilleure coordination devrait quand même être assurée avec le Conseil d'État, qui n'a à connaître de ces contestations qu'en tant que juge de cassation.
Par ailleurs, il se pose un problème en termes d'accès uniforme aux différentes instances judiciaires. L'accès à la justice proposé vaut pour le Conseil d'État, qui pose jusqu'à présent le moins de problèmes en la matière. Pour la sécurité juridique, il est primordial que l'accès aux différentes instances judiciaires soit le plus uniformisé possible, en d'autres termes que l'accès à la justice soit identique pour la Cour constitutionnelle et les cours et tribunaux ordinaires, la Cour de cassation et les autres juridictions administratives. La notion d'« intérêt » est adaptée dans la proposition de loi à l'examen, mais aucune modification n'est apportée au Code judiciaire ou aux lois spéciales. M. Claes met donc en garde contre un risque de morcellement juridique en la matière.
Par ailleurs, la modification de la loi du 6 janvier 2014 sur le Conseil d'État permet d'obtenir une indemnisation auprès du Conseil d'État. Cela ne pose-t-il pas problème que des associations puissent obtenir une indemnisation devant le Conseil d'État, mais pas devant les juridictions civiles, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation ?
L'intervenant souhaite recueillir l'avis de la ministre de la Justice à ce sujet.
Mme Talhaoui peut se rallier au compromis proposé dans l'amendement à l'examen. Les organisations qui œuvreront véritablement pour la protection de l'environnement pourront aller devant le Conseil d'État sur la base d'une présomption irréfragable.
Il ressort de l'audition des représentants du Conseil d'État que le fait qu'une organisation ait ou non une présomption réfragable d'intérêt n'a aucune importance. Le Conseil d'État vérifiera toujours si une organisation poursuit un intérêt général et a un certain sérieux.
M. Broers maintient que la notion d'« intérêt collectif de protection de l'environnement » est si vague qu'elle peut difficilement être définie. Il suffit, le cas échéant, d'adapter les statuts.
Amendement nº 5
Mme Matz dépose un amendement visant à adapter les références internes aux différents alinéas de l'article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d'État aux modifications proposées (amendement nº 5, doc. Sénat nº 5-1264/2).
Amendement nº 7
M. Claes dépose un amendement (amendement nº 7, doc. Sénat nº 5-1264/2) tendant:
1° à transformer en présomption réfragable la présomption irréfragable qui est instaurée à l'égard des associations pour la protection de l'environnement;
2° à exclure du champ d'application de la proposition de loi les personnes morales qui défendent un intérêt collectif;
3° à adapter les références internes de l'article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d'État aux modifications découlant de la proposition de loi.
Mme Talhaoui ressent une réticence à transposer la Convention d'Aarhus dans notre ordre juridique interne. La Convention d'Aarhus est reprise dans la proposition de loi et elle suppose que les organisations qui défendent un intérêt général lié à l'environnement bénéficient d'un accès souple au Conseil d'État. Cet amendement emporte que les associations environnementales, même si elles défendent l'environnement depuis des décennies, devront encore toujours justifier d'un intérêt. Cet amendement vide la Convention d'Aarhus de sa substance alors que tant cette convention que plusieurs directives européennes donnent un droit quasiautomatique à saisir le Conseil d'État d'atteintes à l'environnement.
M. Moureaux déclare qu'il était d'accord avec l'amendement nº 2 compte tenu du fait que la proposition de loi instaurait initialement une présomption d'intérêt dans le chef de toutes les personnes morales qui défendaient un intérêt collectif. Consécutivement au consensus atteint en commission sur la limitation de la présomption aux associations environnementales, il pense que la condition de prolongation de la durée de vie n'est plus nécessaire.
L'amendement nº 2 est rejeté par 7 voix contre 4.
L'amendement nº 3 est adopté par 10 voix et 1 abstention.
L'amendement nº 4 est adopté par 6 voix contre 3 et 2 abstentions.
L'amendement nº 5 est adopté par 9 voix et 2 abstentions.
L'amendement nº 7 est rejeté par 7 voix contre 3 et une abstention.
Article 3 (nouveau)
Amendement nº 6
Mme Matz dépose un amendement visant à adapter les références internes de l'article 30 des lois coordonnées sur le Conseil d'État aux modifications découlant des lois des 6 et 20 janvier 2014 (amendement nº 6, doc. Sénat, nº 5-1264/2).
L'amendement nº 6 est adopté par 9 voix et 2 abstentions.
L'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée est adopté par 7 voix contre 3 et 1 abstention.
À la suite du présent vote, la proposition de loi modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'État en vue d'accorder aux associations le droit d'introduire une action d'intérêt collectif de Mmes Khattabi et Piryns (doc. Sénat, nº 5-1330/1) devient sans objet.
L'intitulé de la proposition de loi est adapté de manière à tenir compte des amendements.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des ç membres présents.
Les rapporteurs, | Le président, |
Vanessa MATZ. Fatma PEHLIVAN. | Philippe MOUREAUX. |