5-260COM

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Commission des Finances et des Affaires économiques

Annales

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2013 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Demande d'explications de Mme Marie Arena au ministre des Finances, chargé de la Fonction publique, sur «les fonds d'investissement spéculatifs» (no 5-4048)

Mme Marie Arena (PS). - Comme on a pu le lire dans les médias, la sentence vient d'être rendue et l'Argentine vient de perdre un nouveau procès contre NML Capital et Aurelius Capital. Ces deux fonds d'investissement spéculatifs avaient saisi la justice américaine afin d'obliger l'Argentine à s'acquitter de l'intégralité de sa dette majorée des intérêts, pour un montant de près de 1,33 milliard de dollars.

Pour rappel, ces fonds d'investissement spéculatifs, aussi appelés « fonds vautours », avaient profité de la crise en Argentine au début des années 2000 pour racheter, avec une grosse décote, des titres de la dette Argentine émis au milieu des années 90 et jugés irrécouvrables.

Après avoir refusé de participer aux négociations de restructuration de la dette argentine et avoir rejeté les deux plans de restructuration qui en sont sortis - plans acceptés par près de 93% des créanciers -, les deux fonds avaient décidé de se pourvoir en justice pour obtenir le remboursement de leurs créances. Le gouvernement argentin, qui refuse actuellement d'appliquer le jugement, a déposé un recours auprès de la Cour Suprême américaine dont la décision est attendue pour juin 2014.

Cependant, les réactions des agences de notation ne se sont pas fait attendre. L'agence financière Standard & Poor's annonçait déjà le 10 septembre 2013 un abaissement de la note de la dette de l'Argentine à CCC+, après la condamnation de l'Argentine, arguant que cette condamnation faisait peser « des risques accrus » sur la capacité de l'Argentine à rembourser, allant jusqu'à laisser entendre que la note pourrait encore être abaissée à moyen terme.

Ayant déjà été victime des stratégies de ces fonds, la Belgique s'est dotée en 2008 d'un instrument juridique protégeant les biens de la Coopération belge au Développement. De même, l'État, à travers l'accord de gouvernement, s'est aussi engagé à lutter contre les fonds vautours. Après les pays du sud, les fonds vautours s'attaquent désormais aussi aux pays européens. Cela signifie que l'État belge, par exemple, qui s'était porté garant pour les dettes de la bad bank de Dexia, pourrait très bien se retrouver, comme l'Argentine, victime des procédés de ces fonds et se voir sommé de payer l'intégralité de la dette.

Mes questions sont donc les suivantes :

Une stratégie globale a-t-elle été définie afin d'assurer le respect des engagements du gouvernement en matière de lutte contre les procédés mis en place par les fonds vautours ?

Des mesures concrètes ont-elles été mises oeuvre pour s'assurer qu'une telle situation ne puisse se produire en Belgique et, dans l'affirmative, quelles sont-elles ?

M. Koen Geens, ministre des Finances, chargé de la Fonction publique. - À travers notre participation aux différentes institutions financières internationales, notamment le Club de Paris, nous sommes au fait des éléments que vous portez à notre connaissance concernant le cas de l'Argentine.

Le déroulement de ce procès est suivi de très près au sein de ces différentes institutions, plus particulièrement au sein du Club de Paris qui regroupe la grande majorité des créanciers publics de ce pays.

C'est donc le forum idéal pour mettre en oeuvre la stratégie globale la plus efficace. Tous les créanciers du Club de Paris ont attiré l'attention de la justice américaine sur l'effet néfaste et dévastateur que pourrait avoir ce jugement sur le traitement futur des dettes des pays en voie de développement.

D'ailleurs la France et les États Unis ont envoyé un amicus curiae en signe de soutien aux autorités argentines qui font face à ces créanciers peu scrupuleux. Nous soutenons ces deux pays dans le cadre de cette procédure.

Au niveau belge, il est utile de préciser que la loi du 6 avril 2008 ne porte que sur le financement international de la Coopération au Développement. Elle ne s'applique donc pas dans ce cas d'espèce. De plus, il est parfois difficile de faire une distinction entre les fonds vautours et des créanciers qui demandent le remboursement de leurs créances légitimes.

Pour rappel, la Belgique fut le premier pays de l'OCDE à devenir membre de la « Facilité africaine de soutien juridique » créée en juin 2009 par la Banque africaine de développement. Cette facilité vise à accorder une aide dans les procédures juridiques entamées par ces fonds vautours, par le biais d'une assistance juridique et d'une aide technique. La Belgique défend également le principe du naming and shaming dénonçant ainsi publiquement les pratiques illicites avérées des fonds vautours.

Comme vous le savez, Dexia est détenue par deux États souverains. La garantie de l'État belge ne porte pas sur les actifs, mais bien sur le financement de Dexia. Il n'y a donc pas de garantie d'État si Dexia vend des actifs à quelque tiers que ce soit.

Je réponds affirmativement à la question de savoir si des mesures concrètes sont prises par la Belgique pour s'assurer qu'une telle situation ne puisse se produire chez nous. En effet, nous prenons toutes les mesures pour que notre cadre macroéconomique reste sain et que nos finances publiques soient solides et gérées efficacement.

Pour rappel, l'agence de notation Standard & Poor's que vous citez a encore confirmé récemment la note de long terme AA - la troisième meilleure note - pour la Belgique.

Mme Marie Arena (PS). - Je crois comprendre que vous êtes favorable à un cadre qui permette de lutter contre ces fonds spéculatifs. Dans votre réponse, vous évoquez ce qui pourrait être considéré comme « spéculatif ». Il ne s'agit pas seulement de protéger la Belgique : la spéculation est également dommageable pour l'avenir des États partenaires de notre coopération ; si on veut coopérer au développement desdits pays, il faut combattre les pratiques scandaleuses de ces fonds.