5-2372/3

5-2372/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

12 DÉCEMBRE 2013


Projet de texte portant insertion d'un article 39bis dans la Constitution

Projet de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en vue de permettre l'organisation de consultations populaires régionales


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR

MM. BEKE ET DELPÉRÉE


I. INTRODUCTION

Dans le cadre de la troisième phase de la Sixième Réforme de l'État, dix propositions ont été déposées à la Chambre des représentants le 24 juillet 2013 (doc. Chambre, nos 53-2965/1 à 53-2974/1).

Ces propositions ont été subdivisées en quatre clusters en vue de leur examen:

1. élargissement de l'autonomie financière des entités fédérées: la proposition de loi spéciale portant réforme du financement des communautés et des régions, élargissement de l'autonomie fiscale des régions et financement des nouvelles compétences (doc. Chambre, nº 53-2974/1);

2. mécanisme de responsabilisation climat et conflits d'intérêts: (i) la proposition de loi relative au mécanisme de responsabilisation climat (doc. Chambre, nº 53-2965/1) et (ii) la proposition de révision de l'article 143 de la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2967/1);

3. consultations populaires régionales: (i) la proposition d'insertion d'un article 39bis dans la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2966/1), (ii) la proposition de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en vue de permettre l'organisation de consultations populaires régionales (doc. Chambre, nº 53-2968/1) et (iii) la proposition de révision de l'article 142 de la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2971/1) (1) ;

4. dépenses électorales: quatre propositions de révision de la Constitution et modifiant des lois spéciales et des lois ordinaires (doc. Chambre, nos 53-2969/1, 53-2970/1, 53-2972/1 et 53-2973/1).

La proposition d'insertion d'un article 39bis dans la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2966/1) et la proposition de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en vue de permettre l'organisation de consultations populaires régionales (doc. Chambre, nº 53-2968/1), après avoir été corrigées et amendées par la commission de révision de la Constitution et de la réforme des institutions de la Chambre des représentants, ont été adoptées le 28 novembre 2013 par l'assemblée plénière de la Chambre des représentants par, respectivement, 105 voix contre 33 et 105 voix contre 31 et 2 abstentions (2) . Le 29 novembre, les deux projets ont été transmis au Sénat, qui les a envoyés pour examen à la commission des Affaires institutionnelles (doc. Sénat, nos 5-2372/1 et 5-2373/1).

La commission des Affaires institutionnelles a traité les deux projets au cours de ses réunions des 2, 3 et 4 décembre 2013. Pour les questions de procédure qui ont été soulevées, il est renvoyé au rapport nos 5-2369/3.

Lors de chacune de ces réunions, le gouvernement était représenté par M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles.

Le présent rapport a été soumis à l'approbation de la commission le 12 décembre 2013.

II. EXPOSÉS INTRODUCTIFS DE M. WATHELET, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX RÉFORMES INSTITUTIONNELLES

a) Projet de texte portant insertion d'un article 39bis dans la Constitution, nº 5-2372/1

L'accord institutionnel pour la Sixième Réforme de l'État du 11 octobre 2011 prévoit qu'une consultation populaire sera possible pour les régions sur des matières d'intérêt régional.

La déclaration de révision de la Constitution du 6 mai 2010 (Moniteur belge du 7 mai 2010) prévoit qu'il y a lieu à révision du titre III de la Constitution, « en vue d'y insérer un article nouveau permettant aux régions d'instituer et d'organiser une consultation populaire dans les matières qui relèvent de leurs compétences ».

À cette fin, les auteurs de la proposition de révision de la Constitution initialement déposée à la Chambre des représentants proposent l'introduction d'un article 39bis dans la Constitution.

Par analogie avec l'article 41, alinéa 5, de la Constitution, qui prévoit que les matières d'intérêt communal ou provincial peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la commune ou la province concernée, la présente proposition de révision de la Constitution prévoit ainsi que les matières qui relèvent des compétences des régions peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la région concernée.

Cependant, et aux fins du bon fonctionnement de la « démocratie directe », les auteurs ont jugé opportun de poser un certain nombre de balises à la consultation populaire. Ainsi, une consultation populaire régionale ne peut avoir d'effet décisoire. De même, les matières qui peuvent faire l'objet d'une telle consultation doivent être limitées aux matières qui relèvent des compétences des régions, dans le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que dans le respect des obligations internationales et supranationales de la Belgique. Les régions pourront, par contre, déterminer elles-mêmes les conditions et la manière dont les consultations populaires régionales devront être organisées.

Dans un premier temps, il convient d'adopter un décret ou une ordonnance organique, appelée à régler de manière générale les modalités de l'organisation des consultations populaires. Ainsi, les conditions de participation telles que l'áge, le quorum des participants à la consultation populaire, peuvent être prévues par le décret ou l'ordonnance organique. Le décret ou l'ordonnance organique peut prévoir les conditions et les modalités d'organisation d'une consultation populaire sur la base d'une initiative populaire, d'une initiative parlementaire ou gouvernementale.

Le décret ou l'ordonnance organique peut également prévoir d'autres balises procédurales, notamment relatives à la formulation de la ou des question(s), ou exclure certaines matières régionales des matières qui peuvent faire l'objet d'une consultation populaire. Le décret ou l'ordonnance organique peut encore prévoir la manière dont sont fixées les modalités spécifiques de chaque consultation populaire. Eu égard au caractère fondamental, tant d'un point de vue institutionnel que politique, de l'organisation de consultations populaires pour la démocratie, et tenant compte de la grande marge d'appréciation laissée aux régions pour décider et mettre en œuvre les modalités relatives aux consultations populaires régionales, les auteurs de la présente proposition de révision de la Constitution estiment nécessaire que ces modalités soient adoptées à une majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à la condition que la majorité des membres se trouve réunie. Pour les mêmes motifs, l'ordonnance organique de la Région de Bruxelles-Capitale est adoptée à des conditions de majorité supplémentaires, fixées dans la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises.

Une autre balise est relative aux matières qui sont susceptibles de faire l'objet de la consultation populaire. Celle-ci ne peut porter que sur des matières relevant exclusivement des compétences des régions, à l'exception des matières liées aux finances et au budget ainsi que des matières qui doivent être réglées à une majorité des deux tiers.

Une dernière balise se déduit du fait que l'organisation de toute consultation populaire doit aussi respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales ainsi que les obligations internationales et supranationales de la Belgique. Le respect de ces normes doit notamment s'entendre comme interdisant toute consultation populaire dont la formulation de la question ou dont une des réponses proposées conduirait, sans justification admissible, à remettre en cause, à contester, à minimiser, à modifier l'étendue ou l'interprétation des droits et libertés ou, par le biais de ceux-ci (et notamment des principes d'égalité et de non-discrimination), des obligations internationales ou supranationales de la Belgique. Le respect de cette balise est garanti par le contrôle de la Cour constitutionnelle, tel qu'il est notamment organisé par la révision proposée de l'article 142 de la Constitution et par la modification de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle

b) Projet de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en vue de permettre l'organisation de consultations populaires régionales, nº 5-2373/1

La proposition de révision de la Constitution visant à insérer un article 39bis dans la Constitution prévoit qu'une consultation populaire sera possible pour les régions sur des matières d'intérêt régional. Dans ce cadre, la proposition de révision de l'article 142 de la Constitution accorde une nouvelle compétence à la Cour constitutionnelle.

Les articles 2 à 7 de cette proposition de loi spéciale apportent des modifications à la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et ont pour objectif de conférer une nouvelle compétence à la Cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité de toute consultation populaire qui serait organisée par une région en vertu du nouvel article 39bis de la Constitution proposé, et pour contrôler le respect du décret ou de l'ordonnance organique. À cette fin, la Cour se voit dotée d'une nouvelle compétence de contrôle de chaque consultation populaire régionale.

L'examen de la Cour devra porter tant sur le respect des normes qu'elle contrôle habituellement que sur le respect du décret ou de l'ordonnance organique. L'examen de la Cour ne peut bien entendu pas porter sur l'opportunité de la consultation populaire. Si la Cour estime que la consultation populaire envisagée est inconstitutionnelle ou ne respecte pas le décret ou l'ordonnance organique, cette consultation ne peut pas être organisée. De même, si la région ne saisit pas la Cour, la consultation populaire ne peut pas être organisée.

L'article 2 et l'article 3 insèrent un nouveau chapitre IV dans le titre Ier de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, relatif au contrôle des consultations populaires. Ils développent, dans un nouvel article 30ter, les conditions et modalités prévues à l'article 142, nouvel alinéa 4, proposé, de la Constitution pour le contrôle des consultations populaires par la Cour constitutionnelle.

Le choix d'une procédure de contrôle devant la Cour constitutionnelle résulte de la volonté de confier une large autonomie aux régions quant aux conditions et modalités d'organisation de leurs consultations populaires, tout en garantissant le respect des balises fixées par ou en vertu de l'article 39bis de la Constitution proposé: l'absence de caractère contraignant, les conditions et modalités fixées par le décret ou l'ordonnance organique, le champ des matières qui peuvent faire l'objet d'une consultation populaire, et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que, par le biais de ceux-ci, des obligations internationales et supranationales de la Belgique.

Il s'ensuit que les régions ne peuvent pas organiser de consultation populaire si elles ne saisissent pas préalablement la Cour constitutionnelle ou si la Cour déclare la consultation populaire inconstitutionnelle ou contraire au décret ou à l'ordonnance organique. La consultation populaire ne peut pas davantage être organisée aussi longtemps que la Cour n'a pas rendu sa décision.

Les articles 4 à 7 insèrent un nouveau chapitre VIIIbis dans le titre V de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, relatif à la procédure de contrôle des consultations populaires.

La procédure prévue renvoie principalement aux règles de procédure applicables aux recours en annulation et aux questions préjudicielles, mais sans retenir les règles qui ne sont pas pertinentes pour la procédure de contrôle des consultations populaires (comme la procédure préliminaire, l'organisation d'une audience ou la possibilité d'une expertise, que les délais imposés à la procédure de contrôle rendent inapplicables).

Les articles 118ter et 118quater proposés établissent par contre des règles propres à la procédure de contrôle.

L'article 8 de la proposition de loi spéciale à l'examen modifie la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

Le nouvel article 39bis prévoit, en son alinéa 2, que: « La règle visée à l'article 134 règle les modalités et l'organisation de la consultation populaire et est adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à la condition que la majorité des membres du Parlement concerné se trouve réunie. Une loi, adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, prévoit des conditions de majorité supplémentaires en ce qui concerne le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. »

La présente proposition de modification de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux Institutions bruxelloises exécute l'alinéa 2 de l'article 39bis de la Constitution proposé, en prévoyant, en plus de la majorité des deux tiers prévue par la Constitution, la nécessité d'obtenir une majorité des suffrages exprimés dans chaque groupe linguistique du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

III. DISCUSSION GENERALE

M. Broers rappelle que son groupe n'est pas un grand partisan des consultations populaires. Les expériences passées ont montré que les consultations populaires ont plutôt pour effet d'exacerber les clivages au lieu de régler les problèmes. C'est aux élus qu'il appartient de prendre les décisions démocratiques, après avoir mis en balance tous les intérêts légitimes en présence.

D'un point de vue politique, l'intervenant constate que la possibilité d'organiser une consultation populaire est uniquement prévue en faveur des régions, pour des matières exclusivement attribuées aux organes régionaux. Pourquoi ne pas prévoir de procédure de consultation populaire pour les communautés ? Il ne sera de la sorte pas possible d'organiser une consultation en matière d'enseignement alors que cette problématique est très importante.

M. Broers constate par ailleurs que les matières relatives aux finances ou au budget sont également exclues du champ des consultations régionales. L'intervenant se demande quelles craintes justifient une telle exception.

Il ne sera pas davantage possible d'organiser une consultation populaire dans des matières qui sont réglées à une majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Les développements justifient cette exception par le fait que les majorités spéciales garantissent déjà que ces décisions sont prises avec un large soutien démocratique. Cette exception empêchera par exemple une région d'organiser une consultation populaire sur le maintien des provinces. Il ne sera pas davantage possible d'organiser une consultation populaire sur des questions qui touchent — même de loin — aux droits des francophones de Flandre ou des néerlandophones en Wallonie.

M. Broers constate qu'aucune consultation ne peut être organisée pour savoir si les francophones de la commune de Fourons sont satisfaits ou non des droits linguistiques étendus qui leur sont accordés. Il y a donc une certaine logique dans l'octroi à la Cour constitutionnelle de la compétence de contrôle préalable obligatoire.

L'intervenant estime que le projet à l'examen présente incontestablement quelques lacunes. C'est la raison pour laquelle il déposera une série d'amendements visant à améliorer le texte. En effet, pourquoi se donnerait-on tant de mal si la réglementation ne devait ensuite être comprise par personne ? M. Broers imagine aisément qu'une fois le texte à l'examen approuvé, d'aucuns penseront qu'une consultation populaire peut être organisée sur tous les sujets, ce qui n'est pas le cas.

Selon lui, même un partisan d'une consultation populaire ne pourrait se réjouir pleinement de la réglementation à l'examen. Est-ce cette consultation populaire qui a convaincu Ecolo d'apporter son soutien à la réforme de l'État ? En effet, l'intervenant a l'impression que, parmi tous les points qui ont été examinés ces derniers mois, celui-ci est le seul qui rencontre les attentes des écologistes. Il espère que M. Cheron pourra donner des éclaircissements à ce sujet.

M. Broers constate que des membres d'autres partis également se sont clairement prononcés contre l'idée d'une consultation populaire. En 2009, M. Marc Van Peel, ancien président du CD&V, était opposé à l'organisation d'une consultation populaire sur la liaison Oosterweel et il s'est ensuite opposé au résultat de cette consultation lorsqu'elle a eu lieu. Les objections formulées par la N-VA sont donc partagées par tous les partis démocratiques.

M. Moureaux estime que la matière est à la fois intéressante et délicate. Elle est intéressante car nous vivons un moment où la démocratie représentative essuie beaucoup de critiques de la part de l'opinion publique. La recherche d'autres formules nous amène souvent à nous référer à des formes de démocratie très anciennes telles que l'agora athénienne. Il n'est certes plus possible de réunir tous les citoyens mais on aimerait obtenir directement l'avis de tous.

Le membre est d'avis que l'expérience doit être tentée. Il y a eu des précédents délicats. Le cas le plus sensible a évidemment été la consultation organisée le 12 mars 1950 sur la Question royale. Nos prédécesseurs ont cru résoudre un problème et n'ont fait que l'envenimer au point de mettre le pays au bord de la guerre civile.

La consultation populaire présente des atouts mais ses dangers sont donc réels. Il est par conséquent logique de baliser la formule.

Prenons le problèmes des communautés: si la Vlaamse Gemeenschap veut organiser une consulation populaire sur l'enseignement, quels Bruxellois y participeront ?

Une série de matières sont exclues pour des raisons évidentes de risque de démagogie. On ne va pas interroger les citoyens sur la possibilité de supprimer leurs impôts.

Le membre considère le texte à l'examen comme un texte expérimental, pratiquant un début d'ouverture. Il lui semble logique d'opérer de cette manière.

Le sénateur termine par une question précise: quid d'une consultation qui porterait sur une matière communautaire exercée du côté francophone par la Région wallonne ?

Le secrétaire d'État répond qu'une telle consultation est expressément exclue dans les développements de la proposition d'insertion d'un article 39bis dans la Constitution: « Sont donc également exclues de la possibilité d'organiser une consultation populaire les compétences exercées par les Régions ou leurs organes sur la base ou en vertu des articles 135bis, 138, 163 ou 166 de la Constitution. » (doc. Ch. nº 53-2966/1, p. 5).

M. Moureaux signale que l'exposé des motifs n'a pas grande valeur sur le plan juridique. Il est en tout cas utile de préciser qu'il n'est donc pas vrai que les Régions peuvent organiser des consultations populaires pour toutes les matières pour lesquelles elles sont compétentes. Il y a bien des restrictions.

Aux yeux de M. Claes, le texte à l'examen relatif aux consultations populaires est une proposition équilibrée. L'amendement nº 1 déposé par la N-VA postule qu'il n'y a aucune raison d'exclure la possibilité d'organiser une consultation populaire sur des matières liées aux finances ou au budget. M. Claes estime que ce n'est pas une bonne idée. Si une commune organisait une consultation populaire sur des matières liées aux finances ou au budget, il est clair que tout le monde serait opposé à la levée d'impôts.

Néanmoins, une consultation populaire offre aussi de nombreuses chances et possibilités, y compris pour les Régions. Celles-ci seront elles-mêmes compétentes pour déterminer, par exemple, les conditions de participation. Quel áge faut-il avoir pour pouvoir participer à la consultation ? Quel est le nombre de participants requis ? Qui doit prendre l'initiative: un groupe de la population, des parlementaires, le gouvernement ou d'autres instances ? Les régions pourront également déterminer elles-mêmes les procédures et autres modalités.

Ce faisant, elles devront naturellement tenir compte du cadre élaboré, qui prévoit notamment le caractère non contraignant de la consultation populaire. Par ailleurs, la consultation populaire peut uniquement être organisée sur des matières qui relèvent de la compétence de la région concernée, ce qui est logique. L'obligation de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales est un bon garde-fou pour éviter que des consultations populaires soient organisées sur les sujets les plus insensés.

M. Delpérée partage l'opinion de M. Moureaux selon laquelle il y a dans les textes à l'examen une idée à la fois intéressante et délicate. C'est une idée intéressante que d'organiser une consultation populaire au niveau régional, c'est une forme particulière de participation directe des citoyens à la vie de la région. L'idée est d'ailleurs inscrite au programme du groupe cdH.

C'est aussi une idée délicate qui suscite quelques questions.

Une première question est liée au contexte institutionnel: les consultations populaires peuvent être organisées aujourd'hui au niveau local, communal ou provincial, mais pas au niveau fédéral. La Constitution dispose en effet que « Les membres des deux Chambres représentent la Nation ». Ces membres s'expriment et décident au nom de la Nation.

Organiser la consultation populaire au niveau régional revient à calquer le système des collectivités politiques décentralisées et non celui de la collectivité fédérale. Est-ce logique dans un système fédéral ?

Le membre exprime un regret: puisque nous avons développé une pratique des consultations populaires au niveau local, les développements auraient pu être un peu plus consistants: combien de consultations populaires y a-t-il eu au niveau communal, combien au niveau provincial, quel était le taux de participation, quelles suites ont été réservées à ces consultations ? Tous ces éléments auraient pu éclairer encore davantage la décision du Parlement.

Un autre aspect du problème est relatif à la Cour constitutionnelle. Celle-ci a été créée pour régler les conflits entre les lois, les décrets et les ordonnances. Elle avait donc à l'origine exclusivement une compétence de contrôle des normes. On ouvre ici une nouvelle porte en donnant une autre compétence à la Cour constitutionnelle qui n'est plus du tout le contrôle des normes. Il est question dans les textes de « contrôle de décisions ». N'y a-t-il pas là un problème de cohérence ?

En résumé, le sénateur répète que l'instauration de la consultation populaire au niveau régional est une idée délicate mais intéressante et généreuse, c'est pourquoi il votera en faveur de celle-ci, tout en sachant aussi qu'elle s'inscrit dans l'ensemble que constitue la sixième réforme de l'État.

M. Laeremans se dit à la fois positif et critique à l'égard de la proposition relative à l'organisation de consultations populaires. Selon l'intervenant, cette proposition est positive parce qu'elle marque une avancée. Contrairement à la N-VA, M. Laeremans est effectivement favorable à l'organisation de consultations populaires et même à la tenue de référendums contraignants. Dans ce pays en particulier, la démocratie a en effet déjà été tellement bridée et la majorité du pays a déjà été tant de fois frustrée dans ses attentes qu'on peut encore à peine parler de démocratie. Chaque pas vers la tenue de consultations populaires est un progrès dont on ne peut que se réjouir. Il ne s'agit pas encore d'organiser des référendums contraignants, mais cela peut encore venir dans une phase ultérieure.

Bien d'autres pays ont déjà instauré ce système. En Suisse, la pratique de la consultation populaire est ancrée dans la culture nationale, à la satisfaction de tous. Elle renforce en outre la participation démocratique de la population. D'ailleurs, nul ne peut remettre en cause le caractère fondamentalement démocratique de la Suisse.

M. Laeremans trouve que le texte à l'examen devrait encore aller plus loin. La Flandre devrait être elle-même intégralement compétente, non seulement pour organiser des consultations populaires, mais aussi pour institutionnaliser ce principe dans la législation. La proposition à l'examen s'inscrit effectivement à nouveau dans un cadre fédéral et est soumise une fois de plus à toutes sortes de freins et de limitations. Un des plus grands freins tient au fait que la Cour constitutionnelle doit d'abord vérifier si une proposition de consultation populaire est bien conforme aux limites constitutionnelles.

M. Laeremans déplore l'impossibilité d'organiser un référendum sur des matières telles que le budget ou les questions communautaires. On ne tient donc pas compte de la volonté de la population.

L'intervenant trouve que la proposition à l'examen est la meilleure qui ait été examinée dans le cadre de la sixième réforme de l'État. C'est un petit pas en avant et son groupe ne votera donc pas contre celle-ci mais s'abstiendra. Il déposera toutefois un amendement visant à supprimer le contrôle de la Cour constitutionnelle et espère que celui-ci sera adopté, dans une perspective constructive.

M. Claes demande si M. Laeremans peut proposer une alternative au contrôle de la Cour constitutionnelle.

M. Laeremans répond que la Cour constitutionnelle reste une instance fédérale composée, pour moitié, de magistrats francophones. Il est donc préférable de créer, pour les consultations populaires, une commission de contrôle au sein du Parlement flamand, de sorte que la Région flamande puisse décider elle-même.

M. Cheron estime que la démocratie est caractérisée par deux branches, à savoir celle de la représentation, incarnée par le Parlement et celle de la participation, incarnée par la consultation directe de la population.

L'orateur est un défenseur fervent de la de démocratie représentative, base de notre système. Cependant, le soi-disant conflit entre la démocratie représentative et la démocratie participative mérite à tout le moins qu'on tente l'expérience de la consultation populaire. Dans notre pays à l'architecture institutionnelle compliquée, les projets de loi, qui résultent d'un compromis, offrent la possibilité d'organiser des consultations populaires régionales.

Il n'y a pas eu de consultations populaires provinciales jusqu'ici et les résultats des consultations populaires communales ne sont pas spectaculaires. Pourtant, à Nivelles, le 14 octobre 1974, une consultation populaire a eu lieu sur le choix du couronnement de la reconstruction du clocher de la collégiale Sainte-Gertrude, détruite lors de la deuxième guerre mondiale. La population participait en grand nombre, non seulement au scrutin mais aussi à la campagne, organisée par les autorités locales. Une véritable passion populaire sans précédent, s'était manifestée. Le conseil communal avait ensuite entériné ce qui a été proposé par sa population lors de cette la consultation populaire.

La culture populaire de la consultation populaire peut-elle prendre racine à l'instar de la culture référendaire suisse ? Si l'on veut vraiment créer une culture utile, il faut que la population soit informée d'une manière objective qui lui permette de se former une opinion en toute indépendance.

M. Delpérée signale que les Suisses ne sont pas intéressés par l'idée d'émettre un simple avis. Ils veulent surtout prendre des décisions dans le cadre d'un référendum à caractère contraignant.

M. Cheron précise qu'il a souhaité faire une simple comparaison sans vouloir confondre la consultation populaire et le référendum.

M. Broers fait observer que déjà, dans plusieurs administrations communales, des conseils consultatifs principalement composés de citoyens sont actifs et qu'au sein de ces conseils, les responsables politiques n'ont même bien souvent plus le droit de vote. Ils peuvent émettre un avis sur un certain nombre de points qu'ils définissent eux-mêmes et soumettre cet avis au collège des bourgmestre et échevins.

M. Wathelet, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, exprime son étonnement sur le fait que la N-VA est contre la proposition de loi spéciale mais qu'elle dépose des amendements qui en élargissent justement le champ d'application.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

a) Projet de texte portant insertion d'un article 39bis dans la Constitution, nº 5-2372/1

Article unique

Amendement nº 1

M. Broers et Mme Maes déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 5-2372/2) qui vise à remplacer l'article 39bis proposé en vue de supprimer les limitations de contenu prévues dans le cadre de l'organisation d'une consultation populaire par les Régions.

M. Broers renvoie, pour le surplus, à la justification écrite de son amendement.

Amendement nº 2

M. Laeremans dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 5-2372/2) qui vise à modifier l'article 39bis proposé de la Constitution.

M. Laeremans explique qu'il n'approuve pas non plus les limitations de contenu qui sont imposées aux Régions dans le cadre de l'organisation de consultations populaires. C'est à elles qu'il doit revenir de prendre les décisions dans ce domaine. Il souhaite donner aussi aux régions la possibilité d'organiser des référendums aux conditions qu'elles déterminent.

Votes

L'amendement nº 1 de M. Broers et Mme Maes est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 2 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'article unique est adopté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

b) Projet de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en vue de permettre l'organisation de consultations populaires régionales, nº 5-2373/1

Article 1er

Cet article ne donne lieu à aucune observation. Il est adopté par 10 voix contre 5.

Article 2

Amendement nº 2

M. Laeremans dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 5-2373/2), visant à supprimer cet article.

Il renvoie à la justification écrite de son amendement.

Votes

L'amendement nº 2 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'article 2 est adopté par 10 voix contre 5.

Article 3

Amendements nos 1 et 3

M. Laeremans dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 5-2373/2), visant à supprimer cet article.

L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement et ajoute que cet amendement, tout comme le suivant, vise en fait à éviter que la beauté de la révision de la Constitution proprement dite soit réduite à néant par les dispositions contenues dans les articles 3 à 7.

M. Broers et Mme Maes déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, n 5-2373/2) visant à replacer l'alinéa 4 de l'article 3.

Mme Maes renvoie à la justification écrite de l'amendement.

Votes

L'amendement nº 3 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 1 de M. Broers et Mme Maes est rejeté par 10 voix contre 5.

L'article 3 est adopté par 10 voix contre 5.

Article 4

Amendement no 4

M. Laeremans dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 5-2373/2), visant à supprimer cet article.

L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement.

Votes

L'amendement nº 4 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'article 4 est adopté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

Article 5

Amendement nº 5

M. Laeremans dépose l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 5-2373/2), visant à supprimer cet article.

L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement.

Votes

L'amendement nº 5 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'article 5 est adopté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

Article 6

Amendement nº 6

M. Laeremans dépose l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 5-2373/2), visant à supprimer cet article.

L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement.

Votes

L'amendement nº 6 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'article 6 est adopté par 10 voix contre 5.

Article 7

Amendement nº 7

M. Laeremans dépose l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 5-2373/2), visant à supprimer cet article.

L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement.

Votes

L'amendement nº 7 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'article 7 est adopté par 10 voix contre 5.

Articles 8 et 9

Ces articles ne donnent lieu à aucune observation. Ils sont adoptés successivement par 10 voix contre 5.

V. VOTES SUR L'ENSEMBLE

Le projet de texte portant insertion d'un article 39bis dans la Constitution, nº 5-2372/1, est adopté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'ensemble du projet de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, en vue de permettre l'organisation de consultations populaires régionales, nº 5-2373/1 est adopté par 10 voix contre 5.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 10 membres présents.

Les rapporteurs, La présidente,
Wouter BEKE. Francis DELPÉRÉE. Sabine de BETHUNE.

Les textes adoptés par la commission sont identiques aux textes des projets transmis par la Chambre des représentants (voir doc. Chambre, nos 53-2966/4 et 53-2968/5).


(1) Cette proposition a été déclarée sans objet à la Chambre des représentants (voir doc. Chambre, no 53-2969/3, p. 7).

(2) Pour les autres propositions (clusters 1, 2 et 4), il est renvoyé aux rapports nos 5-2369/3, 5-2370/3 et 5-2374/3.