5-1815/5

5-1815/5

Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

19 NOVEMBRE 2013


DÉCRETS CONJOINTS


Proposition de loi spéciale modifiant les lois spéciales du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR

MM. BEKE ET MOUREAUX


I. INTRODUCTION

Les 19 juillet et 24 octobre 2012, ainsi que le 5 mars 2013, des sénateurs des huit partis de la majorité institutionnelle ont déposé au total quarante propositions visant à mettre en œuvre le deuxième volet de la réforme de l'État, comme prévu dans l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État, du 11 octobre 2011.

Cette deuxième séquence a comme dénominateur commun le renouveau politique et porte sur:

— la réforme du Sénat et du bicaméralisme;

— la stabilité du droit électoral et le principe de la simultanéité des élections fédérales, régionales et européennes;

— l'octroi de l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone et l'élargissement de l'autonomie constitutive des entités fédérées en vue de régler la durée de la législature de leurs Parlements et la date des élections de ces derniers;

— l'amélioration de la coopération entre les entités fédérées au moyen de décrets conjoints.

Les quarante propositions citées ci-dessus comprennent:

— vingt-neuf propositions de révision de la Constitution;

— cinq propositions de loi spéciale;

— six propositions de loi ordinaire.

Ces propositions peuvent être réparties en cinq groupes:

— le groupe 1 rassemble vingt-quatre propositions de révision de la Constitution en vue de la réforme du Sénat et du bicaméralisme. Il s'agit des propositions nos 5-1720/1 à 5-1743/1, qui ont été déposées le 19 juillet 2012;

— le groupe 2 rassemble huit propositions de loi spéciale et de loi ordinaire mettant en œuvre la réforme prévue dans le groupe 1. Il s'agit des propositions nos 5-1744/1 à 5-1748/1 et 5-1989/1 à 5-1991/1, qui ont été déposées respectivement le 19 juillet 2012 et le 5 mars 2013;

— le groupe 3 rassemble trois propositions de révision de la Constitution, afférentes à la stabilité du droit électoral et au principe de la simultanéité des élections fédérales, régionales et européennes. Il s'agit des propositions nos 5-1749/1 à 5-1751/1, qui ont été déposées le 19 juillet 2012;

— le groupe 4 rassemble deux propositions de révision de la Constitution et deux propositions de loi ordinaire et de loi spéciale, (a) octroyant l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone, et (b) élargissant l'autonomie constitutive des entités fédérées en vue de régler la durée de la législature de leurs Parlements et la date des élections de ces derniers. Il s'agit des propositions nos 5-1752/1 à 5-1755/1, qui ont été déposées le 19 juillet 2012;

— le groupe 5 comprend la proposition de loi spéciale nº 5-1815/1 du 24 octobre 2012 relative à la coopération entre les entités fédérées au moyen de décrets conjoints.

L'avis du Conseil d'État a déjà été recueilli pour toutes les propositions de loi spéciale et de loi ordinaire des groupes 2 à 5.

D'autre part, conformément à l'article 78 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, le Parlement de la Communauté germanophone a donné, le 11 décembre 2012, un avis motivé sur les propositions de loi suivantes:

— la proposition de loi modifiant la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone suite à la réforme du Sénat (doc. Sénat, nº 5-1747/1; documents du Parlement de la Communauté germanophone, 136 (2012-2013), nos 1 à 3, et compte-rendu intégral, 11 décembre 2012, nº 45 — voir avis en annexe au rapport nº 5-174/5);

— la proposition de loi modifiant la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone et la loi du 6 juillet 1990 réglant les modalités de l'élection du Parlement de la Communauté germanophone, en exécution des articles 118 et 123 de la Constitution (doc. Sénat, nº 5-1755/1; documents du Parlement de la Communauté germanophone, 142 (2012-2013), nos 1 et 2, et compte-rendu intégral, 11 décembre 2012, n° 45 — voir avis en annexe au rapport nº 5-1752/3).

Conformément à l'article 56-3, alinéa 2, du règlement du Sénat, il a été vérifié pour chacune des quarante propositions mentionnées ci-avant si le Sénat n'avait pas été saisi d'autres propositions ou projets poursuivant le même objet. Le cas échéant, ces derniers ont également été inscrits à l'ordre du jour pour être examinés conjointement.

Lors de la réunion introductive du 26 mars 2013, la commission des Affaires institutionnelles a tout d'abord décidé que ladite subdivision en groupes servirait de fil conducteur à la discussion de toutes les propositions mentionnées ci-avant. Cette décision se reflète dans la désignation des rapporteurs et dans les rapports. Les commissaires suivants ont ainsi été désignés comme rapporteurs:

— groupe 1: M. Gérard Deprez et Mme Martine Taelman (voir doc. Sénat, nº 5-1720/3);

— groupe 2: MM. Philippe Moureaux et Wouter Beke (voir doc. Sénat, nº 5-1744/5);

— groupe 3: Mmes Vanessa Matz et Martine Taelman (voir doc. Sénat, nº 5-1749/4);

— groupe 4: Mme Martine Taelman et M. Gérard Deprez (voir doc. Sénat, nº 5-1752/3);

— groupe 5: MM. Wouter Beke et Philippe Moureaux (voir doc. Sénat, n nº 5-1815/5).

Le 26 mars 2013, lors de la même réunion, les auteurs des quarante propositions précitées et les auteurs des propositions jointes qui le souhaitaient ont commenté les textes qu'ils ont déposés.

La commission a ensuite examiné la proposition du groupe 5 lors de sa réunion du 26 septembre 2013.

Lors de chacune de ces réunions, le gouvernement fut représenté par MM. Servais Verherstraeten et/ou Melchior Wathelet, secrétaires d'État aux Réformes institutionnelles.

Le présent rapport a été soumis à la commission pour approbation le 19 novembre 2013.

II. EXPOSÉ DE MME KHATTABI

L'accroissement sensible des compétences régionales et communautaires rend plus souhaitable encore que par le passé des mécanismes qui autorisent les autorités autonomes à exercer ensemble certaines de leurs compétences.

Actuellement, le principal mode de coopération entre les entités prévu par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles est la conclusion d'accords de coopération conformément à l'article 92bis de cette loi.

Cet article 92bis présente certaines limites. Tout d'abord, le rôle des Parlements est limité. Les accords de coopération sont conclus par les gouvernements et ils ne peuvent être amendés par les Parlements. En outre, la portée des accords de coopération interparlementaires est limitée. Il est généralement admis qu'ils peuvent seulement avoir trait à ce qu'on appelle les « prérogatives du Parlement ». Deuxièmement, la modification d'un accord de coopération est ardue. Toute modification d'une norme contenue dans un accord de coopération nécessite un nouvel accord de coopération. Troisièmement, la répartition des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif est imparfaite. L'article 92bis, § 1er, ne permet pas l'exécution d'accords de coopération au moyen d'« accords de coopération d'exécution » lorsque ces mesures d'exécution sont susceptibles à leur tour de grever, selon le cas, l'État, la communauté ou la région concernée ou de lier les Belges individuellement. En effet, de tels accords d'exécution doivent également faire l'objet d'un assentiment par les Parlements.

La présente proposition de loi spéciale veut rencontrer ces difficultés.

C'est pourquoi elle prévoit de simplifier les procédures de coopération entre les communautés et régions. La proposition pourvoit à l'exécution des mêmes dispositions constitutionnelles que celles qui fondent l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980. Elle vise à créer de la sorte un nouvel instrument de coopération, à savoir l'adoption de décrets conjoints. Un décret conjoint peut prévoir qu'un arrêté d'exécution d'un décret conjoint est adopté par les différents gouvernements concernés et ceci sans préjudice de la possibilité dont disposent les gouvernements d'exécuter les décrets conjoints chacun pour ce qui le concerne.

Un décret conjoint est une norme législative adoptée conjointement par les pouvoirs législatifs de plusieurs entités fédérées. Ils constituent une alternative aux accords de coopération qui sont conclus entre les communautés et les régions. Cela vaut tant pour les accords de coopération volontaires que pour les accords de coopération obligatoires.

La présente proposition prévoit que ces normes conjointes ont le même objet que les accords de coopération. Elle n'entend pas déroger à la répartition des pouvoirs entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, telle qu'elle est prévue par la loi spéciale précitée, ni à la répartition territoriale et matérielle des compétences telle qu'elle est réglée par et en vertu de la Constitution. Les décrets conjoints visent à compléter efficacement le principe de la répartition exclusive des compétences. Les décrets conjoints permettront de coopérer plus étroitement en ce qui concerne les compétences communautaires et régionales. La limite à cet exercice conjoint de compétences est donc que les décrets conjoints ne peuvent pas avoir pour conséquence un transfert de compétences. Cela vaut tant pour la compétence législative, exécutive que de financement.

En permettant d'une manière générale à chaque entité d'abroger unilatéralement, moyennant concertation préalable, une norme conjointe, l'autonomie de chacune est en tout état de cause respectée. Cette concertation constitue une règle de répartition des compétences.

S'agissant des décrets conjoints, ils devront, avant leur adoption par leur Parlement respectif, être soumis à une commission interparlementaire constituée paritairement, chaque délégation étant composée en respectant l'importance respective des groupes politiques. Il appartiendra aux Parlements, à leur président, et à leur bureau, de prévoir ensemble les modalités de fonctionnement de cette commission interparlementaire. Des modalités spécifiques sont prévues pour les institutions bruxelloises.

Le mécanisme sera également applicable aux institutions de la région bilingue de Bruxelles-Capitale dotées d'un pouvoir législatif (Région, ainsi que Commission communautaire commune et Commission communautaire française dans la mesure où elles disposent de compétences législatives). Les normes législatives issues de la collaboration entre la Région de Bruxelles-Capitale et une Communauté, par exemple, seront intitulées « décret et ordonnance conjoints de la Communauté (flamande, française ou germanophone) et de la Région de Bruxelles-Capitale ». Au sein du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l'assemblée réunie de la Commission communautaire commune, les ordonnances adoptées conformément à l'article 92bis/1 requerront toujours une majorité dans chaque groupe linguistique.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. Questions et observations des membres

M. Laeremans pense que la proposition à l'examen ne fera que rendre l'écheveau de nos institutions beaucoup plus compliqué encore qu'il ne l'est actuellement, avec sept Parlements, des Parlements fédérés et un éventail de compétences différentes. L'idée est en effet de créer de nouvelles normes, à savoir les décrets conjoints ou les décrets et ordonnances conjoints, qui verront le jour dans le cadre des accords de coopération en tout genre qui pourront être conclus entre des parlements, entre une communauté et une région, entre deux régions, entre deux communautés mais pas, curieusement, entre une communauté ou une région et le niveau fédéral. À cela s'ajoute le fait qu'il existe des différences de force juridique entre les normes; ainsi, une ordonnance n'a pas la même force juridique qu'un décret. En fin de compte, personne ne saura plus quelle règle il devra appliquer, attaquer ou utiliser. Ce sera un imbroglio institutionnel sans précédent.

M. Laeremans déclare que seuls les francophones étaient demandeurs de cette modification. La Flandre n'a jamais demandé à pouvoir promulguer des décrets conjoints, au contraire. Cela va à l'encontre du principe de territorialité car cela amènera une région ou une communauté à se mêler de ce qui passe dans un autre territoire ou à s'estimer compétente pour le faire.

La principale crainte de M. Laeremans est que cette disposition ait pour vocation de conférer une base légale à des instruments juridiques qui permettront d'opérer un rapprochement plus étroit entre la Région wallonne et la Région bruxelloise et, partant, de donner corps à la Fédération Wallonie-Bruxelles.

M. Anciaux indique que la Région wallonne et la Région bruxelloise peuvent aujourd'hui déjà conclure des accords de coopération dans leur propre domaine de compétence. La seule nouveauté est que désormais, le Parlement de la Région wallonne et le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale seront habilités à promulguer des décrets conjoints ou des décrets et ordonnances conjoints, chacun pour ce qui concerne ses compétences, sur des matières pour lesquelles leur gouvernement respectif pouvait auparavant conclure des accords de coopération. L'intervenant souligne que la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale ne sont pas compétentes pour les matières communautaires. Elles ne peuvent conclure des accords de coopération que sur des matières régionales et pourront, si la proposition à l'examen devient loi, promulguer des décrets et des ordonnances conjoints. À qui la promulguation de décrets conjoints ou de décrets et ordonnances conjoints relatifs aux compétences régionales profitera-t-elle le plus: à Bruxelles et à la Wallonie ou bien à Bruxelles et à la Flandre ? Aux deux derniers cités sans doute !

M. Laeremans trouve ce raisonnement très naïf. Les responsables politiques francophones rêvent d'une intégration entre la Wallonie et Bruxelles. En théorie, il ne s'agit que des compétences régionales, mais il y a un certain nombre de matières qui échappent au cadre strict de la répartition des compétences entre la communauté et la région parce qu'elles concernent les deux entités, comme c'est le cas pour le sport ou le tourisme. Il existe une zone grise, et le régime proposé aura pour conséquence de créer un amalgame entre les compétences communautaires et les compétences régionales.

M. Laeremans renvoie ensuite à l'avis du Conseil d'État (doc. Sénat, nº 5-1815/2), qui bat en brèche les intentions des auteurs du texte à l'examen. Dans la Constitution, il est question d'ordonnances et de décrets. En l'espèce, on crée une nouvelle norme juridique dont la force juridique n'est pas encore clairement définie puisque cette norme est un hybride, par exemple, de l'ordonnance et du décret.

Le Conseil d'État déclare à ce propos: « Si le décret conjoint ou le décret et ordonnance conjoints doivent être considérés comme un seul acte normatif adopté par deux ou plusieurs assemblées parlementaires qui agissent en quelque sorte comme un « pouvoir législatif conjoint », il est évident que l'on se trouve en présence d'un nouveau type de norme qui n'est pas prévu dans le cadre constitutionnel actuel. » (observation nº 4). Plus loin, le Conseil d'État poursuit en disant: « Le Conseil d'État, section de législation, estime dès lors que le législateur spécial interviendrait en dehors du cadre constitutionnel existant en instaurant, au titre de nouvelle norme législative, un tel décret conjoint ou décret et ordonnance conjoints.  » (observation nº 4).

Le Conseil d'État attire également l'attention sur l'article 33 de la Constitution et déclare: « L'introduction de la possibilité d'adopter un décret conjoint ou un décret et ordonnance conjoints en tant que nouveau type de norme est une modification à ce point importante du cadre institutionnel dans lequel les communautés et régions interviennent qu'elle doit être prévue expressément par la Constitution même ou à tout le moins en vertu de celle-ci.

Si l'intention des auteurs de la proposition était de créer un tel instrument, une révision de la Constitution serait donc nécessaire. Dans ce cas, la proposition de loi spéciale ne peut dès lors pas se concrétiser. » (observation nº 6).

Cela a le mérite d'être extrêmement clair, selon M. Laeremans, qui ajoute que cet avis du Conseil d'État est le plus tranchant qu'il ait jamais lu à ce jour. Il est dès lors curieux de connaître la réponse du secrétaire d'État face à toutes ces observations.

M. Delpérée constate que M. Laeremans a une lecture très sélective de l'avis du Conseil d'État. Ce dernier entrevoit deux possibilités: « soit le décret conjoint ou le décret et ordonnance conjoints constituent un seul acte normatif pris par deux assemblées parlementaires qui interviennent en quelque sorte en tant que pouvoir législatif conjoint, soit il convient de considérer le décret conjoint ou le décret et ordonnance conjoints comme deux ou plusieurs décrets ou ordonnances ayant identiquement le même contenu, qui sont adoptés par deux ou plusieurs pouvoirs décrétaux ou ordonnanciels agissant séparément. » (observation nº 2).

En ce qui concerne la première option, le Conseil d'État formule, il est vrai, de sérieuses objections. S'agissant de la deuxième option, en revanche, le Conseil d'État déclare que le décret conjoint ou le décret et l'ordonnance conjoints « pourraient effectivement être considérés, sous certaines conditions, comme une nouvelle « forme de coopération » pouvant s'inscrire dans le cadre institutionnel existant. » (observation nº 7). M. Delpérée estime que la lecture sélective de l'avis du Conseil d'État, comme celle à laquelle procède M. Laeremans, relève de la malhonnêteté intellectuelle.

M. Vanlouwe estime que le nouvel instrument de coopération que l'on introduit ici ne simplifie pas les choses, loin s'en faut. Ce que l'on veut faire en réalité, c'est imposer une nouvelle norme pour des matières défédéralisées en permettant l'adoption de décrets conjoints. Pourquoi n'a-t-on pas simplement fait le choix de refédéraliser certaines matières ? Son parti y est, évidemment, farouchement opposé, mais les choses auraient été plus claires. Au final, on aboutira au même résultat puisque l'on crée un nouvel instrument de coopération pour des compétences des communautés et des régions, qui devront alors être intégralement harmonisées.

Dans les développements, il est précisé que le décret conjoint ou le décret et l'ordonnance conjoints constituent une alternative aux accords de coopération qui sont conclus entre les communautés et les régions et que cela vaut tant pour les accords de coopération volontaires que pour les accords de coopération obligatoires. La majorité institutionnelle considère qu'il est nécessaire de prévoir une alternative à un accord de coopération et ce, pour plusieurs raisons. Ainsi, le rôle des parlements serait trop limité car ils ne peuvent pas, par exemple, amender des accords de coopération. La modification d'un accord de coopération est ardue car toute modification nécessite un nouvel accord de coopération. Ensuite, la répartition des pouvoirs entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif serait imparfaite. Les « accords de coopération d'exécution » qui sont susceptibles à leur tour de grever, selon le cas, l'État, la communauté ou la région concernée ou de lier les Belges individuellement, doivent également faire l'objet d'un assentiment par les parlements. Telle est l'argumentation développée pour étayer l'instauration de ce nouveau système complexe.

Dans les développements, il est précisé aussi, selon M. Vanlouwe, que les décrets conjoints seront examinés et adoptés par une commission interparlementaire composée d'un nombre égal de représentants de chacun des Parlements concernés, chacune des délégations étant composée dans le respect de la représentation proportionnelle des groupes politiques du Parlement que la délégation représente. L'intervenant attend avec impatience de connaître la composition de la délégation des membres néerlandophones du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. Selon M. Vanlouwe, toute la question sera de savoir si la commission interparlementaire pourra fonctionner efficacement.

M. Mahoux pense que l'on parvient toujours à résoudre les problèmes dans la pratique lorsque les gens sont de bonne volonté.

M. Vanlouwe signale que le Conseil d'État a déclaré dans son avis qu'il est d'ores et déjà possible de conclure des « accords de coopération interparlementaire » en vertu de l'article 92bis de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980. L'on crée donc dans la proposition à l'examen et l'on inscrit dans des lois spéciales quelque chose qui existe déjà en réalité.

Concernant l'argument selon lequel il est difficile de modifier des accords de coopération, M. Vanlouwe estime que la procédure actuelle n'est pas plus rigide que celle proposée pour la modification d'un décret conjoint. En outre, l'article 92bis, peut être modifié « afin de permettre de conclure de tels « accords de coopération d'exécution » sans que les Parlements concernés ne doivent non plus y donner leur assentiment, après avoir déjà porté assentiment à l'accord de coopération qui en constitue le fondement juridique » (avis du Conseil d'État, doc. Sénat, nº 5-1815/2, p. 11, alinéa 2).

« Une telle modification [de l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980] présenterait l'avantage de ne pas créer inutilement une nouvelle forme de coopération qui augmenterait la complexité de l'ordre juridique » (o.c., p. 11). Qui plus est, dans ce scénario, la coopération est facilitée non seulement entre les communautés et les régions mais aussi avec l'État fédéral, ce qui n'est pas le cas avec les décrets conjoints.

M. Vanlouwe ne trouve nulle part dans les développements, ni dans la proposition proprement dite, la trace d'une plus-value ni même d'une différence par rapport aux accords de coopération existants. Ce qui existe actuellement fonctionne et M. Vanlouwe y est favorable. Il y a, par exemple, un accord de coopération pour l'échange de postes vacants entre le Vlaamse Dienst voor arbeidsbemiddeling en beroepsopleiding (VDAB) et Actiris, qui fonctionne manifestement. M. Vanlouwe rappelle que la Région de Bruxelles-Capitale, en particulier, s'était opposée en son temps à la conclusion de cet accord de coopération parce qu'elle craignait que l'influence du VDAB à Bruxelles ne devienne trop importante, alors que Bruxelles avait le plus intérêt à l'échange de postes vacants.

Dans les développements de la proposition à l'examen, le nouvel instrument juridique est justifié par le souci d'une coopération de meilleure qualité et plus efficace entre les communautés et les régions. Mais en plus des accords de coopération, il y a aussi par exemple l'article 77 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980. Dès lors, quelle est la valeur ajoutée des décrets conjoints ? Peut-être la Commission communautaire commune (COCOM) et la Région de Bruxelles-Capitale ne sont-elles pas visées en l'espèce ? Selon le groupe politique de l'intervenant, les amendements de la majorité institutionnelle ne tiennent pas compte de la critique fondamentale du Conseil d'État à l'encontre de la proposition. Au contraire, la majorité institutionnelle maintient l'instrument des décrets conjoints. Pourquoi n'envisage-t-elle pas simplement une refédéralisation, ce à quoi l'intervenant se dit lui-même catégoriquement opposé.

En réalité, l'objectif de ce nouvel instrument est d'instaurer « la sécu wallo-bruxelloise ». La N-VA craint le scénario suivant: du fait du morcellement des compétences consécutif à la sixième réforme de l'État, principalement en matière de sécurité sociale, entre la Région wallonne, la Commission communautaire française (COCOF), la Commission communautaire commune (COCOM), et dans une moindre mesure la Communauté française, il est devenu pratiquement impossible de mener une politique sociale intégrée dans le sud du pays, de sorte que la solidarité entre francophones risque d'être compromise. Cette situation n'existe heureusement pas du côté flamand.

Il est expressément prévu dans l'accord de gouvernement bruxellois que la COCOM doit être supprimée, mais le résultat de la réforme de l'État sera au contraire, en fin de compte, une extension des compétences de la COCOM. Il s'agit là d'une véritable contradiction.

M. Beke revient sur le point de vue de la N-VA selon lequel on approuve en fait une refédéralisation. Il conteste catégoriquement cette affirmation. La réforme de l'État accorde aux entités fédérées l'autonomie de décider, le cas échéant, si elles veulent ou non coopérer par le biais d'un décret conjoint ou d'un décret et ordonnance conjoints. Où est le problème ? M. Beke s'étonne que les autonomistes de la N-VA formulent des objections contre un tel système.

M. Vanlouwe estime que le problème vient du fait que les entités fédérées ont des visions différentes sur de nombreux points. La réalité est que le principe des décrets conjoints est taillé sur mesure pour la « sécu wallo-bruxelloise ». Il fallait trouver une solution. À la suite de la sixième réforme de l'État, la plupart des compétences en matière de sécurité sociale (allocations familiales et 77,8 % des nouvelles compétences en matière de soins de santé) sont confiées à la COCOM, au sein de laquelle les Flamands de Bruxelles (c'est-à-dire la Commission communautaire flamande) sont représentés.

M. Anciaux répond que les entités fédérées sont libres de ne pas promulguer de décret conjoint si leurs conceptions ne sont pas compatibles. Il juge les arguments de M. Vanlouwe sur la situation future des Flamands de Bruxelles totalement dénués de pertinence. La procédure décisionnelle au sein de la COCOM implique en effet que chaque décision, chaque point et chaque virgule d'une ordonnance doivent être approuvés par une majorité dans les deux groupes linguistiques. Chaque décision doit en outre être examinée par au moins deux ministres, un francophone et un néerlandophone. M. Vanlouwe pense-t-il que les Flamands de Bruxelles sont idiots au point d'approuver n'importe quelle décision ?

M. Vanlouwe reconnaît que les articles 3 à 6 de la proposition incluent un certain nombre de garanties en faveur des Flamands au sein de la COCOM:

1. au moins un tiers de la délégation de l'Assemblée réunie de la COCOM au sein de la commission interparlementaire appartient au groupe linguistique le moins nombreux, avec un minimum de trois membres;

2. la délégation de chaque Parlement est composée en tenant compte de la représentation proportionnelle des groupes au Parlement que la délégation représente; en ce qui concerne l'Assemblée réunie de la COCOM, cette représentation proportionnelle est organisée par groupe linguistique;

3. un projet ou une proposition de décret conjoint ou de décret et ordonnance conjoints est adopté, tant au sein de la commission interparlementaire qu'à la COCOM, à la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique, sans second scrutin, c'est-à-dire à une majorité « pré-Lombard ». Il convient de signaler que, pour les accords de coopération, on applique la majorité « post-Lombard », ce qui signifie qu'un tiers des voix suffit dans chaque groupe linguistique lors du deuxième scrutin. Cela n'est d'ailleurs pas logique: un décret conjoint, qui est approuvé à une majorité « pré-Lombard », peut être abrogé, modifié et remplacé par un accord de coopération, qui est approuvé à une majorité « post-Lombard », et inversement. Où est la logique dans tout cela ?

Au sens strict, les Bruxellois flamands disposent au sein de la COCOM d'un droit de veto contre l'adoption d'un « décret et ordonnance conjoints » (par exemple, entre la COCOM et la Région wallonne). Dans la pratique, cela signifie que neuf des dix-sept membres du groupe linguistique néerlandais peuvent approuver des décrets et ordonnances conjoints. Une fois que la COCOM et la Région wallonne auront approuvé un décret et ordonnance conjoints, adoptant par exemple le système d'allocations familiales wallon, les Flamands de Bruxelles seront pieds et poings liés à la Wallonie: l'abrogation de ce décret et ordonnance conjoints requiert au moins un tiers des voix du groupe linguistique français (en cas d'accord de coopération) ou la moitié des voix du groupe linguistique français (en cas de nouveau décret conjoint).

Par conséquent, le groupe de l'intervenant est radicalement opposé à la proposition de loi spéciale à l'examen. La section de législation du Conseil d'État a elle aussi épinglé dans son avis les imprécisions de la proposition de loi spéciale: « Afin de pouvoir apprécier la constitutionnalité de l'instauration du « décret conjoint » ou du « décret et ordonnance conjoints », il faut pouvoir en déterminer la nature précise et le statut. Ni le texte de la proposition de loi spéciale, ni ses développements ne sont très explicites à ce propos. » (observation nº 2, doc. Sénat, nº 5-1815/2).

Le Conseil d'État affirme en outre que « le législateur spécial interviendrait en dehors du cadre constitutionnel existant en instaurant, au titre de nouvelle norme législative, un tel décret conjoint ou décret et ordonnance conjoints » (observation nº 4).

Enfin, le Conseil d'État ajoute: « (...) Plus fondamentalement, la section de législation attire l'attention sur l'article 33 de la Constitution, qui dispose: « Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution. ». L'introduction de la possibilité d'adopter un décret conjoint ou un décret et ordonnance conjoints en tant que nouveau type de norme est une modification à ce point importante du cadre institutionnel dans lequel les communautés et régions interviennent qu'elle doit être prévue expressément par la Constitution même ou à tout le moins en vertu de celle-ci. Si l'intention des auteurs de la proposition était de créer un tel instrument, une révision de la Constitution serait donc nécessaire. Dans ce cas, la proposition de loi spéciale ne peut dès lors pas se concrétiser. » (observation nº 6).

2. Points de vue du secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles

Le secrétaire d'État revient sur la question de la constitutionnalité de la proposition de loi spéciale. Il adhère au point de vue défendu par M. Delpérée.

— Contrairement à MM. Laeremans et Vanlouwe, la majorité institutionnelle n'a, consciemment ou inconsciemment, jamais cité l'avis du Conseil d'État de manière sélective. Le secrétaire d'État ne nie pas que le Conseil d'État a formulé un certain nombre de questions au sujet de la proposition. Il ne nie pas non plus que le Conseil a trouvé que les développements de la proposition manquaient de clarté ni qu'il a estimé que l'instauration d'une nouvelle norme conformément à la première option envisagée pourrait poser problème. Le Conseil d'État souligne cependant explicitement que le problème ne se poserait pas avec la deuxième option. L'intervenant propose par conséquent d'examiner attentivement l'ensemble de l'avis du Conseil d'État.

Il se réfère à l'avis du Conseil d'État: « Il apparaît au Conseil d'État qu'il existe deux possibilités: soit le décret conjoint ou le décret et ordonnance conjoints constituent un seul acte normatif pris par deux assemblées parlementaires qui interviennent en quelque sorte en tant que pouvoir législatif conjoint, soit il convient de considérer le décret conjoint ou le décret et ordonnance conjoints comme deux ou plusieurs décrets ou ordonnances ayant identiquement le même contenu, qui sont adoptés par deux ou plusieurs pouvoirs décrétaux ou ordonnanciels agissant séparément. » (observation n 2).

« Toutefois, s'il y a lieu de considérer le décret conjoint ou le décret et ordonnance conjoints non pas comme un seul acte normatif mais comme deux ou plusieurs actes normatifs au contenu identique, qui sont adoptés par différentes assemblées législatives, ils pourraient effectivement être considérés, sous certaines conditions, comme une nouvelle « forme de coopération » pouvant s'inscrire dans le cadre institutionnel existant. » (observation nº 7).

Les auteurs de la proposition confirment qu'ils s'inscrivent dans le cadre institutionnel existant. Comme l'a indiqué le représentant de la présidente du Sénat au Conseil d'État: « Pour une bonne compréhension de la proposition, nous souhaitons attirer votre attention sur le fait qu'un décret conjoint ne sera pas, comme vous semblez l'affirmer, un texte normatif pluriel, mais un seul et même acte normatif, approuvé par plusieurs parlements, de la même manière qu'un accord de coopération constitue un seul et même acte normatif. » (traduction) Si les décrets conjoints ou les décrets et ordonnances conjoints ont le même objectif que celui énoncé par les législateurs respectifs de deux ou plusieurs entités fédérées (le negotium), ils seront adoptés conjointement, sous la forme de deux ou plusieurs décrets ou ordonnances (l'instrumentum), par chaque entité fédérée partie à cette coopération, conformément aux règles établies par ou en vertu de la Constitution.

L'établissement du décret conjoint, qui s'appuie sur le travail fourni par une commission interparlementaire et sur les navettes effectuées entre cette commission et les parlements concernés au sujet des amendements déposés, montre clairement l'existence d'un « negotium » qui recueille l'adhésion des entités concernées, même si celui-ci débouche ensuite sur différents « instrumenta » qui doivent être adoptés par chaque parlement en séance plénière.

Les Assemblées législatives concernées n'agissent donc nullement comme si elles formaient un pouvoir législatif unique.

Les auteurs de la proposition à l'examen rappellent que leur objectif est de simplifier les procédures de coopération entre les communautés, les régions et la Commission communautaire commune.

Dans le respect de la séparation des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, telle qu'elle est prévue par la Constitution et les lois spéciales précitées, et dans le respect de la répartition territoriale et matérielle des compétences réglée par et en vertu de la Constitution, la proposition à l'examen vise à compléter efficacement le principe de la répartition exclusive des compétences et, partant, à faciliter une coopération plus étroite en ce qui concerne les compétences communautaires et régionales.

En effet, en matière de compétences communautaires, la coopération est autorisée par les articles 127, § 1er, alinéa 2, et 128, § 1er, alinéa 2, de la Constitution, qui prévoient que les formes de cette coopération sont arrêtées par une loi adoptée à une majorité spéciale. En matière de compétences régionales, la coopération est autorisée par l'article 39 de la Constitution, qui prévoit que la loi détermine les matières pour lesquelles les régions sont compétentes, à l'exception des matières visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit.

Les articles 127, § 1er, alinéa 1er, 3º, et 128, § 1er, alinéa 2, ainsi que l'article 130, § 1er, 4º, de la Constitution — qui prévoient que les Parlements de communauté règlent par décret, « chacun pour ce qui le concerne », la coopération entre les communautés — n'empêchent pas le législateur spécial d'habiliter les différentes communautés et régions à exercer conjointement les compétences qui leur sont confiées, au moyen des formes de coopérations qu'il établit.

Les auteurs de la proposition à l'examen ont ainsi voulu permettre non seulement la conclusion d'accords de coopération, mais aussi l'établissement de décrets (et/ou ordonnances) conjoints, c'est-à-dire de normes législatives adoptées conjointement par le pouvoir législatif respectif de différentes entités fédérées, dans des matières communautaires ou régionales. En effet, après avoir été soumis à une commission interparlementaire, les décrets conjoints doivent être approuvés par les différents Parlements concernés pour faire naître directement des droits et obligations pour les citoyens. Des modalités spécifiques ont été prévues pour l'approbation au sein des institutions bruxelloises.

Comme le souligne d'ailleurs le Conseil d'État:

« Il ressort [de l'article 92bis/1, § 4, alinéas 3 et 4, proposé] que les décrets conjoints, sans occuper nécessairement une place supérieure aux décrets ordinaires dans la hiérarchie des normes, ont en tout cas une plus grande force juridique que ces derniers. En effet, à l'inverse des décrets conjoints, les décrets ordinaires ne peuvent pas abroger, compléter ou remplacer les décrets portant approbation d'accords de coopération. Alors que des décrets conjoints peuvent effectivement modifier des décrets ordinaires, à l'inverse, des décrets ordinaires ne peuvent modifier des décrets conjoints. »

— En ce qui concerne l'observation nº 15 du Conseil d'État, le secrétaire d'État réagit de la manière suivante, au nom de la majorité institutionnelle :

« Comme le fait observer le Conseil d'État, les décrets conjoints ont une plus grande force juridique que les décrets ordinaires, en ce qu'ils peuvent modifier ces derniers, alors que l'inverse est impossible. Cette règle vaut évidemment sans préjudice de la possibilité, pour chacun des Parlements concernés, conformément à l'article 92bis/1, § 4, alinéa 2, proposé, d'abroger un décret conjoint par voie de décret ordinaire, après concertation.

Les auteurs de la proposition souscrivent également à l'interprétation du Conseil d'État selon laquelle les règles d'interprétation ordinaires visant à régler des conflits entre des normes équivalentes sont applicables en cas de conflit entre un accord de coopération, conclu par voie de décret, et un décret conjoint. Si les deux décrets concernent les mêmes parties, c'est, comme l'affirme le Conseil d'État à juste titre, le principe « lex posterior derogat priori » qui s'applique, ainsi qu'il ressort de l'article 92bis/1, § 4, alinéa 2, proposé, de la loi spéciale du 8 août 1980.

Le Conseil d'État s'interroge toutefois quant à un éventuel conflit entre un accord de coopération et des décrets conjoints, si les deux normes ne concernent pas les mêmes entités.

Dans cette optique, il faut préciser que la même question se pose également en cas de conflit éventuel entre deux accords de coopération qu'une entité a conclus avec des partenaires différents. Si une partie souhaite conclure un accord de coopération qui déroge à un accord de coopération antérieur, il doit d'abord être mis fin au premier accord de coopération (soit selon les modalités prévues dans l'accord de coopération, soit dans le respect d'un délai de résiliation raisonnable). Le même principe s'applique pour l'adoption d'un décret conjoint qui serait contraire à un accord de coopération conclu antérieurement entre d'autres entités ou dans le cas d'un décret d'assentiment à un accord de coopération qui serait contraire à un décret conjoint adopté antérieurement entre d'autres entités (auquel il devrait d'abord être mis fin, conformément à l'article 92bis/1, § 4, alinéas 1er ou 2). »

— En ce qui concerne l'observation nº 18 du Conseil d'État, le secrétaire d'État expose le point de vue de la majorité institutionnelle :

« Les auteurs de la proposition ne partagent pas le point de vue du Conseil d'État. Ils souhaitent instaurer une nouvelle forme de coopération.

Pour rappel, M. Verherstraeten précise que les auteurs de la proposition visent avant tout à simplifier la coopération entre les entités fédérées. Ainsi, les décrets conjoints ou les décrets et ordonnances conjoints sont le fruit d'une même intention partagée par les législateurs respectifs de deux entités fédérées ou plus (le negotium); ils sont ensuite approuvés parallèlement, sous la forme de deux décrets ou ordonnances ou plus (l'instrumentum), par chaque entité fédérée qui participe à cette forme de coopération.

Si, en outre, les Parlements peuvent conclure des accords de coopération, le problème réside en ce qu'une fois l'accord conclu, il ne peut être modifié par les parlementaires qui doivent soit l'approuver, soit le rejeter.

Par ailleurs, l'intention est non seulement de permettre de grouper des initiatives parlementaires, mais aussi de faire en sorte que les projets de coopération résultant d'initiatives gouvernementales puissent faire l'objet, après accord des gouvernements sur le contenu, de projets qui seront déposés et modifiés par leurs parlements respectifs. Cette possibilité n'existe pas pour un accord de coopération qui, une fois conclu, est « à prendre ou à laisser » pour les parlements. Les auteurs de la proposition sont convaincus que cette dernière renforcera le caractère démocratique de la coopération entre les entités fédérées et qu'elle facilitera l'adoption de normes conjointes.

Enfin, dans le respect de la séparation des pouvoirs entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, telle que la prévoient la Constitution et les lois spéciales précitées, et dans les limites de la répartition territoriale et matérielle des compétences réglée par et en vertu de la Constitution, la proposition à l'examen vise à compléter, de manière efficace, le principe de la répartition exclusive des compétences et, partant, à faciliter une coopération plus étroite en ce qui concerne les compétences communautaires et régionales.

Ainsi, les auteurs de la proposition à l'examen ont voulu permettre l'élaboration d'un décret conjoint (et/ou ordonnance conjoints), c'est-à-dire d'une norme législative adoptée simultanément par les pouvoirs législatifs de plusieurs entités fédérées, dans des matières communautaires et/ou régionales.

Une adaptation de la législation sur les accords de coopération ne saurait conduire au même résultat. »

— Concernant l'observation nº 12 du Conseil d'État, le secrétaire d'État fournit l'explication suivante :

« Les auteurs de la proposition attirent l'attention sur le fait que la même situation se présente lorsqu'une partie met unilatéralement un terme à un accord de coopération rendu obligatoire par la loi spéciale du 8 août 1980. À ce sujet, il convient de souligner que la Cour constitutionnelle s'estime compétente pour vérifier si une norme établie unilatéralement sans la conclusion d'un accord de coopération obligatoire contrevient ou non à l'obligation imposée par la loi spéciale de conclure obligatoirement un accord de coopération. La Cour constitutionnelle souligne à ce sujet: « B.13. En tant que l'absence de coopération dans une matière pour laquelle le législateur spécial prévoit une coopération obligatoire n'est pas compatible avec le principe de proportionnalité propre à tout exercice de compétence, la Cour peut vérifier le respect de l'obligation de conclure des accords de coopération, contenue à l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980. » (arrêts de la Cour constitutionnelle du 7 décembre 2005, 178/2005, B.13, et du 27 mai 2008, 85/2008, B.5). Si une entité met unilatéralement un terme à un accord de coopération rendu obligatoire par le législateur spécial, il faudra dès lors vérifier si cette résiliation unilatérale est compatible avec le principe de proportionnalité.

Si une entité, conformément à l'article 92bis/1, § 4, alinéa 2, proposé de la loi spéciale du 8 août 1980, décide unilatéralement d'abroger un décret conjoint ou un décret et ordonnance conjoints qui doivent faire l'objet d'un accord de coopération rendu obligatoire par la même loi spéciale, il faudra donc vérifier de la même manière si cette entité respecte le principe de proportionnalité. »

— En ce qui concerne l'observation nº 11 du Conseil d'État (l'aspect ordonnanciel), le secrétaire d'État précise qu'en l'espèce, les mêmes règles s'appliquent que lorsque l'autorité agissant conformément à l'article 45 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 suspend ou annule une ordonnance portant assentiment à un accord de coopération ou lorsqu'une juridiction contrôle cette ordonnance conformément aux articles 9 à 69 de la même loi.

Par ailleurs, les auteurs confirment que l'interprétation authentique d'une norme législative conjointe, appartient, au même titre que sa modification, conjointement à l'ensemble des législateurs dont elle émane. La proposition ne vise toutefois pas à modifier les possibilités dont disposent actuellement les législateurs décrétaux et ordonnanciels pour interpréter authentiquement leurs décrets et ordonnances.

Un décret et ordonnance conjoints ou une ordonnance conjointe ne pourront donc pas faire l'objet d'une interprétation authentique.

Le secrétaire d'État souhaite encore ajouter qu'il a l'impression que l'on accorde bien peu de confiance aux responsables politiques néerlandophones de Bruxelles. La procédure élaborée dans le texte à l'examen comprend plusieurs phases dans lesquelles les représentants néerlandophones de Bruxelles ont un rôle crucial à jouer.

L'approbation d'un décret conjoint ou d'un décret et ordonnance conjoints passe d'abord par une commission interparlementaire dans laquelle chaque parlement envoie une délégation. En ce qui concerne Bruxelles, au moins un tiers de la délégation doit appartenir au groupe linguistique le moins nombreux, avec un minimum de trois membres.

De plus, cette commission interparlementaire est publique et certaines sensibilités peuvent donc donner lieu à des débats à différents niveaux afin que l'on puisse intervenir comme il se doit. Chaque délégation doit marquer son accord sur le texte proposé. La proposition est ensuite transmise aux différents Parlements. Dans le cas du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, il faut savoir que la double majorité « pré-Lombard » (majorité des deux tiers et majorité dans chaque groupe linguistique) s'applique à cet égard, y compris pour les matières régionales.

Le gouvernement doit ensuite sanctionner le texte. Dès lors que le gouvernement bruxellois est toujours composé de manière paritaire, il est toujours possible, si nécessaire, d'y accommoder certaines sensibilités.

D'aucuns ont laissé entendre que la proposition à l'examen ne respectait pas la répartition des compétences. Cette affirmation est en contradiction avec les développements de la proposition: « La limite à cet exercice conjoint de compétences est donc que les décrets conjoints ne peuvent pas avoir pour conséquence un transfert de compétences. Cela vaut tant pour la compétence législative, exécutive que de financement. » (doc. Sénat, nº 5-1815/1, p. 3, alinéa 3).

Contrairement à ce qui a été affirmé précédemment, on ne déroge donc ni à la répartition territoriale ni à la répartition matérielle des compétences. Toutes les dispositions des lois spéciales relatives à l'approbation des décrets et ordonnances demeurent intégralement applicables aux décrets conjoints et aux décrets et ordonnances conjoints, ainsi qu'aux arrêtés pris pour leur exécution, sauf lorsque la proposition de loi spéciale à l'examen y déroge. Toutes les procédures de protection prévues dans la réglementation, comme la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle, les procédures relatives aux conflits d'intérêts, la sonnette d'alarme, etc., restent également d'application.

Le secrétaire d'État se demande par conséquent si certains n'ont pas une phobie de la coopération. Il existe différentes possibilités de coopération qui ne peuvent être positives qu'à condition qu'elles soient mises en œuvre en toute transparence. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un droit des obligations empêchant les parties de mettre unilatéralement un terme à des conventions. Un seul verrou a été prévu, à savoir la concertation. Si nécessaire, il est possible de mettre un terme à la coopération au terme de cette concertation. Il s'agit donc d'un instrument de coopération souple, que chaque assemblée est libre d'utiliser ou non.

3. Répliques

M. Laeremans rétorque que les déclarations du secrétaire d'État ne l'ont absolument pas convaincu de l'utilité des décrets et ordonnances conjoints en projet. En outre, l'intervenant déplore que le secrétaire d'État n'ait prêté aucune oreille attentive à l'alternative formulée par le Conseil d'État, en l'occurrence la modification de l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980. Certes, la coopération entre les entités fédérées peut et doit être améliorée, mais elle ne nécessite pas pour autant l'instauration d'une nouvelle norme législative. De toute évidence, le Conseil d'État a voulu faire le jeu des partis de la majorité institutionnelle en échafaudant une interprétation attestant qu'aucune nouvelle norme n'a été créée. Mais pour l'intervenant, les choses sont claires: une nouvelle norme a bien été créée. Pour s'en convaincre, il suffit de lire les développements de la proposition de loi spéciale: « Un décret conjoint est une norme législative adoptée conjointement par les pouvoirs législatifs de plusieurs entités fédérées. » (doc. Sénat, nº 5-1815/1, p. 2). Le Conseil d'État défend la même thèse dans son avis: « Il ressort de ces dispositions que les décrets conjoints, sans occuper nécessairement une place supérieure aux décrets ordinaires dans la hiérarchie des normes, ont en tout cas une plus grande force juridique que ces derniers. » (doc. Sénat, nº 5-1815/2, p. 9). Les décrets conjoints pourront modifier des décrets ordinaires, tandis que l'inverse ne sera pas vrai. Autrement dit, l'instauration de cette nouvelle norme devait obligatoirement passer par une révision de la Constitution, qui n'a pas eu lieu. Et M. Laeremans de conclure qu'à Bruxelles, le règlement de matières par cette nouvelle norme sera fort préjudiciable aux Flamands. Il prévient que les francophones risquent de se servir de l'instrument des décrets et ordonnances conjoints pour renforcer la Fédération Wallonie-Bruxelles. Bruxelles sera ainsi ancrée plus solidement dans la Francophonie, ce qui sera à son avantage en cas de scission du pays. Si dans les faits, la Wallonie intègre Bruxelles en profondeur par voie décrétale, l'intervenant craint qu'elle puisse alors revendiquer Bruxelles vis-à-vis de la communauté internationale.

M. Cheron dénonce l'attitude de MM. Vanlouwe et Laeremans, qui ne retiennent que les passages de l'avis du Conseil d'État qui étayent leur point de vue. Cela n'est pas correct.

Comme l'a clairement démontré la réponse du secrétaire d'État, la proposition de loi spéciale à l'examen ne porte nullement atteinte à la répartition actuelle des compétences territoriales et matérielles. M. Vanlouwe estime que les décrets et ordonnances conjoints n'apporteront aucune plus-value, mais l'intervenant ne peut s'empêcher de penser que c'est ce que M. Vanlouwe souhaite. De plus, il semble que la confiance de ce dernier dans la démocratie au niveau fédéral et au niveau bruxellois soit très limitée. Pour M. Cheron, les choses sont claires: la vraie question est de savoir si l'on veut ou non un fédéralisme de coopération.

M. Vanlouwe réplique que jusqu'à présent, personne n'a réussi à lui démontrer quelle plus-value ces décrets conjoints pourraient apporter. Moult accords de coopération ont d'ores et déjà été conclus entre les différents gouvernements de notre pays. En outre, l'intervenant n'aperçoit toujours pas clairement le véritable objectif de l'instauration de décrets et d'ordonnances conjoints. Il soupçonne les francophones de vouloir les utiliser pour mettre en place une « sécu wallon-bruxelloise ». L'intervenant aimerait par ailleurs avoir l'assurance que cet instrument améliorera bien la situation des Flamands de Bruxelles.

M. Anciaux trouve que l'avis que le Conseil d'État a rendu sur la proposition de loi spéciale à l'examen a clarifié plusieurs points et a également incité les partis de la majorité institutionnelle à apporter certaines précisions, qui ont été commentées par le secrétaire d'État. Ainsi, il n'est nullement question d'introduire une nouvelle norme législative. Il est seulement prévu qu'un décret conjoint constitue une norme législative. Le Conseil d'État ne relève qu'un seul cas où une plus grande force juridique peut émaner d'un décret conjoint: il s'agit du fait qu'un décret conjoint peut modifier un décret ordinaire, mais pas l'inverse, sauf si une concertation a lieu entre les autorités concernées, par totale analogie avec le droit international.

D'après M. Anciaux, la plus-value apportée par les dispositions à l'examen réside en ce que le droit d'initiative pour la conclusion d'accords de coopération incombe au pouvoir exécutif, alors que l'influence des parlements sur l'élaboration de décrets et ordonnances conjoints est d'une tout autre nature.

Enfin, M. Anciaux est convaincu que toute forme de coopération entre Bruxelles et la Communauté flamande sera tout bénéfice pour les Flamands de Bruxelles.

M. Vanlouwe n'a toujours pas obtenu de réponse à sa question sur la plus-value apportée par la proposition de loi spéciale à l'examen. Il cite à cet égard l'avis du Conseil d'État: « En ce qui concerne le rôle des Parlements, il résulte en effet d'avis antérieurs du Conseil d'État qu'il est d'ores et déjà possible, sur la base de l'article 92bis, précité, de conclure des « accords de coopération interparlementaires ». Dans la mesure où il subsisterait encore un doute à ce propos, le législateur spécial pourrait prévoir expressément cette possibilité et en outre pourrait mettre en place un dispositif permettant aux membres des Parlements concernés de prendre l'initiative de conclure un tel accord de coopération, par exemple en soumettant un projet d'accord établi conjointement à l'assentiment de leur Parlement respectif. » (doc. Sénat, nº 5-1815/2, p. 10).

Selon le Conseil d'État, il est donc d'ores et déjà possible de conclure des « accords de coopération interparlementaires ». Aucun des préopinants n'a souligné cette possibilité, qui pourtant existe déjà. Si l'on tend vers un fédéralisme de coopération, l'intervenant se demande pourquoi une telle initiative n'a encore jamais été prise. Autrement dit, la présente initiative n'est pas seulement inconstitutionnelle, elle est aussi totalement superflue.

M. Cheron constate que M. Vanlouwe devient un partisan du fédéralisme de coopération.

M. Vanlouwe est favorable à une coopération entre la Flandre et Bruxelles et entre Bruxelles et la Wallonie. Mais les structures sont trop nombreuses et trop compliquées. Il plaide donc pour une simplification.

M. Laeremans constate que les auteurs de la proposition de loi spéciale présentent l'instauration de l'instrument des décrets conjoints comme si elle allait simplifier les choses et que c'est dans cette optique qu'ils soumettent deux options au Conseil d'État. C'est une manière pour eux de donner l'impression que le Conseil d'État légitime leur projet. Or, dans son avis, le Conseil d'État conclut en disant clairement que le régime proposé n'a pas sa préférence: « En conclusion, la section de législation est d'avis que certaines limitations mises en avant par les auteurs de la proposition et qui justifieraient à leurs yeux l'adoption du nouvel instrument juridique que constitue le « décret conjoint » soit n'existent pas en réalité, soit ne sont pas spécifiques à la procédure d'adoption des accords de coopération, soit encore pourraient facilement être levées par une modification de l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980.

Une telle modification présenterait l'avantage de ne pas créer inutilement une nouvelle forme de coopération qui augmenterait la complexité de l'ordre juridique (...). » (doc. Sénat, nº 5-1815/2, p. 11).

Le Conseil d'État accorde donc clairement la préférence à l'option 1 (un seul et même acte législatif), mais ne ferme pas totalement la porte à l'option 2 (deux ou plusieurs décrets), sans doute dans le but de préserver la paix interne.

Les auteurs de la proposition vont donc totalement à l'encontre de l'esprit de l'avis.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Article 1er

Amendement nº 11 de M. Laeremans

Dans la ligne du point de vue qu'il a défendu lors de la discussion générale et vu l'avis du Conseil d'État, M. Laeremans dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 5-1815/4) qui vise à supprimer l'article 1er et, partant, à rendre l'ensemble de la proposition de loi spéciale sans objet.

L'auteur renvoie pour le reste à la justification écrite de son amendement.

L'amendement nº 11 est rejeté par 10 voix contre 3.

L'article 1er est adopté par 10 voix contre 3.

Article 1er/1 (article 2 nouveau)

Amendement nº 1 de M. Cheron et consorts

Par suite de l'avis du Conseil d'État, M. Cheron et consorts déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 5-1815/3), qui vise à insérer un article 1er/1 rédigé comme suit: « Art. 1er/1. L'article 92bis, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la loi spéciale du 8 août 1988 et modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993, est complété par l'alinéa suivant:

« L'accord de coopération, qui a reçu l'assentiment par la loi ou le décret conformément à l'alinéa 2, peut toutefois prévoir que sa mise en œuvre sera assurée par des accords de coopération d'exécution ayant effet sans que l'assentiment par la loi ou le décret ne soit requis. ». »

L'amendement nº 1 est adopté par 10 voix contre 3.

Article 2 (article 3 nouveau)

Amendements nos 2 à 6 de M. Cheron et consorts

M. Cheron et consorts déposent les amendements nos 2 à 6 (doc. Sénat, nº 5-1815/3) qui visent à donner suite aux observations du Conseil d'État.

L'auteur principal renvoie dès lors à la justification écrite des amendements.

Amendement nº 12 de M. Laeremans

Dans la ligne du point de vue qu'il a défendu lors de la discussion générale, M. Laeremans dépose l'amendement nº 12, subsidiaire à son amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 5-1815/4), qui vise à remplacer les articles 2 à 6 par un article 2 nouveau rédigé comme suit: « Art. 2. L'article 92bis, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la loi spéciale du 8 août 1988 et modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993, est complété par l'alinéa suivant:

« L'accord de coopération, qui a reçu l'assentiment par la loi ou le décret conformément à l'alinéa 2, peut toutefois prévoir que sa mise en œuvre sera assurée par des accords de coopération d'exécution ayant effet sans que l'assentiment par la loi ou le décret ne soit requis. ». »

Votes

Les amendements nos 2 à 6 de M. Cheron et consorts sont successivement adoptés par 10 voix contre 3.

L'amendement nº 12 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 3.

L'article 2 ainsi amendé est adopté en tant qu'article 3 (nouveau) par 10 voix contre 3.

Article 2/1 (article 4 nouveau)

Amendement nº 7 de M. Cheron et consorts

Par suite de l'avis du Conseil d'État, M. Cheron et consorts déposent l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 5-1815/3), qui vise à insérer un article 2/1 rédigé comme suit: « Art. 2/1. Dans l'article 8 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, modifié par les lois spéciales des 9 février 2003 et 21 février 2010, il est inséré entre l'alinéa 1er et l'alinéa 2, un alinéa rédigé comme suit:

« Lorsque la Cour annule, en tout ou en partie, un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, adopté conformément à l'article 92bis/1, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, elle annule également les dispositions correspondantes figurant dans le ou les décrets, ou la ou les règles visées à l'article 134 de la Constitution, adoptés conjointement. » »

Cet amendement est adopté sans autre discussion, par 10 voix contre 3.

Article 3 (article 5 nouveau)

Cet article est adopté sans autre discussion, en tant qu'article 5 nouveau, par 10 voix contre 3.

Article 4 (article 6 nouveau)

Amendement nº 8 de M. Cheron et consorts

Par suite de l'avis du Conseil d'État, M. Cheron et consorts déposent l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 5-1815/3), qui vise à compléter l'article 42, alinéas 2 à 4, proposé, par l'alinéa suivant: « Les ordonnances adoptées conformément à l'alinéa précédent ont pour intitulé, selon les entités concernées, « décret et ordonnance conjoints » ou « ordonnance conjointe » suivi de la dénomination de toutes les entités qui adoptent ces décrets ou ordonnances. »

Cet amendement est adopté sans autre discussion, par 10 voix contre 3.

L'article 4 ainsi amendé est adopté sans autre discussion, en tant qu'article 6 nouveau, par 10 voix contre 3.

Article 5 (article 7 nouveau)

Amendement nº 9 de M. Cheron et consorts

Par suite de l'avis du Conseil d'État, M. Cheron et consorts déposent l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 5-1815/3), qui vise à compléter, au 2, l'article 63, alinéas 3 à 5, proposé, par un alinéa relatif à l'intitulé de la nouvelle forme de coopération.

Cet amendement est adopté sans autre discussion, par 10 voix contre 3.

L'article 5 ainsi amendé est adopté sans autre discussion, en tant qu'article 7 nouveau, par 10 voix contre 3.

Article 6 (article 8 nouveau)

Amendement nº 10 de M. Vanlouwe et Mme Maes

Conformément au point de vue qu'ils ont défendu lors de la discussion générale, M. Vanlouwe et Mme Maes déposent l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 5-1815/4) qui vise à remplacer l'article 6 par ce qui suit: « Art. 6. Dans l'article 72, alinéa 4, de la même loi spéciale, les phrases « Si cette majorité n'est pas réunie dans un groupe linguistique, il est procédé à un second vote. Dans ce cas, la résolution est prise à la majorité absolue des suffrages de l'Assemblée réunie et par au moins un tiers des suffrages dans chaque groupe linguistique. Pour les ordonnances prévues à l'article 68, § 1er, ainsi que pour le règlement de l'Assemblée réunie prévu à l'alinéa 1er, en ce qu'il se réfère à l'article 44 de la loi spéciale, ce second vote ne peut pas intervenir moins de trente jours après le premier vote » sont supprimées. »

L'on prend actuellement quelques libertés avec le processus décisionnel au sein de l'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune. L'Assemblée réunie décide à la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique, sauf s'il est procédé à un second vote, auquel il ne peut toutefois être procédé en ce qui concerne les décrets conjoints (mais bien, par exemple, en ce qui concerne les accords de coopération). Les auteurs de l'amendement proposent de rétablir le texte de la loi spéciale sur les institutions bruxelloises dans sa version initiale, et de rétablir ainsi le respect des minorités à Bruxelles.

Amendement nº 13 de M. Laeremans

M. Laeremans a entendu le secrétaire d'État Verherstraeten déclarer, à propos de l'article 6, qu'il doit y avoir à Bruxelles, en toutes circonstances, une majorité du côté flamand. Or cet article prévoit que, dans certaines circonstances, on peut recourir à un second vote du côté flamand. Dans quels cas cette majorité n'est-elle pas nécessaire du côté flamand ?

Le secrétaire d'État confirme que la majorité flamande reste requise pour les décrets conjoints. Il s'agit là d'une exception à la règle du second vote, qui ne requiert pas de majorité du côté flamand.

M. Laeremans dépose ensuite l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 5-1815/4), qui vise à remplacer l'article 6 par ce qui suit: « Art. 6. Dans l'article 72 de la même loi spéciale, modifié par les lois spéciales des 16 juillet 1993, 13 juillet 2001 et 10 juillet 2003, l'alinéa 4 est remplacé par ce qui suit:

« L'article 35, §§ 1er et 2, de la loi spéciale est applicable aux groupes linguistiques et à l'assemblée réunie. Toutefois, toute résolution de l'assemblée réunie est prise à la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique. » »

L'auteur se réfère à la justification écrite de son amendement.

Votes

L'amendement nº 10 de M. Vanlouwe et Mme Maes est rejeté par 10 voix contre 3.

L'amendement nº 13 de M. Laeremans est rejeté par 10 voix contre 3.

L'article 6 est adopté sans autre discussion, en tant qu'article 8 nouveau, par 10 voix contre 3.

V. VOTE SUR L'ENSEMBLE

L'ensemble de la proposition de loi spéciale ainsi amendée a été adoptée par 10 voix contre 3.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 15 membres présents.

Les rapporteurs, La présidente,
Wouter BEKE. Philippe MOUREAUX. Sabine de BETHUNE.