5-2268/1

5-2268/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

25 SEPTEMBRE 2013


Proposition de résolution concernant le non-respect de la législation linguistique par les administrations locales bruxelloises

(Déposée par M. Bart Laeremans et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Chaque année, le vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale rédige un rapport sur l'application de la législation linguistique au sein des administrations locales bruxelloises. Le dernier rapport en date concerne l'année 2012 (1) . En voici les principaux résultats:

I. LE BILINGUISME DU PERSONNEL

Dispositions législatives (2) : à l'exception du personnel de métier et ouvrier, qui n'est pas en contact avec le public, toute personne qui entre en service au sein d'une administration locale bruxelloise doit d'abord avoir passé un examen linguistique auprès de Selor pour attester de sa connaissance élémentaire ou suffisante de l'autre langue (3) .

Le vice-gouverneur est chargé de contrôler le respect de ces dispositions et doit suspendre les désignations contraires à celles-ci (article 65 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative). Pour permettre le contrôle, les administrations locales bruxelloises doivent transmettre au vice-gouverneur toutes les décisions qui concernent des nominations ou des promotions (article 62, § 2, des lois coordonnées sur l'emploi des langues). Les décisions suspendues par le vice-gouverneur peuvent ensuite être rapportées par les communes. Si celles-ci restent en défaut de le faire, ces décisions doivent être annulées par l'autorité de tutelle des pouvoirs locaux. Pour les communes bruxelloises, il s'agit du ministre du gouvernement bruxellois en charge de la tutelle sur les communes; pour les CPAS, il s'agit des deux membres du Collège réuni de la Commission communautaire commune chargés de la tutelle sur les CPAS bruxellois. Selon la jurisprudence du Conseil d'État, ce pouvoir d'annulation n'est pas facultatif, mais revêt un caractère contraignant et « une renonciation [par l'autorité de tutelle à l'exercer] est illégale » (4) .

A. Les communes

1. Aperçu global

a. Suspensions par le vice-gouverneur

Totaux 2012. Le vice-gouverneur a reçu un total de 1 726 dossiers (5) ; parmi ceux-ci, 723 dossiers étaient légaux (c'est-à-dire conformes aux prescriptions linguistiques, les personnes concernées étant titulaires du certificat linguistique requis) et pas moins de 1 003 dossiers étaient illégaux et donc non conformes aux prescriptions linguistiques, soit 58,1 % de l'ensemble des dossiers. Le vice-gouverneur n'a toutefois suspendu que 667 des 1 003 désignations illégales, soit 38,6 % du nombre total de dossiers. Contrairement au prescrit légal, le vice-gouverneur n'est pas intervenu dans 336 dossiers (19,5 %) relatifs à des « engagements à durée très limitée pour assurer la continuité du service » (6) .

Les totaux d'un point de vue historique. D'un point de vue historique, si le nombre de nominations illégales a considérablement diminué en 2012, il reste toujours beaucoup trop élevé (tableau 1).

Tableau 1: pourcentage de nominations illégales pour connaissance insuffisante de la seconde langue dans les communes bruxelloises 1995-2012 (7)

Année % de nominations illégales
1995 27,00 %
1996 22,00 %
1997 21,5 %
1998 26,00 %
1999 31,5 %
2000 33,00 %
2001 49,5 %
2002 58,00 %
2003 59,00 %
2004 60,00 %
2005 61,5 %
2006 61,5 %
2007 64,00 %
2008 63,00 %
2009 70,00 %
2010 69,3 %
2011 69,1 %
2012 58,1 %

Totaux 2012, par groupe linguistique. On peut aussi répartir ces données par groupe linguistique. En 2012, 33 % des désignations étaient illégales du côté néerlandophone, contre 62 % du côté francophone. Le nombre de nominations illégales est donc bien plus élevé du côté des agents francophones que du côté des agents néerlandophones. L'impact de ces nominations illégales sur la prestation de service est en outre bien plus grand car le contingent d'agents francophones est nettement supérieur au contingent d'agents néerlandophones.

Totaux 2012, par statut. La situation par statut se présente comme suit:

573 membres du personnel statutaire ont été nommés légalement (117 N et 456 F), alors que 45 (soit 7,3 %) l'ont été illégalement (0 N et 45 F). Pour les agents statutaires, le nombre de nominations illégales reste donc provisoirement limité à un peu moins de un sur dix. Mais la situation n'en est pas pour autant moins inquiétante. Ce n'est que depuis peu que des nominations sont effectuées illégalement à grande échelle au niveau statutaire (francophone). Dans son rapport annuel 2011, le vice-gouverneur précisait à cet égard ce qui suit: « Il y a lieu d'observer qu'en 2011, le nombre de nominations statutaires à suspendre par défaut de brevets linguistiques atteignait un nombre (43) et un pourcentage (12 %) plus élevés que durant les années antérieures. En 2010, seulement 23 (7 %) devaient être suspendues et seulement 8 (5 %) en 2009 (8) . » Dans ses conclusions, le vice-gouverneur faisait la proposition suivante pour 2011: « L'évolution négative la plus importante est la croissance du nombre de délibérations relatives au personnel statutaire non conforme aux lois linguistiques (9) . » On note toujours cette tendance en 2012, certes à un niveau légèrement inférieur en termes de pourcentage (mais pas en chiffres absolus !). Cela fait déjà des décennies qu'en dépit de la loi sur l'emploi des langues et de la jurisprudence, les responsables politiques francophones affirment que les agents contractuels ne seraient pas soumis à l'application de la loi sur l'emploi des langues, laquelle est donc depuis longtemps transgressée à grande échelle. Ces dernières années, les francophones jettent complètement le masque et violent désormais, sans le moindre scrupule, la loi sur l'emploi des langues, aussi pour les agents statutaires.

En ce qui concerne les agents contractuels, on observe le scénario inverse et la situation est dramatique depuis de nombreuses années. Seules 150 des 1 108 désignations (soit 13,5 %) sont légales. Autrement dit: près de neuf désignations contractuelles sur dix sont illégales. Du côté flamand, 32,7 % des désignations contractuelles sont « encore » légales; du côté francophone, ce pourcentage s'élève à peine à 11,3 %.

b. Retrait des décisions

Lorsque le vice-gouverneur suspend une décision prise par une commune pour violation de la législation sur l'emploi des langues, cette commune peut retirer cette décision. Elle ne le fait toutefois presque jamais. Sur les 667 dossiers suspendus, seuls 18 ont été retirés, soit 2,7 % (10) . Dans la pratique, on peut donc affirmer que presque aucune décision concernant une désignation illégale n'est rapportée par les communes. Celles-ci considèrent donc qu'il est parfaitement normal et autorisé d'enfreindre la législation sur l'emploi des langues.

c. Annulations par le ministre bruxellois en charge des administrations locales

Totaux 2012. Il revient alors à l'autorité de tutelle d'annuler ces décisions. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il s'agit, pour l'autorité de tutelle, d'une obligation légale et non d'une possibilité facultative. Le vice-gouverneur n'a été informé d'aucune annulation par l'autorité de tutelle de décisions qu'il avait suspendues (11) . Il ajoute toutefois que l'autorité de tutelle ne l'informe pas toujours des dossiers qu'elle annule. On peut néanmoins conclure que l'autorité de tutelle reste ici tout à fait en défaut et doit être tenue pour un des responsables principaux du fait que l'application de la législation linguistique est entièrement vidée de sa substance par les administrations locales bruxelloises.

Les totaux d'un point de vue historique. Ainsi qu'il ressort, entre autres, du tableau ci-dessous, il est avéré que l'autorité de tutelle n'annule pour ainsi dire jamais un dossier de nomination contraire à la législation sur l'emploi des langues.

Tableau 2. Pourcentage des décisions prises par les communes et annulées par le ministre bruxellois en charge des administrations locales après avoir été suspendues par le vice-gouverneur entre 2008 et 2012 (12)

2008 0,00 %
2009 0,00 %
2010 0,00 %
2011 0,00 %
2012 0,00 %

2. Commune par commune

L'aperçu par commune est très variable, comme le montrent les tableaux 3 et 4.

Tableau 3. Nominations par commune dans l'arrondissement administratif de Bruxelles en 2012, nombre de dossiers et pourcentage de nominations illégales

Commune Nombre de dossiers Pourcentage de nominations illégales
Anderlecht 165 42,4 %
Bruxelles 255 52,2 %
Ixelles 227 50,2 %
Etterbeek 141 63,8 %
Evere 91 1,6 %
Ganshoren 7 1,4 %
Jette 49 77,6 %
Koekelberg 32 62,5 %
Auderghem 51 52,9 %
Schaerbeek 149 70,5 %
Berchem-Sainte-Agathe 10 100,00 %
Saint-Gilles 111 96,4 %
Molenbeek-Saint-Jean 99 35,4 %
Saint-Josse-ten-Noode 73 75,3 %
Woluwe-Saint-Lambert 34 82,4 %
Woluwe-Saint-Pierre 24 83,3 %
Uccle 107 37,4 %
Forest 101 60,4 %
Watermael-Boitsfort 0  ?

Tableau 4. Pourcentage de nominations illégales par commune dans l'arrondissement administratif de Bruxelles en 2012, groupées par tranche de 10 %, selon le nombre de communes (13)

% de nominations illégales Nombre de communes
0-10 % 0
10,1-20 % 0
20,1-30 % 0
30,1-40 % 2
40,1-50 % 1
50,1-60 % 4
60,1-70 % 3
70,1-80 % 4
80,1-90 % 2
90,1-100 % 2

Toutes les communes bruxelloises enfreignent gravement la législation sur l'emploi des langues. Mais on note toutefois des différences importantes. Dans seulement 3 des 18 communes, plus de la moitié des désignations sont conformes aux lois sur l'emploi des langues; dans les 16 autres communes, plus de la moitié des désignations sont illégales. Au sein de ce groupe, le volume de désignations illégales est assez variable, la commune de Berchem-Sainte-Agathe détenant le record, avec 100 % de désignations illégales en 2012. Ces résultats assez divergents montrent que certaines communes parviennent tout de même en partie à recruter du personnel bilingue. Ce résultat infirme quelque peu l'argument des francophones qui prétendent qu'il est impossible de trouver du personnel bilingue et qu'ils sont donc contraints, afin d'assurer la continuité du service, de recruter du personnel unilingue. Force est en tout cas de constater que la toute grande majorité des communes refusent absolument de faire des efforts pour recruter du personnel bilingue. L'absence de contrôle à ce niveau de la part de l'autorité de tutelle n'y est sans doute pas étrangère.

B. Les CPAS

1. Aperçu global

a. Suspensions par le vice-gouverneur

Totaux 2012. En 2012, 1 732 dossiers de désignations ont été déposés par les CPAS auprès du vice-gouverneur. Seuls 351 de ces dossiers étaient conformes aux lois sur l'emploi des langues et pas moins de 1 381 dossiers étaient illégaux, soit 79,7 % de l'ensemble. Le vice-gouverneur n'a néanmoins suspendu que 593 des 1 381 dossiers illégaux, soit environ 34,1 % de tous les dossiers, à peine moins que les suspensions effectuées au niveau des communes. Contrairement au prescrit légal, le vice-gouverneur n'est pas intervenu dans 788 dossiers (45,5 %) relatifs à des « engagements à durée très limitée pour assurer la continuité du service ».

Les totaux d'un point de vue historique. D'un point de vue historique (tableau 5), l'année 2012 s'inscrit dans le droit fil de la tendance initiée en 2009-2011, marquée par un très léger recul du nombre de désignations illégales dans les CPAS bruxellois, après les records historiques enregistrés en 2004-2008. Le nombre de désignations illégales reste bien entendu inadmissiblement élevé.

Tableau 5: pourcentage de désignations illégales dans les CPAS bruxellois 1995-2012 (14)

Année % de désignations illégales
1995 36,00 %
1996 50,00 %
1997 44,00 %
1998 73,00 %
1999 75,00 %
2000 69,00 %
2001 82,00 %
2002 81,00 %
2003 82,50 %
2004 88,00 %
2005 90,00 %
2006 91,00 %
2007 87,00 %
2008 91,00 %
2009 86,00 %
2010 86,00 %
2011 85,00 %
2012 80,00 %

Totaux 2012, par groupe linguistique. Tout comme pour les communes, on note ici des proportions de désignations illégales comparables si on répartit leur nombre par groupe linguistique. Du côté flamand, 37,9 % des désignations sont illégales, du côté francophone, ce chiffre s'élève à pas moins de 83,2 %. Dans les deux groupes, ce pourcentage est plus élevé qu'il ne l'est pour les désignations illégales effectuées par les communes, mais c'est surtout du côté francophone que la différence est la plus nette. Ce que nous avons pu constater pour les communes est encore plus vrai pour les CPAS: du fait de la surreprésentation absolue des francophones dans les CPAS, l'impact sur la prestation de service pour les néerlandophones est particulièrement négatif.

Totaux 2012, par statut. Il est assez surprenant de constater que la quasi-totalité des nominations statutaires dans les CPAS sont légales: 313 désignations statutaires (74 N et 239 F) sont légales et seules 9 désignations (0 N et 9 F), soit 2,8 %, sont illégales. Sur ce point, les CPAS font donc (pour l'instant) toujours mieux que les communes.

C'est plutôt au niveau des contractuels que le bát blesse depuis des années. Sur les 1 410 désignations contractuelles (58 N et 1352 F), seules 38 (8 N et 30 F), ou 2,7 %, sont conformes à la législation linguistique. En 2012, 97,3 % des contractuels en service dans les CPAS ont donc été recrutés en infraction à la loi sur l'emploi des langues.

b. Retrait des décisions

Sur les 593 décisions suspendues par le vice-gouverneur, 2 décisions en tout et pour tout (soit 0,3 %) ont été retirées par les CPAS (15) , ce qui montre que pour les CPAS aussi, il est tout à fait licite d'enfreindre la législation linguistique.

c. Annulations par les membres du collège réuni chargés de la tutelle sur les CPAS

Totaux 2012. Dans son rapport annuel, le vice-gouverneur souligne que le Collège réuni de la Commission communautaire commune (COCOM) ne lui a fait part d'aucune annulation. L'autorité de contrôle est donc totalement en défaut.

Les totaux, d'un point de vue historique. Tout comme pour les communes, on peut constater que la politique d'annulation des désignations illégales par les membres du collège réuni de la COCOM est pratiquement inexistante.

Tableau 6. Pourcentage des décisions de CPAS annulées entre 2008 et 2012 par les membres du collège réuni de la COCOM après suspension par le vice-gouverneur (16)

2008 0,1 %
2009 0,2 %
2010 0,00 %
2011 0,00 %
2012 0,00 %

2. CPAS par CPAS

Tableau 7. Désignations par CPAS dans l'arrondissement administratif de Bruxelles en 2012, nombre de dossiers et pourcentage de désignations illégales

CPAS Nombre de dossiers Pourcentage de désignations illégales
Anderlecht 34 61,8 %
Bruxelles 468 69,7 %
Ixelles 102 73,5 %
Etterbeek 94 95,7 %
Evere 50 56,0 %
Ganshoren 72 87,5 %
Jette 43 86,1 %
Koekelberg 21 42,9 %
Auderghem 39 94,9 %
Schaerbeek 188 94,7 %
Berchem-Sainte-Agathe 30 80,0 %
Saint-Gilles 66 92,4 %
Molenbeek-Saint-Jean 140 71,4 %
Saint-Josse-ten-Noode 9 76,3 %
Woluwe-Saint-Lambert 40 97,5 %
Woluwe-Saint-Pierre 30 70,0 %
Uccle 118 82,2 %
Forest 99 96,0 %
Watermael-Boitsfort 39 82,0 %

Tableau 8. Pourcentage de désignations illégales par CPAS dans l'arrondissement administratif de Bruxelles en 2012, groupées par tranche de 10 %, en fonction du nombre de CPAS

% de désignations illégales Nombre de CPAS
0-10 % 0
10,1-20 % 0
20,1-30 % 0
30,1-40 % 0
40,1-50 % 1
50,1-60 % 1
60,1-70 % 3
70,1-80 % 4
80,1-90 % 4
90,1-100 % 6

Comparée à celle des communes, la situation des CPAS est bien plus négative, comme on pouvait s'y attendre. Une grande majorité des CPAS enfreignent ouvertement la législation sur l'emploi des langues en recrutant en règle générale du personnel essentiellement unilingue et seulement à titre exceptionnel, du personnel bilingue. Seul un CPAS, celui de Koekelberg, parvient à procéder à la moitié de ses recrutements dans le respect de la législation linguistique. Tous les autres CPAS sont généralement bien en deçà. Pour 14 des 19 CPAS, plus de 7 recrutements sur 10 sont illégaux. Ici aussi, l'exemple de Koekelberg montre que lorsque des efforts sont faits, il n'est absolument pas impossible pour les CPAS de recruter des agents conformément à la législation linguistique. Ce seul exemple infirme aussi dans une large mesure le mythe selon lequel il est impossible de trouver du personnel bilingue.

II. LA RÉPARTITION DES EMPLOIS PAR GROUPE LINGUISTIQUE

Dispositions législatives: concrètement, la parité doit être respectée pour les fonctions supérieures. Pour les fonctions inférieures, 25 % des emplois au moins doivent être attribués à chacun des groupes linguistiques (17) .

A. Les communes:

1. Les fonctions supérieures

Le vice-gouverneur donne une série de chiffres à cet égard (18) , mais pour plusieurs communes, ces chiffres sont (largement) dépassés et ne permettent donc plus de vérifier si la parité prescrite est encore respectée à ce jour (2012). La situation se présente de la manière suivante:

Tableau 9: dates auxquelles ont été recueillies les données concernant la parité pour les fonctions supérieures dans les communes, telles qu'elles figurent dans le rapport annuel 2012 du vice-gouverneur, regroupées par année

La parité en chiffres

Date des données Nombre de communes
2013 4
2012 10
2011 0
2010 2
2009 1
2006 2

Pour 14 des 19 communes, les données sont d'actuelles à assez actuelles. Pour les 5 communes restantes, le risque que ces données ne soient plus actuelles est réel. Nous émettons donc, dans le cadre de l'analyse qui suit, la réserve nécessaire quant à l'actualité de la situation (2012) dans ces communes.

Tableau 10. Répartition des fonctions supérieures dans la commune

CommuneGemeente NL chiffres absolusNL abs % NLNL % F chiffres absolusF abs % FF % Date des donnéesJaar gegevens
Anderlecht 14 48,00 % 15 52,00 % 2012
Bruxelles — Brussel 36 50,00 % 36 50,00 % 2013
Ixelles — Elsene 7 41,00 % 10 59,00 % 2010
Etterbeek 2 18,00 % 9 82,00 % 2013
Evere 3 37,00 % 5 63,00 % 2012
Ganshoren 1 14,00 % 6 86,00 % 2012
Jette 7 41,00 % 10 59,00 % 2010
Koekelberg 1 33,00 % 2 67,00 % 2006
Auderghem — Oudergem 3 50,00 % 3 50,00 % 2013
Schaerbeek — Schaarbeek 11 37,00 % 19 63,00 % 2012
Berchem-Sainte-Agathe — Sint-Agatha-Berchem 3 43,00 % 4 57,00 % 2012
Saint-Gilles — Sint-Gillis 1 8,00 % 13 92,00 % 2010
Molenbeek-Saint-Jean — Sint-Jans-Molenbeek 6 46,00 % 7 54,00 % 2012
Saint-Josse-ten-Noode — Sint-Joost-ten-Node 2 67,00 % 1 33,00 % 2012
Woluwe-Saint-Lambert — Sint-Lambrechts-Woluwe 4 22,00 % 14 78,00 % 2006
Woluwe-Saint-Pierre — Sint-Pieters-Woluwe 3 30,00 % 7 70, 00 % 2012
Uccle — Ukkel 12 52,00 % 1 48,00 % 2012
Forest — Vorst 4 50,00 % 4 50,00 % 2009
Watermael-Boitsfort — Watermaal-Bosvoorde 1 20.,0 % 4 80,00 % 2012
Total — Totaal 121 40,00 % 180 60,00 % -

La parité requise n'est respectée que dans 3 des 19 communes. Dans 6 autres communes, on est proche de la parité. Il s'agit de communes avec un nombre impair de fonctions supérieures, de sorte que, par la nature des choses, la parité ne peut être absolue et que la différence au niveau du nombre de fonctions réparties par groupe linguistique n'est pas supérieure à 1. Dans 2 de ces 6 communes, les néerlandophones sont majoritaires; dans les 4 autres, ce sont les francophones qui le sont. Pour les fonctions supérieures, près de la moitié des communes bruxelloises respectent donc plus ou moins la parité prescrite. En revanche, tel n'est pas le cas dans 10 communes, où les néerlandophones sont sous-représentés. Cette sous-représentation est souvent plutôt marquée, de sorte qu'on ne peut plus parler d'un déséquilibre temporaire, mais bien d'une réelle volonté de ne pas respecter la règle de la parité. Globalement, on arrive à un ratio 60 F/40 N. Une distorsion claire, bien qu'elle ne soit pas encore particulièrement flagrante. Mais ceci signifie tout de même que les néerlandophones sont privés de 29 emplois supérieurs, au profit des francophones.

2. Les fonctions inférieures

Pour les fonctions inférieures, les rapports annuels du vice-gouverneur ne donnent pas le moindre chiffre quant à une répartition par groupe linguistique. Étant donné que le législateur prévoit qu'au moins 25 % des « emplois à conférer » doivent être attribués à chacun des groupes linguistiques, ceci signifie, dans la pratique, que depuis l'entrée en vigueur de cette disposition en 1963, les communes auraient dû comptabiliser les fonctions qu'elles ont ouvertes et en faire l'addition cumulativement pour que l'on puisse vérifier si ces ratios étaient respectés. Selon nos informations, ces recensements n'ont toutefois pas été réalisés. On ne connaît pas davantage l'état actuel de la situation en ce qui concerne les ratios linguistiques réellement enregistrés au sein du personnel des communes bruxelloises. On peut toutefois s'en faire une idée approximative sur la base des dossiers introduits chaque année auprès du vice-gouverneur (19) . Les tableaux reproduits ci-dessous concernent l'année 2012.

Tableau 11. Dossiers introduits, par commune, auprès du vice-gouverneur en 2012, répartis par groupe linguistique (chiffres absolus et pourcentages)

CommuneGemeente NL chiffres absolusNL abs % NLNL % F chiffres absolusF abs % FF % TotalTotaal
Anderlecht 28 17,0 % 137 83,0 % 165
Bruxelles — Brussel 50 19,6 % 205 80,4 % 255
Ixelles — Elsene 18 8,0 % 209 92,1 % 227
Etterbeek 7 5,0 % 134 95,0 % 141
Evere 28 30,8 % 63 69,2 % 91
Ganshoren 0 0,0 % 7 100,0 % 7
Jette 10 20,4 % 39 79,6 % 49
Koekelberg 2 6,3 % 30 93,8 % 32
Auderghem — Oudergem 4 7,8 % 47 92,2 % 51
Schaerbeek — Schaarbeek 16 10,7 % 133 89,3 % 149
Berchem-Sainte-Agathe — Sint-Agatha-Berchem 1 10,0 % 9 90,0 % 10
Saint-Gilles — Sint-Gillis 8 7,2 % 103 92,8 % 111
Molenbeek-Saint-Jean — Sint-Jans-Molenbeek 22 22,2 % 77 77,8 % 99
Saint-Josse-ten-Noode — Sint-Joost-ten-Node 7 9,6 % 66 90,4 % 73
Woluwe-Saint-Lambert — Sint-Lambrechts-Woluwe 2 5,9 % 32 94,1 % 34
Woluwe-Saint-Pierre — Sint-Pieters-Woluwe 4 16,7 % 20 83,3 % 24
Uccle — Ukkel 13 12,1 % 94 87,9 % 107
Forest — Vorst 10 9,9 % 91 90,1 % 101
Watermael-Boitsfort — Watermaal-Bosvoorde  ?  ?  ?  ?  ?
Total — Totaal 230 13,3 % 1496 86,7 % 1726

Tableau 12. Synthèse du tableau 11, par tranches de 10 %

Pourcentage NL Nombre de communes
0 % 1
0,1-5 % 1
5,1-10 % 8
10,1-15 % 2
15,1-20 % 3
20,1-25 % 2
25.00 % 1
Données non communiquées

Il ressort de ces données que de grandes distorsions existent au niveau de la répartition des fonctions inférieures. Dans une des 19 communes seulement, les néerlandophones se sont vu attribuer un peu plus de 25 % (le pourcentage minimum légal) des emplois, mais, dans la plupart des communes, ce pourcentage minimum est loin d'être atteint. Au contraire, les néerlandophones y sont à peine représentés, comme le montrent d'ailleurs les totaux. Globalement, les néerlandophones n'ont décroché, en 2012, que 13 % des fonctions inférieures à attribuer dans les communes bruxelloises, soit à peine la moitié du minimum absolu censé leur revenir légalement. Les néerlandophones ont décroché 230 emplois, mais 201,5 des emplois qui leur étaient destinés ne leur ont pas été attribués et l'ont été à des francophones.

Pour rappel, il s'agit ici uniquement des recrutements qui ont eu lieu dans 18 communes bruxelloises en une seule année et non du cadre complet de ces communes. S'il fallait tenir compte de la totalité du cadre des communes bruxelloises, il apparaîtrait que les néerlandophones sont probablement privés de 1 000 emplois ou plus, contrairement à ce que prévoit la loi en matière linguistique. Faute de données récentes, cela ne peut toutefois pas être démontré noir sur blanc.

B. Les CPAS

1. Les fonctions supérieures

Les données reprises dans le rapport du vice-gouverneur en ce qui concerne la répartition des fonctions supérieures par CPAS sont encore plus dépassées que celles relatives aux communes.

Tableau 13: dates auxquelles ont été recueillies les données concernant la parité pour les fonctions supérieures dans les CPAS, telles qu'elles figurent dans le rapport annuel 2012 du vice-gouverneur, regroupées par année

Date des données Nombre de CPAS
2013 10
2012 1
2010 0
2006 1
2008 1
2004 1
2001 1
2000 1
Aucune date communiquée 3

Pour 3 communes, le rapport n'indique pas de quelle année datent les données. Les plus anciennes données datent de 2000, et remontent donc à plus de treize ans ( !). Les données les plus récentes datent de 2013. Pour 11 CPAS, les données peuvent être considérées comme étant actuelles, ce qui n'est pas le cas pour les 8 CPAS restants, où, pour un certain nombre de cas, les données doivent être considérées comme étant largement dépassées. Nous émettons donc, dans le cadre de l'analyse qui suit, la réserve nécessaire quant à l'actualité de la situation (2012) dans ces CPAS.

Tableau 14. Répartition des fonctions supérieures dans les CPAS bruxellois

CPASOCMW NL chiffres absolusNL abs % NLNL % F chiffres absolusF abs % FF % Date des donnéesJaar gegevens
Anderlecht 3 43 % 4 57 % 2004
Bruxelles — Brussel 15 48 % 16 52 % 2001
Ixelles — Elsene 3 37 % 5 63 % 2013
Etterbeek 2 50 % 2 50 % 2000
Evere 1 50 % 1 50 % 2013
Ganshoren 2 40 % 3 60 %  ?
Jette 3 50 % 3 50 % 2013
Koekelberg 1 50 % 1 50 % 2013
Auderghem — Oudergem 0 0 % 2 100 %  ?
Schaerbeek — Schaarbeek 14 56 % 11 44 % 2013
Berchem-Sainte-Agathe — Sint-Agatha-Berchem 1 50 % 1 50 % 2013
Saint-Gilles — Sint-Gillis 1 17 % 5 83 % 2013
Molenbeek-Saint-Jean — Sint-Jans-Molenbeek 6 50 % 6 50 % 2010
Saint-Josse-ten-Noode — Sint-Joost-ten-Node 1 25 % 3 75 % 2006
Woluwe-Saint-Lambert — Sint-Lambrechts-Woluwe 0 0 % 5 78 % 2013
Woluwe-Saint-Pierre — Sint-Pieters-Woluwe 1 25 % 3 75 % 2013
Uccle — Ukkel 4 50 % 4 50 % 2012
Forest — Vorst 4 50 % 4 50 % 2013
Watermael-Boitsfort — Watermaal-Bosvoorde 1 50 % 1 50 %  ?
Total — Totaal 54 41 % 79 59 % -

La parité au niveau des fonctions supérieures est légèrement mieux respectée au sein des CPAS qu'au sein des communes. Dans 9 des 19 CPAS, la parité prescrite est réellement respectée. Par ailleurs, trois autres CPAS sont proches d'atteindre le même résultat. Il s'agit de CPAS avec un nombre impair de fonctions supérieures, de sorte que, par la nature des choses, la parité ne peut être absolue et que la différence au niveau du nombre de fonctions réparties par groupe linguistique n'est pas supérieure à 1. Dans chacun de ces 3 CPAS, les francophones sont majoritaires. Pour les fonctions supérieures, près de deux tiers des CPAS bruxellois respectent donc plus ou moins la parité prescrite. Tel n'est pas le cas, en revanche, dans 7 CPAS. Dans 1 CPAS (Schaerbeek), les néerlandophones sont légèrement surreprésentés. Dans les 6 CPAS restants, les francophones sont largement surreprésentés. Il ne saurait y être question d'un déséquilibre temporaire, mais il s'agit d'une réelle volonté de ne pas respecter la règle de la parité. Globalement, on arrive à un ratio 59 F/41 N. Une distorsion claire, bien que pas encore particulièrement flagrante. Mais ceci signifie tout de même que les néerlandophones sont privés de 11,5 emplois supérieurs, au profit des francophones.

2. Les fonctions inférieures

Les remarques formulées à propos des communes s'appliquent également aux CPAS. Voici les chiffres:

Tableau 15. Dossiers introduits, par CPAS, auprès du vice-gouverneur en 2012, répartis par groupe linguistique (chiffres absolus et pourcentages)

CPASOCMW NL chiffres absolusNL abs % NLNL % F chiffres absolusF abs % FF % TotalTotaal
Anderlecht 4 11,8 % 30 88,2 % 34
Bruxelles — Brussel 38 8,1 % 430 91,9 % 468
Ixelles — Elsene 8 7,8 % 94 92,2 % 102
Etterbeek 1 1,2 % 93 98,9 % 94
Evere 8 16,0 % 42 84,0 % 50
Ganshoren 16 22,2 % 56 77,8 % 72
Jette 6 14,0 % 37 86,0 % 43
Koekelberg 2 9,5 % 19 90,5 % 21
Auderghem — Oudergem 0 0,0 % 39 100,0 % 39
Schaerbeek — Schaarbeek 4 2,1 % 184 97,9 % 188
Berchem-Sainte-Agathe — Sint-Agatha-Berchem 5 16,7 % 25 83,3 % 30
Saint-Gilles — Sint-Gillis 1 1,5 % 65 98,5 % 66
Molenbeek-Saint-Jean — Sint-Jans-Molenbeek 22 15,7 % 118 84,3 % 140
Saint-Josse-ten-Noode — Sint-Joost-ten-Node 6 10,2 % 53 89,8 % 59
Woluwe-Saint-Lambert — Sint-Lambrechts-Woluwe 1 2,5 % 39 97,5 % 40
Woluwe-Saint-Pierre — Sint-Pieters-Woluwe 3 10,0 % 27 90,0 % 30
Uccle — Ukkel 6 5,1 % 112 94,4 % 118
Forest — Vorst 0 0,0 % 99 100,0 % 99
Watermael-Boitsfort — Watermaal-Bosvoorde 1 2,6 % 38 97,4 % 39
Total — Totaal 132 7,6 % 1 600 92,4 % 1 732

Tableau 16. Synthèse du tableau 15, par tranches de 10 %

Pourcentage NL nombre de CPAS
0 % 2
0,1-5 % 5
5,1-10 % 5
10,1-15 % 3
15,1-20 % 3
20,1-25 % 1
25+ % 0

La seule conclusion que l'on puisse tirer de ces données est que la situation est dramatique pour les néerlandophones en ce qui concerne la répartition des fonctions inférieures au sein des CPAS. Il n'y a qu'un seul CPAS, en l'occurrence celui de Ganshoren, où le ratio minimum de 25 % des fonctions est quasi atteint avec 22 % des emplois pour les néerlandophones. Pour le reste, la situation est déplorable. Dans 2 CPAS, les néerlandophones n'ont même obtenu aucun poste. Globalement, les néerlandophones n'ont même pas obtenu 8 % des emplois dans les CPAS, soit trois fois moins que le nombre de postes auquel ils ont droit en vertu de la législation. Les néerlandophones n'ont obtenu que 132 emplois, soit pas moins de 301 postes en deçà du minimum fixé par la loi.

III. CONCLUSIONS

En ce qui concerne le bilinguisme requis de la part des membres du personnel, la législation sur l'emploi des langues est à ce point transgressée que l'on ne peut plus parler (depuis longtemps) de bilinguisme du service par l'intermédiaire d'agents bilingues. Dans les communes, 6 membres du personnel sur 10 nouvellement recrutés n'étaient pas titulaires, en 2012, du certificat nécessaire pour attester de leur connaissance de la seconde langue. Même si cela représente une amélioration par rapport aux années précédentes, ce chiffre reste inacceptablement élévé. Dans les CPAS, si on peut observer un très léger recul, le nombre de recrutements illégaux — 8 sur 10 — est encore plus significatif et reste évidemment beaucoup trop élevé. Il n'est donc pas surprenant que les néerlandophones qui s'adressent au personnel des administrations bruxelloises ne puissent bien souvent pas être reçus dans leur propre langue, ou en tout cas pas de manière satisfaisante. En d'autres termes, la législation sur l'emploi des langues reste à ce niveau lettre morte dans de nombreux cas.

Il en va de même en ce qui concerne la répartition des emplois par groupe linguistique. La législation prévoit la parité pour les fonctions supérieures. Celle-ci n'est respectée ni au sein des communes, ni au sein des CPAS et ce, au détriment, évidemment, des néerlandophones. Mais les distorsions à ce niveau restent encore limitées, pour autant qu'on ait des informations à ce sujet. En ce qui concerne les fonctions inférieures, qui représentent la grande majorité des postes, on constate toutefois d'énormes déséquilibres. Dans les communes, les néerlandophones sont privés de près de la moitié du nombre minimum de postes censés leur revenir. Dans les CPAS, la situation est encore bien plus dramatique. Les néerlandophones n'y occupent même pas le tiers du nombre minimum de postes qui leur reviennent en vertu de la loi.

Si on analyse conjointement la situation des CPAS et celle des communes, on peut déjà constater que, pour l'année 2012, les néerlandophones ont été privés de pas moins de 502 fonctions que la loi leur réserve au niveau des cadres inférieurs. Si on ajoute à ce chiffre une quarantaine de fonctions au niveau des cadres supérieurs, on constate que les néerlandophones doivent renoncer à pas moins de 543 emplois.

Il convient en outre de souligner qu'il s'agit ici uniquement d'un instantané des recrutements effectués au cours de 2012 et non de l'occupation globale du personnel des communes et des CPAS bruxellois. S'il était possible de déterminer les cadres réels, on constaterait indubitablement que les néerlandophones sont privés de plusieurs milliers de postes qui leur reviennent de droit au sein des communes et CPAS bruxellois.

En d'autres termes, les néerlandophones sont floués en permanence et à grande échelle à Bruxelles. Mais personne ne s'en soucie ...

IV. DES MESURES POLITIQUES S'IMPOSENT

Le rapport du vice-gouverneur confirme donc une fois de plus ce que l'on sait depuis longtemps: la législation sur l'emploi des langues n'est absolument pas respectée par les administrations locales bruxelloises. Ce non-respect de la législation sur l'emploi des langues a des conséquences dramatiques pour les néerlandophones: le bilinguisme du service est quasi inexistant et des milliers d'emplois échappent aux néerlandophones.

Les raisons de cette situation sont aussi connues et l'analyse que nous avons donnée du rapport annuel du vice-gouverneur le confirme une fois de plus. La tutelle, qui incombe aux instances bruxelloises, ne fonctionne pas. Contrairement à ce que prévoient la législation et la jurisprudence du Conseil d'État, l'autorité de tutelle n'annule jamais une désignation illégale suspendue par le vice-gouverneur. Et même le vice-gouverneur, contrairement au prescrit légal, laisse telles quelles une grande partie des désignations illégales qu'il doit suspendre. Il manque du pouvoir nécessaire pour mener à bien ses missions de contrôle. En effet, en ce qui concerne le contrôle du bilinguisme des fonctionnaires, il est clair qu'un certain nombre d'administrations locales ne transmettent pas tous les dossiers de désignation au vice-gouverneur. En ce qui concerne le contrôle de la bonne répartition des postes par groupe linguistique, le vice-gouverneur ne dispose même pas, dans la grande majorité des cas, des informations les plus élémentaires pour pouvoir l'exercer. En ce qui concerne les fonctions supérieures, il ne dispose, dans un grand nombre de cas, que de données obsolètes, qui ne donnent pas un aperçu actuel de la situation quant aux réels ratios linguistiques appliqués dans ce domaine. La situation est encore pire pour les fonctions inférieures, pour lesquelles le vice-gouverneur ne dispose même pas des données les plus élémentaires lui permettant de vérifier si chacun des deux groupes linguistiques détient au moins un quart des postes. Il est donc évident que le vice-gouverneur n'a pas suspendu la moindre désignation pour non-respect des équilibres linguistiques fixés par la loi, comme l'indiquent également ses rapports annuels. Les pouvoirs locaux ont donc le champ libre pour enfreindre allègrement les lois sur l'emploi des langues, toujours au détriment des néerlandophones. Leurs dirigeants francophones s'en donnent dès lors à cœur joie car personne ne s'y oppose.

Pour mettre un terme à de telles pratiques, une intervention législative semble nécessaire, s'il s'avère que les instances de tutelle bruxelloises refusent de changer leur politique en matière d'annulation. Sur le plan législatif, c'est toujours l'autorité fédérale qui est compétente pour régler l'emploi des langues dans la Région de Bruxelles-Capitale. C'est donc elle qui peut et doit modifier les dispositions législatives quand elles ne sont pas respectées et les mécanismes de contrôle et de sanction lorsqu'ils ne sont pas suffisants. La présente proposition de résolution vise avant tout à relancer les mécanismes de contrôle et de sanction, par l'intermédiaire du Comité de concertation. Si cette tentative ne donne aucun résultat à court terme, il incombe toutefois à l'autorité fédérale de prendre une initiative législative afin de rétablir l'État de droit dans cette matière.

Bart LAEREMANS.
Yves BUYSSE.
Filip DEWINTER.
Anke VAN DERMEERSCH.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. eu égard aux lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966;

B. considérant que ces lois prévoient qu'à l'exception du personnel de métier et du personnel ouvrier qui n'entre pas en contact avec le public, les agents des administrations locales bruxelloises ne peuvent être recrutés qu'après avoir présenté un examen linguistique auprès de Selor pour attester de leur connaissance de la seconde langue, que les fonctions supérieures doivent être réparties pour moitié entre les groupes linguistiques et qu'au moins 25 % des fonctions inférieures doivent être attribuées à chacun des groupes linguistiques;

C. vu le rapport annuel 2012 du vice-gouverneur de la Région de Bruxelles-Capitale;

D. considérant qu'il ressort de ce rapport qu'en 2012, 6 membres sur 10 du personnel recruté par les communes bruxelloises et 8 membres sur 10 du personnel recruté par les CPAS bruxellois n'étaient pas titulaires du certificat linguistique requis et qu'il existe d'énormes distorsions en ce qui concerne l'attribution des fonctions aux groupes linguistiques, de sorte qu'en 2012, les néerlandophones ont été privés d'au moins 543 postes qui leur revenaient de droit;

E. vu la jurisprudence constante du Conseil d'État selon laquelle la nécessité d'assurer la continuité du service ne peut être invoquée comme excuse pour justifier le non-respect de la disposition des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, en vertu de laquelle toute désignation dans une administration locale bruxelloise ne peut avoir lieu qu'après que l'intéressé a présenté un examen linguistique auprès de Selor attestant de sa connaissance de la seconde langue;

F. considérant qu'il ressort du rapport annuel 2012 du vice-gouverneur de Bruxelles-Capitale que ce dernier n'a pas suspendu de nombreuses désignations illégales émanant des administrations locales bruxelloises au motif qu'elles concernaient des engagements à durée très limitée pour assurer la continuité du service;

G. vu la jurisprudence constante du Conseil d'État selon laquelle l'autorité de tutelle est tenue d'annuler les nominations illégales dans les administrations locales bruxelloises, lorsqu'elles ont été suspendues par le vice-gouverneur;

H. considérant que les administrations locales bruxelloises ont le champ libre pour enfreindre les dispositions précitées de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative parce que l'autorité de contrôle, et plus précisément les instances de tutelle bruxelloises, refusent systématiquement d'annuler les nominations illégales et restent donc gravement en défaut;

I. considérant que l'autorité fédérale est toujours compétente en ce qui concerne la législation linguistique applicable dans la Région de Bruxelles-Capitale,

Demande au gouvernement:

A. de signaler au vice-gouverneur de la Région de Bruxelles-Capitale, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'autorité de tutelle, que toutes les désignations qui ont lieu dans les administrations locales bruxelloises et qui sont contraires à la législation sur l'emploi des langues en matière administrative doivent être suspendues, conformément à la jurisprudence constante du Conseil d'État, et qu'il convient également de contrôler le respect des dispositions relatives à la répartition des fonctions par groupe linguistique;

B. d'inscrire à l'ordre du jour du Comité de concertation la question du non-respect de la législation linguistique par les administrations locales bruxelloises et celle de la carence en la matière de l'autorité de tutelle, afin d'obtenir des garanties de la part du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et du Collège réuni de la Commission communautaire commune, qu'en tant qu'autorités de tutelle des administrations locales bruxelloises, et conformément aux dispositions de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative et à la jurisprudence constante du Conseil d'État, ils appliquent correctement le pouvoir qui est le leur d'annuler les nominations illégales suspendues par le vice-gouverneur, qu'ils vérifient que les administrations locales transmettent leurs dossiers du personnel au vice-gouverneur et prennent des mesures pour que la répartition des fonctions par groupe linguistique prévue par la loi soit correctement respectée;

C. faute de telles garanties et de résultat sur le terrain à court terme, de prendre lui-même les initiatives législatives nécessaires pour veiller à ce que le contrôle du respect de la législation linguistique par les administrations locales bruxelloises soit dorénavant assuré correctement.

15 juillet 2013.

Bart LAEREMANS.
Yves BUYSSE.
Filip DEWINTER.
Anke VAN DERMEERSCH.

(1) Rapport du vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale pour l'année 2012, rapport inédit, 80 p.

(2) Lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966.

(3) « Art. 21. [...] § 2. S'il est imposé, l'examen d'admission comporte pour chaque candidat une épreuve écrite ou informatisée sur la connaissance élémentaire de la seconde langue. S'il n'est pas imposé d'examen d'admission, le candidat est soumis, avant sa nomination, à un examen écrit ou informatisé portant sur la même connaissance. § 3. Les §§ 1er et 2 ne sont pas applicables au personnel de métier et ouvrier. § 4. Est subordonnée à la réussite d'un examen écrit ou informatisé portant sur la connaissance suffisante de la seconde langue, toute nomination ou promotion à une fonction qui rend son titulaire responsable, vis-à-vis de l'autorité dont il relève, du maintien de l'unité de jurisprudence ou de gestion dans le service dont la haute direction lui est confiée. § 5. Sans préjudice des dispositions qui précèdent, nul ne peut être nommé ou promu à un emploi ou à une fonction mettant son titulaire en contact avec le public, s'il ne justifie oralement, par une épreuve complémentaire ou un examen spécial, qu'il possède de la seconde langue une connaissance suffisante ou élémentaire, appropriée à la nature de la fonction à exercer. »

(4) Cf., par exemple, l'arrêt du Conseil d'État n° 156 436 du 16 mars 2006.

(5) Il s'agit ici de dossiers, et non de personnes recrutées. Une personne peut faire l'objet de plusieurs dossiers. Mais le nombre de dossiers ne sera probablement pas substantiellement différent du nombre de personnes concernées. Il convient, par ailleurs, de souligner que le nombre réel de dossiers est plus élevé. En effet, certaines communes (Watermael-Boitsfort) transgressent la loi en ne transmettant aucun dossier de recrutement de personnel au vice-gouverneur; certaines autres communes n'en transmettent probablement qu'une partie. Le vice-gouverneur note même ceci: « L'absence quasi totale de données de certaines communes constitue un indice montrant que certaines communes ne remplissent pas scrupuleusement leurs obligations légales de soumettre leurs délibérations au vice-gouverneur. » Cf. Rapport ..., p. 79.

(6) Le Conseil d'État a déclaré à plusieurs reprises que le fait d'invoquer la continuité du service ne justifie pas que l'on ignore la loi. Cf. par exemple l'arrêt du Conseil d'État n° 118 134 du 8 avril 2003, p. 11.

(7) Rapport ..., p. 62.

(8) Rapport du vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale pour l'année 2011, rapport inédit, p. 9.

(9) Rapport du vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale pour l'année 2011, rapport inédit, p. 82.

(10) Rapport ..., p. 19.

(11) Rapport ..., p. 20.

(12) Sur la base des rapports du vice-gouverneur pour les années 2008-2012.

(13) Aucune donnée n'est disponible en ce qui concerne la commune de Watermael-Boitsfort car celle-ci refuse de transmettre ses dossiers au vice-gouverneur.

(14) Rapport ..., p. 63.

(15) Rapport ..., p. 19.

(16) Sur la base des rapports du vice-gouverneur pour les années 2008-2012.

(17) « Art. 21, § 7. Lors du recrutement de leur personnel les administrations des communes et celles des personnes publiques subordonnées aux communes doivent répartir à parité entre les deux groupes linguistiques, 50 % au moins des emplois à conférer. Sans préjudice des dispositions de l'article 68, alinéa 1er, au plus tard dans les dix ans, à partir du 1er septembre 1963, les emplois égaux ou supérieurs à celui de chef de division doivent être occupés en nombre égal, par des fonctionnaires appartenant à l'un et à l'autre groupe linguistique. »

(18) Rapport ..., p. 75.

(19) Il convient toutefois de rappeler que les chiffres donnés par le vice-gouverneur portent sur le nombre de dossiers et non sur le nombre de membres du personnel. Plusieurs dossiers peuvent être introduits dans la même année auprès du vice-gouverneur pour un même membre du personnel. Toutefois, les divergences entre les deux catégories ne sont sans doute pas très importantes.