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24 SEPTEMBRE 2013
Un nombre sans cesse croissant de secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, essentiellement peu qualifiée, sont mis à rude épreuve. Ils sont soumis non seulement à la rude concurrence des pays à bas salaires — dans la mesure où leur principal facteur de coût est le travail — mais aussi au coût élevé du travail qui pèse sur les entreprises de ces secteurs. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les peu qualifiés sont déjà durement touchés par le chômage. Qui plus est, les entreprises étrangères peuvent aisément concurrencer des entreprises belges qui occupent essentiellement du personnel peu qualifié.
Les premiers menacés par ce phénomène sont les jeunes qui arrivent aujourd'hui sur le marché du travail et qui sont peu qualifiés. Nous avons le devoir de prendre des mesures concrètes et, à cet égard, nous ne pourrons pas échapper au débat sur les charges salariales. Tout immobilisme en la matière serait inconcevable.
Le « flexi-job », que la présente proposition vise à instaurer, peut aussi faire office de tremplin vers un emploi à plein temps. Si une entreprise n'est pas certaine que le coût d'un travailleur supplémentaire sera suffisamment compensé par une accroissement de productivité, elle peut recourir au flexi-job comme solution intermédiaire avant un engagement à temps plein. Gráce à l'allégement des charges sociales, l'entrepreneur osera davantage franchir le pas de la création d'un poste supplémentaire.
Les auteurs ont élaboré la présente proposition de loi à la suite des réactions des employeurs, des leaders d'opinion et du secteur de la construction à une précédente proposition de loi visant spécifiquement le secteur horeca (doc. Sénat, nº 5-2038/1 — 2012/2013).
Nombre de secteurs, dont celui de la construction, considèrent que cette mesure, qui a été conçue spécifiquement pour l'horeca, est aussi pour eux une nécessité urgente. Cette mesure n'aura pas pour seul effet la création de nombreux emplois nouveaux, dont certains à temps plein; elle permettra aussi de « blanchir » certains emplois non déclarés, ce qui se soldera par une situation « win-win » pour l'État, qui pourra tabler sur des effets de retour non négligeables, et pour les travailleurs, qui seront assurés en cas d'accident et en ordre de sécurité sociale. Le secteur des transports fait, lui aussi, assurément partie des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre qui occupent du personnel moins qualifié.
La présente proposition de loi est donc basée sur celle qui concerne spécifiquement le secteur horeca, mais elle étend les dispositions de celle-ci aux secteurs à forte intensité de main-d'œuvre dans lesquels elle aura l'impact le plus fort en termes d'emplois.
La présente proposition prévoit un régime de travail occasionnel moins onéreux et plus flexible.
Tout travailleur qui est employé à titre supplémentaire ou occasionnel dans une PME pourra bénéficier d'un système prévoyant l'exonération d'un montant mensuel maximum de 500 euros à l'impôt des personnes physiques. L'employeur payera une cotisation de 25 % (125 euros) sur ce montant et n'aura plus d'autre obligation fiscale et sociale à remplir.
Ce système sera également instauré pour les grandes entreprises actives dans les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, comme la construction ou les transports. À cet égard, le système qui sera mis en place pour la rémunération des travailleurs occasionnels et des heures supplémentaires du personnel permanent qui sont payées en espèces sera le même que celui applicable aux PME, le travailleur pouvant gagner mensuellement 500 euros exonérés d'impôts et l'employeur étant redevable d'une cotisation de 25 % au titre d'obligations fiscales et sociales.
La présente proposition intéressera aussi les employeurs, qui pourront compter sur un personnel flexible, mobilisable par exemple en période de travail intense, sans être pénalisés fiscalement.
En outre, le coût budgétaire pour l'État sera très réduit voire nul. Ce système présente également l'avantage de faire disparaître l'attrait du travail au noir (le salaire brut = le salaire net). Et il y aura en même temps un effet retour pour l'État: les travailleurs (potentiels) seront incités à prester quelques heures supplémentaires — de manière déclarée cette fois —, ce qui augmentera les recettes de l'État.
Afin de lutter contre l'érosion du système de sécurité sociale, il faut exclure les bénéficiaires d'un revenu de remplacement de la possibilité d'avoir des revenus d'appoint, et ce pour éviter qu'une personne qui perçoit une allocation de chômage, par exemple, exerce en plus des activités exonérées d'impôt durant son temps libre. Il y a donc ici une différence essentielle avec le système allemand dit du « mini-job ».
Qui sont les bénéficiaires potentiels du statut « flexi-job » ? Ce statut, qui se situe dans le prolongement de ce qui existe déjà pour les étudiants, vise tous les travailleurs salariés ou les pensionnés qui souhaitent bénéficier d'un revenu d'appoint.
Le principe qui sous-tend la présente proposition de loi est que le travail est le meilleur remède contre la crise. Le système du flexi-job répond à un réel besoin des entrepreneurs et devrait en même temps permettre à de nombreux ménages d'accroître quelque peu leurs revenus. Il permettra en outre, comme cela a été dit, de sortir beaucoup d'emplois de la zone grise. L'expérience qui sera acquise gráce au flexi-job pourra, dans de nombreux cas, être un tremplin vers un emploi à part entière.
Ce sera également tout bénéfice pour d'autres pans de l'économie. La croissance sera relancée et des travailleurs ayant un emploi classique devront produire plus pour répondre à la demande de consommation supplémentaire. La croissance générera également des recettes supplémentaires pour l'État, qui pourra les consacrer à la lutte contre la pauvreté. En théorie, tout le monde devrait donc sortir gagnant de ce système.
Les auteurs attirent l'attention sur le fait que la présente proposition s'inscrit dans le cadre d'une réorientation globale de la fiscalité sur le travail. Il s'agit d'un premier pas important en vue de surmonter des appréhensions pourtant infondées et de s'attaquer en profondeur aux problèmes du marché du travail et de nos entreprises, non pas en réduisant les allocations mais en augmentant le produit net des revenus du travail sans rendre celui-ci impayable.
La présente proposition s'inscrit dans un contexte de taux d'emploi structurellement insuffisant, celui-ci étant lui-même tributaire de facteurs tels que les coûts salariaux, la formation, la productivité et la disponibilité au travail.
Les opportunités d'emploi sont insuffisantes en particulier pour les personnes peu qualifiées, étant donné le niveau élevé des coûts salariaux par rapport à la productivité de ces travailleurs. C'est ainsi qu'apparaît un cercle vicieux: pas d'emploi, pas d'opportunité de combler le handicap en termes de formation et de productivité et, par conséquent, une marginalisation structurelle sur le marché du travail et, en fin de compte, au sein de la société.
Des initiatives prises dans d'autres pays ou celle menée en Belgique avec les titres-services montrent clairement que lorsque le coût salarial est significativement réduit, la demande de travail peu qualifié explose. Les mécanismes du marché fonctionnent donc bel et bien, sur le marché du travail comme ailleurs.
L'État peut toutefois mener une politique d'aide aux revenus, comme il le fait par exemple activement avec les titres-services. Mais ce dernier aspect est pratiquement toujours passé sous silence par les adversaires du système.
La relance de la demande de travail peu qualifié par le biais d'une réduction significative des coûts salariaux, telle que la présente proposition la prône, n'est qu'un volet d'une stratégie durable d'accroissement du taux d'emploi.
La présente proposition vise à dissiper le rideau de fumée diffusé par les adversaires du système des flexi-jobs et d'autres initiatives similaires. Des discussions caricaturales ne profitent à personne. Il faut donc être clair: ces 500 euros ne sont pas cumulables avec des allocations. Il faut arrêter de diaboliser d'emblée toute proposition qui est faite et de brandir des clichés tels que les « jobs hamburger » et autres lieux communs destructeurs. En fin de compte, une seule certitude subsiste en ce qui concerne les emplois peu qualifiés: lorsque le coût salarial est vraiment réduit de manière significative, la demande de travail peu qualifié explose. Les auteurs de la présente proposition souscrivent pleinement à cet objectif et estiment qu'elle constitue d'ores et déjà un grand pas en avant.
Article 2
Cet article donne la définition d'une PME.
Article 3
Cet article exclut la première tranche de 500 euros par mois et de 6 000 euros par an de la rémunération des travailleurs occasionnels occupés par un employeur visé dans la loi proposée, du calcul des cotisations pour le travail occasionnel avec assujettissement complet, une réglementation Dimona propre et une déclaration distincte en DmfA.
Article 4
Cet article dispose que l'employeur est redevable d'une cotisation spéciale de 25 % sur le montant de la rémunération des travailleurs occasionnels, à concurrence d'un plafond de 500 euros par mois, lié à l'indice santé.
Article 5
Cet article prévoit que les rémunérations pour le travail occasionnel dans les PME, d'une part, et dans les grandes entreprises actives dans des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, d'autre part, sont exonérées fiscalement pour le travailleur à concurrence d'un plafond de 6 000 euros par an.
Article 6
Cet article implique que la cotisation spéciale de sécurité sociale de 25 % est considérée fiscalement comme faisant partie des frais professionnels.
Il prévoit également que les rémunérations pour le travail occasionnel sont considérées, sur le plan fiscal, comme étant des frais professionnels.
Article 7
Cet article prévoit qu'une exonération du précompte professionnel est appliquée aux rémunérations pour le travail occasionnel et ce, à concurrence d'un plafond de 500 euros par mois.
Article 8
Cette disposition détermine quels travailleurs occasionnels peuvent bénéficier de ce régime.
Article 9
Cet article habilite le Roi à prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la loi proposée. Le Roi peut aussi, le cas échéant, arrêter des dispositions transitoires.
Article 10
Cet article habilite le Roi à désigner les secteurs qui sont considérés comme étant à forte intensité de main-d'œuvre.
Article 11
Il importe que la loi proposée soit appliquée dans les meilleurs délais, eu égard à la conjoncture actuelle et à la nécessité de créer rapidement des emplois supplémentaires. C'est pourquoi il est précisé qu'elle entrera en vigueur au début du premier trimestre suivant celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.
Nele LIJNEN. |
Rik DAEMS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par PME: les entreprises qui sont considérées comme des petites entreprises au sens de l'article 15 du Code des sociétés.
Art. 3
À concurrence de la première tranche de 500 euros par mois, les travailleurs engagés pour une durée maximale de deux jours consécutifs auprès d'un employeur qui est considéré comme une PME, ou d'un employeur qui est considéré comme une grande entreprise dans un secteur à forte intensité de main-d'œuvre, n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions en matière de cotisations dues, telles que visées à l'article 31bis, § 2, de l'arrêté royal pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
Art. 4
L'article 38 de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés, modifié en dernier lieu par la loi du 27 décembre 2012, est complété par un § 3terdecies rédigé comme suit:
« § 3terdecies. Une cotisation spéciale de 25 % est due par l'employeur sur le montant de la rémunération des travailleurs occasionnels occupés dans les PME et les grandes entreprises actives dans des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre. Toutes les autres dispositions concernant la sécurité sociale ne sont pas d'application à concurrence de 500 euros par mois.
Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres pris sur avis unanime et conforme du Conseil national du Travail, adapter le montant de 500 euros visé à l'alinéa précédent.
Le montant de 500 euros est rattaché à l'indice santé du mois d'octobre 2012 (119,87). À partir du 1er janvier 2015, ce montant est adapté le 1er janvier de chaque année, conformément à la formule suivante: le montant de base est multiplié par l'indice santé du mois d'octobre de l'année précédant celle durant laquelle le nouveau montant sera applicable, et divisé par l'indice santé du mois d'octobre 2012. Le montant ainsi obtenu est arrondi à l'euro supérieur.
La cotisation est payée par l'employeur à l'organisme chargé de la perception des cotisations de sécurité sociale, dans les mêmes délais et conditions que ceux applicables aux cotisations de sécurité sociale pour les travailleurs salariés.
Le produit de la cotisation est versé à l'ONSS-Gestion globale, au sens de l'article 5, alinéa 1er, 2º, de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
Les dispositions du régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés, notamment en ce qui concerne les déclarations avec justification des cotisations, les délais de paiement, l'application des sanctions civiles et des dispositions pénales, le contrôle, le juge compétent en cas de contestation, la prescription en matière d'actions judiciaires, le privilège et la communication du montant de la créance de l'Office national de sécurité sociale, sont applicables. »
Art. 5
L'article 38, § 1er, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, modifié en dernier lieu par la loi du 19 juin 2011, est complété par un 28º rédigé comme suit:
« 28º à concurrence d'un montant maximum de 6 000 euros par année civile, les rémunérations pour le travail occasionnel dans les PME ou dans des grandes entreprises actives dans des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre payées ou attribuées conformément à la loi du ... instaurant le « flexi-job », et effectivement soumises à la cotisation spéciale visée à l'article 38, § 3terdecies, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. »
Art. 6
Dans l'article 52 du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 24 juillet 2008, les modifications suivantes sont apportées:
A) la disposition visée au 3º est complétée par un point e) rédigé comme suit:
« e) la cotisation spéciale due en vertu de l'article 38, § 3terdecies, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. »;
B) l'article est complété par un 12º rédigé comme suit:
« 12º les rémunérations pour le travail occasionnel dans les PME ou dans des grandes entreprises actives dans des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre payées ou attribuées conformément à la loi du ... instaurant le flexi-job, et effectivement soumises à la cotisation spéciale visée à l'article 38, § 3terdecies, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. »
Art. 7
Il est inséré, dans le même Code, un article 275/8 rédigé comme suit:
« Art. 275/8. Aucun précompte professionnel n'est dû sur les revenus visés à l'article 38, § 1er, 28º, à concurrence des plafonds mensuels prévus à l'article 38, § 3terdecies, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. »
Art. 8
Ce régime ne s'applique pas aux personnes bénéficiant d'un revenu de remplacement.
Art. 9
Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, fixer les modalités d'exécution et arrêter les éventuelles dispositions transitoires de la présente loi.
Art. 10
Le Roi détermine par un arrêté délibéré en Conseil des ministres quels secteurs peuvent être considérés comme des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre.
Art. 11
La présente loi entre en vigueur à partir du début du trimestre qui suit sa publication au Moniteur belge.
28 juin 2013.
Nele LIJNEN. |
Rik DAEMS. |