5-248COM

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Commission de la Justice

Annales

JEUDI 18 JUILLET 2013 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Demande d'explications de Mme Caroline Désir à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique et à la ministre de la Justice et à la secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, à l'Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté sur «la sensibilisation du corps médical à la problématique de la traite des êtres humains» (no 5-3845)

Mme Caroline Désir (PS). - Madame la ministre, la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre le trafic et la traite des êtres humains a publié au mois de septembre 2012 une brochure destinée à sensibiliser le personnel hospitalier à la problématique de la traite des êtres humains. Cette brochure se devait d'éclairer sur la situation des victimes et informer le personnel médical sur la manière dont il peut aider, informer et orienter les victimes.

Récemment, à l'initiative de l'asbl Payoke, une enquête a été réalisée par l'Université d'Anvers auprès de cent soixante médecins. Elle montre que deux tiers d'entre eux ne connaissent pas suffisamment les symptômes liés à la traite des êtres humains. Ces indicateurs sont, entre autres, les avortements multiples, les traces bleues sur le corps, les manifestations de peur ou de stress inexpliqué, etc. Cette enquête souligne également que 88% des médecins ne savent pas vers quelle structure d'accueil ils peuvent diriger les victimes potentielles de la traite.

Les médecins, le personnel infirmier, les travailleurs sociaux sont pourtant des acteurs de première ligne en contact direct avec les victimes et peuvent jouer un rôle crucial dans l'orientation des victimes de la traite des êtres humains vers les centres d'accueil spécialisés, à l'abri de leurs exploitants.

Pourriez-vous me dire si d'autres initiatives ont été prises comme annoncées dans le plan d'action national 2012-2014 de lutte contre la traite et le trafic des êtres humains en Belgique, plan qui prévoyait aussi la mise en place d'une lettre d'information à destination des hôpitaux ?

Ne faudrait-il pas, au vu des mauvais résultats de cette enquête, procéder aujourd'hui à une évaluation de l'ensemble des initiatives prises afin de développer des instruments plus efficaces dans la détection et l'orientation des victimes vers les structures adéquates ? Je pense notamment à la sensibilisation faite par l'asbl Surya dans les hôpitaux liégeois.

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Tout d'abord, il faut rappeler comment la brochure a été élaborée. À la base, la nécessité de créer ce type d'instrument a été évaluée et discutée avec les différents acteurs de la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains. La brochure a ensuite été rédigée en concertation avec les trois centres d'accueil spécialisés qui ont été invités à plusieurs réunions du Bureau de la Cellule en vue de finaliser le document. La brochure a également fait l'objet d'un examen et d'une discussion avec le SPF Santé publique.

Sur la base de ces concertations, elle a été envoyée dans tous les hôpitaux de Belgique par voie électronique et par courrier. Les services sociaux des hôpitaux, les services gynécologiques et les services d'urgence étaient visés par l'initiative. Une affiche accompagnait la brochure, laquelle a aussi été mise à disposition sur le site du SPF Santé publique.

Nous avons reçu quelques réactions positives de la part d'hôpitaux qui nous ont demandé d'autres exemplaires, mais manifestement les efforts doivent se poursuivre.

Il convient par ailleurs de ne pas limiter la communication au seul corps médical. En effet, le personnel infirmier est en contact journalier avec les personnes hospitalisées. C'est pourquoi la brochure a aussi été adressée aux services sociaux et aux infirmiers en chef.

Le Bureau de la Cellule interdépartementale de lutte contre la traite des êtres humains s'est réuni en mai, en présence des centres spécialisés dans l'accueil des victimes de traite des êtres humains, et divers contacts ont été noués à propos de la problématique de sensibilisation dans les milieux médicaux.

Il va de soi que l'on ne peut prétendre obtenir un résultat à très court terme.

Les centres ont eux-mêmes utilisé la brochure lorsqu'ils ont été amenés à donner des séances d'information dans certains hôpitaux ou écoles d'infirmiers. Ils ont bien évidemment un rôle proactif direct à jouer à travers les initiatives qu'ils développent. C'est le cas, par exemple, avec l'expérience de Surya et l'initiative dernièrement entreprise par Payoke. Les différentes démarches sont complémentaires.

Au cours de la discussion au Bureau de la Cellule, il a été question d'un renforcement de l'initiative. Il a été proposé d'envoyer la brochure aux écoles d'infirmiers, de sorte qu'une information soit disponible dès la formation. Il est également envisagé de répéter des envois de brochures et d'affiches dans les hôpitaux. Lors de ce second envoi, il est proposé d'adjoindre un très bref questionnaire afin de savoir si la brochure est jugée utile, si elle a effectivement été consultée par les services compétents et si l'hôpital pourrait envisager de s'investir dans des démarches de formation et d'information. Nous pourrions ainsi disposer d'une meilleure information et planifier d'autres initiatives en fonction des réponses obtenues.

Ces deux démarches seront envisagées à la rentrée. Une année se sera donc écoulée depuis l'envoi de la première brochure.

Mme Caroline Désir (PS). - Je vous remercie pour cette réponse, madame la ministre. La réalisation de cette brochure constitue en elle-même une avancée. Je note que vous prenez les résultats de l'enquête menée par l'asbl Payoke en considération et que vous proposez des pistes pour aller plus loin. Je m'en réjouis car je pense que c'est une nécessité.

La sensibilisation du personnel de première ligne est une demande de tous les acteurs entendus par le groupe de travail sur la traite des êtres humains. Le renforcement de la lutte contre ce phénomène passe par la sensibilisation accrue des médecins et du personnel infirmier à la détection des victimes. À cet égard, je crois qu'il y a lieu de creuser la piste que vous avez évoquée à propos de la formation des infirmiers et des médecins.