5-2240/1

5-2240/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

25 JUILLET 2013


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Proposition de révision de l'article 23 de la Constitution en vue de garantir le droit aux allocations familiales

(Déposée par Mmes Vanessa Matz, Freya Piryns, MM. Philippe Mahoux, Dirk Claes, Mme Christine Defraigne, MM. Bert Anciaux, Marcel Cheron et Mme Martine Taelman)


DÉVELOPPEMENTS


La disposition transitoire de l'article 195 de la Constitution, adoptée le 29 mars 2012 (Moniteur belge du 6 avril 2012, éd. 2), prévoit que les Chambres, constituées à la suite du renouvellement des Chambres du 13 juin 2010 peuvent, d'un commun accord avec le Roi, statuer sur la révision, notamment, de l'article 23 de la Constitution, exclusivement « en vue garantir le droit aux allocations familiales ».

L'octroi d'allocations familiales vise à contribuer aux frais d'entretien et d'éducation des enfants. Il offre une compensation partielle pour l'augmentation des charges supportées par le ménage lors de l'extension de celui-ci (Cour constitutionnelle, arrêt nº 53/2011, 6 avril 2011, B.3.).

Afin que chacun ait le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, l'article 23 de la Constitution prévoit que la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134, garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Parmi ces droits, est notamment compris, le droit à la sécurité sociale, duquel relève le droit aux allocations familiales (Cour constitutionnelle, arrêt nº 66/2007, 26 avril 2007, B.10.3).

La présente proposition de révision de la Constitution vise à garantir spécifiquement le droit aux allocations familiales. La Constitution consacrera ainsi que, parmi les droits que la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 doivent garantir afin que chacun puisse mener une vie conforme à la dignité humaine, figurera celui de chacun d'obtenir à charge de l'autorité compétente une contribution aux frais d'entretien et d'éducation des enfants.

Toutefois, tout comme pour les droits garantis actuellement par l'article 23 de la Constitution, la présente révision constitutionnelle n'entend pas créer un nouveau droit subjectif. Ainsi que l'a mis en évidence la Cour constitutionnelle, l'article 23 de la Constitution entraine, pour les autorités compétentes, « l'obligation, sans pour autant conférer des droits subjectifs précis, de maintenir le bénéfice des normes en vigueur en interdisant d'aller à l'encontre des objectifs poursuivis (obligation dite de standstill) » (1) .

La présente disposition impose donc au législateur de ne pas porter atteinte aux droits garantis par la législation. L'obligation de « standstill » implique que deux normes juridiques générales qui se suivent dans le temps doivent globalement garantir un niveau de protection équivalent, la nouvelle norme juridique ne pouvant faire diminuer de manière significative le niveau de protection en vigueur sans que des raisons d'intérêt général ne le justifient.

La présente proposition de révision de la Constitution aura donc pour conséquence immédiate que les autorités compétentes en matière de droit aux allocations familiales ne pourront réduire de manière significative le droit que la loi accorde aujourd'hui aux familles de recevoir des pouvoirs publics une contribution financière pour couvrir au moins partiellement la charge que représentent les frais d'éducation et d'entretien des enfants, à moins que des raisons d'intérêt général ne justifient une telle réduction. Le fait que le droit aux allocations familiales fera désormais l'objet d'une garantie spécifique dans l'article 23 de la Constitution a pour conséquence que le législateur compétent ne pourra plus justifier une éventuelle réduction significative du droit aux allocations familiales pour le motif que cette réduction serait compensée par d'autres mesures de sécurité sociale ou de politique de revenus, sauf si ces mesures sont spécifiquement destinées à prendre en compte la charge que représentent pour les familles l'entretien et l'éducation des enfants.

L'obligation de « standstill » ne prive pas les autorités compétentes en matière d'allocations familiales d'apprécier de quelle manière ce droit sera le plus adéquatement assuré. Elle n'empêche aucune réforme de la matière qui viserait à garantir de manière au moins équivalente ce droit.

Les autorités compétentes pourront ainsi opter par exemple pour une réforme de la législation en vigueur afin que le droit aux allocations familiales ne dépende plus d'une activité professionnelle, d'une activité professionnelle précédente ou d'une situation sociale.

Enfin, tout comme l'article 23 de la Constitution, la présente proposition de révision de la Constitution est neutre au regard de la répartition des compétences entre l'État fédéral, les communautés et les régions et n'exclut pas que le législateur délègue au gouvernement la mise en œuvre concrète des droits qu'elle organise (2) .

Vanessa MATZ.
Freya PIRYNS.
Philippe MAHOUX.
Dirk CLAES.
Christine DEFRAIGNE.
Bert ANCIAUX.
Marcel CHERON.
Martine TAELMAN.

PROPOSITION


Article unique

L'article 23, alinéa 3, de la Constitution est complété par un 6º, rédigé comme suit:

« 6º le droit aux allocations familiales. »

21 juillet 2013.

Vanessa MATZ.
Freya PIRYNS.
Philippe MAHOUX.
Dirk CLAES.
Christine DEFRAIGNE.
Bert ANCIAUX.
Marcel CHERON.
Martine TAELMAN.

(1) Cour constitutionnelle, n° 169/2002, 27 novembre 2002, B.6.4.

(2) Cour constitutionnelle, arrêt n° 64/2008, 17 avril 2008,B.32.1.