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Mme Caroline Désir (PS), rapporteuse. - Je vous ferai un bref résumé de ce dossier ; pour les détails, je vous renvoie au rapport qui vous a été distribué.
La proposition de loi concernant l'identification des policiers a été déposée par M. Deprez et a fait l'objet de plusieurs réunions en commission de l'Intérieur.
Dans son exposé introductif, l'auteur soulignait sa volonté de remplacer, pour les agents de police, le port de la plaquette nominative, actuellement imposé, par un numéro de matricule. Il constate que les policiers sont de plus en plus nombreux à masquer leur nom dans le but de ne pas faire l'objet d'un acte de vengeance ou d'une plainte non fondée.
Avec ce texte, l'auteur souhaite atteindre ce double objectif : d'une part, permettre l'identification de tous les fonctionnaires de police et agents de police qui interviennent à l'égard de tiers et, d'autre part, protéger la vie privée de ces policiers lorsqu'ils font ou risquent de faire l'objet de représailles de la part de personnes à l'égard desquelles ils interviennent.
L'auteur a encore précisé que pour les missions spéciales telles que les infiltrations et les repérages, l'obligation d'identification au moyen d'un matricule ne serait pas d'application. Cela ne changerait donc rien à la pratique actuelle.
Enfin, l'auteur a indiqué que la Commission de protection de la vie privée n'était pas opposée à cette initiative, même si le numéro de matricule constitue une option d'identification moins conviviale pour le citoyen confronté aux services de police. Selon la commission, cette méthode devrait permettre de rencontrer plus efficacement la finalité légitime poursuivie d'identification du policier intervenant tout en renforçant la protection de sa vie privée.
La commission a décidé d'entendre les acteurs concernés afin de se faire une meilleure opinion de la réalité de terrain. Elle a ainsi entendu le point de vue du gouvernement, par l'intermédiaire de la ministre de l'Intérieur, et a auditionné des représentants des syndicats de police, le comité P ainsi que des représentants de la Ligue des droits de l'Homme. Ces auditions ont permis d'affiner le texte initial, auquel, dans l'ensemble, un accueil assez favorable a été réservé.
Ces auditions ont été suivies par d'abondants échanges de vues sur plusieurs thématiques au sein de la commission. Tout d'abord, le texte de la proposition a été amendé de manière à ce que les objections de la Ligue des droits de l'Homme au texte initial soient retenues. En effet, celle-ci a rappelé la portée de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dont découle l'obligation de pouvoir identifier les forces de l'ordre.
Le texte prévoit dès lors que le port de la plaquette nominative reste la règle et que c'est à titre exceptionnel, pour certaines interventions et sur décision du chef de corps ou du commissaire général, que les policiers pourront utiliser un numéro d'intervention.
En ce qui concerne les agents qui interviennent en civil, ces derniers devront porter un brassard indiquant le numéro d'intervention dont ils sont titulaires, contrairement à la situation actuelle, où ils ne sont munis d'aucune forme d'identification visible.
Ensuite, certains intervenants ont indiqué que des mesures supplémentaires s'imposaient pour améliorer la protection de la vie privée des fonctionnaires de police, mais toujours sans porter atteinte aux droits fondamentaux de chaque citoyen de ce pays.
Une discussion importante a porté sur la problématique des informations contenues dans les procès-verbaux rédigés par les policiers. Le texte prévoit que le nom des policiers n'est pas mentionné dans les procès-verbaux initiaux lorsqu'ils sont intervenus sous le couvert d'un numéro d'intervention. En effet, d'aucuns ont souligné qu'il serait inutile de prévoir que l'anonymat des policiers soit garanti lors de certaines interventions s'il ne l'est pas également lors de l'établissement des procès-verbaux car il suffit de consulter le dossier pour connaître les données relatives à l'identité des agents verbalisateurs.
Enfin, concernant les unités spéciales d'intervention, la commission a décidé que la question serait réglée par une initiative législative distincte. Le comité P a été chargé par la ministre de l'Intérieur d'élaborer un régime spécifique pour ces unités spéciales.
L'ensemble de la proposition amendée a été adopté par dix voix pour et trois abstentions des membres présents. Je vous renvoie pour le surplus au rapport écrit.
M. Gérard Deprez (MR). - Madame la présidente, la remarquable présentation faite par notre rapporteur va me permettre d'abréger mon intervention. Je la remercie pour ce travail de qualité. Dès lors, je mettrai simplement l'accent sur les changements apportés par la proposition de loi soumise à votre jugement.
Cette proposition de loi inscrit l'ensemble des dispositions concernant l'identification des policiers dans un seul et même article de loi.
Jusqu'à présent, ces dispositions étaient réglées de différentes manières.
Soit par un article de loi. C'est le cas pour les policiers qui interviennent en habits civils et pour les policiers en uniforme qui se présentent au domicile d'une personne.
Soit par un arrêté royal. C'est en effet un arrêté royal, et plus une loi, qui organise le port du brassard lors d'interventions, de manifestations telles que vous pouvez les voir à la télévision.
Soit encore par une simple annexe d'un arrêté ministériel. Ainsi, l'article 2 de l'arrêté ministériel du 15 juin 2006 renvoie à l'annexe E qui prévoit comme accessoire individuel le port sur l'uniforme d'une plaquette nominative.
De plus, c'est une circulaire purement interne, la GPI 65, qui autorise dans certains cas le chef de corps à dispenser les fonctionnaires de police et les agents de police en intervention de porter n'importe quel système d'identification lorsqu'il s'agit d'interventions jugées à risque.
Le premier élément important de la proposition de loi est donc qu'elle inscrit les dispositions concernant l'identification sous quelque forme que ce soit dans un seul article de loi.
Le deuxième élément important est que la proposition de loi établit le principe de l'identification du fonctionnaire de police et de l'agent de police en toute circonstance, que ce soit sous forme nominative ou sous forme de numéro d'intervention.
Le troisième élément important à mes yeux est que dorénavant la plaquette nominative est la règle. Ce n'était défini, jusqu'à présent, que dans l'annexe d'un arrêté ministériel.
Dorénavant, la loi prévoit - ce point était, jusqu'ici, réglé par une circulaire interne - les conditions dans lesquelles le commissaire général, le directeur général ou leur délégué pourront, pour certaines interventions, décider de remplacer la plaquette nominative par un numéro d'intervention.
J'en arrive au cinquième changement. Sauf si les circonstances ne le permettent pas, et dans certains cas, il est difficile de respecter scrupuleusement toutes les procédures car les événements s'emballent, les fonctionnaires de police qui interviennent en habits civils à l'égard d'une personne devront porter un brassard indiquant de manière visible et lisible le numéro d'intervention dont ils sont titulaires, ce qui n'est pas le cas maintenant.
La dernière modification concerne la carte de légitimation, dont l'usage est actuellement réglé par l'article 41 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. Dorénavant, les fonctionnaires de police et les agents de police en service, qu'ils soient ou non en uniforme, devront montrer leur carte de légitimation au citoyen qui en fait la demande, pour autant bien sûr que les circonstances le permettent.
La proposition de loi organise donc un dispositif complet qui permet en permanence l'identification des policiers, soit par la plaquette nominative, soit par le numéro d'intervention. Elle organise aussi la possibilité pour un chef de corps de décider de remplacer la plaquette nominative par un numéro d'intervention pour éviter que dans le cadre d'interventions à risque, la plaquette nominative ne permette à ceux qui font l'objet d'une intervention de procéder ultérieurement à des intimidations, à des menaces, voire à des représailles à l'égard des fonctionnaires de police ou des agents de police qui ont mené l'intervention.
En approuvant cette proposition de loi, nous avons simultanément réalisé deux objectifs.
Premier objectif : permettre l'identification en toute circonstance des fonctionnaires de police et des agents de police en service, ce qui met notre droit en conformité avec les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et renforce de ce fait les droits des citoyens en matière de lutte contre les éventuelles bavures ou violences policières dont ils auraient été victimes.
Second objectif : permettre aux fonctionnaires de police et aux agents de police d'être mieux protégés, surtout dans le cadre d'interventions à risque, contre les risques d'intimidation, de menace, voire de représailles contre eux-mêmes et contre leurs proches.
Permettez-moi, pour conclure, de remercier chaleureusement non seulement le rapporteur, mais aussi l'ensemble de mes collègues de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives du Sénat, à commencer par le président Moureaux, qui ont participé activement à l'amélioration du texte de départ de cette proposition.
Le texte soumis ce jour à notre assemblée est davantage l'oeuvre collective de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives que le travail des auteurs de la proposition initiale, tant les changements apportés par nos débats, nos auditions et nos discussions sont substantiels et positifs.
Je voudrais également remercier le cabinet de la ministre de l'Intérieur pour l'aide et les conseils qu'il nous a prodigués ainsi que la ministre elle-même, qui a exprimé publiquement son soutien à la proposition.
Enfin, permettez-moi d'adresser un merci aussi particulier que personnel aux collaborateurs de mon groupe et à mon assistante parlementaire, Mme Gandibleux, pour la qualité de leur travail et leur créativité. Je ne doute pas que vous voterez de manière quasi unanime en faveur de cette proposition de qualité.
M. Philippe Moureaux (PS). - Après l'excellent rapport de Mme Désir et le remarquable plaidoyer de M. Deprez, peut-être allez-vous vous demander pourquoi je monte à la tribune ? Il faut y trouver l'explication essentielle dans le fait que la presse, et plus particulièrement un journal considéré à tort ou à raison comme un grand journal - je ne me prononcerai pas -, a donné une interprétation assez amplifiée selon laquelle nous aurions voulu empêcher l'identification des policiers dans leur táche difficile. Or, tout notre travail - et j'en témoigne en tant que président de la commission de l'Intérieur - allait en sens inverse.
Bien entendu, nous avons également tenu compte du caractère délicat de certaines missions policières pour lesquelles, comme souvent dans ces matières, de très bons paramètres s'entrechoquent quelque peu, en l'occurrence la nécessité de toujours pouvoir identifier un policier et la volonté toute aussi déterminée de ne pas l'exposer personnellement à certaines tentatives d'intimidation.
Bien sûr, aujourd'hui, la presse est absente. Après avoir édicté avec force leur pensée puissante et complètement « à côté de la plaque », les journalistes ne vont tout de même pas venir nous écouter démontrer l'inanité de leurs propos ! Cela fait partie du cadre dans lequel nous évoluons, nous, les politiques.
Je tiens à remercier M. Deprez qui a déposé ce texte avec une intention bien précise. Cet esprit a d'ailleurs prévalu dans le travail de tous ceux qui ont soutenu cette disposition. Ce n'est pas toujours le cas.
Cela dit - et c'est logique -, nous avons été amenés, comme je l'avais moi-même suggéré, à laisser au Roi une certaine latitude, c'est-à-dire, dans les faits, aux ministres. La seule chose que je souhaite, c'est qu'ils aient toujours à l'esprit, lorsqu'ils prendront des arrêtés d'application ou des règlements, la nouvelle disposition reprise au paragraphe 1er, : « Tout fonctionnaire de police et agent de police en service doit pouvoir être identifié en toutes circonstances ». Cette règle est le madrier qui soutient la proposition, et j'espère que tous ceux qui seront amenés à l'appliquer ne l'oublieront pas.
Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - En tant que parlementaire de l'opposition, je soutiendrai ce texte. Je souligne également la qualité du travail accompli en commission.
Je tiens à rappeler que la législation prévoit la possibilité d'identifier le policier et le fonctionnaire de police par différents moyens, notamment la plaquette nominative placée sur l'uniforme.
On l'a constaté lors des auditions, cette législation présente certaines faiblesses, tant du point de vue du citoyen que du fonctionnaire de police lui-même.
On peut regretter que la plaquette nominative ne soit pas toujours lisible et soit parfois cachée par des équipements. Dans ce cas, le citoyen n'est plus en mesure d'identifier le fonctionnaire de police qui se présente à lui.
Certains fonctionnaires de police craignent, parfois légitimement, des représailles. Dans certains cas, ils préfèrent cacher leur plaquette nominative, ce que l'on ne peut admettre.
Je me réjouis de l'initiative de M. Deprez qui a l'ambition de résoudre ces problèmes pour le citoyen comme pour le fonctionnaire de police.
Cependant, notre groupe aurait voulu que ce texte aille plus loin. La proposition actuelle ne prévoit nullement des peines disciplinaires pour le policier qui cacherait sciemment sa plaque nominative ou son numéro d'intervention, ce qui est pour nous tout à fait regrettable.
De même, nous avons aussi plaidé en commission pour élargir le champ d'application de la législation. Nous aurions souhaité que le policier doive aussi prouver sa qualité aux témoins à l'aide de sa carte de légitimation. Cet élargissement qui nous paraissait important n'a pas été accepté et nous le déplorons.
D'autres dispositions plus pratiques, comme les modalités concernant la taille, la couleur, le caractère phosphorescent du numéro d'intervention, mais également tout ce qui concerne le registre des numéros d'intervention et les listes de correspondance, ne se retrouveront pas dans ce texte. Elles feront l'objet d'un arrêté royal spécifique. Nous resterons donc vigilants et veillerons donc à la mise en oeuvre effective de celui-ci.
Je voudrais signaler une autre pierre d'achoppement, l'anonymat des procès-verbaux, qui faisait l'objet d'un amendement de M. De Padt. Nous regrettons que la commission ait voulu avancer sur ce thème. Nous aurions préféré un chantier plus vaste, une étude beaucoup plus approfondie du problème des procès-verbaux.
Vous l'aurez compris, pour notre groupe, ce texte va dans le bon sens même s'il est perfectible. Malgré toutes les remarques que je viens de formuler, notre groupe estime que le texte proposé aujourd'hui représente dans son ensemble une avancée significative. C'est pourquoi nous le soutiendrons.
De heer Bart De Nijn (N-VA). - We hebben respect voor het werk van de heer Deprez om voor de politieagenten die vaak in moeilijke omstandigheden optreden, waarborgen inzake hun identificatie in te bouwen. Maar ook eventuele slachtoffers van politiegeweld moeten worden beschermd. Daarom heeft de N-VA-fractie een amendement ingediend, waarin wordt bepaald dat de gemotiveerde beslissing om met identificatieplaatjes in plaats van met naamplaatjes te werken telkens moet worden gemeld aan Comité P. Dat kan belangrijk zijn bij eventuele klachten naar aanleiding van incidenten.
Als dit amendement niet wordt aangenomen, zal de N-VA-fractie zich bij de stemming over het geheel van het voorstel onthouden.
M. Gérard Deprez (MR). - Nous avons discuté sur le fond de cet amendement en commission. Personne ne s'y est opposé mais la majorité n'a pas trouvé utile de l'intégrer dans le texte et ce, pour plusieurs raisons.
Dans l'état actuel des choses, le chef de corps a le pouvoir de dispenser ses hommes, sans en référer à personne, de porter n'importe quel système d'identification : pas de numéro d'intervention, pas de plaquette nominative. Telle est la situation actuelle. Avec le changement que nous apportons par l'actuelle proposition de loi, les chefs de corps auront toujours la possibilité de dispenser leurs hommes du port de la plaquette nominative mais dans des conditions bien déterminées que devra fixer l'arrêté royal. La plaquette sera remplacée par un numéro d'intervention qui rendra les agents identifiables si, d'aventure, une bavure est commise.
Nous avons cependant estimé que communiquer systématiquement le numéro d'intervention au Comité P constituait une mesure de défiance vis-à-vis du chef de corps. Le chef de corps ne prend pas la décision d'organiser l'anonymat de ses hommes, il prend la décision de protéger leur vie privée dans des interventions risquées mais il est toujours possible d'identifier les intervenants par la suite.
Bien sûr, si demain il devait y avoir un accord entre la ministre, les chefs de corps et les syndicats policiers pour insérer cette disposition dans l'arrêté royal, nous n'y verrions pas d'objection. Nous ne tenons toutefois pas à l'imposer dans la loi.
Je trouverais regrettable que rien que pour ce problème mineur d'interprétation, vous ne puissiez pas apporter votre soutien à une proposition à laquelle vous avez d'ailleurs proposé des amendements qui l'ont améliorée.
De heer Bart De Nijn (N-VA). - De N-VA-fractie wil best wel vertrouwen hebben in de korpschef. Wij vragen ons af of het koninklijk besluit aan onze bezorgdheid zal tegemoet komen. Daarom zullen we ons bij de stemming over het voorstel onthouden.
-De algemene bespreking is gesloten.