5-1580/4

5-1580/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

28 MAI 2013


Proposition de loi modifiant l'article 41 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992, en vue de garantir l'identification des policiers tout en améliorant la protection de leur vie privée


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR

MME DÉSIR


I. INTRODUCTION

La proposition de loi modifiant l'article 41 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992, en vue de garantir l'identification des policiers tout en améliorant la protection de leur vie privée, de M. Gérard Deprez et consorts, a été déposée le 19 avril 2012 et transmise à la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives le 26 avril 2012. La proposition de loi a été examinée au cours des réunions des 8 et 22 mai 2012, du 4 décembre 2012, du 15 janvier 2013, du 26 février 2013, du 5 mars 2013 et du 30 avril 2013.

Le 8 mai 2012, la commission a décidé d'inviter les organisations représentatives de la police et le Comité permanent de contrôle des services de police et de recueillir le point de vue de la ministre de l'Intérieur.

Le 22 mai 2012, Mme Milquet, ministre de la Justice, a exposé le point de vue du gouvernement sur les propositions de loi en question.

Le 15 janvier 2013, la commission a entendu les personnes suivantes:

— M. Hendrik Renaers, président du SYPOL.BE;

— M. Christian Neten, secrétaire permanent à la CSC Services publics;

— M. Vincent Gilles, président national du SLFP Police;

— Mme Liliane Lemauvais, secrétaire général à la CGSP — ACOD;

— M. Gert Cockx, président national du SNPS;

— M. Herman Daens, conseiller du Comité permanent de contrôle des services de police.

Le 5 mars 2013, la commission a entendu MM. Alexis Deswaef et Manuel Lambert, représentants de la Ligue des droits de l'homme.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DES AUTEURS

A. Exposé de M. Gérard Deprez, coauteur de la proposition de loi

La proposition de loi porte sur l'identification des policiers. Pour rappel, à l'heure actuelle, lessituations sont très différentes selon que les policiers interviennent en civil ou en uniforme.

L'article 41 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 stipule que: « Sauf si les circonstances ne le permettent pas, les fonctionnaires de police qui interviennent en habits civils à l'égard d'une personne, ou au moins l'un d'entre eux, justifient de leur qualité au moyen du titre de légitimation dont ils sont porteurs. Il en est de même lorsque des fonctionnaires de police en uniforme se présentent au domicile d'une personne. ».La loi prévoit également que ce titre de légitimation ne doit être présentée que sur demande et en cas de visite domiciliaire. Dans les autres cas, cela n'est pas obligatoire.

Lorsqu'ils interviennent en civils, les policiers ont également la possibilité de porter un brassard. C'est le cas le plus fréquent lorsqu'ils doivent intercepter des personnes lors de manifestations qui tournent mal.

Lorsqu'ils interviennent en uniforme, l'arrêté ministériel du 15 juin 2006, relatif à l'équipement de base et à l'équipement fonctionnel général des membres du cadre opérationnel de la police intégrée, structurée à deux niveaux, prévoit dans son article 2 le port sur l'uniforme d'une plaquette nominative. Elle se porte sur le rabat de la poche droite de la poitrine.

Récemment, la Cour européenne des droits de l'homme a été amenée à se prononcer sur le cas d'un citoyen bulgare, victime dans son pays de coups et blessures portés par des agents de police cagoulés. Dans son arrêt Hristovi rendu le 11 octobre 2011, la Cour a condamné la Bulgarie pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et a estimé qu'il aurait fallu que ces agents portent un signe distinctif qui, tout en préservant leur anonymat, permette par la suite de les identifier, par exemple un numéro de matricule.

Cet arrêt aura dés lors des conséquences sur l'identification des policiers en civil.

Concernant les policiers en uniforme, il semblerait que de nombreux policiers, le plus souvent des femmes, sont réticents à l'idée de pouvoir être identifiés par les individus qu'ils interceptent.

Ils se plaignent de cet état de fait et craignent d'éventuelles représailles. Mais le plus alarmant est que face à cette crainte, beaucoup choisissent de ne pas respecter le cadre légal en dissimulant la plaquette avec leur matériel de communication ou en ne la portant tout simplement pas.

Tout ceci a pour conséquence qu'il y a une difficulté objective d'application de la législation. De plus, notre législation n'est plus en conformité avec la jurisprudence européenne.

Les auteurs proposent dés lors de modifier l'article 41 de la loi du 5 aout 1992 en remplaçant le port d'une plaquette nominative par un numéro de matricule. Ce dernier devra être apposé de manière visible et lisible à un endroit déterminé de leur uniforme ou de leur brassard.

Le matricule permet de répondre aux besoins d'anonymat et de respect de la vie privée des policiers et d'éviter d'éventuelles représailles par certains délinquants.

Il est important de préciser qu'en cas de missions spéciales, tels les infiltrations et les repérages, l'obligation d'identification au moyen d'un matricule ne vaudrait pas. Ceci ne change donc rien à la loi ni à la pratique actuelle dans ces cas spécifiques.

Des contacts ont été pris par les auteurs de la proposition avec certains syndicats de police. Ils ont fait savoir qu'ils n'avaient aucune objection à formuler.

La Commission de protection de la vie privée a également été interrogée officieusement. Cette dernière a estimé que même si le numéro de matricule constitue une option d'identification moins conviviale pour le citoyen confronté aux services de police, cette méthode devrait permettre de rencontrer plus effectivement la finalité légitime poursuivie d'identification du policier intervenant tout en renforçant la protection de sa vie privée.

B. Échange de vues

M. Moureaux constate que nous sommes confrontés à une situation très complexe, tant les cas peuvent être diversifiés. Dans le cas d'interventions policières dans le cadre du grand banditisme et du terrorisme, les policiers sont souvent masqués mais en uniforme. Seront-ils contraints de porter un numéro de matricule ?

M. Deprez réplique que la proposition de loi exclut bien ce genre d'interventions. Elle stipule en effet que l'obligation du port du matricule ne vaut pas lorsque les circonstances ne le permettent pas. Ces circonstances sont actuellement appréciées par les chefs de corps.

M. Moureaux ne partage pas cette analyse. L'anonymat complet des policiers ne se justifie que dans des cas exceptionnels.

M. Deprez répond qu'il ne modifie rien par rapport à la situation actuelle sur l'opportunité ou non de faire connaitre l'identité des policiers dans certaines situations. Seuls les articles qui prévoient déjà actuellement l'obligation du port de la plaque et du brassard sont concernés.

M. Moureaux revient sur le cas de policiers en civil. Lorsqu'une situation tourne au vinaigre et que les policiers en civil décident d'intervenir, ils seront, si la proposition de loi est adoptée, censés porter leur brassard avec un numéro de matricule.

Il a été confronté dans sa commune à un cas où une brigade en civil est intervenue dans le cadre d'un hold-up. Lors de cette intervention, un échange de tirs a eu lieu et l'auteur du hold-up a été tué par un des policiers. Par la suite, la famille du délinquant a fait savoir qu'elle ferait la peau au policier, lequel a voulu conserver son anonymat le plus total. Ceci démontre à quel point la situation peut être délicate.

M. Deprez signale que l'objectif de sa proposition de loi est précisément de répondre à ce problème. On ne donne plus le nom de l'agent mais bien son numéro de matricule. Il faudra sans douter compléter la proposition de loi en précisant qu'il y a une banque de données au niveau fédéral et au niveau local, laquelle reprend l'ensemble des matricules et de leurs détenteurs. Il faudra également prévoir que ne peuvent y accéder que les autorités judiciaires ou les chefs de corps pour des enquêtes disciplinaires, entre autres. Ces données ne pourront en aucun cas être rendues publiques.

Il n'est pas toujours indispensable ni même souhaitable qu'un agent de police ou un fonctionnaire de police porte en tout temps et en toute circonstance son nom sur son uniforme. Pour pallier à des difficultés, une disposition prévoit actuellement que le chef de corps ou le chef fonctionnel peut décider s'il est souhaitable que l'agent de police ou le fonctionnaire de police reste anonyme. L'autorité peut donc décider de ce qu'il en est. C'est ainsi que le ministre de l'Intérieur a précisé qu'à l'occasion de certaines interventions contraignantes ou répressives, il est indiqué de préserver la sphère de la vie privée des fonctionnaires de police. Dans cette optique, les uniformes pour le maintien et le rétablissement de l'ordre public ne sont pas pourvus d'une plaquette nominative.

Cette situation reste inchangée.

En prévoyant un numéro de matricule sur le brassard, la proposition de loi vise à respecter l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Ceci vaut pour tous les cas où le policier intervient à l'heure actuelle avec son nom.

Madame Matz se rallie au principe du texte tel que présenté. Elle s'interroge sur certains points. Pourquoi, dans l'alinéa 2 proposé, stipule-t-on « ou au moins l'un d'entre eux » ? Certains sont-ils plus protégés que d'autres ? Il lui semble que dans une volonté d'uniformisation, il serait souhaitable de modifier ce point.

L'alinéa 3 de l'article proposé stipule: « Sauf si les circonstances ne le permettent pas, lorsqu'une personne à l'égard de laquelle ils interviennent en fait la demande, les fonctionnaires de police justifient de leur qualité au moyen de la carte de légitimation dont ils sont porteurs. » L'intervenante estime qu'il faut préciser que l'on vise l'hypothèse de l'alinéa 2, c'est-à-dire dans les cas où ils interviennent en civil.

Actuellement, le numéro d'identification comporte neuf chiffres, ce qui est long et sans doute difficile à mémoriser pour le citoyen. Elle suggère de prévoir un matricule composé de trois ou quatre chiffres maximum.

M. De Padt est partagé face à la proposition de loi à l'examen dont il n'aperçoit pas l'objet immédiat. Il estime qu'il faut examiner en détail si les coûts qu'impliquent la proposition de loi ne sont pas disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi. Y a-t-il réellement sur le terrain un problème dont l'ampleur requiert une modification législative ? Les agents de police ne sont-ils pas d'ores et déjà suffisamment protégés ? N'est-il pas une bonne chose que le citoyen connaisse l'identité du policier auquel il a affaire ? De toute manière, l'identité de l'agent de police apparaît souvent dans le procès-verbal qui est dressé. Il est donc très aisé de la retrouver.

En outre, il trouve qu'une identification à neuf chiffres est beaucoup trop compliquée. Il est effectivement bien plus facile de retenir un nom.

L'agent de police exerce une fonction publique. Il y a actuellement 37 000 agents de police dans notre pays. Le coût sera très élevé s'il faut leur attribuer à chacun une sorte de numéro de matricule. Il faudra engager du personnel supplémentaire pour réaliser le projet, créer une banque de données, etc.

M. Moureaux signale qu'à sa connaissance, dans les cas où des citoyens se sont plaints du comportement de certains policiers, il n'est jamais arrivé que le policier ne soit pas identifié.

M. Buysse soutient l'objectif de la proposition de loi et confirme que le problème est bien réel. Ce problème auquel la proposition de loi à l'examen tente d'apporter une solution se pose surtout dans les grandes villes et moins dans les petites zones où les policiers sont souvent connus.

Les ambulanciers et les gardiens de prison y sont également confrontés puisque, eux aussi, se font parfois menacer lorsqu'ils ont été identifiés. Le respect de la police n'est plus ce qu'il était autrefois.

L'intervenant se demande toutefois si la mesure doit s'appliquer aux 37 000 policiers. Il plaide plutôt pour que la loi laisse le choix entre le nom ou le matricule, ce qui réduira sérieusement le coût de la mesure.

M. Claes trouve utile en soi que les policiers soient identifiés, mais il n'empêche que leur vie privée doit être respectée. Lui aussi se dit favorable à la possibilité de choisir le mode d'identification suivant le poste et le contenu de la fonction. Par exemple, il est préférable que l'agent de quartier soit identifié sur la base de son nom. Si un matricule est quand même utilisé, on devrait pouvoir identifier les membres de la police fédérale par les lettres « FED » suivies, par exemple, de trois chiffres. Pour la police locale, les lettres de la zone peuvent être utilisées. Une telle mesure peut être utile pour les grands événements, comme des matches de football, dans le cadre desquels la police locale et la police fédérale interviennent conjointement.

M. Broers est lui aussi d'avis que l'on retient moins facilement un numéro qu'un nom. La possibilité pour les citoyens d'identifier les policiers ne s'en trouvera pas facilitée, ce qui est contraire à l'objectif poursuivi par la proposition de loi. Cela va également à l'encontre de la philosophie de la fonction de police de proximité dans les petites zones, par exemple.

L'intervenant estime que l'identification des policiers n'est pas indiquée en cas de grande criminalité.

Au demeurant, notre police n'est pas comparable à la police bulgare.

Enfin, la formulation du texte français « un endroit déterminé » est plus claire que sa traduction néerlandaise « aan een bepaald onderdeel », qui peut prêter à une double interprétation.

Mme Thibaut soutient le texte puisqu'il permet de lutter contre l'impunité potentielle de l'agent de police. Malgré tout, elle estime que la législation belge va déjà très loin et qu'elle semble en harmonie avec la jurisprudence européenne puisque les policiers sont déjà obligés d'avoir leur nom sur leur uniforme.

Concernant le fait que les policiers cachent leur nom sous des accessoires, elle aimerait avoir un retour du terrain sur ce point.

Par ailleurs, il y a clairement au sein de la commission une incompréhension quant aux exceptions à l'obligation d'identification. Elle aurait aimé avoir davantage de précisions sur ces exceptions et sur leur fréquence. Des auditions pourraient être organisées à ce sujet.

À Berlin, en Allemagne, le choix entre le nom ou le matricule a été inscrit dans le règlement interne du Land. Il serait intéressant d'approfondir cette possibilité et de l'intégrer dans la proposition de loi.

Enfin, elle suggère d'entendre les syndicats et la ministre de l'Intérieur sur le sujet.

Mme Désir se dit partagée face à la proposition de loi: vu la diversité des situations et des interventions policières, il serait intéressant d'entendre les syndicats afin de s'assurer de leur point de vue sur chaque type d'intervention en particulier.

Elle comprend parfaitement la peur de représailles que peuvent éprouver certaines policières mais il est impératif de respecter l'arrêt de la Cour européenne.

A contrario, elle relève le problème de la convivialité cité par la Commission pour la protection de la vie privée. Le matricule chiffré ne lui semble pas adapté pour un agent de quartier, par exemple.

Elle partage enfin l'avis selon lequel retenir un matricule de plusieurs chiffres n'est pas chose aisée. Cela ne risque-t-il pas d'empêcher toute identification des policiers ?

M. Deprez revient sur la lisibilité du matricule: il lui semble que la suggestion la plus intéressante est celle qui permet d'identifier la zone de police à laquelle appartient le policier. On pourrait imaginer l'exemple suivant: BRU (pour Bruges) 107 (pour le numéro de l'agent). Ceci ne lui semble pas excessivement compliqué à retenir. On immatricule les véhicules de la même manière. Il signale par ailleurs que nous ne sommes pas obligés de maintenir le matricule actuel qui comporte neuf chiffres. Il propose donc trois lettres suivies de trois chiffres.

Concernant l'obligation de port du brassard sur lequel figurerait le numéro de matricule, il ne change rien aux situations dans lesquelles les policiers doivent déjà actuellement porter un brassard. Il précise juste que leur matricule devra à l'avenir figurer sur ce brassard. La proposition de loi ne modifie en rien le droit d'appréciation souverain des chefs de corps sur l'obligation ou non d'être identifiables au cours d'une intervention.

M. Moureaux est d'avis que M. Deprez aura démontré qu'il faut s'adapter à la jurisprudence actuelle de la Cour européenne. Ne rien faire serait un mauvaise chose.

Il faudra cependant examiner ce que l'on peut faire concrètement sans que cela n'entraine d'énormes complications sur d'autres plans. Ainsi, il faut analyser le coût que la proposition de loi risque d'engendrer par la mise en place d'un matricule.

Si l'on veut éviter l'inconvénient que des policiers cachent leur identité, il faut prévoir que le numéro figure à plusieurs endroits.

Un second point concerne la longueur du matricule: il faudrait prévoir dans le texte de loi que celui-ci ne peut pas dépasser trois lettres et trois chiffres, par exemple.

Enfin, il propose que l'on impose le matricule uniquement dans les cas où aujourd'hui, il n'y a pas d'identification, en cas d'intervention avec un brassard par exemple.

M. De Padt revient sur le coût de la mise en œuvre du système proposé. Peut-être le ministre chargé de la simplification administrative pourrait-il être entendu à ce sujet.

L'intervenant constate en outre que l'on plaide depuis des années pour une police de proximité, proche du citoyen. Or on propose à présent que les agents de police portent un matricule en rue. Une telle évolution lui pose problème, surtout pour les agents de quartier, car il est essentiel qu'ils soient connus des habitants.

III. LE POINT DE VUE DU GOUVERNEMENT

A. Exposé de Mme Joëlle Milquet, ministre de l'Intérieur

La proposition de loi vise principalement à remplacer le nom du fonctionnaire de police figurant sur son uniforme par son numéro de matricule et à mentionner ce même numéro sur son brassard.

Ce faisant, les auteurs de la proposition de loi poursuivent deux objectifs, à savoir, d'une part, protéger l'anonymat du policier, et d'autre part, lutter contre l'impunité telle qu'exigée par la jurisprudence de Strasbourg.

La proposition de loi est basée en partie sur l'arrêt Hristovi rendu le 11 octobre 2011 par la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) qui a condamné la Bulgarie pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans l'hypothèse soumise à l'appréciation de la Cour EDH, il s'agit de l'intervention d'un groupe de policiers, habillés de tenues d'intervention spéciale et cagoulés.

La Cour constate avec préoccupation que, comme dans d'autres affaires contre la Bulgarie concernant les agissements d'agents d'unités spécialisées de la police, les policiers impliqués dans les faits n'ont été ni identifiés ni interrogés car, d'une part, ils portaient des cagoules et, d'autre part, les autorités d'enquête ont refusé de rechercher leur identité.

La Cour, qui a en tout état de cause de sérieuses réserves quant au déploiement de policiers cagoulés et armés dans un cadre familial où il est hautement improbable que les forces de l'ordre rencontrent une résistance armée, estime qu'il aurait fallu identifier et interroger les policiers impliqués, dès lors que la manière dont ils avaient procédé à l'arrestation avait été contestée.

Il aurait fallu en outre qu'ils portent un signe distinctif qui, tout en préservant leur anonymat, permette par la suite de les identifier — par exemple un numéro de matricule.

En l'espèce, tel n'était pas le cas, et ce manquement a eu pour conséquence qu'une certaine catégorie de policiers a pu bénéficier d'une quasi-impunité et qu'il n'a pas été possible de mener une enquête effective sur les faits.

En résumé, pour la Cour EDH:

— si des finalités légitimes de sécurité peuvent exiger des mesures de confidentialité lorsque des fonctionnaires doivent être interrogés, des pratiques et dispositions légales qui ne permettent pas leur identification, au moins par ceux chargés de l'enquête, et leur audition en des formes appropriées sont contraires à la CEDH;

— lorsque les circonstances sont telles que les autorités sont obligées de déployer des fonctionnaires masqués pour procéder à une arrestation, le minimum serait qu'un moyen d'identification anonyme (une lettre ou un nombre) soit affiché de manière visible permettant leur identification et leur audition;

— le défaut d'identification confère une impunité virtuelle à une certaine catégorie de fonctionnaires de police, et une enquête souffrant d'un tel défaut ne peut être considérée comme effective.

Par conséquent, la Cour EDH exige que tout policier intervenant de façon anonyme (pour des raisons de sécurité) soit identifiable au moins par l'autorité qui serait, le cas échéant, chargée d'apprécier son comportement dans le cadre d'une enquête pénale ou disciplinaire.

Pour ce faire, la Cour suggère le port d'une lettre ou d'un nombre individuel.

En droit belge, la possibilité pour le policier d'intervenir de façon anonyme constitue une exception à l'obligation de légitimation.

L'article 141 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux stipule que « le Roi détermine l'uniforme, les insignes, les cartes de légitimation et autres moyens d'identification ».

L'article 2 de l'arrêté royal du 10 juin 2006 relatif à l'uniforme de la police intégrée, structurée à deux niveaux prévoit que: « l'uniforme des agents et fonctionnaires de police comprend un équipement de base qui se compose de différentes pièces vestimentaires énumérées en annexe et des accessoires individuels fixés par le ministre. »

L'annexe A de l'arrêté royal fixe le modèle de la plaquette nominative avec indication de l'initial du prénom et mention du nom.

La plaquette nominative fait partie des accessoires individuels fixés par l'arrêté ministériel du 15 juin 2006 relatif à l'équipement de base et à l'équipement fonctionnel général des membres du cadre opérationnel de la police intégrée, structurée à deux niveaux.

La circulaire du service public fédéral Intérieur du 27 février 2009 GPI 65 relative à l'équipement de base et à l'équipement fonctionnel général des membres du cadre opérationnel de la police intégrée, structurée à deux niveaux mentionne en son article 3.2.2: « La plaquette nominative faisant partie intégrante de l'identité visuelle de la police intégrée, structurée à deux niveaux, son port est obligatoire sur les pièces d'équipement pour lesquelles elle est prévue. Elle se porte sur le rabat de la poche droite de la poitrine. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles pour lesquelles il est préférable que les fonctionnaires de police et les agents de police restent anonymes, le chef de corps, le commissaire général, le directeur général ou leur délégué peut décider de déroger à cette obligation. De même, certaines unités spéciales doivent, de par la nature de leur fonction, pouvoir opérer de façon anonyme ».

L'article 41 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police prévoit deux cas dans lesquels un fonctionnaire de police est tenu d'exhiber un titre de légitimation: quand ils interviennent en habits civils à l'égard d'une personne ou quand ils se présentent en uniforme au domicile d'une personne.

Les fonctionnaires de police disposent à cet égard d'une carte de légitimation reprenant leurs nom et prénom ainsi que leur photographie suivant l'arrêté royal du 21 février 2002 relatif aux cartes de légitimation des fonctionnaires de police et des auxiliaires de police de la police fédérale et de la police locale.

Dans ce cadre, l'arrêté royal du 4 septembre 2002 réglant le port des grades par les membres du personnel du cadre opérationnel de la police locale et fédérale précise également que: « Sauf si les circonstances ne le permettent pas, les membres du personnel du cadre opérationnel de la police locale et fédérale qui interviennent en habits civils à l'égard d'une personne, ou au moins l'un d'entre eux, portent le brassard dont le modèle est fixé en annexe 3, lorsque leur compétence ne peut être clairement montrée que de cette façon. »

Ce brassard porte un numéro d'identification invisible.

En d'autres termes, l'autorité responsable qui autorise l'anonymat prend sa décision compte tenu des circonstances de l'intervention lorsque celles-ci rendent l'identification des policiers dangereuse. Il s'agit par conséquent d'une appréciation de fait, effectuée in casu.

Un recours systématique à l'anonymat est donc exclu, sauf si la loi le prévoit comme dans le cadre des méthodes particulières de recherche. Par ailleurs, l'anonymat des policiers répondant, soit à des besoins opérationnels, soit à une nécessité de protéger le policier, il serait inopportun d'en dévoiler les circonstances précises.

Par ailleurs, la ministre précise que les services spécialisées, tels que CGSU, travaillent selon une méthode très précise (l'ordre de bataille), ce qui permet à l'officier responsable de savoir à tout moment où se trouve son personnel et ce qu'il fait.

En outre, les ordres de service des opérations sont conservés pendant un délai permettant d'identifier les policiers intervenus si nécessaire et ce, endéans le délai de prescription des faits.

Le port de masques par les unités spéciales ne poursuit pas une finalité d'intimidation mais vise à garantir la sécurité de fonctionnaires de police amenés à intervenir en des situations risquées ou dangereuses. Le port de maques est limité à des catégories d'opérations déterminées et limitées.

En Belgique, l'absence de nominette permettant l'identification des policiers des unités spéciales n'a pas pour conséquence l'impunité du policier, puisque ce dernier est toujours identifiable par les autorités administratives et judiciaires.

Ceci permet donc d'identifier le membre du personnel qui pourrait faire l'objet d'une plainte.

En effet, le Comité P a déjà traité des plaintes à ce sujet et à chaque fois il a été possible d'identifier le membre du personnel concerné.

Comme on le voit, même lorsque les circonstances le requièrent, l'anonymat des fonctionnaires de police n'est donc jamais absolue puisque pour chaque opération spéciale, il est possible de recouvrer l'identité des agents opérants. Cette situation ne semble a priori pas le cas en Bulgarie.

Pour ces raisons, la ministre estime que la législation belge n'est pas inconciliable avec l'arrêt Hristovi.

Toutefois, elle se dit disposée à apporter une correction législative si cela semble nécessaire sur le terrain.

C. Échange de vues

M. Moureaux constate que la difficulté dans ce dossier réside dans la diversité de situations. On peut imaginer que des policiers ne souhaitent pas être identifiés dans des cas extrêmes tels les arrestations de terroristes, de mafieux, etc. En revanche, dans le cas de manifestations qui requièrent en général une grande présence policière, la non-identification pose problème. S'il comprend bien la ministre, cette dernière suggère que l'on maintienne le système actuel sauf dans les opérations de maintien de l'ordre où l'on pourrait instaurer le port d'un matricule.

M. Deprez remercie la ministre qui, dans sa conclusion, laisse manifestement une porte ouverte à sa proposition de loi.

Il précise que sa proposition de loi ne visait pas les opérations des unités spéciales qui doivent se faire selon un certain nombre de règles dont l'anonymat. Sa proposition vise concrètement deux cas: le service d'extérieur et le cas des manifestations. Les policiers doivent pouvoir être identifiés dans ces situations spécifiques.

Le numéro de matricule a été choisi pour répondre aux préoccupations de membres de la police qui, dans un certain nombre de cas, ne souhaitent pas qu'on les identifie. Or, la loi belge dit qu'ils doivent pouvoir être identifiés. Ce numéro de matricule nouveau permettrait une identification moins personnelle qu'un nom.

M. De Padt demande si la ministre est disposée à examiner si le problème est bien réel. Y a-t-il déjà eu dans le passé beaucoup de policiers qui ont été victimes d'actions de représailles ? Il serait absurde de les rendre non identifiables alors qu'ils n'ont eu à subir aucune action de représailles par le passé.

L'intervenant indique ensuite qu'il souhaiterait que l'on applique le test Kafka à la proposition de loi: quel est le rapport entre le coût et le résultat attendu des mesures proposées ?

En outre, l'intervenant maintient qu'un citoyen doit pouvoir connaître l'identité du policier à qui il a affaire. On parle constamment d'une police de proximité et on veut à présent rendre les policiers non identifiables.

Mme Matz constate que l'audition de la ministre aura permis de lever le voile sur une interrogation qu'elle avait par rapport au texte puisque l'article 41 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 dispose que:

« Les fonctionnaires de police en uniforme doivent être porteurs d'un numéro de matricule personnel qui doit être apposé de manière visible et lisible à un endroit déterminé de leur uniforme.

Sauf si les circonstances ne le permettent pas, les fonctionnaires de police qui interviennent en habits civils à l'égard d'une personne,ou au moins l'un d'entre eux, doivent porter un brassard indiquant de manière visible et lisible le numéro de matricule personnel dont ils sont titulaires. (...) »

Elle s'était demandé pourquoi le texte précisait que « au moins l'un d'entre eux » devait porter le brassard. L'explication selon laquelle il faut qu'au moins l'un d'entre eux puisse être identifié par ses autorités lui suffit.

Concernant le numéro de matricule, elle suggère de ne pas conserver le système actuel qui comporte neuf chiffres mais de le raccourcir. On pourrait imaginer les initiales de la zone de police, complétées par deux chiffres.

M. Buysse se rallie aux suggestions formulées par Mme Matz.

Il pense lui aussi qu'il doit y avoir plusieurs options possibles. Si les auditions démontrent l'absence de problème pour 95 % des policiers, il n'y a alors aucune raison d'élaborer un régime particulier. La proposition de loi pourrait se contenter de prévoir la possibilité. Si, dans une grande ville, un corps déterminé considère que ce type de mesure est nécessaire pour la sécurité de ses agents, il devrait alors pouvoir prendre une décision dans ce sens. La proposition de loi pourrait alors passer avec succès le test Kafka.

Mme Thibault insiste pour que l'on puisse identifier les policiers en toute circonstance. Il faudrait cadrer clairement les circonstances exceptionnelles dans lesquelles une telle identification n'est pas possible ou souhaitable.

Elle revient sur l'expérience allemande, plus spécifiquement sur l'exemple de la police de Berlin, et propose que les services de la ministre prennent contact avec leurs homologues allemands pour examiner la ratio legis de leur législation en la matière.

M. Claes considère que l'identification nominative est très importante pour l'agent de quartier et les agents des corps d'intervention qui fournissent un service vingt-quatre heures sur vingt-quatre au sein de chaque zone de police. Il voudrait réserver le système à des circonstances exceptionnelles, lorsque le chef de corps l'estime nécessaire. Un tel système peut différer en fonction de l'action ou du jour.

M. Deprez signale que le Comité P vient de réaliser un sondage auprès des membres de la police de Bruxelles dont il ressort que 40 % des policiers Bruxellois prennent des mesures pour assurer leur propre sécurité et celle de leurs proches (« Enquête relative aux différents formes de violence commisses contre les membres des services de police Bruxellois ou subies par ceux-ci et à leur impact sur le fonctionnement de la police », Comité P)

Il précise qu'on pourrait s'orienter vers un système optionnel, tel que suggéré par l'amendement de M. Broers (amendement nº 1, doc. Sénat, nº 5-1580/2) où le chef de corps pourrait décider de remplacer le badge nominatif par un badge numéroté.

M. Buysse trouve essentiel d'entendre la position des syndicats de la police. Plusieurs chefs de police pensent que la proposition ne posera aucun problème. M. Buysse estime toutefois qu'il est important de connaître l'avis des gens de terrain.

M. Demeyer constate que la proposition de loi vise à concilier l'anonymat et la sécurité du policier d'une part et l'état de droit, d'autre part. Il faudra trouver un équilibre. À côté de la problématique des manifestations et du port de l'uniforme, il y a également celle des opérations en civil avec le port des brassards. Sur base de l'expérience à Liège, il faudrait également trouver des améliorations pour ce cas spécifique.

IV. AUDITIONS DES REPRÉSENTANTS DES SYNDICATS DE POLICE ET DU COMITÉ P

A. Exposé de M. Christian Neten, secrétaire permanent à la CSC Services publics

L'intervenant déclare dans un premier temps que la CSC services publics se rallie à la proposition de loi dont discussion parce que cela fait longtemps que des craintes existent quant à l'identification et le respect de la vie privée des policiers.

Une première constatation porte sur ce qui suit: les dispositions de la proposition de loi 5-1580 visent « le fonctionnaire de police ». Or, la définition du fonctionnaire de police est très restrictive et la CSC plaide pour que l'on élargisse le champ d'application aux agents de police et au personnel CALOG. On pourrait ainsi envisager d'appliquer la disposition à l'ensemble du personnel de la police intégrée, ce qui rendrait l'alinéa 4 de l'article 2 caduque.

Une seconde constatation concerne l'article 2, alinéa 3. Il est vrai que dans certaines circonstances, les policiers peuvent être amenés à présenter leur carte de légitimation. Or, sur cette carte figurent le nom, prénom et d'autres éléments d'identification du policier. Il lui semble donc plus logique que ces informations ne figurent plus sur la carte de légitimation et soient également remplacées par un numéro de matricule.

B. Exposé de M. Hendrik Renaers, président du SYPOL.BE

L'intervenant constate que le débat mérite une ample réflexion tant sur le fond que sur la forme puisque nous fêtons les dix ans de la réforme des polices.

Il y a à l'heure actuelle un réel problème d'identification des fonctionnaires de police, qu'ils soient en uniforme ou en civil.

Le débat aurait pu être initié il y a dix ans mais faute de temps, cette réflexion n'a pas eu lieu.

Lorsque l'on compare notre système d'identification avec celui d'autres États, force est de constater que de nombreux pays comme les États-Unis ou l'Italie ont adopté un badge d'identification en lieu et place de la carte de légitimation qui n'est pas fonctionnelle.

Un badge pourrait donc, à son sens, être une alternative valable à la carte de légitimation. Le grade pourrait être déterminé sur base d'une couleur, on pourrait y apposer une numérotation et l'appartenance du corps auquel appartient le fonctionnaire de police. Le badge est en outre économique.

Les cinquante États des États-Unis appliquent ce système depuis plusieurs années à titre de mesure de sécurité passive des policiers.

De même, prévoir une numérotation sur le brassard des fonctionnaires de police qui interviennent en habits civils lui semble peu réaliste. Une numérotation est en effet difficile à retenir. Le badge, en revanche, permettrait une identification claire, même pour les policiers en habits civils.

C. Exposé de M. Vincent Gilles, président national de la SLFP-Police

Dans les développements portant la proposition de loi, deux objectifs sont perceptibles:

— garantir la possibilité d'identification du policier en action en cas de mauvaise pratique ou en cas d'usage abusif de la qualité;

— protéger les policiers d'éventuelles mesures de vengeance par le fait de leur identification par des personnes suspectes et/ou condamnées.

Ces deux objectifs sont difficiles à concilier dès lors qu'ils sont en opposition. La société n'est pas constituée que de braves gens, et tous les policiers ne se comportent pas toujours comme il le faudrait. Ceci est d'autant plus criant que certains malfrats usent abusivement de la qualité policière.

Lors des débats initiaux en Comité de négociation des services de police (CNSP) visant à arrêter les mesures d'exécution de l'article 41 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 dans le cadre de la tenue de base des policiers réformés, les points de vue furent échangés avec vigueur entre les tenants de « tous les moyens doivent aller à la possibilité d'identification » et ceux qui disaient « préservons par tous les moyens les policiers de mesures de rétorsion et de vengeance ».

Si le port de la plaquette nominative a posé problème auprès des membres du personnel pendant quelques années, c'était essentiellement lié au fait que bon nombre d'entre eux n'avaient jamais été appelés dans le passé à porter un signe d'identification aussi individuel. Il faut convenir que le port de la plaquette nominative est maintenant accepté par la grande majorité des membres du personnel mais il faut aussi remarquer qu'ils sont de plus en plus nombreux à masquer leur nom dans le but de ne pas être l'objet soit d'un acte de vengeance, soit plus simplement d'une plainte non-fondée.

Cependant, M. Gilles rappelle que, tandis que le Comité P a mentionné dernièrement que 50 % des membres du personnel des zones de police Bruxelloises déclarent avoir été victime de violences dans le cadre de l'exécution de la mission, personne ne s'est jamais penché sur le nombre de victimes policières d'acte de vengeance et/ou rétorsion suite à leur identification.

La SLFP soutient que l'évolution des moyens techniques entourant les policiers dans leur action — qui sont quasiment autant de moyens de contrôle, ne nous voilons pas la face — fait que la question fondamentale n'est pas tant l'identification individuelle que l'identification fonctionnelle. D'autant qu'il faut le reconnaître, ce sont souvent les opérations impliquant des policiers de divers horizons qui nécessitent l'identification des uns et des autres par la population. La population connaît en effet ses policiers.

Ainsi, la SLFP croit que les objectifs poursuivis doivent plutôt être classés dans l'ordre suivant:

— garantir les policiers de potentielles mesures de vengeance (de toute nature) par des personnes suspectes et/ou condamnées;

— garantir la possibilité d'identification de la fonction policière en action;

— garantir la possibilité d'identification du policier a posteriori de l'action en cas de mauvaise pratique (à qui se plaindre utilement de la pratique de ces policiers ?).

Partant de ce raisonnement, la SLFP-Police considère que:

— la tenue de base des policiers doit être identique partout pour être facilement identifiable par le citoyen;

— l'usage du moyen d'identification matriculaire doit être limité à la zone de police/direction de la police fédérale;

— les policiers agissant en civil doivent être porteurs — au moment de l'action — d'un signe distinctif facilement identifiable par le citoyen, au même titre que la tenue de base;

— l'usage de la carte de service doit demeurer limité au cas de perquisition.

Pour sa part, le SLFP-Police a pris l'initiative en envoyant des propositions à la ministre de la Justice.

M. Vincent Houssin, vice-président national du SLFP-Police, souligne que le SLFP a focalisé son attention sur les développements de la proposition de loi.

Il y est par exemple affirmé que ce sont les agents de police féminins qui craignent le plus une identification, ce que conteste le SLFP. Il est néanmoins un fait avéré que certains policiers dissimulent leur plaquette nominative. Cette pratique est constatée depuis une dizaine d'années. Le SLFP trouve que la Commission permanente n'écoute pas les gens de terrain, comme en atteste sa réaction dans la presse de ce matin, où elle affirme que les violences contre les policiers gardent un caractère exceptionnel. Les statistiques des violences contre les forces de police contredisent totalement cette affirmation.

Selon les développements de la proposition de loi, l'identification de l'agent de police est importante en cas de plainte. C'est souvent là que le bát blesse. C'est la raison pour laquelle le SLFP vient de soumettre une double initiative à la ministre de la Justice.

La première initiative concerne les fausses plaintes contre des policiers et la protection de leur adresse.

Le procureur du Roi d'Anvers a ainsi décidé que l'identité du personnel de la VDAB qui fait régulièrement l'objet de plaintes de la part de clients dont le seul but est d'obtenir leurs adresses privées ne devait plus figurer dans les procès-verbaux. S'inspirant de cette mesure, la VSOA a demandé au ministre de la Justice qu'un système équivalent soit appliqué pour les policiers et ce, par une circulaire ou une modification législative du Code d'instruction criminelle. Le rapport du Comité P démontre clairement que 85 % des plaintes contre des policiers sont non-fondées: il est donc inquiétant de constater que dans ces circonstances, des adresses privées de policiers circulent.

Une seconde initiative concerne les unités spéciales: on constate depuis peu que, suite à des plaintes avec constitution de partie civile de la part de bandes organisées, ces dernières obtiennent le nom des agents de ces unités, même si leur adresse reste anonyme conformément au Code d'instruction criminelle. Il leur est alors facile, via les réseaux sociaux ou internet, d'obtenir d'autres données relatives à l'agent de police concerné, ce qui est susceptible de le mettre en grand danger. C'est pourquoi il a été proposé au ministre de la Justice que tout membre du personnel actif dans les méthodes particulières de recherche soit traité comme témoin protégé afin d'éviter des dérives possibles.

D. Exposé de Mme Liliane Lemauvais, secrétaire générale à la CGSP

L'intervenante signale que l'identification des policiers est une problématique récurrente qui précède la mise en œuvre de la réforme des polices et qui revient en permanence dans les débats.

Le sujet connait une actualité particulière suite au jugement rendu par la Cour de justice européenne.

La CGSP se veut attentive tant aux droits du policier qu'à ceux du citoyen.

Il est important de réfléchir largement à la portée des mesures proposées. Elle devrait viser non seulement les fonctionnaires de police mais aussi les agents de police. De même, les gardiens de la paix pourraient également être visés par la proposition de loi puisqu'on leur confie des missions qui relèvent des missions policières.

La proposition de loi va, à son sens, dans la bonne direction car elle permet de garantir une forme de discrétion au niveau de l'identité du policier mais aussi une possibilité d'identification dans le chef du citoyen.

L'intervenante signale que la proposition de loi fait référence, dans ses développements, à l'arrêté royal du 4 septembre 2002 réglant le port des grades par les membres du personnel du cadre opérationnel de la police locale et fédérale ainsi qu'à la Circulaire GPI 65.

Elle plaide pour qu'il y ait une clarification de la situation et une concordance de tous les textes législatifs pour éviter le flou artistique sur le terrain. Il y a déjà, à l'heure actuelle, des difficultés liées au fait que le supérieur hiérarchique peut décider de façon discrétionnaire quand une identification doit être possible ou pas.

Si des dispositifs légaux se contredisent, la situation deviendra ingérable et créera une situation malsaine tant pour les policiers que pour les citoyens.

E. Exposé de M. Gert Cockx, président national de la SNPS

M. Cockx constate que le débat s'articule autour de deux intérêts contradictoires.

Une première préoccupation du législateur est de défendre l'intérêt et d'assurer la protection de la population. Ce faisant, il veut éviter que des criminels ne puissent trop facilement se faire passer pour des membres d'un service de police et exercer des compétences de police en étant animés de mauvaises intentions. L'obligation de légitimation vise dès lors à ce que le citoyen puisse s'assurer que les fonctionnaires de police auxquels il a affaire ont vraiment cette qualité et, partant, qu'il ne soit pas tenté de s'opposer à leurs ordres et injonctions légitimes. De ce point de vue, il est donc dans l'intérêt du fonctionnaire de police de pouvoir se légitimer de manière crédible pour éviter d'être confronté à tout bout de champ à des personnes qui se montrent récalcitrantes parce qu'elles doutent de sa qualité de policier.

Parallèlement, le législateur est soucieux de veiller à ce que l'obligation de légitimation n'entrave pas l'action des services de police. Voilà pourquoi l'obligation imposée aux fonctionnaires de police de justifier de leur qualité de policier n'est pas absolue. Par exemple, dans le cas d'une intervention visant à arrêter de dangereux criminels, le titre de légitimation peut, à titre d'exception, être présenté après l'intervention. L'obligation de légitimation ne s'applique pas non plus aux fonctionnaires de police en uniforme sur la voie publique.

L'article 41 de la loi sur la fonction de loi n'a dès lors pas pour seul objectif de garantir que les fonctionnaires de police puissent être identifiés par les personnes à l'égard desquelles ils interviennent.

Pour ce qui est de savoir dans quelle mesure la réglementation en question porte atteinte au respect de la vie privée des fonctionnaires de police, tant le ministre de l'Intérieur que la Commission de la protection de la vie privée se sont déjà prononcés sur cette question par le passé.

Dans sa réponse à une question parlementaire posée en 1992, le ministre de l'Intérieur de l'époque a souligné qu'il était indiqué de respecter la vie privée du fonctionnaire de police dans le cadre de l'exercice de missions présentant un caractère contraignant ou répressif. C'est dans cette optique que les uniformes des policiers affectés au maintien et au rétablissement de l'ordre public n'ont pas été pourvus d'une plaquette nominative.

Par ailleurs, selon le cas d'espèce, le chef de corps de la police locale ou le commissaire général de la police fédérale ou un remplaçant désigné à cet effet dispose également, dans des circonstances exceptionnelles, de la possibilité de déroger à la règle prévoyant que le port de l'uniforme va toujours de pair avec celui de la plaquette nominative.

La règle générale applicable aux membres des services opérant en uniforme reste cependant qu'ils doivent être reconnaissables et peuvent être appelés à rendre des comptes, ce qui suppose qu'ils soient facilement identifiables. Le port de la plaquette nominative s'inscrit dans cette logique et dans la philosophie de la police de proximité qui considère que la police travaille et évolue au sein de la société dont elle fait partie intégrante. Cette philosophie de base qui impose d'être reconnaissable va même plus loin dans le cas de certaines fonctions, par exemple dans le cadre du travail de quartier. C'est ainsi que le pli a été vite pris de présenter les agents de quartier avec leur nom et leur photo sur le site Internet de la zone de police concernée.

Il n'a pas fallu attendre longtemps pour que la Commission de la protection de la vie privée soit saisie de la question de savoir dans quelle mesure il était tolérable que l'on diffuse la photo d'agents de quartier dans une brochure locale ou sur un site Internet pour les présenter aux habitants de leur zone de travail respective. La Commission a estimé que le traitement des données personnelles des agents de quartier concernés pouvait être considéré comme indispensable à l'accomplissement de leur mission d'intérêt public ou faisant partie de l'exercice de l'autorité publique. Par conséquent, l'autorisation des agents en question n'était pas requise pour autant que la publication des données les concernant et de leur photo vise à informer la population locale des différents services de la police, des fonctions qui y sont assumées par chacun et des différentes responsabilités. Par extension, ce raisonnement a également été appliqué aux autres membres du personnel qui exercent des missions de police, pour autant que l'exercice normal de leur fonction les mette directement en contact avec les citoyens.

Il est donc possible de découvrir l'identité des fonctionnaires de police non seulement au moyen de la plaquette nominative sur leur uniforme, mais aussi de nombreuses autres façons telles que la consultation du site web de la zone de police ou, dans un nombre croissant de cas, au travers de certains comportements du fonctionnaire de police qui divulgue lui-même son identité. En effet, un nombre croissant de policiers font aussi usage des réseaux sociaux où ils indiquent leurs activités professionnelles et postent toute une série de photos parfois très explicites. Il va de soi que la vie privée doit être protégée, ce qui n'est possible que dans la mesure où les intéressés n'y renoncent pas eux-mêmes.

Pour les criminels qui veulent connaître l'identité des personnes par lesquelles ils ont été interpellés et arrêtés, le plus simple est d'attendre le procès-verbal. Les noms des policiers et les actes qu'ils ont posés doivent en effet figurer dans ce document. Il convient donc de nuancer l'affirmation selon laquelle la plaque nominative facilite l'identification de ces fonctionnaires de police.

Ce qui se produit dans les faits, c'est qu'un fonctionnaire de police est reconnu visuellement (en dehors du service) ou que les agents sont suivis pour découvrir dans quel commissariat ils travaillent, à bord de quel véhicule privé ils se déplacent, voire où ils habitent.

L'on ne saurait dès lors souscrire à l'assertion selon laquelle la suppression de la plaque nominative rendrait totalement impossible l'identification de l'agent de police concerné. Même si l'interpellation par la police ne donne lieu à la rédaction d'aucun document, il suffit dans la quasi-totalité des cas que le citoyen introduise une plainte contenant des informations suffisamment précises sur le lieu, le moment ainsi que la nature de l'intervention, pour permettre aux services de contrôle de la police de découvrir l'identité des policiers concernés. Le risque que des fonctionnaires de police puissent commettre des abus ou des actes de violence excessive sans être identifiés est donc négligeable dans la pratique.

Par contre, le risque pour les fonctionnaires de police d'être victimes de plaintes abusives paraît beaucoup plus élevé, comme le révèlent tous les ans les données des différents organes de contrôle des services de police. Dans ce cas, la vie privée du fonctionnaire de police est divulguée beaucoup trop rapidement, avec tous les risques que cela comporte.

Les criminels acculés ont tendance à s'en prendre au policier à titre personnel et cette tendance va en augmentant. Il convient de rectifier le tir en pareil cas, certainement pour les membres des unités spéciales qui ont tout intérêt à ce que leur identité ne soit pas connue.

La première mesure à envisager est que chaque fonctionnaire de police faisant l'objet d'une plainte devrait pouvoir faire élection de domicile, sur simple demande, de manière que les données relatives à son domicile privé restent inaccessibles à la partie adverse. Cette mesure devrait également s'appliquer aux plaintes avec constitution de partie civile et il ne pourrait y être mis fin qu'en cas de renvoi par la chambre du conseil. Les problèmes susceptibles d'entraîner une citation directe du fonctionnaire de police concerné devraient eux aussi être examinés de près.

En ce qui concerne les membres des unités spéciales qui sont obligés d'intervenir dans les cas les plus graves, il serait nécessaire d'aller encore plus loin en remplaçant leur nom par un numéro d'identification, de manière à rendre impossible à un tiers d'obtenir leur nom ou leur adresse privée. C'est la seule manière de leur procurer la sérénité nécessaire à l'exercice de leurs missions.

Pour conclure, M. Cockx souscrit aux objectifs de la proposition de loi, mais il indique que des mesures supplémentaires s'imposent, principalement pour améliorer la protection de la vie privée des fonctionnaires de police sans porter atteinte aux droits fondamentaux de chaque citoyen de ce pays.

F. Exposé de M. Herman Daens, conseiller du Comité permanent de contrôle des services de police

L'intervenant renvoie à l'enquête du Comité P relative aux différentes formes de violence commises contre les membres des services de police bruxellois (http://www.comitep.be/AdditionalReports/2013-02-01_FR_violence_contre_police_bruxellois.pdf). Cette enquête a été réalisée à la demande de l'ancien président du Sénat, M. Armand De Decker, qui avait constaté qu'à Bruxelles, les membres des services de police étaient trop fréquemment victimes d'actes de violence, commis le plus souvent avec des armes à feu.

Le Comité P a mis cette occasion à profit pour réaliser une enquête plus large et pour examiner les circonstances dans lesquelles les membres des services de police sont confrontés à des actes de violence, que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère professionnelle.

Les conclusions figurent dans les volets 1 et 2 du rapport.

En ce qui concerne l'item « Par crainte de subir des violences, je ne porte pas mon uniforme sur le chemin du travail », 14, 6 % des répondants se sont déclarés tout à fait d'accord.

Concernant l'item « J'ai pris des mesures spécifiques pour me protéger, moi et ma famille, des risques de violence liés à mon travail », 9,2 % des répondants se sont déclarés tout à fait d'accord.

Pour l'item « Par crainte de représailles, je ne porte pas, pendant le service, la plaquette nominative obligatoire qui permet de m'identifier auprès des citoyens », 8,8 % des répondants se sont déclarés tout à fait d'accord.

Concernant l'item « Par crainte de subir des violences, il m'arrive de ne pas porter mon uniforme durant le travail, même lorsque c'est requis », seuls 0,4 % des répondants se sont déclarés tout à fait d'accord et 70,8 % des répondants n'étaient pas du tout d'accord.

Il ressort donc de cette enquête que les agents de police éprouvent une certaine réticence à révéler leur identité.

Le Comité P traite également des plaintes et formule des recommandations.

En ce qui concerne la proposition de loi nº 5-1580, l'intervenant estime qu'il y a deux éléments à prendre en compte. D'une part, il y a l'intérêt légitime du citoyen — qui est en droit de réclamer que les agents de police qui se rendraient coupables d'infractions ou auraient un comportement inadéquat fassent l'objet d'une enquête en bonne et due forme — et, d'autre part, il y a l'intérêt légitime de l'agent de police et des pouvoirs publics, qui sont en droit de se prémunir contre les éventuelles actions de représailles.

L'enquête du Comité P a montré que les agents de police redoutent effectivement des représailles et qu'il leur arrive, par exemple, de rentrer chez eux en habits civils plutôt qu'en uniforme. Beaucoup n'osent même pas porter l'uniforme quand ils prennent les transports en commun pour se déplacer entre leur domicile et leur lieu de travail.

L'éventualité d'actions de représailles justifie que l'on préserve dans une certaine mesure l'anonymat non seulement des victimes (verbalisants, suspects), mais aussi des agents de police spécialisés dont l'identité doit, de préférence, être tenue secrète vis-à-vis des criminels et doit donc être absente du dossier pénal.

Si l'on examine le droit de la procédure pénale, on constate que plusieurs articles permettent de répondre en partie à ce souhait légitime de préservation de l'anonymat. Ainsi, l'article 75ter du Code d'instruction criminelle énonce ce qui suit: « Par dérogation à l'article 75, il ne faut pas faire état de la demeure des personnes qui, dans l'exercice de leurs activités professionnelles, sont chargées de la constatation et de l'instruction d'une infraction ou qui, à l'occasion de l'application de la loi, prennent connaissance des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise, et qui sont en cette qualité entendues comme témoins. En lieu et place, ils peuvent indiquer leur adresse de service ou l'adresse à laquelle ils exercent habituellement leur profession. La citation à témoigner peut être régulièrement signifiée à cette adresse. »

L'article 75bis du même Code dispose: « Le juge d'instruction peut décider, soit d'office, soit à la demande du témoin ou de la personne à l'égard de laquelle l'action publique est engagée dans le cadre de l'instruction, de l'inculpé, de la partie civile ou de leurs conseils, soit sur réquisition du ministère public, qu'il ne sera pas fait mention dans le procès-verbal d'audition de certaines des données d'identité prévues à l'article 75, s'il existe une présomption raisonnable que le témoin, ou une personne de son entourage, pourrait subir un préjudice grave à la suite de la divulgation de ces données et de sa déposition.(...) »

Ce dernier article concerne essentiellement le cas de figure où des agents de police ont été témoins d'une infraction de manière fortuite, mais en dehors du cadre professionnel de l'exercice de leur fonction.

Les articles 88bis et 88ter du Code d'instruction criminelle ont un champ d'application très limité.

En 2008, une proposition de loi a été déposée en vue d'insérer un article 64bis dans le Code d'instruction criminelle. Le texte proposé s'énonçait comme suit: « Le procureur du Roi et le juge d'instruction prennent, chacun pour ce qui le concerne, toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour protéger l'identité des membres du service d'intervention et du service d'arrestation des unités spéciales de la police fédérale qui font l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile. »

Cette proposition de loi est toutefois restée sans suite.

À ce stade, le Comité P dresse donc le constat que la réglementation existante en matière de protection s'applique essentiellement aux services spéciaux et pas au policier moyen présent dans la rue.

Dans ses développements, la proposition de loi nº 5-1580 renvoie, d'une part, à l'article 41 de la loi sur la fonction de police et, d'autre part, à l'article 3 de l'arrêté royal du 4 septembre 2002. Il va sans dire qu'eu égard à la hiérarchie des normes, l'arrêté royal, qui réglemente entre autres le port du brassard, ne saurait primer sur la loi sur la fonction de police.

Remplacer le port d'une plaquette nominative par un numéro de matricule n'est pas une mauvaise idée en soi. L'intervenant constate toutefois qu'il n'est déjà pas évident aujourd'hui pour de nombreux citoyens de lire la plaquette nominative d'un agent de police, notamment lors d'interventions à l'occasion d'événements de grande envergure. Un système d'identification basé sur un matricule à neuf chiffres serait donc bien trop compliqué. On risquerait d'ailleurs d'en arriver à une situation où un agent de police ferait par erreur l'objet d'une plainte pour des faits auxquels il est totalement étranger.

Un deuxième problème soulevé à propos du système proposé tient au fait que beaucoup de policiers utilisent leur numéro de matricule pour avoir accès à des réseaux, à des banques de données, etc. À l'heure des technologies de l'information et de la communication, il est très facile pour certains de pénétrer dans des fichiers de données. L'utilisation du même matricule pourrait donc poser problème à terme.

En outre, un matricule offre une sécurité, mais celle-ci est toute relative. Les agents de police ont en effet l'obligation de mentionner leur identité sur les procès-verbaux. Leur nom est donc de toute manière connu.

Pour conclure, l'intervenant indique que la problématique de la sécurité des agents de police dépasse largement le champ d'application de la proposition de loi et qu'elle englobe de nombreux autres aspects.

G. Échange de vues

M. Moureaux constate, dans un premier temps, que lorsqu'il s'agit de corps locaux, les policiers sont en général connus de la population, avec ou sans identification. Ainsi, dans sa commune, il a eu l'expérience de policiers de quartier qui lui avaient demandé de pouvoir habiter dans un quartier autre que celui où ils opéraient. Ils subissaient non pas de réelles menaces mais un harcèlement quotidien.

La commune de Molenbeek a également connu le cas d'un gardien de la paix qui avait assisté une équipe de policiers dans une opération de repérage de malfrats. Son véhicule a été incendié quelques jours plus tard parce qu'il était connu du quartier.

Enfin, il cite l'exemple d'un policier qui, dans le cadre d'une opération très délicate, avait abattu un malfrat. Ce policier avait insisté pour que sa photo ne figure pas dans la presse par crainte de représailles.

Le problème de l'identification est donc très complexe mais lui semble le plus criant dans le cas des corps spéciaux qui viennent par exemple en renfort dans certaines communes. Dans ce cas, la difficulté de les identifier est bien réelle.

Revenant sur la difficulté pour le citoyen de lire ou de retenir des chiffres complexes, l'intervenant signale que la commission est bien consciente du problème et l'a déjà évoqué.

L'identification du domicile du policier a été évoquée par plusieurs orateurs. À ce sujet, il suggère que, dans le cadre de l'exercice de leur fonction, les agents de police puissent élire domicile au domicile de fonction dont ils dépendent. Ceci existe déjà pour d'autres fonctions.

En conclusion, il constate que la discussion est paradoxale: l'accent est mis sur les dangers de l'identification des corps d'interventions spéciales alors que le policier de la rue court de grands risques également et qu'il est généralement plus facilement identifié.

M. Deprez constate que des différentes interventions, il résulte qu'il existe manifestement un réel problème de sécurité pour les policiers, particulièrement dans certaines zones de police à Bruxelles. Ainsi, le rapport du Comité P nous enseigne qu'à la question « Avez-vous engagé à vos frais des moyens pour mieux vous protéger ? », 39 % se disent d'accord. Ceux qui cachent leur nominette atteignent les 20 %.

Revenant sur l'aspect pratique du matricule, le but de la proposition de loi n'est pas de reprendre le matricule à neuf chiffres tel qu'il existe déjà. Le matricule proposé serait spécifique à chaque zone de police et comporterait trois initiales et trois ou quatre chiffres.

Sur le fond, l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 11 octobre 2011 a explicitement jugé que la Bulgarie avait violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et a estimé qu'il aurait fallu que les agents de police cagoulés portent un signe distinctif qui, tout en préservant leur anonymat, permette par la suite de les identifier, par exemple, par un numéro de matricule.

Le dispositif légal dont nous disposons actuellement en Belgique permet au chef de corps ou au chef des opérations de dispenser les agents de police de porter leur nominette. Ces dispositions légales ne sont pas conformes aux termes de l'arrêt.

Force est de constater que bien souvent, les agents de police ne portent pas leur nominette au cours d'interventions ou la dissimulent sous leur téléphone.

Il y a donc un véritable problème: l'intervenant maintient qu'il faut porter un signe distinctif pour être en conformité avec la jurisprudence européenne et propose qu'au lieu du nom, on utilise un matricule afin de garantir la sécurité des agents. La proposition de loi est juridiquement fondée puisqu'elle répond à une exigence de la Cour EDH.

Par ailleurs, d'autres problèmes ont été évoqués par les représentants des syndicats, notamment les plaintes avec constitution de partie civile introduites par les malfrats dans le seul but d'identifier certains agents de police. Il lui semble que la Commission devra également se pencher sur cette problématique dans un avenir proche, éventuellement en collaboration avec la commission de la Justice.

M. Moureaux confirme que d'autres aspects de la protection des agents de police devront être abordés. Le problème de l'identification du domicile en est un exemple.

Concernant la proposition de loi, certains amendements seront nécessaires pour préciser le matricule, pour étendre son champ d'application à l'ensemble des zones de police et préciser si, outre les agents de police, il ne faut pas aussi l'appliquer aux CALOG's et aux gardiens de la paix. Il suggère aussi de prendre l'avis de la ministre de l'Intérieur.

Mme Pehlivan comprend le problème de la protection des policiers. Elle constate, en revanche, que la politique de bon nombre de villes met l'accent sur la présence et l'accessibilité de la police, ce qui est en contradiction avec la proposition de loi à l'examen. La commission ne peut pas faire passer la police pour l'ennemi de la population ni inversement. Sa fonction est basée sur la fiabilité. Il faut rechercher un meilleur équilibre.

V. AUDITION DES REPRESENTANTS DE LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME

A. Audition de M. Alexis Deswaef et de M. Manuel Lambert, représentants de la Ligue des droits de l'homme

M. A. Deswaef, en sa qualité de président de la Ligue des droits de l'homme, remercie les auteurs de cette proposition de loi pour leur initiative, ainsi que pour leur ouverture au dialogue dans ce dossier.

— L'obligation procédurale de l'article 3 CEDH

L'obligation d'identification des policiers en toutes circonstances s'inscrit dans les obligations procédurales liées à l'article 3 de la CEDH, qui prescrit, pour rappel, l'interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains et dégradants.

Ces obligations imposent à l'État notamment de:

— mener une enquête pénale indépendante, impartiale et avec droit de regard du public sur toute accusation sérieuse de traitements inhumains et dégradants;

— prendre rapidement les mesures pour identifier et interroger toutes les parties concernées;

— condamner de manière suffisamment dissuasive les individus reconnus coupables (voir entre autres CEDH, Darraj c. France, 4 novembre 2010).

Il est important de souligner les graves manquements constatés en Belgique dans ce domaine et sanctionnés par la Cour EDH. À cet égard, outre les arrêts Turan Cakir c. Belgique du 10 mars 2009 et Trevalec c. Belgique du 14 juin 2011, on prêtera attention à l'arrêt De Donder et De Clippel c. Belgique du 6 décembre 2011 qui note que:

« 61. La constitution de partie civile s'insère en effet pleinement dans la logique de l'obligation procédurale spécifique que les articles 2 et 3 de la Convention mettent à la charge des États. Il y a lieu à cet égard de rappeler que, dans tous les cas où un détenu décède dans des conditions suspectes et que les causes de ce décès sont susceptibles d'être rattachées à une action ou une omission d'agents ou de services publics, les autorités ont l'obligation de mener d'office une « enquête officielle et effective » de nature à permettre d'établir les causes de la mort et d'identifier les éventuels responsables de celle-ci et d'aboutir à leur punition; il s'agit essentiellement, au travers d'une telle enquête, d'assurer l'application effective des lois internes qui protègent le droit à la vie et, dans les affaires où des agents ou organes de l'État sont impliqués, de garantir que ceux-ci aient à rendre des comptes au sujet des décès survenus sous leur responsabilité. Une telle enquête doit aussi être conduite lorsqu'un individu affirme de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d'autorités comparables, un traitement contraire à l'article 3 de la Convention (voir tout particulièrement Slimani c. France, décision du 8 avril 2003, § 30, et arrêt précité, §§ 29-32). »

L'article 3 imposant une obligation absolue, l'obligation de pouvoir identifier les forces de l'ordre ne peut pas connaître d'exception: autoriser une exception au port du signe d'identification serait en contradiction avec l'article 3 de la CEDH qui impose qu'un policier mis en cause dans une affaire de torture ou traitement inhumain et dégradant puisse toujours être identifié.

À cet égard, on notera que la récente affaire impliquant une unité spéciale de la police ayant entraîné la mort d'un détenu dans le commissariat de Mortsel met en évidence avec force que la nécessité de l'identification est importante en Belgique. En effet, au regard de la jurisprudence précitée, l'État belge est en violation flagrante de l'article 3 de la CEDH, aucun des policiers présents n'étant identifiable d'une quelconque manière que ce soit.

En conclusion, le texte de la proposition de loi devrait être revu en réduisant le champ des exceptions à l'identification des policiers, de manière à respecter la jurisprudence de la Cour EDH.

— La nécessaire identification des forces de l'ordre

La pratique montre que l'absence de signe distinctif favorise l'impunité, la déresponsabilisation et donc l'escalade de la violence de la part des policiers. Le récent exemple de la mort de la personne détenue à Mortsel et les dénégations des membres de l'unité spéciale de la police d'Anvers pendant l'enquête démontrent plus que jamais l'absolue nécessité de cette identification (un policier déclarant qu'il n'a vu personne donner des coups, ce qui est contredit par les images de la caméra de surveillance). La présence de signes d'identification aurait certainement pu améliorer l'enquête, identifier les responsabilités de chacun et démonter facilement les déclarations de policiers soucieux de se couvrir.

Les déclarations de policiers niant l'évidence pour blanchir un collègue violent ou se couvrir d'éventuelles poursuites pour non-assistance ne sont pas exceptionnelles. Citons à cet égard le rapport annuel 2011 du Comité P: « Un commissaire est reconnu coupable de différents faits de violences à deux reprises. Dans la première affaire, un individu interpelle des policiers lors d'une intervention. Le commissaire intervient et lui porte un coup de poing, lui fracturant le nez. L'attitude du commissaire est confirmée par des témoignages de collègues ainsi que par les images d'une caméra urbaine. Le témoignage contraire du co-équipier du prévenu est écarté car « en contradiction avec les auditions de ses collègues et avec les images enregistrées » (Comité P, Rapport annuel 2011, p. 83,).

Le Défenseur des droits, en France, a également, sur base de la jurisprudence de la Cour EDH, estimé que « d'une manière générale, la Cour européenne des droits de l'homme estime que l'absence d'identification confère une forme d'impunité à certaines catégories de policiers. » (Le Défenseur des droits, Rapport relatif aux relations police/citoyens et aux contrôles d'identité, p. 32). Il fait dès lors la recommandation suivante: « la possibilité d'identification par un matricule visible est une garantie pour le citoyen s'il est victime du comportement d'un représentant des forces de l'ordre et, plus largement, d'une personne exerçant des fonctions dans le domaine de la sécurité, alors qu'aujourd'hui nombre de réclamations ou d'enquêtes ne peuvent aboutir, faute d'identification de l'auteur des faits reprochés. Cela permettrait aussi la mise hors de cause de policiers lorsque la réclamation ne ressortirait pas comme fondée. » (Ibid., p. 34).

Le Commissaire européen aux droits de l'homme est arrivé au même constat, dans une lettre au ministre fédéral allemand de l'Intérieur le 9 décembre 2010: « Concernant le comportement des forces de l'ordre, (le Commissaire) (...) invite également le gouvernement allemand à lui donner des précisions sur les mesures adoptées afin de permettre d'établir l'identité des policiers, notamment lorsque leur équipement et leur uniforme rendent leur identification impossible. Dans une société démocratique, il est essentiel que la population ait confiance dans la police. Or, cette relation de confiance ne peut s'établir que si les forces de police travaillent en toute transparence et sont tenues responsables de leurs actes. » (Ibid., p. 32).

— Modifications de la proposition de loi

1. Concrètement, il faut que la loi précise les détails pratiques: taille des lettres ou chiffres, à l'avant et à l'arrière, matières phosphorescente pour les interventions nocturnes, également sur les accessoires (casques, boucliers, ...), etc. À cet égard, les sans-abris de la gare Centrale de Bruxelles ont témoigné que lors d'interventions « musclées » de la police pour les évacuer, certains policiers se montraient très inventifs pour masquer leur plaquette d'identification en la cachant sous un gsm ou une radio, ce qui rendait toute identification impossible. Il faut impérativement éviter ce genre de pratiques de mauvaise foi.

À défaut de précision dans le texte de la loi, il est indispensable de prévoir un renvoi au Roi, afin que celui-ci puisse répondre de manière claire aux exigences internationales en la matière.

2. Autre question importante: qui va tenir un registre des correspondances numéro — identité du policier ? Si le chiffre peut changer en fonction des circonstances, on risque de vider le texte de sa substance si les registres ne sont pas correctement tenus, ce qui est à craindre (vu la négligence constatée à de nombreuses reprises par le Comité P au sujet des registres de privation de liberté par exemple (voir Comité P, Rapport annuel 2011, p. 30; Comité P, Rapport annuel 2010, pp. 68-70). Dès lors, un contrôle de cette liste par le Comité P semble être une nécessité.

3. Vu la pratique policière, il conviendrait d'assortir l'obligation du port de l'identification de sanctions pour la rendre effective. La pratique montre que de nombreuses obligations qui ne sont pas sanctionnées ne sont pas respectées en pratique (par exemple l'inscription de chaque personne arrêtée dans le registre des privations de liberté de la LFP, et surtout, l'obligation de mentionner l'identité des policiers qui procèdent à l'arrestation et à la fouille n'est souvent pas respectée, comme souvent dénoncé par le Comité P (Rapport annuel 2011, p. 30; Rapport annuel 2010, pp. 68-70, qui se réfèrent à de nombreuses recommandations non suivies les années précédentes)). Compte tenu de la pratique persistante de ne pas mentionner l'identité de policiers impliqués dans des incidents alors que c'est déjà obligatoire, l'existence d'une sanction est un incitant nécessaire. Le policier qui, pour une raison de force majeure, sera intervenu sans son insigne ne sera évidemment pas poursuivi (les instances de poursuite restant maîtresses de classer sans suite et le policier pourra invoquer l'état de nécessité pour obtenir un non-lieu ou un acquittement).

4. Comme stipulé ci-dessus, le texte de la proposition de loi devrait également être revu en réduisant le champ des exceptions à l'identification des policiers, de manière à respecter la jurisprudence de la Cour EDH.

5. Le texte de loi devrait également intégrer une mention concernant les unités spéciales des forces de l'ordre. En effet, ces unités sont par définition les plus à mêmes d'être confrontées à des actes de violence, qu'elles en soient les auteurs ou les victimes (comme a pu encore une fois le mettre en évidence l'affaire de Mortsel). Or, la Cour EDH a pu préciser à plusieurs reprises et notamment dans l'arrêt Hristovi c. Bulgarie du 11 octobre 2011 que: « Where the circumstances are such that the authorities are obliged to deploy masked officers to effect an arrest, the Court considers that the latter should be required to visibly display some anonymous means of identification — for example a number or letter, thus allowing for their identification and questioning in the event of challenges to the manner in which the operation was conducted » (§ 92). À défaut, « In the Court's view, the deficiency it has noted above, (...) can fairly be described as conferring virtual impunity on a certain category of police officers. An investigation suffering from such a defect cannot be seen as effective » (§ 93). La jurisprudence constante de la Cour EDH est donc claire sur cette question.

6. Le texte de la proposition devrait supprimer les termes « ou au moins l'un d'entre eux » à l'alinéa 2 de l'article 41 proposé. En effet, tous les membres des forces de l'ordre intervenants en habits civils devraient pouvoir être identifiés.

7. Le texte de la proposition devrait supprimer les termes « à l'égard de laquelle ils interviennent » à l'alinéa 3 de l'article 41 proposé. En effet, toute personne présente sur les lieux, et non seulement la personne faisant l'objet de l'intervention, devrait pouvoir être en mesure d'identifier le membre des forces de l'ordre intervenant.

8. Enfin, il ne faut pas que cette obligation remplace totalement la plaquette nominative qui doit rester la règle. Effacer totalement le nom du policier de l'uniforme risque en réalité d'aboutir à un effet totalement contraire: déshumanisation, et déresponsabilisation, ce qui est contradiction avec le principe de police de proximité. Les contacts sont facilités si on connaît le nom du policier. Faire du numéro la règle, cela signifierait que tous les policiers craignent des représailles, ce qui n'est pas conforme à la pratique de terrain et par ailleurs dommageable pour l'image de l'agent de quartier dans le public.

Comme le souligne expressément l'article 45 du Code européen d'éthique de la police, qui a fait l'objet en 2001 d'une résolution adoptée par le comité des ministres du Conseil de l'Europe, « les personnels de police doivent normalement, lors d'interventions, être en mesure d'attester leur qualité de membre de la police et leur identité professionnelle ». Il en ressort que c'est bien l'identification qui doit être la règle et l'anonymat demeurer l'exception (Le Défenseur des droits, Rapport relatif aux relations police/citoyens et aux contrôles d'identité, p. 33).

M. Manuel Lambert, conseiller juridique de la Ligue des droits de l'homme, constate pour sa part qu'un aspect important n'est pas abordé dans la proposition de loi, à savoir celui de l'identification des unités spéciales.

L'affaire de Mortsel a démontré que l'unité spéciale intervenue n'avait pas pu être identifiée, ce qui a nui à l'enquête.

L'arrêt Hristovir rendu le 11 octobre 2011 par la Cour EDH ne laisse d'ailleurs pas beaucoup de marge de manœuvre au législateur puisqu'il prévoit qu'une identification doit également être possible lorsque des unités spéciales interviennent.

Le texte de la proposition de loi gagnerait à être complété en ce sens, conformément aux principes de l'article 3 de la CEDH.

Il est donc impératif que le texte de loi souligne le caractère exceptionnel de la non-identification des policiers.

Pour conclure, la Ligue des droits de l'homme considère que les policiers doivent être identifiables à tout moment, vu qu'il s'agit de fonctionnaires qui sont soumis aux règles de publicité de l'administration et à plus forte raison puisque les policiers détiennent le monopole de la violence. Le citoyen doit savoir avec qui il communique. Cette identification a lieu d'abord par le nom et ensuite, uniquement dans des circonstances motivées et exceptionnelles, par un numéro mentionné dans le registre d'intervention. Le numéro utilisé doit être clair, court et identifiable.

B. Échange de vues

M. Moureaux rappelle que dans de nombreux cas, les corps de police sont demandeurs d'une identification de leurs agents. À titre d'illustration, il signale avoir reçu dans sa boite aux lettres personnelle une lettre de l'agent de quartier où ce dernier donnait son nom et son numéro de GSM.

Par ailleurs, il se dit sensible à l'argument sur les modalités pratiques (couleur, taille des lettres, etc.) de la mise en œuvre de la proposition de loi. Un amendement confiant cet aspect au Roi pourrait être déposé en ce sens.

M. Deprez constate que la Ligue des droits de l'homme a insisté à plusieurs reprises sur le fait que la plaque nominative devait rester la règle et que ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'on pourrait utiliser le numéro d'intervention. Ceci correspond au dispositif retenu suite au dépôt d'un amendement.

Un point l'a interpellé, à savoir celui du registre de correspondances. Ce registre devrait être tenu soit au niveau de l'unité d'intervention de la police fédérale soit de la zone de police elle-même. Pour éviter qu'une manipulation des correspondances ne puisse avoir lieu, il propose que la liste établie de ces correspondances soit communiquée au Comité P. Le Comité P pourrait alors attester que la correspondance entre le numéro d'intervention et le numéro nominatif est bien exacte.

Concernant la suppression des termes « ou au moins l'un d'entre eux » à l'alinéa 2 de l'article 41 proposé, il s'y dit favorable. Cette formulation a été retenue dans la proposition de loi parce qu'elle correspond au dispositif actuel de l'article 41. Il compte interroger la ministre de l'Intérieur sur les raisons de cette formulation assez étonnante qui est peut-être justifiée par des raisons techniques.

La pratique est en tout cas bien réelle: il a déjà assisté à des manifestations où il a constaté que des policiers ne portaient pas de brassard.

L'intervenant ne voit personnellement aucune objection à ce que tous les agents soient porteurs d'un brassard avec un numéro d'intervention.

Il insiste également sur le fait que le numéro d'identification a également pour objectif de prémunir les policiers contre d'éventuelles représailles. Une émission récente d'Envoyé Spécial traitait des interventions policières dans les quartiers sensibles du dix-huitième arrondissement de Paris. Force est de constater que plus de la moitié des policiers ont refusé de montrer leur visage au cours du reportage, compte tenu du risque encouru.

L'objectif de la proposition de loi est donc double:

— permettre l'identification des policiers en toute circonstance;

— éviter les représailles éventuelles.

Un seconde remarque concerne la phrase « Sauf si les circonstances ne le permettent pas, lorsqu'une personne à l'égard de laquelle ils interviennent en fait la demande, les fonctionnaires de police justifient de leur qualité au moyen de la carte de légitimation dont ils sont porteurs. », dans le dispositif de l'article. Selon lui, puisque le policier sera toujours identifiable sur base soit de la plaquette nominative soit du numéro d'intervention, la carte de légitimation ne doit être présentée que lorsque le citoyen pense être confronté à un faux policier.

Le but n'est pas que la justification de la qualité de policier doive se faire systématiquement par la carte de légitimation, à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis.

M. Buysse a compris qu'il avait été convenu dans l'accord de gouvernement que les violences commises par la police seraient placées sur le même pied que celles commises contre la police. Il lui semble qu'il y a là une erreur de jugement. Le principe est qu'il existe un cadre légal permettant aux policiers de faire un usage proportionnel de la force. La police n'est en faute que lorsqu'elle fait un usage disproportionnel de la force.

Il a l'impression que ces dernières semaines, on n'entrevoit que la possibilité de poursuites judiciaires en cas de violences policières disproportionnées. L'on oublie cependant qu'il existe également un statut disciplinaire et qu'un officier de police qui se voit imposer une mesure disciplinaire en subit également des conséquences en matière d'échelle de traitement, d'avancement et même de pension. Ces sanctions disciplinaires ne sont donc pas à négliger.

Il est également contrarié par tout le bruit fait autour des cent septante-quatre plaintes pour violences policières déposées en 2011 auprès du Comité P. En effet, l'on oublie toujours de mentionner que seule une plainte sur six est déclarée fondée.

Concrètement, il aimerait savoir sur quels chiffres l'on s'est basé pour affirmer que de nombreux cas de violences policières ne sont pas poursuivis faute d'identification de l'auteur.

M. De Padt se rend compte que son amendement sur l'anonymisation des procès-verbaux (amendement nº 6, doc. Sénat, nº 5-1580/3) devrait peut-être être déposé dans le cadre de l'examen d'une autre loi. Il aurait aimé obtenir l'avis de la Ligue sur la portée de son amendement, à savoir la possibilité d'établir un procès-verbal anonyme dans les cas où la police intervient « anonymement » — en mentionnant seulement un numéro d'identification. Cela n'a guère de sens de remplacer le nom d'un policier par un numéro — et ce, si les circonstances l'exigent — si le procès-verbal dont peuvent disposer les prévenus doit mentionner son nom. C'est la raison pour laquelle son amendement propose de maintenir l'anonymat tout au long de l'instruction.

Mme Pehlivan souligne qu'il doit toujours y avoir une possibilité d'identification. Certes, les violences policières contre des citoyens sont inacceptables, mais il faut aussi pouvoir protéger les forces de l'ordre de la violence des citoyens. Voilà pourquoi il pourrait parfois s'avérer nécessaire de remplacer la plaquette nominative par un numéro d'identification. Elle aimerait que la ministre donne sa position sur l'amendement de M. De Padt.

Mme Thibaut revient sur l'amendement qu'elle a déposé et qui intègre le principe des sanctions (amendement nº 5, doc. Sénat, nº 5-1580/3). Le but de cet amendement est précisément de sanctionner le fonctionnaire de police qui recouvrirait ou cacherait sciemment le numéro d'intervention ou la plaquette nominative.

Elle souhaiterait même aller plus loin et déposera un amendement ultérieur: M. Deprez évoquait la possibilité de communiquer le registre de correspondance au Comité P mais il faudra imaginer des sanctions pour rendre cette obligation la plus contraignante possible. Il est évident que ce registre de correspondances devra impérativement être tenu à jour afin que cela concorde avec la réalité de terrain.

Par rapport à la présentation de la carte de légitimation, elle estime que la proposition de loi et l'amendement de M. Deprez constituent un recul par rapport à la situation actuelle puisque la personne devra en faire la demande. Mais qu'en est-il de personnes qui sont témoins d'évènements et qui ne pourraient pas faire cette demande ?

Elle rappelle en outre que pour ce qui concerne les filatures, les écoutes téléphoniques et autres, la loi est déjà très claire et prévoit des procédures spécifiques. Il faut rester dans un cadre général.

M. Deprez ne partage pas l'analyse de Mme Thibaut sur un prétendu recul de la situation. La loi prévoit actuellement qu'à l'exception où il se présente à domicile, l'agent de police ne doit présenter sa carte de légitimation que lorsqu'il est en habits civils. Dans le dispositif de sa proposition de loi, l'auteur entend généraliser la présentation de la carte de légitimation, même à ceux qui sont en uniforme.

M. Deswaef, président de la Ligue des droits de l'homme, soutient l'idée de transmettre in tempore non suspecto les registres des correspondances au Comité P. Ce dernier serait en quelque sorte le notaire des registres. Il est important de garantir que les numéros d'identification ne changeront pas à chaque intervention. À défaut, cela deviendrait ingérable.

M. Moureaux souligne que ce numéro d'identification pourrait changer lorsque le policier change de zone, par exemple.

M. Deswaef revient sur le port des brassards par les policiers en civil, ou au moins l'un d'entre d'eux repris dans la formulation actuelle du texte de loi. Il estime que l'obligation de porter un brassard devrait valoir pour tous.

La question centrale de la discussion, c'est bien évidemment l'identification de l'agent de police. La présentation de la carte de légitimation concerne donc surtout le policier en civil. Exiger d'un policier en uniforme sur lequel figure son nom qu'il présente en plus sa carte de légitimation lui semble excessif.

M. Deprez revient sur le hold-up de Zaventem. Ce racket a été organisé par des malfrats en uniforme policier. Il lui semble légitime, dans ces circonstances, de pouvoir demander à un policier, même s'il est en uniforme, qu'il présente sa carte de légitimation afin de s'assurer de sa qualité.

M. Moureaux rappelle qu'il est déjà arrivé que les services de police soient contraints de mettre la population en garde contre des faux policiers qui faisaient du porte-à-porte. Ils invitaient les citoyens à demander la carte de légitimation lorsqu'un prétendu policier en uniforme se présentait à leur domicile. Le problème est donc complexe: même lorsqu'il est en uniforme, il peut s'avérer nécessaire de demander la carte de légitimation d'un policier.

M. Deswaef est d'accord sur le principe dans ce genre de situations.

Concernant les violences policières, la Ligue des droits de l'homme estime qu'elles sont moins acceptables que les actes de violence commis par des citoyens envers la police parce que les policiers sont spécialement formés pour faire face à ce genre de situations. M. Deswaef précise cependant que lorsque la Ligue des droits de l'homme critique les violences policières, elle vise la violence disproportionnée.

VI. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Deprez attire l'attention sur le double objectif poursuivi par la proposition de loi, à savoir:

1. permettre l'identification de tous les fonctionnaires de police et agents de police qui interviennent à l'égard de tiers;

2. protéger la vie privée de ces policiers lorsqu'ils font ou risquent de faire l'objet de représailles de la part des personnes à l'égard desquelles ils interviennent.

C'est pourquoi il est permis, dans certaines circonstances, de remplacer leur plaquette nominative par un numéro d'identification. Sur la base des auditions réalisées et des discussions menées, l'intervenant dépose plusieurs amendements:

1. l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 5-1580/3) prévoit non plus un remplacement général des plaquettes nominatives, mais la possibilité pour le chef de corps d'autoriser, dans certaines circonstances, que ces plaquettes soient remplacées par un numéro d'intervention. Il ne s'agit pas en l'occurrence du matricule des policiers mais d'un numéro facilement reconnaissable qui permet leur identification. L'intervenant se réfère à ce sujet à un amendement similaire déposé par la N-VA (amendement nº 4, doc. Sénat, nº 5-1580/3);

2. l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 5-1580/3) prévoit que la date d'entrée en vigueur de la loi sera fixée par le Roi, parce qu'il est apparu, après concertation, que la mise en œuvre de la mesure concernée prendrait au gouvernement un certain temps.

Mme Pehlivan constate que l'amendement nº 2 de M. Deprez et consorts tient effectivement compte de différentes objections formulées lors de la discussion.

Mme Thibaut souligne que l'actualité récente à savoir le décès d'une personne arrêtée dans une cellule du commissariat de Mortsel, prouve que la proposition de loi arrive à un moment opportun. Il aurait été parfaitement possible d'identifier les policiers concernés à Mortsel s'ils avaient eu un numéro d'intervention apposé dans leur dos. En l'occurrence, il n'a pas été possible de procéder à une identification, car ils portaient une cagoule.

L'intervenante peut souscrire à l'amendement nº 2 pour autant que le port d'un numéro d'intervention ne soit possible que dans des circonstances exceptionnelles et ne devienne pas la règle générale. Elle attire néanmoins l'attention sur le fait qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect de cette règle. C'est pourquoi elle dépose un amendement visant à imposer une sanction à celui qui rendrait volontairement son identification impossible (amendement nº 8, doc. Sénat, nº 5-1580/3).

En ce qui concerne la présentation du titre de légitimation, la solution proposée dans l'amendement est une régression par rapport à la situation actuelle, car on prévoit qu'elle ne devra se faire qu'à la demande de la personne à l'égard de laquelle le policier intervient. L'intervenante propose de supprimer cette restriction.

Mme Maes constate que l'amendement nº 2 de M. Deprez et consorts s'inscrit dans le prolongement de l'amendement déjà déposé antérieurement par son groupe. Elle dépose néanmoins un amendement visant à obliger le chef de corps à communiquer au Comité P sa décision motivée d'autoriser le port d'un numéro d'intervention au lieu d'une plaquette nominative (amendement nº 4, doc. Sénat, nº 5-1580/3). Le Comité P sera ainsi informé de la décision, ce qui peut être important dans le cadre du traitement d'une plainte éventuelle. Il pourra également se faire une idée de l'application de la mesure en vue de la formulation de recommandations.

M. De Padt demande ce qu'il faut entendre exactement par « agents de police » dans l'amendement de M. Deprez. Vise-t-on en l'occurrence les agents et les agents aspirants — les anciens « agents auxiliaires » — ou un grade spécifique ? Le but est-il d'instaurer une distinction ? Pourquoi n'utilise-t-on pas simplement le terme générique de « fonctionnaires de police » ?

M. Deprez souligne que dans le texte initial, il n'était question que de fonctionnaires de police. Au cours des auditions, les représentants des syndicats de la police ont toutefois fait observer que ce terme n'englobait pas toutes les personnes habilitées à intervenir en qualité de policier. C'est pourquoi le terme « agents de police » a dû être ajouté.

M. De Padt dépose un amendement visant à garantir également, dans les cas prévus par la proposition de loi, l'anonymat des policiers dans les procès-verbaux (amendement nº 6, doc. Sénat, nº 5-1580/3). Il serait plutôt inutile de prévoir que l'anonymat des policiers est garanti lors des interventions s'il ne l'est pas également lors de l'établissement des procès-verbaux, car il suffirait alors de consulter le dossier pour connaître toutes les données d'identité des agents verbalisants.

M. Deprez marque son accord de principe sur cet amendement, mais souhaite savoir ce que la ministre pense d'une telle clause.

Mme Thibaut fait remarquer qu'un tel amendement ne trouve pas sa place dans l'article 41 de la loi sur la fonction de police. À son avis, il faut rédiger une nouvelle proposition de loi pour régler le problème de l'anonymat des procès-verbaux de police.

M. Moureaux reconnait que c'est un problème très délicat.

Il arrive que des membres de la famille de personnes arrêtées par des agents cherchent à exercer des représailles contre eux ou leur famille. C'est la raison pour laquelle les policiers préfèrent préserver au maximum leur anonymat. Par ailleurs, il est très délicat d'autoriser qu'un procès-verbal accablant soit établi sous le couvert de l'anonymat. On a le droit de savoir par qui on est accusé. Dans ce genre de situations, il n'y a donc pas de bonne solution.

M. Claes estime qu'un équilibre délicat risque d'être rompu par la proposition de loi à l'examen. Celle-ci partait de la bonne intention de protéger les policiers de manière à ce qu'ils ne puissent pas être menacés dans leur sphère privée. Néanmoins, il faut tout de même savoir avec certitude, en toutes circonstances, quel agent de police pose quels actes. Entre-temps, le statut disciplinaire des agents de police n'a toujours pas été réformé. Le statut actuel est très difficilement applicable. L'intervenant aurait aimé que la ministre de l'Intérieur lui dise où en est la réforme annoncée de ce statut disciplinaire.

M. Deprez indique que la proposition de loi ne tend pas seulement à assurer l'anonymat des policiers, mais aussi à permettre leur identification en toutes circonstances, ce qui est le but du numéro d'intervention. Ceci n'existe pas encore pour le moment. Chaque agent de police devient identifiable individuellement gráce à ce numéro d'intervention qu'il doit afficher de manière visible. Pour l'heure, les agents de police ne sont munis d'aucune forme d'identification lorsqu'ils interviennent en civil.

Mme Serokh, représentante de la ministre de l'Intérieur, répond à Mme Thibaut que l'amendement de M. De Padt doit encore être examiné. Il se peut qu'il implique une modification du Code pénal. Le gouvernement se prononcera lorsqu'il aura examiné cet amendement. En ce qui concerne le statut disciplinaire, la ministre est en train de finaliser le projet de loi.

VII. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Article 1er

Cet article est adopté sans autre discussion à l'unanimité des 12 membres présents.

Article 2

Un premier amendement à cet article est déposé par M. Broers et Mme Maes (amendement nº 1, doc. Sénat, nº 5-1580/2). Cet amendement tend à remplacer l'instauration généralisée d'un numéro de matricule au lieu d'une plaquette nominative par la possibilité d'apposer un numéro d'identification, laquelle possibilité serait confiée au chef de corps qui pourrait en faire usage dans des circonstances exceptionnelles.

MM. Deprez et consorts déposent un amendement (amendement nº 2, doc. Sénat, nº 5-1580/3) qui tient compte du débat qui a eu lieu en commission et qui est basé sur l'amendement nº 1. Il propose de faire du port de la plaquette nominative la règle générale. Il n'y a que pour certaines interventions que le chef de corps ou le commissaire général peut décider de remplacer la plaquette nominative par un numéro d'intervention.

Mme Maes et M. De Nijn déposent un premier sous-amendement à l'amendement nº 2 (amendement nº 4, doc. Sénat, nº 5-1580/3) tendant à insérer une disposition par laquelle la décision motivée de faire porter un numéro d'intervention est notifiée au Comité P. De cette manière, le Comité P est informé de cette décision, ce qui peut avoir son importance pour le traitement des plaintes, et conserve une vue d'ensemble sur le degré d'application de cette règle.

Mme Thibaut dépose également un sous-amendement à l'amendement nº 2 (amendement nº 5, doc. Sénat, nº 5-1580/3) visant:

1. à infliger explicitement des sanctions disciplinaires au fonctionnaire de police qui recouvre ou cache sa plaquette nominative ou son numéro d'intervention;

2. à obliger les policiers en civil à toujours faire connaître leur qualité, et pas uniquement à la demande de la personne à l'égard de laquelle ils interviennent.

Dans un troisième sous-amendement à l'amendement nº 2 (amendement nº 6, doc. Sénat, nº 5-1580/3), M. De Padt propose de compléter l'article par un paragraphe qui dispose qu'en cas d'utilisation d'un numéro d'intervention, aucun des procès-verbaux qui sont établis ne mentionne le nom des agents afin de garantir pleinement leur sécurité dans ces circonstances exceptionnelles.

M. Deprez et consorts déposent également un sous-amendement à l'amendement nº 2, qui résulte de la discussion de la proposition de loi et des observations formulées par les différents membres. L'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 5-1580/3) vise un double objectif:

1. confirmer expressément le principe général selon lequel tout fonctionnaire de police doit pouvoir être identifié en toutes circonstances;

2. charger le Roi de fixer les modalités qui permettent d'appliquer ce principe dans la pratique.

La ministre de l'Intérieur, Mme Milquet, marque son accord sur le texte proposé, tel qu'il a été sous-amendé par les amendements de M. Deprez et consorts.

Mme Thibaut marque son accord sur les amendements, mais relève que la Ligue des droits de l'homme a insisté lors de l'audition pour que l'on insère une disposition spécifique pour les unités spéciales de police. Il importe également que les personnes concernées, mais aussi les témoins, puissent identifier les policiers lors d'une intervention.

Aussi dépose-t-elle un sous-amendement à l'amendement nº 2 (amendement nº 8, doc. Sénat, nº 5-1580/3), en remplacement de son amendement nº 5 qui est retiré.

La ministre de l'Intérieur, Mme Milquet, souligne que l'amendement nº 8 prévoit un régime spécifique pour les unités spéciales. Elle propose de régler cette question par une initiative législative distincte, tout en rappelant qu'elle a demandé au Comité P d'élaborer un texte spécifique. Un régime spécifique pour les unités spéciales est en effet plus vaste que le seul problème de l'identification.

Mme Pehlivan constate que les amendements nos 2 et 7 déposés par M. Deprez et consorts répondent aux objections soulevées par son groupe politique lors de la discussion générale. Son groupe soutiendra dès lors la proposition.

M. Claes félicite M. Deprez pour les amendements qu'il a déposés. Son groupe soutiendra la proposition.

Il fait remarquer que le législateur doit veiller à ce que les citoyens fassent preuve, à l'égard des policiers qui interviennent en uniforme, du respect qui leur est dû. Il est en tout cas inacceptable que des agents de police soient agressés verbalement ou physiquement. Cela nécessite évidemment que les policiers interviennent avec l'intégrité appropriée. Leur attitude doit imposer le respect.

M. Broers pense que son groupe soutiendra la proposition de loi sous sa forme amendée. L'amendement nº 2 est d'ailleurs basé sur un amendement qui avait initialement été déposé par son groupe. L'amendement nº 6 de M. De Padt nécessite cependant un examen plus approfondi.

S'agissant de l'amendement nº 6, M. Deprez est favorable à l'idée que la police puisse rédiger des procès-verbaux en utilisant un numéro d'intervention lorsqu'elle est intervenue, à titre exceptionnel, uniquement sous le couvert d'un numéro d'intervention. Il estime toutefois qu'une telle disposition ne peut être intégrée dans le texte sans une référence à l'article 47bis du Code d'instruction criminelle.

M. Moureaux estime qu'un problème comme celui-là doit être examiné et réglé séparément parce qu'il sort du cadre de la proposition de loi à l'examen.

M. De Padt fait remarquer que ni le cabinet de la Justice, ni celui de l'Intérieur n'ont formulé d'objection à l'amendement. Il rappelle que l'article 47bis du Code d'instruction criminelle porte uniquement sur les procès-verbaux initiaux d'audition. Pour lui, une référence à cet article est trop limitée. Son but est que l'identité des agents puisse être protégée dans tous les procès-verbaux qui ont trait à un incident donné.

La ministre de l'Intérieur, Mme Milquet, confirme que la ministre de la Justice n'a aucune objection à cet amendement. Pour la décision, elle s'en remet à la sagesse de la commission.

Mme Matz rappelle qu'elle a déposé une proposition de loi distincte modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la rédaction des procès-verbaux pour les unités spéciales. Cette proposition de loi a toutefois été envoyée à la commission de la Justice.

M. Moureaux relève que l'amendement nº 6 est rédigé en des termes trop généraux: « ... aucun des procès-verbaux qui sont établis ne mentionne leur nom. » Il comprend que le procès-verbal initial ne mentionne pas le nom. Mais si le parquet décide qu'il y a lieu de poursuivre, les noms des policiers finiront quand même par devoir être mentionnés. Autrement leur nom ne sera jamais connu, même en cas de dérive grave imputable aux agents. Un tel régime suscite de fortes objections.

M. De Padt fait remarquer que son amendement ne porte pas sur la phase judiciaire de l'enquête. Son amendement vise uniquement les premiers procès-verbaux qui sont transmis au parquet.

Mme Pehlivan estime que l'amendement nº 6 va au-delà de l'objectif initial de la proposition de loi. Si les ministres ne s'opposent peut-être pas à l'amendement, ils ne demandent pas pour autant qu'il soit voté. De plus, on aperçoit mal jusqu'à quel moment l'identité des agents doit être maintenue lorsqu'ils rédigent un procès-verbal. Il convient à tout le moins de demander l'avis du Conseil d'État sur cet amendement. Enfin, elle souligne que cet amendement n'a pas été abordé lors des auditions.

Bien que les auditions aient montré qu'il n'y a certainement rien à redire à la protection de l'identité des agents qui rédigent un procès-verbal, ce point doit être examiné et étudié de manière globale. L'amendement nº 6 se borne à faire référence au numéro d'intervention. C'est oublier que le procès-verbal mentionne non seulement le nom, mais aussi l'adresse du policier. Lors de l'audition des syndicats de la police, ces derniers avaient proposé d'indiquer, par exemple, l'adresse du commissariat de police. Tous ces éléments doivent être examinés plus avant et nécessitent un débat approfondi. Elle demande, que l'on sollicite l'avis du Conseil d'État.

M. Moureaux rappelle l'objectif de l'amendement, qui est d'éviter que des agents qui rédigent un procès-verbal soient par la suite importunés ou menacés par les personnes, ou des membres de la famille de ces personnes, à l'égard desquelles ils sont intervenus. Il n'a aucune objection au principe suggéré par M. De Padt, mais bien à la formulation trop générale de l'amendement.

M. De Padt persiste à dire que ses amendements ne soulèvent aucune objection de la part de la ministre de la Justice et que le régime proposé par M. Deprez ne permettra pas d'atteindre l'objectif de son amendement, qui est de protéger les agents intervenants sous le couvert d'un numéro d'intervention. Les personnes impliquées dans un tel incident demanderont une copie du procès-verbal et pourront ainsi rapidement se procurer l'identité et l'adresse des agents intervenants.

M. Deprez souligne que son amendement permet bel et bien de protéger l'identité des agents pour les procès-verbaux initiaux. Il relève en outre qu'en cas de contradiction entre le texte de l'amendement nº 6 et l'article 47 du Code d'instruction criminelle, les avocats invoqueront la nullité des constatations faites.

M. Moureaux rappelle que le régime à prévoir doit trouver un équilibre entre, d'une part, la protection des agents et, d'autre part, le fait que des poursuites pénales ne peuvent pas être intentées sur la base de procès-verbaux dont l'identité des rédacteurs n'est jamais rendue publique.

M. De Padt propose de remplacer dans son amendement les mots « aucun des procès-verbaux » par les mots « aucun des procès-verbaux initiaux » de manière à viser les procès-verbaux rédigés directement lors d'un incident. Une fois que le parquet décide de poursuivre les personnes concernées et d'établir une citation, l'anonymat peut être levé. De cette manière, la ligne de démarcation entre les deux régimes est claire.

M. Deprez dépose un sous-amendement à l'amendement nº 2 (amendement nº 9, doc. Sénat, nº 5-1580/3) précisant que le régime proposé par M. De Padt est une dérogation à l'article 47bis, § 1.3, du Code d'instruction criminelle et qu'il n'y a que dans les procès-verbaux initiaux que le nom des policiers n'est pas mentionné lorsque ceux-ci sont intervenus sous le couvert d'un numéro d'intervention. Cela permet de préciser que le but est de prévenir les réactions malveillantes de la part des personnes ayant fait l'objet de l'intervention.

M. Moureaux souscrit à cet amendement parce qu'il répond à son objection principale, à savoir la formulation trop générale de l'amendement nº 6. Il nuance l'amendement de M. De Padt en ce que ce régime n'est applicable qu'aux seuls procès-verbaux initiaux.

Mme Pehlivan considère elle aussi que l'amendement nº 9 de M. Deprez est une véritable clarification et répond à ses objections.

L'amendement nº 1 est retiré.

M. Deprez précise que l'amendement nº 4 propose un régime qui fait partie, selon lui, des modalités qui devront être arrêtées par le Roi, comme il le propose dans son amendement nº 7. Il demande d'ailleurs aux auteurs s'il ne serait dès lors pas préférable de retirer l'amendement. Les auteurs maintiennent l'amendement et demandent que la commission se prononce à son sujet. L'amendement nº 4, sous-amendement à l'amendement nº 2, est rejeté par 8 voix contre 5.

L'amendement nº 5, sous-amendement à l'amendement nº 2, est retiré.

L'amendement nº 8, sous-amendement à l'amendement nº 2, est rejeté par 12 voix contre 1.

L'amendement nº 9, sous-amendement à l'amendement nº 2 est adopté par 12 voix et 1 abstention. À la suite de ce vote, l'amendement nº 6 devient sans objet.

L'amendement nº 7, sous-amendement à l'amendement nº 2 est adopté par 12 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 2, ainsi sous-amendé, est adopté par 12 voix et 1 abstention.

L'article 2 ainsi amendé est adopté par 12 voix et 1 abstention.

Article 3 (nouveau)

M. Deprez et consorts déposent un amendement (amendement nº 3, doc. Sénat, nº 5-1580/3) tendant à compléter la proposition par un article 3 nouveau chargeant le Roi de fixer l'entrée en vigueur de la loi afin de pouvoir prendre les mesures d'accompagnement nécessaires au niveau exécutif.

L'amendement nº 3 est adopté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'ensemble de la proposition amendée est adopté par 10 voix et 3 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 10 membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Caroline DÉSIR. Philippe MOUREAUX.