5-2103/1

5-2103/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

22 MAI 2013


Proposition de résolution concernant l'intégration de l'analyse de genre dans l'identification et la reconnaissance des maladies professionnelles

(Déposée par Mme Zakia Khattabi et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


1. Cadre général

Le monde du travail a fortement évolué et, avec lui, les causes et les types de maladies professionnelles.

Par ailleurs, une des évolutions les plus conséquentes du monde du travail est le nombre de femmes présentes sur le terrain.

Toutefois, depuis 1963, il apparaît qu'aucun débat de fond n'a concerné l'évolution des maladies professionnelles et, plus particulièrement, l'évolution des maladies professionnelles en lien avec la dimension de « genre ».

L'absence de débat lié à cette thématique est d'autant plus problématique que, depuis une vingtaine d'années, différent(e)s auteur(e)s ont souligné l'importance de la dimension de genre dans le filtrage et la prévention des maladies causées par le travail (1) .

À cet égard, le dernier rapport annuel du Fonds des maladies professionnelles (FMP) met en évidence des différences inquiétantes dans l'identification et la reconnaissance des maladies professionnelles entre les travailleurs hommes et femmes, au détriment de celles-ci.

Contrairement à la plupart des pays européens et du reste du monde, la Belgique ne dispose pas d'un institut public chargé de la recherche dans le domaine de la santé au travail, ce qui limite énormément la production de connaissances et l'identification des priorités pour les politiques de prévention.

Or, l'absence d'une politique de prévention efficace dans les différents secteurs d'activités, et particulièrement dans les secteurs fortement féminisés, ne permet pas une réelle prise en considération des problèmes de santé qui apparaissent en lien avec le travail et renforce les stéréotypes suivant lesquels le travail des femmes serait moins dangereux pour la santé.

Si une stratégie nationale en matière de bien-être au travail a bien été adoptée pour la période 2008-2012, celle-ci ne comporte pas d'analyse de genre en lien avec le bien-être sur le lieu de travail et ne définit pas d'objectifs spécifiques qui lieraient la santé au travail aux politiques d'égalité et de non-discrimination entre les hommes et les femmes.

De plus, dans l'évaluation des risques des produits, cette évaluation est souvent calculée pour une exposition occasionnelle et non professionnelle. Par exemple, on vérifie que s'appliquer une teinture capillaire une fois par mois n'est pas dangereux, mais on n'évalue pas le danger en cas d'application plusieurs fois par jour, par une esthéticienne, notamment en ce qui concerne d'éventuels problèmes respiratoires.

2. L'organisation entre les acteurs en charge de la prévention de la santé sur le lieu de travail et les acteurs de la santé

Dans l'entreprise, la législation sur le bien-être au travail formule des règles précises en ce qui concerne les obligations de prévention à charge des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants (2) . Ces règles sont toutefois moins strictes dans les situations de sous-traitance, qui recouvrent notamment le secteur du nettoyage. Il en va de même lorsque plusieurs entreprises travaillent en même temps sur un même lieu, en particulier les chantiers, et qu'une de celle-ci pose un acte ou une transformation qui est une source de danger: il arrive souvent que les travailleurs des autres entreprises ne soient pas avertis de ce danger, ce qui multiplie les risques de maladies ou d'accidents.

Si la politique de prévention des maladies professionnelles s'organise de manière concertée dans le cadre des relations paritaires (Conseil national du travail: CNT, commissions paritaires, participation des organisations syndicales et patronales à de très nombreuses instances), celle des acteurs de la santé publique s'inscrit dans un cadre extrêmement restreint. Tout se passe comme si la santé au travail restait une enclave régie par des règles spécifiques et où agissent des acteurs particuliers. La plupart des campagnes de santé publique ignorent largement l'impact des conditions de travail sur la santé.

Le rôle des mutuelles, en ce qui concerne la santé au travail, est des plus limités. Les informations qu'elles mettent à la disposition de leurs membres n'abordent que rarement les questions de la santé au travail et celles-ci privilégient une vision individuelle de la prévention. Les médecins conseils des mutuelles ne bénéficient pas de formation suffisante en santé au travail et ils ne fournissent guère d'informations permettant aux patients d'identifier les causes de maladies liées aux risques du travail. Le rôle des médecins, autres que les médecins du travail, reste marginal dans la déclaration et la reconnaissance des maladies professionnelles et la question de la santé en lien avec le travail n'est pas intégrée dans la formation de l'ensemble des médecins. Enfin, les institutions chargées de l'égalité et celles chargées de la santé au travail semblent souvent s'enfermer dans une ignorance mutuelle.

Le manque d'échange de données et d'analyse systémique entre l'ensemble des acteurs concernés est préjudiciable à l'élaboration d'une politique cohérente et efficace associant prévention, santé au travail et politique d'égalité et de non-discrimination entre les hommes et les femmes.

3. Identification et reconnaissance des maladies professionnelles

Le régime d'identification et de reconnaissance des maladies professionnelles est organisé par les arrêtés royaux du 28 mars 1969 (3) et du 6 février 2007 (4) .

Si la maladie invoquée dans la demande figure sur la liste des maladies professionnelles reconnues, l'indemnisation s'effectue dans le cadre du système de liste. Cette liste est dressée par l'arrêté royal du 28 mars 1969 précité. Lorsque la maladie professionnelle figure sur la liste, le lien causal individuel entre la maladie et l'exposition ne doit pas être démontré.

En effet, une personne professionnellement exposée au risque d'une maladie reprise sur la liste des maladies professionnelles, et atteinte de cette maladie, est présumée être victime d'une maladie professionnelle indemnisable. Il s'agit d'une présomption irréfragable.

L'arrêté royal du 6 février 2007 précité fixe, quant à lui, la liste des industries, professions ou catégories d'entreprises dans lesquelles la victime d'une maladie reprise sur la liste des maladies professionnelles est présumée avoir été exposée au risque de cette maladie, à moins que le contraire ne puisse être prouvé. La charge de la preuve de l'exposition au risque professionnel est ainsi facilitée.

Lorsque la maladie invoquée dans la demande ne figure pas sur la liste des maladies professionnelles reconnues mais trouve sa cause déterminante et directe dans l'exercice de l'activité professionnelle, l'indemnisation s'effectue dans le cadre du système ouvert.

En vertu de ce système, le demandeur doit apporter lui-même la preuve du rapport de causalité entre la maladie et l'exposition au risque professionnel de cette maladie.

Si la législation a été adaptée au fil du temps, ces adaptations ont principalement porté sur la notion de « lien causal » plus que sur l'adaptation de la liste fermée des maladies professionnelles en lien avec telle ou telle pathologie. Il est très rare que la législation ait créé de nouvelles présomptions d'exposition à certains risques dans les industries ou l'une ou l'autre profession.

Or, le système mis en place est encore lié à une logique trop linéaire, en vigueur dans les concepts médicaux du XIXe et début du XXe siècle.

Ce système n'intègre donc pas certains aspects, comme l'organisation du travail (travails répétitifs, de nuit, ...) ou des maladies qui ont plusieurs types de causes, comme le cancer par exemple, et, évidemment, ne prend pas en compte les maladies psychiques liées au travail, comme les dépressions nerveuses liées aux conditions de travail.

En 2006, le législateur a introduit la notion de « maladie en relation avec le travail » qui aurait pu permettre la reconnaissance de certaines maladies en relation avec le travail, en l'absence de prévention.

Cependant, lors du débat parlementaire, il a été relevé qu'il était difficile d'établir quelle était la proportion de l'apport des conditions de travail dans l'évolution de ces pathologies. Toute une série de maladies professionnelles, notamment celles liées aux problème ostéo-articulaires, furent ainsi écartées.

Enfin, il y a lieu de souligner que la législation en vigueur ne définit pas ce qu'est une maladie professionnelle. Cette absence de critère précis empêche toute contestation relative à la légalité des arrêtés royaux.

En pratique, c'est donc le comité de gestion du Fonds des maladies professionnelles (FMP) qui fixe de manière assez générale, et souvent imprécise, le cadre dans lequel s'inscrivent les compétences réglementaires. Souvent, ce même FMP adopte des critères d'interprétation très restrictifs.

4. Analyse au niveau du genre des maladies professionnelles

Si les systèmes nationaux de reconnaissance des maladies professionnelles sont très différents d'un pays à l'autre, ils ont pratiquement tous un point en commun: ils sont très discriminatoires envers les femmes.

Au Royaume Uni, le pourcentage de femmes pour lesquelles une maladie professionnelle est reconnue est inférieur à 10 %. Dans la plupart des pays européens, il se situe entre 20 et 30 %. Seuls les pays nordiques ont des pourcentages un peu plus équilibrés

La Belgique n'échappe pas à ce constat.

Entre 2003 et 2009, les chiffres du FMP démontrent que les déclarations obligatoires des maladies professionnelles par les médecins du travail concernent les femmes, pour 40 à 50 % d'entre elles. Il y a lieu de souligner que le total des déclarations, déjà fort peu élevé en 2003 (1 840 cas), diminue encore avec le temps: 1 391 en 2009.

Or, si nous nous penchons sur les chiffres de reconnaissance d'incapacité, nous nous apercevons que, pour 2009, sur les 386 cas de reconnaissance temporaire, 49 % concernent les femmes mais que, par contre, pour les 850 cas d'incapacité permanente, les femmes n'étaient concernées que dans 8,7 %.

Si nous comparons maintenant l'évolution, entre 2003 et 2009, des décisions positives concernant l'incapacité permanente, il apparaît que les femmes représentaient 34 % pour la période 2001 à 2003, 27 % entre 2004 et 2006, pour finir par ne représenter que 17 % entre 2005 et 2009. Calcul fait sur un total de cinquante cas, en 2003 (trente-et-un hommes/dix-neuf femmes); trente cas en 2005 (vingt-trois hommes/ sept femmes) et dix-neuf cas en 2009 (trois femmes pour seize hommes !).

Ce qui laisse suggérer que le système en place actuellement est encore plus dommageable pour les femmes que pour les hommes !

Pour 2009, sur l'ensemble des personnes auxquelles sont versées une indemnité pour incapacité professionnelle, les femmes représentent moins de 8 %. De plus, les taux d'incapacité qui sont reconnus sont également, en moyenne, plus bas pour les femmes: 15,1 % contre 16,8 % pour les hommes.

Cette différence apparaît dans la grande majorité des pathologies. Elle ne nous paraît pas relever de critères principalement médicaux. On explique mal comment des pathologies aussi différentes que les hépatites virales, la tuberculose, les syndromes psycho-organiques provoqués par des solvants ou les maladies ostéo-articulaires aboutissent à des taux d'invalidité supérieurs, en moyenne, pour les hommes. Elle reflète sans doute la valorisation sociale complexe de différents facteurs qui aboutissent à déterminer des taux d'incapacité en tenant compte des atteintes physiologiques, de la qualification professionnelle, de la capacité de concurrence sur le marché du travail et d'autres facteurs encore.

Le système de reconnaissance des maladies professionnelles reflète donc de moins en moins bien l'évolution réelle des conditions de travail. Il formule des critères de reconnaissance qui correspondaient partiellement aux conditions de la génération précédente des travailleurs masculins de l'industrie et n'a tenu compte que très imparfaitement de l'évolution des secteurs d'activités, des conditions de travail et des connaissances sur les rapports entre le travail et la santé.

Le cas des pathologies dorsales illustre de manière évocatrice ce constat. Le FMP a établi que seuls les travailleurs qui présentent des pathologies lombaires avant quarante ans seraient indemnisés. Mais, surtout, il détermine comme critère d'indemnisation le fait d'avoir été exposés aux vibrations mécaniques, ce qui exclut le port de charges et les contraintes posturales. Les infirmières, éducatrices, aides séniors ou soignantes, ainsi que leurs collègues masculins s'en trouvent automatiquement exclus !

Leurs collègues masculins qui ont choisi ces métiers, pour lesquels nous aspirons tant à une plus grande mixité, subissent ainsi le même sort.

La Cour de cassation définit l'état du droit dans ces termes: « C'est la perte ou la diminution de la valeur économique de la victime sur le marché général de l'emploi qui est réparée par l'allocation correspondant au taux d'incapacité permanente du travail (facteurs physiques et facteurs économiques et sociaux) causé par la maladie professionnelle. » Elle précise même: « La perte ou la diminution de valeur économique sur le marché général de l'emploi comporte un pourcentage lié à l'influence des facteurs socio-économiques pour évaluer le taux global de l'incapacité permanente. »

Cette définition ajoute une nouvelle discrimination à celle déjà préexistante, dans la mesure où la « valeur économique » du travail féminin est, en moyenne, sousévaluée par rapport à celle du travail masculin.

Dans le même ordre d'idée, une enquête sur les conditions de travail permettrait vraisemblablement de rendre visibles les facteurs engendrant une usure liée à un travail répétitif, aux postures contraintes, à la monotonie des táches et à l'exposition à des substances chimiques contenues, par exemple, dans les produits d'entretien. Toutefois, ces différents facteurs sont actuellement considérés comme liés à la « vie normale et quotidienne » des femmes et non à leurs conditions de travail, même si l'occupation professionnelle de ces femmes consiste en l'entretien ou au nettoyage. Il en va de même vis-à-vis du recours au temps partiel, souvent expliqué par la nécessité de concilier vie professionnelle et vie familiale; bien que, dans certains cas limités, il s'agisse d'un réel choix volontaire, il ressort également des enquêtes menées auprès des femmes travaillant dans le nettoyage, l'aide et les soins aux personnes, que travailler à mi-temps est une condition pour leur permettre de tenir le coup physiquement dans la durée, vu la dureté du travail qu'elles accomplissent.

Nous pouvons dire, en toute logique, que le système actuel organise l'invisibilité des problèmes de santé liés à l'emploi, pour les femmes. En effet, si, depuis 2002, les différents rapports annuels du FMP contiennent des données qui distinguent les hommes et les femmes dans presque tous les tableaux statistiques, le FMP n'a jamais produit d'analyse de genre de ces données. Nous disposons d'un certain nombre d'indicateurs bruts mais leur utilisation se heurte à de nombreuses difficultés méthodologiques.

Les difficultés d'interprétation sont, de manière plus générale, liées à une conception essentiellement administrative des rapports. Différentes rubriques présentent des données quantitatives mais aucune analyse n'est proposée, de manière à identifier les problèmes ou à améliorer les politiques de prévention. De surcroît, l'absence d'enquête nationale sur les conditions de travail est évidemment une limite supplémentaire.

Paradoxalement, la Belgique, qui est un des premiers pays industrialisés du continent européen, connaît un énorme retard dans le recueil et l'analyse de données sur les conditions de travail et leur impact sur la santé. Cette carence est aggravée par le fait que les enquêtes de santé publique existantes n'abordent pratiquement pas les conditions de travail. Par ailleurs, une manière de faire évoluer le système serait de déclarer au FMP toutes les pathologies pour lesquelles une cause dans l'exercice de la profession est, au minimum, soupçonnée, ainsi que toutes les situations où apparaissent une prédisposition ou des premiers symptômes, puis de faire des statistiques.

Zakia KHATTABI.
Freya PIRYNS.
Cécile THIBAUT.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. considérant que le système actuel de reconnaissance des maladies professionnelles est de moins en moins adapté à l'évolution des conditions de travail car, si les principes de base de la législation restent pertinents et justifient le maintien d'une branche spécifique de la sécurité sociale, le système de double délégation du Parlement vers l'exécutif et de l'exécutif vers le comité de gestion du Fonds des maladies professionnelles (FMP) a fini par consacrer une gestion conservatrice du système, le souci de réaliser des économies semblant constituer une fin en soi;

B. considérant que, depuis 1963, il n'y a pas eu de débat parlementaire de fond sur les maladies professionnelles;

C. considérant que l'activité de l'inspection du travail (contrôle du bien-être au travail) reste très limitée en ce qui concerne les facteurs qui contribuent à l'apparition de pathologies différées dans le temps;

D. considérant que les statistiques en matière de maladies professionnelles sont obsolètes et ne reflètent pas la réalité du monde du travail;

E. considérant que le système de liste actuel des maladies professionnelles est discriminatoire pour les femmes;

F. considérant que la valeur économique reconnue au travail des femmes est sous-évaluée par rapport à la valeur économique reconnue au travail des hommes;

G. considérant qu'il n'y a pas encore eu d'enquête nationale sur les conditions de travail;

H. considérant que le taux d'emploi des femmes est particulièrement bas entre cinquante-cinq et soixante-quatre ans puisqu'il représentait, en 2009, environ un tiers des femmes de vingt-cinq à cinquante-quatre ans, alors que pour les hommes la proportion est de l'ordre de la moitié et que l'accumulation d'atteintes à la santé tout au long de la vie professionnelle est de nature à créer un processus d'usure par le travail qui peut contribuer à ce phénomène;

I. considérant que, dans de nombreux secteurs féminins d'activités, comme le nettoyage, les commerces, l'aide ou les soins aux personnes, le travail à temps partiel est parfois la seule manière de tenir physiquement le coup;

J. considérant que les données disponibles, concernant les rapports entre cancer et travail en Belgique, sont particulièrement limitées et fragmentaires par rapport à celles dont on dispose dans d'autres pays puisque le FMP ne publie pas de données précises concernant les cancers et la proportion de femmes parmi les cas reconnus;

K. considérant que le système actuel:

a) freine le développement de la prévention à plusieurs égards puisque l'impossibilité d'invoquer la responsabilité civile des employeurs (en raison des conditions très restrictives posées actuellement par l'article 51 des lois coordonnées sur les maladies professionnelles du 3 juin 1970) instaure un régime d'exception injustifiable dans les conditions actuelles;

b) fait de la Belgique le seul pays européen à avoir maintenu, dans des termes aussi stricts, une immunité patronale au plan de la responsabilité civile;

L. considérant que le jugement lié au procès dit « de l'amiante » va dans le sens de la fin de cette immunité puisque le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné la société Eternit à dédommager la famille Jonckheere, lourdement touchée par l'amiante, à hauteur de 250 000 euros,

Demande au gouvernement:

1. de demander au Fonds des maladies professionnelles (FMP) d'enregistrer les pathologies pour lesquelles une cause dans l'exercice de la profession est, au minimum, soupçonnée, ainsi que toutes les situations où apparaissent une prédisposition ou des premiers symptômes, puis d'en faire des statistiques incluant des indicateurs de genre; cet enregistrement devrait s'étendre aux travailleurs indépendants, même s'ils ne recourent pas au Fonds, de manière à rassembler toutes les données;

2. à partir de ces statistiques, de revoir la liste des maladies professionnelles reconnues;

3. de prévoir régulièrement des évaluations de cette liste, en lien avec les évolutions du monde du travail;

4. de prévoir des concertations entre les acteurs du terrain en matière de conditions de travail et un renforcement des moyens de l'inspection, notamment en ce qui concerne la médecine du travail et l'obligation de déclaration des maladies professionnelles par les médecins du travail;

5. d'obliger les différentes instances du pays à appliquer le principe « un emploi égale un emploi », sans discriminations;

6. d'organiser une grande enquête sur les conditions de travail, afin de recueillir des données d'analyse sur les conditions de travail, et leur impact sur la santé; que cette enquête soit d'ordre quantitatif, mais qu'elle soit également doublée d'une enquête d'ordre qualitatif, pour analyser en profondeur les conséquences des conditions de travail sur la santé, et de pouvoir développer de la prévention dans ce domaine;

7. de mener des analyses secondaires sur la base de l'Enquête santé en Belgique et, en particulier, d'identifier les lacunes de celle-ci en ce qui concerne les conditions de travail, de manière à développer un volet « conditions de travail » dans la prochaine enquête;

8. de vérifier, via les données de la Banque carrefour de la Sécurité sociale, dans quelle mesure les femmes pour lesquelles une maladie professionnelle a été reconnue arrivent à conserver leur emploi; suivant l'hypothèse selon laquelle une attention insuffisante à une politique de prévention pourrait contribuer à une exclusion plus massive des femmes que des hommes sur le marché du travail et pourrait expliquer le taux des temps partiels féminins dans certains secteurs;

9. d'oser ouvrir le chantier permettant le recours au droit commun de la responsabilité en cas de faute car:

a) cela permettrait d'améliorer la situation des victimes (indemnisation intégrale du dommage au lieu de l'indemnisation forfaitaire);

b) cela permettrait de réduire les dépenses de la sécurité sociale (gráce à l'action en subrogation qui permettrait au FMP de récupérer les sommes payées auprès de l'employeur responsable);

c) il s'agirait d'une mesure incitative importante en faveur de la prévention;

10. de revoir le système de reconnaissance des maladies professionnelles, en intégrant un rapport annuel du FMP au Parlement, rapport contenant des statistiques annuelles, et qu'il s'en suive un débat qui permette de veiller à ce que les critères soient bien pris en compte concernant différentes dimensions, dont celles de genre, de la qualité des conditions de travail, de leur inspection, et de la prévention de ces maladies.

16 avril 2013.

Zakia KHATTABI.
Freya PIRYNS.
Cécile THIBAUT.

(1) Voir notamment: Dembe (1996), Messing (2000), Vogel (2003), Probst (2009), Tieves (2011).

(2) En particulier, le rôle des comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ainsi que des services de prévention internes et externes.

(3) Arrêté royal du 28 mars 1969 dressant la liste des maladies professionnelles donnant lieu à réparation et fixant les critères auxquels doit répondre l'exposition au risque professionnel pour certaines d'entre elles.

(4) Arrêté royal du 6 février 2007 fixant la liste des industries, professions ou catégories d'entreprises dans lesquelles la victime d'une maladie professionnelle est présumée avoir été exposée au risque de cette maladie.