5-2034/1

5-2034/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

16 AVRIL 2013


Proposition de loi visant à instituer une commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner les cas de mise sous surveillance d'élus politiques par le service de la Sûreté de l'État

(Déposée par Mme Anke Van dermeersch et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Ces dernières semaines, le service de la Sûreté de l'État a été mis en cause à plusieurs reprises à la suite d'indications selon lesquelles il surveillerait des élus politiques et/ou des parlementaires. Tout d'abord, il y a eu des fuites de rapports confidentiels dont il ressort que la Sûreté de l'État surveille, depuis plusieurs années, les contacts qu'entretiennent des personnalités politiques avec des organisations religieuses, comme l'Église de scientologie. Plusieurs parlementaires étaient cités nommément dans ces rapports. Tant l'administrateur général du service, M. Alain Winants, que la ministre de la Justice, Mme Annemie Turtelboom, qui a la Sûreté de l'État dans ses attributions, ont alors juré leurs grands dieux que la Sûreté de l'État ne surveillait aucun parlementaire et qu'il n'existait aucun dossier à charge de parlementaires. M. Bart Debie, ancien commissaire de police et ancien collaborateur du Vlaams Belang, a ensuite affirmé avoir entretenu pendant des années des contacts avec la Sûreté de l'État en tant qu'informateur concernant les activités du Vlaams Belang. La Sûreté de l'État détiendrait donc bel et bien des dossiers sur certains partis et responsables politiques. Il en résulte que la ministre n'est pas au courant de ces pratiques ou qu'elle ment. Pour couronner le tout, la chaîne publique francophone RTBF a diffusé sur son site Internet deux photos où l'on peut voir un dossier intitulé « Dewinter Filip ». Selon la RTBF, ces photos ont été prises dans le bureau de M. Winants. La veille, ce dernier avait pourtant affirmé, à la suite des révélations de M. Debie, que Filip Dewinter n'avait jamais été surveillé par la Sûreté de l'État et n'avait jamais fait l'objet d'une enquête d'antécédents. La Sûreté de l'État ne s'intéresserait en effet pas aux responsables politiques dans le cadre de leurs fonctions.

Depuis 2009, une directive impose à la Sûreté de l'État d'informer le ministre compétent lorsqu'une personnalité politique apparaît dans une enquête ou fait l'objet d'une analyse. Dès lors, si la ministre de la Justice n'était pas au courant des cas précités, cela signifie que la Sûreté de l'État ne respecte pas cette directive et qu'elle a agi comme bon lui semblait. Le tout est de savoir s'il y a, outre les affaires précitées, d'autres cas de surveillance des activités de partis et de personnalités politiques. Il est scandaleux que, dans un État de droit démocratique, des partis et leurs parlementaires élus démocratiquement soient suivis par les services de renseignement. Le recours à des espions qui, en qualité de collaborateurs parlementaires, font rapport à la Sûreté de l'État au départ du parlement sur les activités politiques et les contacts d'un parlementaire est une pratique digne d'un régime totalitaire, mais non d'un État soi-disant démocratique comme la Belgique. La collecte d'informations confidentielles relatives aux activités politiques et aux contacts d'un parlementaire et de son parti ne vise qu'un seul objectif, à savoir déstabiliser la personnalité politique en question et son parti. Si la Sûreté de l'État doit garantir la sécurité des citoyens, elle défend surtout, dans la pratique, la stabilité du régime. En suivant et en surveillant des parlementaires, la Sûreté de l'État s'est muée en un service de renseignement politique du régime et des partis au pouvoir.

Afin de mettre un terme à ces agissements et de faire la clarté sur les modi operandi de la Sûreté de l'État, il est proposé d'instituer une commission d'enquête.

Anke VAN DERMEERSCH.
Yves BUYSSE.
Filip DEWINTER.
Bart LAEREMANS.

PROPOSITION


Article 1er

Il est institué une commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner les cas dans lesquels le service de la Sûreté de l'État surveille les faits et gestes de partis démocratiques et de leurs parlementaires élus.

La commission doit notamment examiner:

1º quels partis et quels responsables politiques sont ou ont été surveillés ou suivis par le service de la Sûreté de l'État;

2º si la ministre de la Justice ou, le cas échéant, le gouvernement dans son ensemble était au courant de ces pratiques avant qu'elles soient mises au jour;

3º qui a donné l'ordre de surveiller ou de suivre les partis ou les responsables politiques concernés;

4º quelles informations ont été précisément récoltées, ce qu'il advient de ces informations et qui y a accès;

5º quels modi operandi sont mis en œuvre par le service de la Sûreté de l'État dans le but de récolter ces informations relatives aux partis et aux responsables politiques concernés;

6º si le service de la Sûreté de l'État respecte les directives existantes, lesquelles prescrivent notamment que le ministre de la Justice doit être informé lorsque des parlementaires font l'objet d'une enquête, et qui est responsable, le cas échéant, du non-respect de ces directives.

Art. 2

La commission doit également formuler des recommandations concernant le maintien éventuel, le rôle et les interventions d'un service de Sûreté de l'État à l'avenir.

Art. 3

La commission se compose de neuf membres que le Sénat désigne en son sein, conformément à la règle de la représentation proportionnelle des groupes politiques.

Art. 4

La commission d'enquête parlementaire peut, dans les limites budgétaires fixées par le Bureau du Sénat, prendre toutes les mesures utiles afin de mener ses travaux avec la rigueur voulue.

À cet effet, elle peut faire appel à des experts, le cas échéant dans le cadre d'un contrat de travail ou d'entreprise. La durée de ces contrats ne peut excéder celle des travaux de la commission d'enquête.

Art. 5

La commission dispose, pour le surplus, de tous les pouvoirs, droits et obligations conférés aux commissions d'enquête parlementaires par la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires en vertu de l'article 56 de la Constitution.

Art. 6

La commission d'enquête parlementaire fera rapport au Sénat dans les trois mois de son installation.

21 février 2013.

Anke VAN DERMEERSCH.
Yves BUYSSE.
Filip DEWINTER.
Bart LAEREMANS.