5-94

5-94

Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 7 MARS 2013 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Fabienne Winckel à la ministre de l'Emploi sur «les systèmes de surveillance, de contrôle et d'investigation sur les lieux de travail et tout particulièrement le whistleblowing» (no 5-879)

Mme Fabienne Winckel (PS). - Madame la ministre, les dirigeants d'entreprises décident de plus en plus fréquemment de mettre en place des systèmes de surveillance et de contrôle sur les lieux de travail.

À la suite des scandales financiers qui ont ébranlé les États-Unis au début des années 2000, de nouvelles dispositions légales américaines imposent aux sociétés cotées en bourse une procédure d'alerte interne qui permet aux travailleurs de dénoncer de manière confidentielle et anonyme les irrégularités en matière comptable et d'audit dont ils auraient connaissance.

Ces nouvelles dispositions seraient susceptibles de s'appliquer également aux sociétés européennes cotées aux États-Unis ainsi qu'aux filiales européennes de sociétés américaines.

Les systèmes de surveillance doivent cependant respecter la directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a été transposée dans notre législation.

En Europe, la mise en place de ces nouvelles procédures d'alerte professionnelle, appelées « whistleblowing », pose toutefois des problèmes de compatibilité avec les règles fondamentales de protection de la vie privée. La Commission de la protection de la vie privée a d'ailleurs émis une recommandation rappelant les principes fondamentaux à respecter.

Madame la ministre, une évaluation de l'application de ces systèmes de surveillance, de contrôle et d'investigation sur les lieux de travail a-t-elle été réalisée afin de déterminer si la loi relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel est un garde-fou suffisant pour éviter les dérives ?

Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi. - Il faut veiller au respect du droit à la vie privée du travailleur dans le cadre de la relation de travail.

Je suis favorable à une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle, et non au renoncement de la première au profit de la seconde.

Au cours des quinze dernières années, trois conventions collectives de travail ont été conclues au sein du Conseil national du travail.

La CCT no 68, tout d'abord, est relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l'égard de la surveillance par caméras sur le lieu de travail.

La CCT no 81, ensuite, concerne la protection de la vie privée des travailleurs à l'égard du contrôle des données de communication électroniques en réseau.

La CCT no 89, enfin, porte sur la prévention des vols et les contrôles de sortie des travailleurs quittant l'entreprise ou le lieu de travail.

Le « whistleblowing » est une pratique visant à éviter des fraudes ou irrégularités en matière comptable et financière. Certes, elle ne fait actuellement pas l'objet d'un encadrement spécifique. Cependant, l'introduction d'un tel système d'alerte ne peut donner lieu à des pratiques qui iraient à l'encontre des principes prévus par les trois CCT précitées.

Il ressort de la jurisprudence que les éventuelles constatations obtenues par un système de contrôle ne respectant pas la loi du 8 décembre 1992 peuvent être considérées comme non valides à l'égard du travailleur concerné.

De plus, afin de s'assurer que tout système de contrôle utilisant les données personnelles respecte bien le cadre légal, il doit, avant son installation, être déclaré à la Commission de la protection de la vie privée. Une couche de contrôle supplémentaire est donc ainsi posée.

Le respect des règles prévues par les trois CCT et par la loi du 8 décembre 1992 est assuré par les inspecteurs du Contrôle des lois sociales du SPF Emploi, d'initiative ou sur la base d'une plainte. Le non-respect de ces règles est passible de sanctions pénales.

(M. Willy Demeyer, vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Mme Fabienne Winckel (PS). - Il me semble, madame la ministre, que l'organisation d'une rencontre avec les partenaires sociaux serait tout indiquée, afin de clarifier le rôle de chaque acteur et de préciser quelles sont les conventions applicables et dans quel cadre.

La mise en place de ce système d'alerte interne est susceptible de conduire à des dérives. Il est donc important de vérifier que les garde-fous sont suffisants.