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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 21 FÉVRIER 2013 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Fabienne Winckel à la ministre de la Justice sur «les pratiques illicites de recouvrement à l'amiable des huissiers de justice» (no 5-853)

Mme Fabienne Winckel (PS). - À la suite d'une étude, le Centre d'appui Médiation de dettes aurait constaté que de nombreux courriers d'huissiers ne seraient pas conformes aux obligations légales d'informations, seraient menaçants ou libellés de manière telle à induire le consommateur en erreur. Ces procédés employés par certains huissiers viseraient alors à mettre à la charge des débiteurs des frais et des pénalités contraires à l'esprit même des dispositions légales en matière de recouvrement de dettes à l'amiable. Cette pratique est, en effet, formellement interdite par la loi sur le recouvrement à l'amiable de 2002, modifiée en vue de renforcer davantage la protection des consommateurs par la loi de relance économique du 27 mars 2009.

Selon le Centre d'appui Médiation de dettes, certains huissiers violeraient systématiquement la loi sur le recouvrement de dettes à l'amiable et s'enrichiraient sur le dos des consommateurs.

Afin de contourner les dispositions légales qui entourent le recouvrement à l'amiable, de nombreux créanciers auraient donc introduit des clauses pénales dans leurs contrats imputant les frais de recouvrement de créance au débiteur de facto redevable de tous les frais liés à l'intervention d'un huissier.

Sur le terrain, cela implique pour un débiteur de devoir passer par la justice pour obtenir gain de cause et faire valoir ses droits lorsqu'il est confronté à des clauses abusives, voire nulles.

Madame la ministre, à l'heure où de plus en plus de personnes connaissent des difficultés financières, des dispositions sont-elles envisagées pour enrayer et sanctionner ces pratiques qui ne font qu'enfoncer davantage dans la pauvreté des consommateurs déjà fragilisés ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - J'ai pris connaissance du rapport intitulé « Les dérives de la loi du 20 décembre 2002 sur le recouvrement amiable de dettes des consommateurs : le recouvrement par les huissiers de justice ».

La Chambre nationale des huissiers de justice, avec laquelle j'ai pris contact à ce propos, souligne que la grande majorité des huissiers remplit correctement sa mission. Les abus ne constituent qu'une minorité et ne sont en aucune façon tolérés.

Quand des abus sont constatés, la Chambre nationale des huissiers de justice agit systématiquement. Elle examine l'affaire et, au besoin, la transmet au parquet en demandant l'ouverture d'une enquête.

Lors de son congrès national annuel qui s'est tenu au mois d'octobre 2012, la Chambre nationale des huissiers de justice a pris l'initiative d'organiser un colloque ayant pour thème le recouvrement à l'amiable des dettes. Il a été explicitement rappelé aux membres quel était le cadre légal à la suite de l'important arrêt rendu par le Conseil de la concurrence. Ils ont été mis en garde contre les abus qui étaient signalés aux services de la Chambre nationale des huissiers de justice.

Par ailleurs, le dossier du recouvrement à l'amiable des dettes des consommateurs est aussi évoqué au sein du Vlaams Centrum Schuldenlast.

En conclusion, mes services mettent actuellement la dernière main à une nouvelle réglementation disciplinaire pour les huissiers de justice élargissant l'arsenal actuel des mesures et ne conférant plus le pouvoir de juger en matière disciplinaire aux seuls membres de la profession.

En ce qui concerne la suggestion d'instaurer un plafond pour le montant de l'indemnisation en cas de défaut de paiement par les consommateurs, je vous renvoie au ministre de l'Économie, des Consommateurs et de la Mer du Nord.

Mme Fabienne Winckel (PS). - Madame la présidente, je remercie Mme la ministre pour sa réponse. Il me semble que l'introduction d'une clause pénale imputant les frais de recouvrement de créances aux débiteurs est tout à fait contraire à l'esprit des dispositions légales de base. Je le déplore vivement car cela aggrave la situation des personnes en proie à des difficultés financières. Il s'agit en quelque sorte d'un cercle vicieux. Cette dérive mérite réflexion car il faudrait en limiter la portée. Je reviendrai donc sur le sujet en proposant de modifier la loi.