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Mme Christine Defraigne (MR). - Le Centre Tadam est, comme vous le savez, ouvert depuis deux ans à Liège. Il délivre à des toxicomanes de l'héroïne de manière contrôlée. Nous avons reçu la confirmation que ce projet serait suspendu dès cette semaine. Tout le personnel soignant serait d'ailleurs déjà « démobilisé ». Les traitements auraient cessé le 8 janvier.
Une évaluation de cette expérience pilote est normalement prévue pour juillet 2013. Ne fallait-il pas attendre cette évaluation avant de suspendre le projet ? Si cette évaluation est positive, ce que nous espérons tous, il faudra de toute évidence, si l'on doit poursuivre l'expérience ultérieurement et dès lors que le centre aura fermé ses portes, réengager le personnel, repartir à zéro le cas échéant, ce qui engendrera des coûts supplémentaires.
En effet, le budget nécessaire pour financer ce projet est bon an mal an de un million d'euros pour le personnel et le fonctionnement du centre. Si on divise cette somme par le nombre de personnes prises en charge, cela nous amène tout de même à quelque 25 000 euros par toxicomane. Ce n'est pas rien, j'en conviens. Ces personnes ont cependant vu s'améliorer leur situation médicale et psychologique. Mais la question est de savoir si l'on peut poursuivre cette expérience et si c'est tenable d'un point de vue budgétaire. Je rappelle que cette expérience nécessite une validation par le pouvoir fédéral puisque la loi interdit toujours la consommation et la détention de stupéfiants. Le pouvoir fédéral serait-il en principe disposé à renouveler l'expérience ? Et ensuite, seriez-vous, madame la ministre, prête à soutenir cette expérience sous une forme plus pérenne si le centre rouvrait ?
D'autre part, il y a à Liège un projet communal d'ouverture de salles de consommation, ce qui est encore différent. Le gouvernement serait-il disposé à soutenir ce projet et à intervenir dans son financement parallèlement, en marge ou complémentairement à une nouvelle initiative Tadam ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - En votre présence, madame la sénatrice et celle du sénateur Demeyer, bourgmestre de Liège, je rappelle que la mise en place d'un traitement assisté par diacétylmorphine pour les personnes dépendantes de l'héroïne est un projet qui a été véritablement porté par toutes les forces démocratiques à Liège. Dès le départ, je l'ai également soutenu pour des raisons sociales, de santé publique et de prévention de l'insécurité. Ce ne fut pas simple, le projet a longuement et intensément été discuté avec la société civile. Le Conseil des ministres de l'époque lui a imposé des conditions strictes : l'expérience est une expérience pilote d'une durée de deux ans qui devra à son terme être évaluée. Ces conditions ont été acceptées par tous.
La Ville de Liège a dès lors été chargée de l'ouverture du centre de délivrance de diacétylmorphine et l'évaluation de l'ensemble du projet a été confiée à l'Université de Liège.
Le traitement a donc commencé le 17 janvier 2011. Conformément à la décision du gouvernement prise en 2007, il devrait cesser le 17 janvier prochain.
Septante-quatre patients ont été inclus dans l'étude et chaque patient qui a reçu de la diacétylmorphine a été pris en charge pour une durée de douze mois.
À l'heure actuelle, tous les patients sont sortis de l'étude, le dernier hier, mais ils restent suivis par l'équipe médico-psycho-sociale Tadam et reçoivent, à nouveau, un traitement à la méthadone dans les centres de référence avec lesquels Tadam a conclu un partenariat et d'où provenaient ces patients. Ils ne sont donc pas, contrairement à ce que j'ai pu entendre ou lire, láchés dans la nature.
Le volet « Évaluation et suivi scientifique » doit se terminer à la mi-juillet 2013 ; une phase de six mois de finalisation est en effet nécessaire après la sortie du dernier patient pour analyser et évaluer au mieux tous les résultats et pour rédiger le rapport final de cette étude. Je dois donc maintenant attendre que l'Université réalise cette évaluation avant de me prononcer, avec mes collègues, sur une pérennisation.
Vous avez raison : la situation est un peu ubuesque. Soit l'évaluation est négative, et on en tire les conclusions ; soit elle est positive, et l'équipe actuellement en fonction sera dispersée et une expérience utile risque malheureusement d'être perdue. J'en suis consciente mais suis enfermée dans l'accord de 2007, et nous savons que les sommes en cause ne sont pas négligeables. Cependant, si les autorités locales ou provinciales faisaient des propositions - pour tout ou partie de l'équipe - afin de ne pas perdre l'expertise acquise, je pourrais participer à cet effort.
Votre question relative aux salles de consommation relève de la compétence, d'une part, de ma collègue de la Justice Annemie Turtelboom en ce qui concerne une éventuelle autorisation, et d'autre part, des entités fédérées quant à une possible mise en place, car il s'agit d'une politique de réduction des risques en milieu ambulatoire, qui ne dépend pas directement de l'échelon fédéral.
Mme Christine Defraigne (MR). - Vous convenez, madame la ministre, que la situation est quelque peu ubuesque voire kafkaïenne.
Vous vous retranchez derrière une intervention des pouvoirs locaux ou, le cas échéant, du pouvoir provincial ; encore faut-il qu'ils disposent d'un budget.
Sur le fond, mon interrogation demeure : la majorité actuelle est-elle disposée à pérenniser la décision de 2007 ?
Pour le second volet de ma question, on voit la difficulté de faire cheminer le dossier entre le département de la Justice et les entités fédérées. La question du budget subsiste.