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8 JANVIER 2013
I. INTRODUCTION
La commission a examiné la proposition de résolution qui fait l'objet du présent rapport au cours de ses réunions du 11 décembre 2012 et du 8 janvier 2013.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME VANESSA MATZ ET DE M. BERT ANCIAUX, AUTEURS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Mme Matz signale qu'il est hautement symbolique que cette proposition de résolution soit à l'ordre du jour de la commission, le 11 décembre, au lendemain de la journée internationale des droits de l'homme. On peut être interpellé par des cas nombreux qui surgissent et resurgissent à l'heure actuelle en ce qui concerne la peine de mort. L'Inde a mis fin à son moratoire qui était en vigueur depuis 2004. Le Pakistan et l'Afghanistan continuent à procéder à des exécutions. D'autres pays comme le Sri Lanka et le Bangladesh seraient aussi prêts à remettre en vigueur la peine capitale. Le Hamas a exécuté plusieurs personnes à Gaza. Aux États-Unis, la peine de mort reste toujours applicable.
L'Accord de gouvernement du 1er décembre 2011 (p. 166) et la note de politique générale Affaires étrangères, Commerce extérieur et Affaires européennes du 21 décembre 2011(doc. Chambre, nº 53 1964/10, p. 9) prévoient que: « Une attention toute particulière sera portée à la liberté d'expression, la question de genre, la justice sociale et climatique et la lutte contre la peine de mort. » Le gouvernement veut se montrer donc audacieux sur cette problématique. Ces problèmes s'aggravent au niveau international et il faut donc sensibiliser le gouvernement à ce propos.
M. Anciaux renvoie à la définition qu'établit Amnesty International de la peine de mort, qui est qualifiée de peine la plus cruelle, la plus inhumaine et la plus dégradante qui soit. Heureusement, la Belgique ne pratique plus la peine de mort depuis une cinquantaine d'années. Elle a été abolie conformément à la loi du 10 juillet 1996 portant abolition de la peine de mort et modifiant les peines criminelles. De nombreux pays partenaires de la Belgique dans le cadre de la coopération au développement ne sont cependant même pas disposés à réduire l'exécution de la peine de mort. La Chine applique encore régulièrement la peine de mort, et les États-Unis jouissent eux aussi d'une mauvaise réputation à ce sujet. L'intervenant espère dès lors que M. Barack Obama, le président des États-Unis, qui va entamer son second mandat en janvier 2013, s'opposera au lobby qui considère encore la peine de mort comme une absolue nécessité. La Belgique et l'Union européenne doivent continuer à prendre les mesures qui s'imposent pour inscrire la problématique à l'ordre du jour européen et international.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
M. Miller signale que la peine de mort est une constante des différents régimes politiques. Dans le passé judéo-chrétien de l'Europe, la mise à mort d'une personne qui aurait commis un délit punissable par la peine de mort n'a jamais été considérée comme étant en contradiction avec les fondements même de cette civilisation, notamment avec les Dix Commandements. Tous les États chrétiens ont pratiqué la peine de mort malgré le sixième commandement qui prévoit: « Tu ne tueras point. »
L'abolition de la peine de mort marque une rupture, unique au monde, avec l'ancienne société judéo-chrétienne. Elle revêt un caractère essentiel pour notre système démocratique. La proposition de résolution porte donc sur un thème d'une importance exceptionnelle pour notre société. Il représente un acquis démocratique inscrit dans notre Constitution et basé sur la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Il faut que les dispositions de cette proposition de résolution portent sur un maximum de pays, dont les États-Unis, étant donné que la peine de mort va à l'encontre des valeurs humaines européennes.
M. Torfs signale qu'on peut lire dans les développements de la proposition de résolution qu' « à eux seuls, cinq pays concentrent la grande majorité des exécutions capitales: la Chine, l'Iran, l'Irak, l'Arabie saoudite et les États-Unis » (doc. Sénat, nº 5-456/1, p. 2). Dans le deuxième point du dispositif de la proposition de résolution, il est également demandé au gouvernement de « mener des démarches spécifiques à l'égard des pays qui pratiquent le plus la peine de mort » (doc. Sénat, nº 5-456/1, p. 5). Cependant, notre gouvernement fait souvent prévaloir les intérêts commerciaux et le profit contre les principes éthiques, tels que formulés dans des résolutions.
M. De Bruyn attire l'attention sur l'approche différente et plus réaliste d'Amnesty International au sujet de l'abolition de la peine de mort dans le monde entier. On peut déjà s'estimer satisfait si un pays tel que la Chine met à disposition des chiffres vérifiables et corrects en matière de condamnations à mort. Pour d'autres pays, l'objectif est d'obtenir un moratoire et, dans les pays où la peine de mort n'est plus exécutée, on insiste pour qu'elle soit abolie. Amnesty International adapte donc sa démarche en fonction de l'évolution d'un pays donné.
Le représentant du ministre des Affaires étrangères confirme que la lutte contre la peine de mort constitue une priorité du gouvernement dans le cadre du respect des droits de l'homme. Notre pays est un acteur actif sur la scène internationale, sur le plan tant bilatéral que multilatéral, en ce qui concerne la lutte contre la peine de mort. Au niveau de l'Union européenne, la Belgique fait partie d'un groupe des amis du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui vise l'abolition de la peine de mort. Cela engendre une série de démarches au niveau multilatéral et les efforts conjugués de la communauté internationale ont incité de plus en plus de pays à ne plus appliquer la peine de mort ou à introduire un moratoire. D'après les dernières données, il y a cent cinquante États sur les cent nonante-trois États membres des Nations unies qui ont aboli la peine de mort ou qui ont introduit un moratoire. Différentes résolutions soutenant les efforts internationaux à cet égard ont été adoptées au sein de la Troisième Commission de l'Assemblée générale.
De plus, des démarches efficaces ont été effectuées auprès des pays qui appliquent toujours la peine de mort pour respecter des standards minimum internationaux. On demande à ces pays d'appliquer la peine de mort pour un nombre de crimes de plus en plus limité. Cette donnée n'est pas suffisamment reflétée dans la proposition de résolution.
Le Yémen ne figure pas sur la liste des pays mentionnés qui concentrent la grande majorité des exécutions capitales. Dans des pays comme le Vietnam et la Chine des progrès ont été engrangés récemment et le nombre de cas où la peine de mort s'applique a été réduit.
L'orateur se réfère au point 4 du dispositif qui recommande au gouvernement « de prendre les initiatives appropriées au sein du Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour accélérer l'abolition universelle de la peine de mort, y compris par la création d'un groupe de travail permanent à cet effet ». Or, pour l'instant, la question de l'abolition de la peine de mort fait partie du mandat du Rapporteur spécial pour les Exécutions. La création d'un groupe de travail ad hoc risque d'être contreproductive dans le cadre de la campagne pour abolir la peine de mort.
IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS
A. Considérants
Point C
M. Vanlouwe dépose l'amendement nº 7 qui vise à remplacer au point C des considérants les mots « la présence de la Belgique au » par les mots « la participation active de la Belgique aux travaux du ».
M. Vanlouwe explique qu'il s'agit ici d'une correction technique, conformément à l'amendement nº 5 au point 4 du dispositif. En effet, la Belgique n'est plus membre du Conseil des droits de l'homme.
L'amendement nº 7 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
Point K (nouveau)
Mme Arena dépose l'amendement nº 1 qui tend à ajouter aux considérants, un nouveau point K, rédigé comme suit: « K. saluant l'adoption par la troisième Commission de l'Assemblée générale des Nations unies du projet de résolution « Moratoire sur l'application de la peine de mort ». »
MM. Vanlouwe et De Groote déposent l'amendement nº 2 qui tend à ajouter aux considérants un nouveau point K rédigé comme suit: « K. renvoyant au projet de résolution, adopté, le 19 novembre 2012, par cent dix pays au sein de la troisième commission de l'Assemblée générale des Nations uniesvisant à appeller les États membres pratiquant des exécutions capitales à instituer un moratoire sur celles-ci ».
M. Vanlouwe explique qu'il s'agit d'une actualisation liée à des négociations au niveau des Nations unies pour un moratoire mondial. Cet amendement est plus spécifique que l'amendement nº 1 de Mme Arena car il mentionne le nombre de pays qui ont pris part au vote, ainsi que la date du vote.
M. Anciaux suppose que ces cent dix pays ont pour objectif de faire en sorte que la peine de mort ne soit plus exécutée. Le moratoire n'est, selon l'intervenant, pas le bon terme car il équivaut à un gel de la situation actuelle. Il s'agit en fait d'une étape intermédiaire.
Selon M.Torfs, le terme moratoire signifie dans ce cas que la peine de mort n'est plus appliquée, sans être effectivement abolie, ce qui a longtemps été le cas dans notre pays.
M. Vanlouwe comprend cette position mais considère qu'il est important que cette référence au projet de résolution des Nations unies soit reprise dans la proposition de résolution.
Le représentant du ministre des Affaires étrangères précise que dans l'intervalle, le projet de résolution précité a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 décembre 2012.
L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents. Ayant la même portée que l'amendement nº 2, l'amendement nº 1 est retiré par l'auteur.
B. Dispositif
Point 2
M. Vastersavendts et consorts déposent l'amendement nº 4, qui vise à supprimer au point 2 du dispositif les mots « le plus » entre les mots « qui pratiquent » et les mots « la peine de mort, ».
M. Vasteravendts souligne que chaque vie humaine a une grande valeur. Le point 2 n'évoque que les pays qui appliquent le plus la peine de mort. Non seulement ce critère est particulièrement vague (que signifie « le plus » ?), mais surtout chaque peine de mort exécutée est une mort de trop. L'intervenant pense que c'est également l'avis des auteurs et qu'il est donc indiqué de supprimer les mots « le plus ».
M. Anciaux soutient l'amendement nº 4, car il ne peut être question d'une indignation sélective quand une peine de mort est prononcée.
L'amendement nº 4 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
Point 4
M. Vastersavendts et consorts déposent l'amendement nº 5, qui vise à remplacer le point 4 du dispositif comme suit: « de prendre les initiatives appropriées au sein des Nations unies pour accélérer l'abolition universelle de la peine de mort; ».
M. Vastersavendts explique que certains points de la proposition de résolution sont dépassés. La Belgique, qui ne fait pas partie du Conseil des droits de l'homme, ne peut donc pas accéder à la demande formulée au point 4 qui est basé sur les considérants C et D. La Belgique peut tout au plus aborder cette question aux Nations unies, mais pas dans le cadre du Conseil des droits de l'homme. La Belgique ne peut donc pas demander elle-même à ce conseil de créer un groupe de travail relatif à la peine de mort.
L'amendement nº 5 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
Point 6
MM. Vanlouwe et De Groote déposent l'amendement nº 3 qui vise à compléter le point 6 du dispositif comme suit: « Quant aux pays partenaires qui, après une concertation diplomatique, continuent à exécuter des prisonniers, il convient de diminuer progressivement l'aide bilatérale qui leur est accordée. »
M. Vanlouwe explique qu'il est bon de plaider contre la peine de mort auprès de nos pays partenaires. Cependant, si ces derniers persistent à procéder à des exécutions, le gouvernement doit aussi oser prendre la décision de réduire l'aide directe.
M. De Decker se rallie à la philosophie de cet amendement. Il fait observer que de nombreux pays partenaires de la coopération au développement belge appliquent encore la peine de mort, dont la Palestine.
Le représentant du ministre des Affaires étrangères signale que les relations entre la Belgique et les pays partenaires de la coopération au développement sont régies par des clauses afférentes au respect des droits de l'homme.
M. De Decker confirme qu'il existe un cadre juridique à cet effet. Il dépose en conséquence l'amendement nº 6 qui tend à compléter le point 6 proposé du dispositif par les mots « conformément à la loi relative à la coopération internationale belge ».
L'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents. L'amendement nº 3 ainsi sous-amendé par l'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
V. VOTE
La proposition de résolution amendée est adoptée à l'unanimité des 11 membres présents.
Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.
Les rapporteurs, | Le président, |
Marie ARENA. Piet DE BRUYN. | Karl VANLOUWE. |
Texte adopté par la commission (voir le doc. Sénat, nº 5-456/4 — 2012/2013).