5-1754/2

5-1754/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

5 DÉCEMBRE 2012


Proposition de loi spéciale modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en exécution des article 118 et 123 de la Constitution


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT Nº 52.273/AG du 20 NOVEMBRE 2012


Le 19 octobre 2012, le Conseil d'État, section de législation, a été invité par la Présidente du Sénat à communiquer un avis, dans un délai de trente jours, prorogé à quarante cinq jours (*) sur un projet de loi spéciale « modifiant la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, en exécution des articles 118 et 123 de la Constitution » (déposée par Mmes Christine Defraigne, Freya Piryns, MM. Philippe Moureaux, Bert Anciaux, Bart Tommelein, Dirk Claes, Marcel Cheron et Francis Delpérée).

Le projet a été examiné par l'assemblée générale le 20 novembre 2012. L'assemblée générale était composée de Robert Andersen, premier président, Marnix Van Damme, Yves Kreins et Pierre Liénardy, présidents de chambre, Jo Baert, Jan Smets, Jacques Jaumotte, Martine Baguet, Bruno Seutin, Wilfried Van Vaerenbergh, Jeroen Van Nieuwenhove et Bernard Blero, conseillers d'État, Jan Velaers, Michel TISON, Yves De CordT, Sébastien Van Drooghenbroeck, Christian Behrendt, Jacques Englebert et Johan Put, assesseurs, Danièle Langbeen, greffier en chef et Michel Fauconier, greffier assumée.

______________

  (*) Cette prorogation résulte de larticle 84, § 1er, alinéa 1er, 1º, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, qui dispose que le délai de trente jours est prorogé à quarante-cinq jours dans le cas où l'avis est donné par les chambres réunies en application de l'article 85bis.

Les rapports ont été présentés par Xavier Delgrange, premier auditeur chef de section et Wouter Pas, premier auditeur.

La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de Pierre Liénardy, président de chambre et Wilfried Van Vaerenbergh, conseiller d'État.

L'avis, dont le texte suit, a été donné le 20 novembre 2012.

PORTÉE DE LA PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE

1. La proposition de loi spéciale donne exécution aux articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution, tels qu'ils seront modifiés par les propositions de révision de ces dispositions qui sont jointes à la demande d'avis (1) et, qui sont actuellement en discussion au Sénat En vertu de ces propositions, respectivement une loi spéciale et une loi ordinaire pourront également attribuer au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et au Parlement de la Communauté germanophone des compétences dans les matières relatives à l'élection, à la composition et au fonctionnement du Parlement, ainsi que dans celles relatives à la composition et au fonctionnement de leur gouvernement.

Selon les développements respectifs des propositions de révision de la Constitution précitées, le Parlement de la Communauté germanophone et le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale disposeront en principe de l'autonomie constitutive dans les mêmes matières — désignées dans la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles — que les Parlements des autres entités fédérées d'ores et déjà investis de l'autonomie constitutive. S'agissant du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, les développements susvisés émettent cependant une réserve au principe d'assimilation ainsi posé, réserve formulée dans les termes suivants:

« En ce qui concerne le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, la présente proposition de révision de la Constitution a pour objet d'habiliter le législateur spécial à désigner les matières relatives à l'élection, à la composition et au fonctionnement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale qui peuvent être réglées par ce Parlement.

En vue de mettre en œuvre la présente proposition de révision de la Constitution, la proposition de loi spéciale (doc. Sénat, nº 5-1754/1) soumise concomitamment au Parlement détermine les domaines sur lesquels porte l'autonomie constitutive du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Les garanties dont bénéficient les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise à Bruxelles en ce qui concerne le Parlement et le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (parité, représentation garantie, etc.) resteront du ressort du législateur fédéral spécial. Ces règles ne relèvent donc pas de l'autonomie constitutive que le législateur spécial attribue au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

La proposition de loi spéciale portant modification de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (doc. Sénat, nº 5-1754/1), introduite concomitamment à la présente proposition, indique à cette fin les règles sur lesquelles porte l'autonomie constitutive du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à l'exception des règles qui portent sur les garanties dont disposent les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise.

Les garanties dont disposent les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise à Bruxelles continueront donc de relever de la compétence du législateur spécial. Il s'agit du nombre de membres du Parlement, de la répartition des sièges entre les groupes linguistiques, du remplacement des parlementaires qui deviennent membre du gouvernement d'une entité fédérée par un parlementaire à part entière, de la composition paritaire du gouvernement et du rapport entre le nombre de Secrétaires d'État régionaux appartenant à l'un ou à l'autre groupe linguistique, de la procédure de sonnette d'alarme, des matières à propos desquelles les décisions sont (en principe) prises à la majorité des voix dans chaque groupe linguistique, du mode d'élection des ministres, de la collégialité et de la règle du consensus, de la répartition des compétences entre les membres du gouvernement par groupes de matières, de la motion de méfiance, de la question de confiance, etc. » (2) .

La proposition de loi à l'examen spécifie les matières qui relèvent de cette autonomie constitutive, en ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale. Selon les développements de cette proposition, la sélection des matières opérée s'inscrit dans le prolongement de la réserve formulée dans les développements, ci-avant cités, des propositions de révision des articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution:

« Les garanties dont bénéficient les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise à Bruxelles en ce qui concerne le Parlement et le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (parité, représentation garantie, etc.) resteront du ressort du législateur fédéral spécial. Ces règles ne relèvent donc pas de l'autonomie constitutive que le législateur spécial attribue au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

La présente proposition de loi spéciale indique à cette fin les règles sur lesquelles porte l'autonomie constitutive du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à l'exception des règles qui portent sur les garanties dont disposent les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise.

Les garanties dont disposent les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise à Bruxelles continueront donc de relever de la compétence du législateur spécial. Il s'agit du nombre de membres du Parlement, de la répartition des sièges entre les groupes linguistiques, du remplacement des parlementaires qui deviennent membre du gouvernement d'une entité fédérée par un parlementaire à part entière, de la composition paritaire du gouvernement et du rapport entre le nombre de Secrétaires d'État régionaux appartenant à l'un ou à l'autre groupe linguistique, de la procédure de sonnette d'alarme, des matières à propos desquelles les décisions sont (en principe) prises à la majorité des voix dans chaque groupe linguistique, du mode d'élection des ministres, de la collégialité et de la règle du consensus, de la répartition des compétences entre les membres du gouvernement par groupes de matières, de la motion de méfiance, de la question de confiance etc. ».

En vertu des articles 118, § 2, et 123, § 2, proposés, de la Constitution, les ordonnances ou décrets pris en exécution de cette nouvelle compétence ne peuvent être adoptés qu'à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du Parlement soit présente. En ce qui concerne le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, le Constituant charge le législateur spécial de prévoir « des conditions de majorité supplémentaires ». Les développements de la proposition de révision des articles 118 et 123 de la Constitution précisent en l'occurrence que « l'exercice de l'autonomie constitutive par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale se fera aux deux tiers et à la majorité au sein de chaque groupe linguistique ».

La proposition de loi spéciale à l'examen dispose donc que les ordonnances visées doivent être adoptées à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique.

Aux fins d'expliquer le régime particulier auquel obéit ainsi l'autonomie constitutive de la Région de Bruxelles-Capitale, tant du point de vue de son étendue ratione materiae plus limitée, que du point de vue des conditions plus exigeantes de sa mise en œuvre, les développements des propositions de révision des articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution énoncent encore ce qui suit:

« La présente proposition de révision de la Constitution s'inscrit — comme indiqué par la Cour Constitutionnelle — dans le système institutionnel général de l'État belge qui vise à réaliser un équilibre entre les différentes communautés et régions du Royaume. Au sein de ce système institutionnel général, la Région de Bruxelles-Capitale constitue la seule entité fédérée bilingue, ce qui justifie qu'elle soit dotée d'organes et de mécanismes institutionnels propres (...) » (3) .

Cette explication est répétée, en des termes identiques, dans les développements de la proposition de loi spéciale à l'examen.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES

1. Cadre normatif

2. En principe, le Conseil d'État examine une proposition de loi qui lui est soumise à la lumière notamment de la Constitution et des traités internationaux pertinents en la matière.

En ce qui concerne le cadre constitutionnel à prendre en considération, il y a lieu de tenir compte en l'occurrence de la manière dont la Présidente du Sénat formule sa demande d'avis. Elle demande au Conseil d'État

« te adviseren over de overeenstemming en de bestaanbaarheid van de voorgelegde wetsvoorstellen en voorstellen van bijzondere wet met de Grondwet zoals deze van kracht zal zijn wanneer de hiervoor vermelde voorstellen tot herziening door de grondwetgever zullen zijn aangenomen ».

Dans le passé, le Conseil d'État a déjà donné suite à des demandes visant à obtenir un avis sur un projet ou une proposition de loi à la lumière d'une révision de la Constitution encore inachevée (4) . Le Conseil d'État examinera également les propositions qui lui sont soumises à la lumière des articles 118, § 2, et 123, § 2, proposés, de la Constitution, tels qu'ils seront rédigés après l'approbation des propositions de révision de la Constitution.

Le présent avis est évidemment donné sous la réserve expresse que les textes des nouveaux articles de la Constitution, tels qu'ils seront finalement, par hypothèse, adoptés, seront conformes aux propositions de révision de la Constitution actuellement à l'examen, ou qu'en tout cas, si les textes proposés devaient encore faire l'objet de modifications, les textes finaux auront, à l'égard des propositions à l'examen, les mêmes effets juridiques que la révision de la Constitution actuellement proposée (5) .

2. La proposition à l'examen au regard des propositions de révision de la Constitution

3. Lors de l'examen de la proposition de loi spéciale soumise pour avis, et singulièrement, du régime spécifique, ci-avant décrit, qu'elle met en place à propos de l'autonomie constitutive de la Région de Bruxelles-capitale, le Conseil d'État doit tenir compte du lien particulier qui existe entre cette proposition et les propositions de révision des articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution.

Il ressort en effet des développements des propositions de révision constitutionnelle précitées (supra, nº 1) que, en tant qu'elle n'inclut pas dans l'autonomie constitutive de la Région de Bruxelles-Capitale une série de prérogatives et pouvoirs qui ressortissent par contre des autonomies constitutives respectives de la Communauté flamande, de la Région wallonne, de la Communauté germanophone et de la Communauté française, la proposition de loi spéciale à l'examen traduit la volonté du Constituant lui-même. Il en va de même s'agissant de l'exigence selon laquelle les ordonnances mettant en œuvre cette autonomie constitutive devront être adoptées à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité absolue des suffrages dans chaque groupe linguistique. En d'autres termes, la proposition de loi spéciale à l'examen témoigne d'une unité d'intention certaine et incontestable entre elle-même et les propositions de révision des articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution actuellement en discussion au Sénat.

Comme l'assemblée générale du Conseil d'État, section de législation, l'a déjà confirmé auparavant à l'égard de propositions de loi très étroitement liées à des articles proposés de la Constitution (6) , ce lien étroit n'a pas pour effet de conférer un caractère constitutionnel à la loi spéciale proposée elle-même. En effet, le texte même des articles 118 et 123 de la Constitution, tel qu'il est proposé de le modifier, se borne à permettre l'attribution de l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale, sans procéder lui-même à un inventaire explicite des matières qui ne pourraient être incluses dans cette autonomie constitutive, et devraient en conséquence demeurer du ressort exclusif du législateur spécial. De même, le texte des articles 118 et 123 de la Constitution proposés se borne à préciser que les ordonnances de la Région de Bruxelles-Capitale qui mettront en œuvre l'autonomie constitutive qui lui est reconnue, devront obéir à des « conditions de majorité supplémentaires »; ce texte ne prévoit par contre pas explicitement que ces « conditions de majorité supplémentaires » doivent consister en une exigence de majorité des suffrages exprimés au sein de chacun des deux groupes linguistiques du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

La circonstance que le texte proposé a force de loi implique que le Conseil d'État est compétent pour apprécier si la proposition de loi spéciale est compatible avec la Constitution et les traités internationaux pertinents en la matière. Il va sans dire que, pour cette appréciation, le Conseil d'État doit tenir compte des développements relatifs aux propositions de révision d'articles de la Constitution. Ces développements indiquent en effet que le Constituant est lui-même d'avis que les dispositions proposées dans la proposition de loi spéciale sont conformes à la Constitution et que, notamment, en raison du statut spécifique de la Région de Bruxelles-Capitale comme seule entité fédérée bilingue parmi celles qui composent le Royaume, aucun problème ne se pose en ce qui concerne la compatibilité de ces dispositions avec les principes d'égalité et de non-discrimination, garantis entre autres par les articles 10 et 11 de la Constitution.

Il faut donc déduire des développements des propositions de révision des articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution que, sous réserve de ce qui sera dit ponctuellement ci-après au point 4, le Constituant lui-même a avalisé de manière certaine une liste (7) des matières relatives à l'élection, à la composition et au fonctionnement du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et relatives à la composition et au fonctionnement du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale qui ne pourraient être confiées, par la loi spéciale, à l'autonomie constitutive du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. De même a-t-il, toujours eu égard auxdits développements, avalisé l'exigence selon laquelle les ordonnances portant règlement de ces matières requerront, outre la majorité des deux tiers requises par les articles 118, § 2, alinéa 1er, et 123, § 2, alinéa 1er, de la Constitution, une majorité absolue des suffrages exprimés dans chacun des deux groupes linguistiques du Parlement susdit. Il n'appartient pas au Conseil d'État de remettre en cause cette appréciation du Constituant.

D'ailleurs, même si le Conseil d'État ne prenait en considération que le seul texte des articles 118, § 2, et 123, § 2, proposés, de la Constitution, il ne pourrait aboutir à une autre appréciation, eu égard à ce qui suit. Ainsi qu'il ressort notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme et de la Cour consitutionnelle, lors de l'appréciation de divers volets d'une réforme de l'État, il est essentiel d'être attentif à la réforme dans sa totalité (8) . Lorsque l'État fédéral cherche à réaliser un équilibre au moyen d'un ensemble complexe de règles (9) , une limitation déterminée des droits fondamentaux ou une inégalité de traitement déterminée entre des catégories de personnes peut trouver sa justification dans le but poursuivi par la réforme dans son ensemble (10) — « la sauvegarde d'un intérêt public supérieur » (11) —, dans la mesure du moins où les mesures prises peuvent être raisonnablement considérées comme n'étant pas disproportionnées à l'objectif poursuivi par le législateur (12) . C'est d'autant le cas lorsque « l'équilibre [ainsi] créé repose sur un large consensus entre les communautés » (13) . C'est dans une pareille matière qu'il incombe précisément au législateur d'apprécier comment l'équilibre visé doit être réalisé (14) .

Compte tenu des propositions de révision de la Constitution, qui seront adoptées conjointement avec la proposition de loi spéciale — à la majorité constitutionnelle requise à cet effet —, du large pouvoir d'appréciation dont le législateur dispose dans la matière concernée et de l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi, à savoir la réalisation d'un équilibre entre les différentes communautés et régions du Royaume, le Conseil d'État est également d'avis que la proposition de loi à l'examen n'est pas contraire à la Constitution, et plus particulièrement qu'elle ne viole pas les principes d'égalité et de non-discrimination, garantis par les articles 10 et 11 de la Constitution. En outre, en ce qui concerne le contrôle des dispositions en question au regard du droit conventionnel international, le Conseil d'État n'aperçoit aucun motif d'aboutir à une autre conclusion.

3. L'association de sénateurs, sans voix délibérative, aux travaux du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale

4. Aucune des dispositions de la proposition de loi spéciale à l'examen n'a pour objet d'inclure, dans l'autonomie constitutive dont elle dote le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, une prérogative identique à celle dont disposent pour leur part le Parlement flamand, le Parlement wallon et le Parlement de la Communauté française en vertu de l'article 37bis de la loi spéciale du 8 août 1980. Les développements des propositions de révision des articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution n'offrent pas de mention explicite de cette non-inclusion et de son éventuelle justification, en sorte qu'elles ne peuvent être, de manière certaine, réputées correspondre à la volonté du Constituant.

Dans l'hypothèse où le dispositif de l'article 37bis précité viendrait à être adapté en écho aux observations formulées par l'assemblée générale de la section de législation au point 26 de son avis nº 52.268/AG-52.272/AG donné ce jour et où ce dispositif pareillement adapté présenterait quelque pertinence au regard de la situation particulière du Parlement de la Région de Bruxelles-capitale, il y aurait lieu d'envisager l'inclusion des prérogatives qu'il consacre dans l'autonomie constitutive reconnue à ce Parlement, sauf à fournir une justification admissible en sens contraire.

4. La technique légistique utilisée

5. Les articles 9 et 11 de la proposition de loi spéciale à l'examen habilitent le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale à modifier, compléter, remplacer ou abroger par ordonnance certaines dispositions de la loi spéciale du 8 août 1980.

Il s'agit des dispositions de la loi spéciale du 8 août 1980 que la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises a déjà déclarées applicables à la Région de Bruxelles-Capitale:

— l'article 20, § 3, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 rend notamment applicables par analogie les articles 29octies et 29nonies de la loi spéciale du 8 août 1980;

— l'article 27, alinéa 5, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 rend l'article 33, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 applicable par analogie;

— l'article 28, alinéa 1er, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 rend notamment applicables par analogie les articles 33, § 2, 34, alinéas 1er et 3, 37, 41, 46, alinéa 1er, et 48 de la loi spéciale du 8 août 1980;

— l'article 36, alinéa 1er, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 rend entre autres applicables par analogie les articles 68, alinéa 1er, 70 et 73 de la loi spéciale du 8 août 1980.

La question se pose de savoir si la méthode la plus appropriée sur le plan de la technique légistique consiste effectivement à permettre au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale de modifier des dispositions de la loi spéciale du 8 août 1980. De ce point de vue, il paraît plutôt indiqué d'habiliter le Parlement à apporter des modifications aux articles 20, § 3, 27, alinéa 5, 28, alinéa 1er, et 36, alinéa 1er, de la loi spéciale du 12 janvier 1989, en ce qui concerne les règles énoncées dans les articles précités de la loi spéciale du 8 août 1980.

OBSERVATIONS PARTICULIÈRES

Article 2

6. À l'alinéa 2, proposé, de l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, les mots « , et ce sans préjudice de l'application des articles 5bis et 5ter », sont inutiles. Il n'est en effet pas nécessaire de rappeler ces articles 5bis et 5ter à l'article 4 pour qu'ils s'appliquent d'office. Leur mention pourrait créer le doute quant à leur applicabilité à d'autres dispositions de la loi spéciale qui ne procèdent pas, pour leur part, à un tel rappel. L'incise sera donc omise.

Articles 5 et 11

7. En ce qui concerne la numérotation des articles 12/1 et 31/1 proposés de la loi spéciale du 12 janvier 1989, il est préférable d'utiliser respectivement 12ter et 31bis, et ce aux fins de maintenir la continuité des techniques légistiques jusqu'à présent observées dans le cadre des modifications dont la loi spéciale du 12 janvier 1989 a fait l'objet.

Article 6

8.1. Le nouvel alinéa 3 proposé de l'article 14 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 permet la création de différentes circonscriptions électorales au sein de la Région de Bruxelles-Capitale. Cela doit alors s'opérer conformément aux règles de l'article 26 de la loi spéciale du 8 août 1980. La proposition ajoute (alinéa 4 proposé de l'article 14) que dans ce cas également, une circonscription électorale peut (encore) être créée sur l'ensemble du territoire de la Région à partir de laquelle sont élus une partie des membres du Parlement. Pour l'application de ces règles, « la répartition entre les listes appartenant au groupe linguistique français et les listes appartenant au groupe linguistique néerlandais, telle qu'elle figure à l'article 20, § 2 » doit être respectée par circonscription (alinéa 5 proposé de l'article 14).

8.2. Dès lors que l'alinéa 3 proposé renvoie à l'article 26 de la loi spéciale du 8 août 1980, l'alinéa 4 proposé est, quant à lui, superflu. En effet, l'article 26 précité contient lui-même la possibilité de circonscriptions électorales, complétée par une circonscription électorale pour l'ensemble du territoire de la Région où sont élus une partie des membres du Parlement.

8.3. À propos de l'article 6 de la proposition, il convient d'observer que l'autonomie visant à permettre à la Région de Bruxelles-Capitale de créer plusieurs circonscriptions n'est pas conciliable avec le prescrit de l'article 20, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989. L'alinéa 1er de cette disposition impose qu'avant de procéder à la dévolution des sièges à conférer, les sièges soient répartis à concurrence de 72 sièges entre l'ensemble des groupements de listes de candidats du groupe linguistique français et de 17 sièges entre l'ensemble des groupements de listes de candidats du groupe linguistique néerlandais. L'alinéa 3 de la même disposition prévoit un système de dévolution des sièges par groupe linguistique. Ces dispositions supposent l'existence d'une seule circonscription électorale. Elles font obstacle à la mise en œuvre de l'autonomie que l'article 6 de la proposition à l'examen entend consacrer.

À supposer cet obstacle levé par le législateur spécial lui-même, le dernier alinéa que l'article 6 précité se propose d'ajouter dans l'article 14 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, soulève une difficulté d'application. En effet, en cas d'instauration par voie d'ordonnance spéciale d'une pluralité de circonscriptions (ceci dans le strict respect de la répartition 72/17 et du nombre de parlementaires régionaux fixé à 89), il sera impossible de respecter parfaitement, pour les différentes circonscriptions consacrées, le rapport 72/17, comme semble l'imposer l'alinéa précité. Le cas échéant, celui-ci devra être revu en conséquence.

En conclusion, l'article 6 proposé ne peut être adopté dans sa version actuelle.

Article 7

9. S'agissant de la mention du « président du tribunal de première instance » à l'article 16 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, demeurant inchangé sur ce point, il est renvoyé aux observations formulées par l'assemblée générale de la section de législation au point 9 de son avis nos 52.268/AG-52.272/AG, donné ce jour.

Le greffier en chef, Le premier président,
D. LANGBEEN. R. ANDERSEN.

(1) Doc. parl., Sénat, 2011-2012, n° 5-1752/1 et n° 5-1753/1.

(2) Développements de la proposition de revision de l'article 118, § 2, de la Constitution (doc. Sénat, 2011-2012, n° 5-1752/1, pp. 2-3).

(3) Développements de la proposition de revision de l'article 118, § 2, de la Constitution (Doc. parl. Sénat, 2011-2012, n° 5-1752/1, p. 3).

(4) Voir à cet égard l'avis no 51.214/AG donné le 2 mai 2012 sur une proposition devenue la loi du 19 juillet 2012 « portant diverses modifications du Code électoral, des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, de la loi du 3 juillet 1971 relative à la répartition des membres des Chambres législatives en groupes linguistiques et portant diverses dispositions relatives aux conseils culturels pour la communauté culturelle française et pour la communauté culturelle néerlandaise et de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen » (doc. Sénat, 2011-2012, n° 1560/2), l'avis no 51.215/AG donné le 2 mai 2012 sur une proposition devenue la loi du 19 juillet 2012 « modifiant les lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, en ce qui concerne l'examen des litiges par l'assemblée générale de la section du contentieux administratif, à la demande de personnes établies dans les communes périphériques », (doc. Sénat, 2011-2012, n° 1563/2) et l'avis no 51.216/AG donné le 2 mai 2012 sur une proposition devenue la loi spéciale du 19 juillet 2012 « portant modification de la loi du 9 août 1988 portant modification de la loi communale, de la loi électorale communale, de la loi organique des centres publics d'aide sociale, de la loi provinciale, du Code électoral, de la loi organique des élections provinciales et de la loi organisant l'élection simultanée pour les chambres législatives et les conseils provinciaux (dite « de pacification communautaire »;) et de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, concernant la nomination des bourgmestres des communes périphériques » (doc. Sénat, 2011-2012, n° 1565/2) qui font référence à l'avis no 13.334/1/2 donné les 31 mai et 6 juin 1979 sur un projet de « loi spéciale des régions et des communautés » (doc. Sénat, 1979, n° 261/1, annexe I, p. 4) à l'avis no 21.727/AG donné le 16 septembre 1992 sur une proposition de loi spéciale « sur les relations internationales des communautés et des régions » (doc. Sénat, 1991-1992, n° 457/2, p. 4), à l'avis no 21.990/VR donné le 18 décembre 1992 sur une proposition de loi spéciale « visant à achever la structure fédérale de l'État » (doc. Sénat, 1992-1993, n° 558/2, p. 2) et à l'avis no 27.145/4 donné le 1er décembre 1997 sur une proposition de loi devenue la loi du 25 juin 1998 « réglant la responsabilité pénale des ministres » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1274/6, p. 2).

(5) Voir en ce sens, notamment, l'avis 30.289/2/V donné le 2 août 2000 sur un projet devenu la loi du 18 juillet 2002 « assurant une présence égale des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections des Chambres législatives fédérales et du Conseil de la Communauté germanophone » (doc. Sénat, 2000-2001, n° 2-1023/1, p. 12), l'avis no 51.195/AG donné le 3 mai 2012 sur une proposition devenue la loi du 19 juillet 2012 « portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, n° 53-2140/2), les avis no 51.214/AG, 51.215/AG et 51.216/AG précités.

(6) Voir les avis nos 51.195/AG, 51.214/AG, 51.215/AG et 51.216/AG, précités.

(7) « Les garanties dont disposent les personnes d'appartenance linguistique française et néerlandaise à Bruxelles continueront donc de relever de la compétence du législateur spécial. Il s'agit du nombre de membres du Parlement, de la répartition des sièges entre les groupes linguistiques, du remplacement des parlementaires qui deviennent membre du gouvernement d'une entité fédérée par un parlementaire à part entière, de la composition paritaire du gouvernement et du rapport entre le nombre de Secrétaires d'État régionaux appartenant à l'un ou à l'autre groupe linguistique, de la procédure de sonnette d'alarme, des matières à propos desquelles les décisions sont (en principe) prises à la majorité des voix dans chaque groupe linguistique, du mode d'élection des ministres, de la collégialité et de la règle du consensus, de la répartition des compétences entre les membres du gouvernement par groupes de matières, de la motion de méfiance, de la question de confiance, etc. » (Développements de la proposition de revision de l'article 118, § 2, de la Constitution, Doc. parl., Sénat, 2011-2012, n° 5-1752/1, p. 3).

(8) Voir C.C., 25 mars 2003, n° 35/2003, B.16.6; C.C., 27 mars 2003, n° 36/2003, B.7; C.C., 26 mai 2004, n° 96/2004, B.12.3; C.C., 27 avril 2005, n° 78/2005, B.22.3.

(9) Voir CEDH, 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, Série A, vol. 113, § 57. La Cour fait état dans cet arrêt d'un « ensemble complexe de freins et de contrepoids ».

(10) Voir C.C., 23 mai 1990, n° 18/90, B.9.2; C.C., 25 mars 2003, n° 35/2003, B.13.3.

(11) Voir C.C., 23 mai 1990, n° 18/90, B.9.2; C.C., 25 mars 2003, n° 35/2003, B.13.3.

(12) Voir C.C., 23 mai 1990, n° 18/90, B.9.2.

(13) Voir C.C., 25 mars 2003, n° 35/2003, B.13.4.

(14) Voir C.C., 26 mai 2003, n° 73/2003, B.9.6.