5-1825/1 | 5-1825/1 |
25 OCTOBRE 2012
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 24 mai 2011 (doc. Chambre, nº 53-1499/1).
1. Cela fait longtemps déjà que le législateur a pris conscience de la problématique liée à la désignation d'experts en matière civile et pénale. Dans notre monde de plus en plus complexe, le nombre de spécialisations supplémentaires augmente, ce qui contraint le juge à faire appel à des experts judiciaires spécialisés. Nous en citons quelques-uns ci-après: experts en incendie, experts-comptables, psychiatres légistes, neurologues, ... En Belgique, 5 000 experts environ travaillent pour les autorités judiciaires. Les experts doivent réunir un certain nombre de caractéristiques: connaissance technique de la matière, connaissance de base de la procédure et des principes de l'expertise, disponibilité, expérience suffisante, volonté de contribuer à la résolution d'un conflit, ... Certaines de ces caractéristiques peuvent être évaluées sur la base de diplômes, d'autres moins.
Un expert judiciaire peut être défini comme une personne qualifiée en raison de ses connaissances qui, sans être son mandataire, est désignée par le juge pour lui donner en toute indépendance et impartialité un avis d'ordre technique en vue de l'exercice de la mission dont ce juge est saisi (1) .
Il n'existe pas à l'heure actuelle de critères légaux d'agrément des experts (2) . La plupart des magistrats des cours, parquets et tribunaux ont constitué eux-mêmes une liste officieuse d'experts dans laquelle ils peuvent choisir l'expert qui leur convient. La désignation des experts agissant pour les instances judiciaires a donc lieu suivant des critères qui varient parfois fortement selon la juridiction. Il n'existe pas davantage de directives concernant la suspension ou la radiation éventuelles des experts désignés qui n'effectuent pas convenablement la mission qui leur a été confiée.
Le recours à des listes officieuses non fondées sur les qualités ou les critères d'expertise peut donner lieu à des conclusions erronées ou parfois à des abus. De plus, des personnes n'ayant pas les capacités nécessaires risquent d'être inscrites sur la liste d'experts. En effet, le titre d'« expert judiciaire », qui ne bénéficie pourtant d'aucun agrément, est prisé par certains spécialistes, car il leur permet d'attirer davantage de clients dans leur cabinet privé ou de facturer les honoraires prévus pour les expertises privées. En effet, pour l'opinion publique, seuls les meilleurs spécialistes sont agréés en tant qu'« experts judiciaires » par les tribunaux.
Un aspect important est incontestablement celui de la sélection et du choix de l'expert. À l'heure actuelle, le juge peut désigner qui bon lui semble en qualité d'expert, et ce, quelles que soient la formation ou les qualités de l'intéressé. Le magistrat examinera par la suite, sur la base des résultats, si l'expert convient, et c'est sur cette base qu'il décidera de le désigner à nouveau. Cette méthode comporte toutefois des risques, étant donné qu'elle ne permet qu'une évaluation a posteriori. Ou, comme le fait observer la doctrine: « Il convient de se demander si une justice moderne peut se permettre de désigner des experts judiciaires de façon non structurée: qui nous dit qu'ils ont les capacités qu'ils revendiquent, qui nous dit qu'ils disposent de connaissances juridiques de base, qui nous dit qu'ils maîtrisent les règles de l'expertise, qui nous dit qu'ils ont la mentalité requise pour s'acquitter rapidement de leur mission ? (3) (traduction) ».
2. Lors de la rédaction du Code judiciaire, en 1967, l'article 991 a été rédigé comme suit:
« Art. 991. Les cours et tribunaux peuvent établir des listes d'experts selon les règles fixées par le Roi. »
Cet article du Code judiciaire n'a toutefois pas été exécuté. Un projet d'arrêté royal a certes été soumis au Conseil d'État, mais celui-ci a estimé que la mise en uvre de ce projet d'arrêté royal nécessitait une habilitation légale plus large. Selon le Conseil supérieur de la Justice aussi, il est préférable de régler par voie de loi les principales règles régissant la composition des listes d'experts (4) . En 2007, le législateur a manifesté l'intention d'établir des listes d'experts agréés afin de garantir la compétence des experts dans les affaires judiciaires. Aucun consensus politique n'a toutefois pu être dégagé sur le système proposé, si bien que le débat a été renvoyé à une législature suivante (5) . L'article précité a finalement été abrogé.
Lors des discussions de l'époque, le Conseil supérieur de la Justice s'était déjà prononcé en faveur de l'établissement de listes d'experts (6) . Le Conseil supérieur a déploré à l'époque l'absence de procédure d'agrément officielle d'experts, qui garantirait un standard de qualité en termes de qualification et de compétence et a fait valoir la nécessité de critères de qualité (formation, expérience, ...). Le Conseil supérieur a par ailleurs indiqué que les experts ont souvent des compétences techniques, mais manquent de formation ou de connaissances juridiques suffisantes. Dans de nombreux dossiers, la procédure n'est de ce fait pas respectée, sans compter que l'irrégularité n'apparaît le plus souvent qu'à l'issue de l'expertise, lors de l'examen au fond de l'affaire. Ce vice peut entacher l'ensemble de l'expertise, qui doit être recommencée, avec la conséquence que de nouveaux frais seront exposés et que de nouveaux retards s'ensuivront. Nous proposons dès lors d'imposer aux experts judiciaires d'avoir les connaissances juridiques nécessaires.
Nos universités, notamment celle de Gand (7) , organisent déjà des formations permettant d'acquérir les connaissances juridiques nécessaires. Des cours spéciaux sont également organisés par les organisations professionnelles et les connaissances juridiques sont parfois posées comme condition pour pouvoir s'affilier à une organisation professionnelle déterminée.
3. L'article 5, § 2, alinéa 2, de la loi relative à l'internement (loi du 21 avril 2007), qui n'est pas encore entrée en vigueur, prévoit que les expertises psychiatriques doivent être effectuées par des experts reconnus préalablement par le ministre de la Santé publique. Conformément à l'aliéna 3, les conditions et la procédure pour la délivrance de cette reconnaissance doivent être déterminées par arrêté royal dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur dudit article. L'arrêté royal doit déterminer les droits et obligations des experts reconnus, ainsi que les sanctions qui peuvent être appliquées en cas de non-respect des conditions de la reconnaissance.
Compte tenu de l'avis du Conseil d'État de l'époque, qui a estimé que la mise en uvre de ce projet d'arrêté royal nécessitait une habilitation légale plus large, nous tentons, par la présente proposition de loi, de donner exécution à l'actuel article 5 de la loi relative à l'internement. Qui plus est, nous répondons ainsi à deux recommandations de la commission spéciale relative au traitement d'abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d'autorité, en particulier au sein de l'Église (8) .
La recommandation nº 35 est formulée comme suit:
« D'un point de vue spécifique, dans le domaine de l'internement, l'article 5, § 2, de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental doit être pleinement mis en uvre ».
La recommandation nº 36, alinéa 1er, est rédigée comme suit:
« D'un point de vue général, dans tous les domaines, les experts auxquels le ministère public ou les juridictions pénales s'adressent, tant pour examiner les auteurs que pour les victimes, doivent pouvoir répondre à des conditions spécifiques de qualité et de formation. »
4. Dans son avis d'office du 30 mars 2011 sur le statut et la qualité des experts de justice, le Conseil supérieur de la Justice s'est récemment exprimé sur cette problématique et a exhorté le législateur à intervenir pour garantir la qualité des experts de justice (9) . « (...) la mise en uvre à moyen terme d'une réglementation visant à garantir la qualité et l'intégrité des experts judiciaires » (10) .
Cette initiative doit, selon le Conseil supérieur, combiner deux éléments (11) :
1) L'établissement d'une liste nationale d'experts judiciaires doit être géré par un organe fédéral et cette liste ne peut reprendre que les experts certifiés par des associations professionnelles accréditées d'experts.
2) L'introduction d'une obligation légale en vue de ne désigner, sauf cas exceptionnel, que les experts judiciaires qui figurent sur la liste nationale. Le juge devra motiver de manière circonstanciée toute désignation d'un expert en dehors de la liste nationale (en raison de l'urgence ou de l'absence d'association professionnelle agréée dans cette spécialité, ...).
Nous tenons entièrement compte de ces propositions.
5. L'expertise est contenue dans le livre II, titre II, chapitre VIII, section VI, du Code judiciaire. Nous estimons qu'il s'indique d'intégrer la règlementation relative à l'agrément des experts judiciaires dans cette section du Code judiciaire en y insérant une nouvelle sous-section 6.
En déposant la présente proposition, nous entendons créer un cadre légal cohérent et transparent.
Dans la doctrine, on n'est pas défavorable à un statut des experts judiciaires ancré dans la loi. De cette manière, on répondrait aussi à la demande croissante de plus de contradiction dans l'expertise: si le travail fourni par les experts est ab initio de plus haute qualité, la nécessité d'une contradiction deviendra sera sans doute moins grande, est-il affirmé (12) . Le principal problème concernant le manque de garantie en ce qui concerne la qualité de l'expert est également reconnu dans la doctrine (13) .
Il est donc nécessaire de professionnaliser dans une certaine mesure la profession d'expert. La présente proposition vise non seulement à agréer les experts judiciaires, mais aussi à protéger dorénavant leur titre (voir l'article 991ter proposé). Il peut être observé que dans l'avis d'office du Conseil supérieur de la Justice, il a aussi été plaidé pour la protection du titre d'expert judiciaire (14) .
Concrètement, nous proposons de créer un registre national des experts judiciaires. Seules les personnes inscrites dans ce registre sont habilitées à porter le titre d'expert judiciaire et à accepter et accomplir des missions en qualité d'expert judiciaire. Nous reconnaissons cependant les cas spécifiques susceptibles de se produire, par exemple, lorsqu'aucun expert judiciaire n'est inscrit dans le registre ou lorsque le registre mentionne des experts judiciaires agréés mais que ceux-ci s'occupent à ce moment de dossiers qui prennent beaucoup de temps et ne sont dès lors pas disponibles. Dans les cas d'urgence, il peut aussi s'avérer nécessaire de désigner des experts judiciaires non inscrits dans le registre. Le juge doit toujours motiver un agrément hors registre.
Des experts judiciaires peuvent être inscrits dans le registre national des experts judiciaires s'ils ont une expérience professionnelle pertinente d'au moins cinq ans, produisent un certificat de bonnes vie et murs, n'ont pas encouru de condamnation, pas même une condamnation par simple déclaration de culpabilité conformément à l'article 21ter du Code de procédure pénale (15) , n'ont pas commis de manquements déontologiques graves, prouvent qu'ils disposent de la compétence professionnelle requise et des connaissances juridiques nécessaires.
6. Nous estimons enfin que les tarifs des experts judiciaires en matière pénale doivent être adaptés à la société contemporaine. Le paiement tardif des experts judiciaires et les faibles rémunérations ont un effet négatif sur le nombre d'experts judiciaires disposés à accepter et accomplir des missions judiciaires. Nous reconnaissons que la marge budgétaire n'est pas grande et que la problématique ne doit pas être ramenée à la simple augmentation des tarifs. Une réflexion équilibrée s'impose cependant. À cet égard, nous pouvons également renvoyer à la recommandation nº 36, alinéa 2, de la commission spéciale relative au traitement d'abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d'autorité, en particulier au sein de l'église (16) , formulée comme suit:
« Le financement des tâches d'expertise doit être suffisant pour permettre des honoraires raisonnables. Ces honoraires doivent être payés dans les délais raisonnables. »
Article 2
Art. 991ter. Cet article dispose que seules les personnes enregistrées dans le Registre national des experts judiciaires sont autorisées à porter le titre d'expert judiciaire et sont compétentes pour accepter et effectuer des missions en qualité d'expert judiciaire, sauf si la procédure particulière est invoquée, si aucun expert judiciaire enregistré dans le Registre national des experts judiciaires n'est disponible, ou si l'expert judiciaire enregistré dans le Registre national des experts judiciaires ne dispose pas des compétences requises par la nature du litige. Un expert judiciaire non enregistré dans le Registre national des experts judiciaires peut également être désigné en cas d'urgence. Cette décision doit toujours être motivée par les autorités judiciaires.
En effet, il peut être fait appel, pour certaines missions, à des scientifiques très spécialisés (« sapiteurs ») à qui aucune formation juridique spécifique n'est demandée mais qui peuvent être requis, à titre exceptionnel, en raison de leur aptitude technique particulière.
Art. 991quater. Cet article énumère les conditions à remplir pour être enregistré dans le Registre national des experts judiciaires. Aucune limite d'âge n'a été fixée mais il a été prévu d'exiger plusieurs années d'expérience professionnelle afin que les intéressés aient suffisamment d'expérience pratique.
Il a également été tenu compte des règles européennes relatives à la libre circulation des personnes et des services.
C'est au secteur qu'il appartient de fixer les règles déontologiques sur lesquelles les candidats doivent marquer leur accord par écrit. Ces règles déontologiques doivent notamment prévoir les règles de comportement que les experts judiciaires doivent observer et les sanctions infligées en cas de prestations insuffisantes ou si le comportement des intéressés porte atteinte à la dignité de leur fonction. Nous estimons par exemple qu'il est inadmissible que certains experts judiciaires qui interviennent régulièrement pour le compte d'une compagnie d'assurance donnée soient ensuite chargés d'une mission judiciaire dans le cadre de laquelle ils agissent contre cette même compagnie d'assurances. Il convient, à l'avenir, d'agir contre de telles pratiques sur le plan déontologique.
Ces règles déontologiques doivent également prévoir que les experts judiciaires sont tenues de travailler en toute indépendance et impartialité, de suivre suffisamment de cours de recyclage, ... Aucun choix n'est fait en ce qui concerne la durée de la validité de l'inscription dans le registre, par exemple deux ou cinq ans. Notre intention n'est pas de formaliser la procédure de façon excessive en prévoyant l'obligation de renouveler les aptitudes professionnelles tous les deux ou cinq ans. La procédure de radiation provisoire ou définitive peut être appliquée s'il apparaît que le comportement de l'expert judiciaire suscite des doutes fondés.
Les experts judiciaires qui souhaitent être inscrits dans le registre doivent également pouvoir prouver qu'ils disposent des compétences professionnelles nécessaires (par la production de diplômes et la preuve d'une expérience pertinente) et pouvoir prouver qu'ils possèdent les connaissances juridiques requises concernant la législation relative à l'expertise judiciaire.
Art. 991quinquies. Il appartient au ministre de la Justice de gérer les données. Il doit régulièrement s'informer pour savoir si l'expert judiciaire qui est inscrit au registre national souhaite continuer à y figurer et il doit donc régulièrement mettre le registre à jour.
Toute personne peut consulter librement ce registre sur le site Internet du SPF Justice. En vertu de l'article 962, alinéa 2, du Code judiciaire, les parties qui marquent leur accord sur un expert peuvent proposer celui-ci au juge. Ce dernier ne peut déroger à ce choix que par une décision motivée. Dans certains cas, les parties souhaitent résoudre un litige à l'amiable, en faisant appel à un expert. Les particuliers doivent donc pouvoir consulter le registre national des experts judiciaires. C'est la raison pour laquelle nous optons pour une consultation libre du site Internet du SPF Justice.
Il doit être possible de vérifier de manière simple quelle est la spécialisation de l'expert judiciaire, son arrondissement judiciaire, ses coordonnées, etc. Nous pensons en outre qu'il s'indique que ces spécialisations soient réparties en spécialisations principales, subdivisions et mots-clés.
Art. 991sexies. La personne physique inscrite au registre national des experts judiciaires se verra octroyer une carte de légitimation et un numéro d'identification. Le modèle de cette carte de légitimation et les mentions qui doivent y figurer seront précisés dans un arrêté d'exécution. L'expert judiciaire reprendra toujours son numéro d'identification dans le rapport final prévu à l'article 978 du Code judiciaire.
En cas de perte du titre ou de renonciation à celui-ci, la carte de légitimation sera toujours restituée au ministre de la Justice. Dans ces cas, le numéro d'identification sera rayé du registre.
Art. 991septies. Lorsque les obligations liées à la fonction ne sont pas remplies, en particulier lorsque des prestations manifestement inadéquates sont fournies de manière répétée ou que le comportement ou la conduite de l'intéressé porte atteinte à la dignité de la fonction, l'expert judiciaire peut être rayé temporairement ou définitivement du registre. Nous pensons que l'intéressé doit chaque fois avoir la possibilité de faire connaître ses moyens de défense. La radiation doit également toujours être motivée. On entend par « temporairement »: maximum un an.
L'alinéa 2 concerne la situation de l'expert qui n'a pas de domicile ou de résidence en Belgique.
Art. 991octies. La preuve de l'aptitude professionnelle doit être apportée par la réussite de l'examen d'admission organisé par une organisation professionnelle agréée. Nous ne proposons pas un examen à proprement parler, les experts judiciaires disposant déjà d'un diplôme, mais plutôt une procédure relative à la production des preuves de la formation suivie, à l'examen des connaissances et de l'expérience, par le biais d'une interview, par exemple, etc. Il appartient alors à l'organisation professionnelle de se prononcer à l'issue de cet examen d'admission organisé par ses soins sur les spécialisations pour lesquelles l'expert peut être admis.
Un arrêté royal devra fixer les conditions que devront réunir les organisations professionnelles pour être reconnues.
Art. 991novies. Selon le Conseil supérieur de la Justice, il s'indique d'accorder un droit de recours au candidat dont l'admission a été refusée. Nous proposons de prévoir un droit de recours auprès de la Commission des litiges qui doit voir le jour au sein du SPF Justice. Le Conseil supérieur a en outre affirmé qu'en cas de négligence manifeste, il doit être possible de faire rayer un expert du registre. Cette sanction doit aussi pouvoir faire l'objet d'un recours, et la Commission des litiges semble une fois encore constituer l'instance appropriée à cet égard. Il appartient au Roi d'instituer la Commission des litiges au sein du SPF Justice et de déterminer sa composition et son fonctionnement.
En principe, la décision de la Commission des litiges peut faire l'objet d'un recours auprès des tribunaux ordinaires qui sont compétents pour connaitre des droits subjectifs (article 144 de la Constitution).
L'article 145 de la Constitution prévoit que les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi. Dans son arrêt nº 4596 du 26 novembre 2009, la Cour constitutionnelle a jugé que le droit d'être inscrit sur un registre constitue un droit politique, dans la mesure où il est en rapport étroit avec les prérogatives de puissance publique de l'État, qui est de garantir l'efficience de la procédure.
Nous proposons d'habiliter le Conseil d'État et, par conséquent, de soustraire ces litiges à la compétence des tribunaux ordinaires. Nous prévoyons dès lors que les décisions de la Commission des litiges sont susceptibles de recours de pleine juridiction devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État.
Art. 991decies. Il se recommande que l'expert prête serment avant d'être inscrit définitivement dans le registre, dès lors que cela simplifie les prescriptions formelles en matière de serment lors de chaque rapport. Aussi, l'article 978, alinéa 3, l'article 985, alinéa 2 et l'article 986, alinéa 3, du Code judiciaire sont-ils abrogés (articles 3, 4 et 5).
Il a été opté pour une prestation de serment devant le président du tribunal de première instance de l'arrondissement du lieu où les activités professionnelles sont exercées ou, en cas de constitution d'une société, le juge du siège social ou du principal établissement de la société, cf. l'article 628, 13º, du Code judiciaire.
Le candidat qui n'a pas de domicile ou de résidence en Belgique prête le serment entre les mains du premier président de la cour d'appel de Bruxelles.
Art. 991undecies. Cet article prévoit la possibilité de faire appel, dans des cas bien définis, à un expert judiciaire qui n'est pas inscrit au registre. Nous prévoyons trois cas. Tout d'abord, si aucun expert judiciaire inscrit au registre n'est disponible. Ensuite, si aucune personne travaillant dans le domaine spécifique concerné n'est inscrite au registre. Enfin, en cas d'urgence, il doit également être possible de désigner des experts en dehors du registre national des experts judiciaires.
L'autorité judiciaire ou la personne mandatée par elle doit toujours mentionner les motifs de cette décision. Cette procédure, les motifs et les nom et prénom de l'expert judiciaire désigné sont mentionnés sur la feuille d'audience.
Art. 991duodecies. Il peut arriver qu'un expert chargé d'une affaire importante n'ait pas le temps de s'occuper d'une affaire importante supplémentaire. Les experts judiciaires doivent toujours avoir la possibilité de décider eux-mêmes de ne pas accepter une mission. Il est prévu qu'en l'espèce, l'expert est obligé de motiver sa décision.
Articles 3, 4 et 5
Voir le commentaire de l'article 991decies.
Article 6
Dès lors que les modifications proposées sont apportées au Code judiciaire (matière civile), il s'agit, à tout le moins, d'insérer un renvoi à ces règles dans le Code d'instruction criminelle (matière pénale).
Article 7
Nous proposons de rendre le Conseil d'État compétent et dès lors de soustraire les réclamations à l'encontre des décisions de la commission des litiges à la compétence des tribunaux ordinaires. Aussi est-il prévu que les décisions de la commission des litiges peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État (voir l'article 991novies proposé du Code judiciaire). À cette fin, il y a lieu de compléter l'article 16 des lois coordonnées sur le Conseil d'État afin de rendre le Conseil d'État explicitement compétent en la matière.
Article 8
L'article 5, § 2, de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental dispose que:
§ 2. L'expertise psychiatrique est effectuée sous la conduite et la responsabilité d'un expert qui satisfait aux conditions fixées par l'article 2, § 1er, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.
En outre, l'expert doit avoir été reconnu préalablement par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions ou par son délégué.
Dans les vingt-quatre mois à compter de l'entrée en vigueur du présent article, le Roi détermine les conditions et la procédure pour la délivrance de cette reconnaissance. Il détermine les droits et obligations des experts reconnus. Il détermine les sanctions qui peuvent être appliquées en cas de non-respect des conditions de la reconnaissance.
Conformément à l'article 2, § 1er, de l'arrêté royal nº 78, nul ne peut exercer l'art médical s'il n'est porteur du diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements, ...
Pour pouvoir être inscrit au Registre national des experts judiciaires, il faut avoir une expérience pertinente d'au moins cinq ans et pour acquérir cette expérience, il faut évidemment d'abord posséder un diplôme. La proposition de loi fixe les conditions et procédures pour être inscrit, de sorte qu'il est proposé de remplacer ce paragraphe.
Articles 9 et 10
Afin de pouvoir préparer les arrêtés d'exécution nécessaires et mettre au point le registre national des experts judiciaires, il est prévu que la loi proposée entrera en vigueur au plus tard une année après avoir été publiée au Moniteur belge.
Nous tenons par ailleurs à prévoir une mesure transitoire de telle sorte que les personnes qui exerçaient déjà la fonction d'expert pour les autorités judiciaires avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi disposent d'une longue période pour satisfaire aux conditions de celle-ci. La loi n'entre en effet en vigueur qu'une année après sa publication au Moniteur belge, les experts qui travaillent actuellement pour les autorités judiciaires disposant ensuite d'une période de dix ans pour satisfaire aux conditions définies par le législateur.
Rik TORFS. | |
Peter VAN ROMPUY. | |
Dirk CLAES. | |
Francis DELPÉRÉE. | |
Alain COURTOIS. | |
Sabine de BETHUNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans le Livre II, Titre II, chapitre VIII, section VI du Code judiciaire, il est inséré une sous-section 6, intitulée:
« Sous-section 6. Des experts judiciaires
Art. 991ter. Sauf l'exception prévue à l'article 991undecies, seules les personnes qui, sur décision du ministre de la Justice, ont été inscrites au registre national des experts judiciaires sont autorisées à porter le titre d'expert judiciaire et peuvent accepter et accomplir des missions en tant qu'expert judiciaire.
Art. 991quater. Seront inscrites au registre national des experts judiciaires les personnes physiques qui:
1º ont au moins cinq ans d'expérience pertinente;
2º sont ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou y résident légalement;
3º peuvent présenter un certificat de moralité et de bonne conduite délivré par l'administration communale du lieu du domicile ou de la résidence depuis moins de trois mois; les personnes qui ne disposent pas d'un domicile ou d'une résidence en Belgique doivent présenter un document similaire de l'État membre de l'Union européenne où elles ont leur domicile ou résidence;
4º n'ont pas été condamnés par simple déclaration de culpabilité; n'ont pas été condamnées, même avec sursis, à une quelconque peine correctionnelle ou criminelle consistant en une amende, une peine de travail ou une peine de prison. Cette disposition s'applique par analogie aux personnes qui, à l'étranger, ont été condamnées à une peine de même nature par un jugement coulé en force de chose jugée;
5º n'ont pas commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle et de ce fait portent atteinte au crédit de l'intéressé; le code de déontologie doit au moins prévoir que les experts judiciaires doivent travailler en toute indépendance et impartialité et qu'ils doivent suivre suffisamment de cours de recyclage;
6º ont déclaré par écrit devant le ministre de la Justice qu'elles se tiennent à la disposition des autorités judiciaires, qui peuvent faire appel à leurs services;
7º peuvent justifier qu'elles disposent de l'aptitude professionnelle nécessaire et peuvent démontrer qu'elles ont les connaissances juridiques requises;
8º ont déclaré par écrit devant le ministre de la Justice être d'accord avec la déontologie à fixer par l'organisation professionnelle affiliée;
9º ont prêté le serment prescrit.
Art. 991quinquies. § 1er. Le registre national des experts judiciaires est géré et mis régulièrement à jour par le ministre de la Justice.
§ 2. Le registre contient les données suivantes:
1º le nom et le prénom de l'expert judiciaire;
2º les coordonnées où il est atteignable par les autorités judicaires qui peuvent faire appel à ses services;
3º l'expertise et la spécialisation pour lesquelles l'expert judiciaire est enregistré;
4º les arrondissements judiciaires dans lesquels l'expert judiciaire est disponible.
Ce registre peut être consulté librement sur le site web du SPF Justice.
Art. 991sexties. Le ministre de la Justice délivre à l'expert judiciaire qui figure au Registre national des experts judiciaires un numéro d'identification et une carte de légitimation, dont le modèle est fixé par arrêté royal.
Le numéro d'identification est repris dans le rapport final visé à l'article 978.
En cas de perte du titre d'expert judiciaire ou de renonciation à ce titre, la carte de légitimation est restituée sans délai au ministre de la Justice.
Art. 991septies. Lorsque les obligations liées à la fonction ne sont pas remplies, en particulier lorsque des prestations manifestement inadéquates sont fournies de manière répétée ou que le comportement ou la conduite de l'intéressé porte atteinte à la dignité de la fonction, le ministre de la Justice peut, par une décision motivée, rayer temporairement ou définitivement l'inscription au Registre national des experts judiciaires, sur proposition du président du tribunal du lieu où l'intéressé exerce ses activités professionnelles et, en cas de constitution d'une société, du juge du siège social ou du principal établissement de la société, ou du procureur du Roi, et après avoir pris connaissance des éventuels arguments de l'intéressé.
Si l'intéressé n'a pas de domicile ou résidence en Belgique, le ministre de la Justice peut, lorsque les obligations liées à la fonction ne sont pas remplies, en particulier lorsque des prestations manifestement inadéquates sont fournies de manière répétée ou que le comportement ou la conduite de l'intéressé porte atteinte à la dignité de la fonction, rayer temporairement ou définitivement, par une décision motivée, l'inscription au Registre national des experts judiciaires, sur proposition du premier président de la cour d'appel de Bruxelles ou sur proposition du procureur du Roi, et après avoir pris connaissance des éventuels arguments de l'expert judiciaire concerné.
La radiation temporaire visée aux alinéas précédents peut porter au maximum sur une période d'un an.
Art. 991octies. La preuve visée à l'article 991quater, 7º, est faite par un examen d'admission à organiser par les organisations professionnelles agréées par le Roi.
Le Roi définit les conditions que les organisations professionnelles doivent remplir pour obtenir l'agrément. Il fixe également les modalités minimales de l'examen d'admission.
Art. 991novies. Le candidat dont l'inscription est refusée et l'expert rayé de manière temporaire ou définitive du registre national disposent d'un droit de recours auprès de la Commission des litiges du SPF Justice à créer par le Roi.
Le Roi arrête la composition et le fonctionnement de la Commission des litiges. Les décisions de la Commission des litiges peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État.
Art. 991decies. § 1er. Le candidat qui remplit les conditions définies à l'article 991quater, 1º à 8º, prête le serment suivant entre les mains du président du tribunal de première instance de l'arrondissement du lieu où il exerce ses activités professionnelles ou, dans le cas de la constitution d'une société, entre les mains du juge du siège social ou du principal établissement de la société:
« Je jure que je remplirai ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité », ou
« Ik zweer dat ik mijn opdracht in eer en geweten, nauwgezet en eerlijk zal vervullen », ou
« Ich schwöre, dass ich den mir erteilten Auftrag auf Ehre und Gewissen genau und ehrlich erfüllen werde ».
Ce serment vaut pour toutes les missions qui seront ensuite confiées à l'intéressé en sa qualité d'expert judiciaire.
§ 2. Le candidat qui n'a pas de domicile ou de résidence en Belgique prête le serment entre les mains du premier président de la cour d'appel de Bruxelles.
Art. 991undecies. Si aucun expert judiciaire inscrit au registre national des experts judiciaires n'est disponible, si l'expert judiciaire inscrit au registre national des experts judiciaires ne dispose pas de la compétence requise en raison de la nature du litige ou en cas d'urgence, l'autorité judiciaire qui confie la mission peut désigner un autre expert judiciaire. L'autorité judiciaire ou la personne mandatée par elle mentionne les motifs de cette décision.
L'intéressé visé à l'alinéa 1er porte le titre d'expert judiciaire uniquement pour la mission qui lui a été confiée. L'expert judiciaire signe son rapport sous peine de nullité et fait précéder sa signature du serment suivant:
« Je jure avoir rempli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité »; ou
« Ik zweer dat ik mijn opdracht in eer en geweten, nauwgezet en eerlijk vervuld heb »; ou
« Ich schwöre, dass ich den mir erteilten Auftrag auf Ehre und Gewissen, genau und erlich erfüllt habe ».
Cette procédure, les motifs et les nom et prénom de l'expert judiciaire désigné sont actés sur la feuille d'audience.
Art. 991duodecies. Les experts judiciaires peuvent décider de ne pas accepter une mission. Cette décision doit être motivée.
Art. 3
L'article 978, § 1er, alinéa 3, du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 15 mai 2007, est abrogé.
Art. 4
L'article 985, alinéa 3, du même Code est abrogé.
Art. 5
L'article 986, alinéa 3, du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 15 mai 2007, est abrogé.
Art. 6
Dans le Code d'instruction criminelle, il est inséré un article 646 rédigé comme suit:
« Art. 646. Les articles 991ter à 991undecies du Code judiciaire s'appliquent, pour les experts visés dans le présent Code, aux missions qu'ils effectuent en qualité d'expert judiciaire. »
Art. 7
L'article 16 des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, est complété par un 8º rédigé comme suit:
« 8º sur les recours visés à l'article 991novies, alinéa 3, du Code judiciaire. »
Art. 8
L'article 5, § 2, de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental est remplacé par ce qui suit:
« § 2. L'expertise psychiatrique est effectuée sous la conduite et la responsabilité d'un expert inscrit au Registre national des experts judiciaires, conformément à l'article 991quater du Code judiciaire.
Si aucun des experts inscrits au Registre national des experts judiciaires n'est disponible, si l'expert judiciaire inscrit au Registre national des experts judiciaires ne dispose pas des compétences requises par la nature du litige ou lorsqu'il y a urgence, l'expertise psychiatrique peut être réalisée par un expert autre que celui visé à l'alinéa précédent. »
Art. 9
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi et, au plus tard, le premier jour du douzième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge.
Art. 10
Les experts qui travaillaient pour les autorités judiciaires avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont tenus de satisfaire à ses dispositions au plus tard dix ans après son entrée en vigueur.
7 mai 2012.
Rik TORFS. | |
Peter VAN ROMPUY. | |
Dirk CLAES. | |
Francis DELPÉRÉE. | |
Alain COURTOIS. | |
Sabine de BETHUNE. |
(1) Cass. 15 février 2006, www.cass.be.
(2) Sauf dans des domaines très spécifiques: pour l'analyse ADN en matière pénale (art. 44ter et 90undecies du Code d'instruction criminelle). Seuls les experts attachés à un laboratoire agréé par le Roi peuvent être désignés en la matière. La procédure et les conditions d'agrément de ces laboratoires ont été fixées dans l'arrêté royal du 4 février 2002 pris en exécution de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale. (art. 10-12).
(3) P. Hofströssler, « De hervorming en de reparatie van het deskundigenonderzoek. Pleidooi voor een instituut voor gerechtsdeskundigen » in « Voorafname op vriendschap. Vrienden schrijven voor Dirk Lindemans bij zijn 60e verjaardag » (eds). Die Keure, 2010.
(4) Doc. Parl. Chambre, 51-73/002, p. 9.
(5) Doc. Parl. Chambre, 51-2540/007, p. 10. On le déplore. F. Hutsebaut, « Rubriek Deskundigenonderzoek » in Pan. janvier 2010, p. 53: « En 2007, on a modifié la réglementation relative à l'expertise judiciaire et on a tout simplement abrogé l'article qui prévoyait la promulgation de l'arrêté royal, sans qu'un arrêté royal ait jamais été pris. On a dès lors le sentiment que les pouvoirs législatif et exécutif ne prennent pas du tout au sérieux la problématique de l'expertise judiciaire, avec pour conséquence que la réglementation existant aujourd'hui est quasiment nulle. » (traduction)
(6) Doc. Parl. Chambre, 51-73/002, p. 9.
(7) http://www.law.ugent.be/gandaius/gerexpert/.
(8) 53-520/002, p. 418-419.
(9) http://www.hrj.be/fr/index.htm.
(10) Avis d'office du 30 mars 2011 sur le statut et la qualité des experts judiciaires, p. 5.
(11) Avis d'office du 30 mars 2011 sur le statut et la qualité des experts judiciaires, p. 11.
(12) F. Hutsebaut, « Rubriek Deskundigenonderzoek » in Pan. janvier 2010, p. 52.
(13) W. Van De Voorde, l.c., p. 52.
(14) Avis d'office du 30 mars 2011 sur le statut et la qualité des experts judiciaires, p. 13.
(15) Conformément à cet article, si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité.
(16) 53-520/002, p. 419.