5-1786/1

5-1786/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

4 SEPTEMBRE 2012


Proposition de loi modifiant la loi 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation

(Déposée par Mme Cécile Thibaut et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


1. Cadre général

Le but d'un emprunt est de faire face à une perte temporaire de pouvoir d'achat, tout en tenant compte de la situation financière du consommateur ou du ménage. Les ménages à revenu modeste qui ne disposent pas de suffisamment de liquidités peuvent, grâce au crédit à la consommation, anticiper sur des revenus futurs et accéder immédiatement aux biens ou services nécessaires. Le crédit à la consommation permet aux ménages de maintenir un niveau de pouvoir d'achat durable.

Lorsque le pouvoir d'achat d'un ménage est atteint de manière structurelle, le crédit ne résout rien du tout.

Le consommateur n'a pas toujours une idée précise ou complète de ses revenus et dépenses futurs.

L'octroi irresponsable de crédit(s) peut rendre le consommateur structurellement insolvable, ce qui a pour conséquence que celui-ci ne peut plus se réinsérer dans l'économie régulière. Cette situation a des effets désastreux non seulement pour l'individu en tant que consommateur, mais également pour l'économie en général.

Laisser libre cours au marché minerait fondamentalement le système financier, étant donné qu'il exclut du marché des consommateurs potentiels et crée en outre une bulle financière. Quoi qu'il en soit, les comptes devront bien être apurés un jour.

Les consommateurs subissent encore pleinement les effets de la crise économique et se trouvent confrontés à des difficultés de remboursement croissantes, ce qui ressort clairement des chiffres suivants issus du centre de crédit portant sur 2010:

— le nombre d'emprunteurs enregistrés avec un défaut de paiement augmente de 2,5 %, pour atteindre 365 374 personnes;

— le nombre de contrats de crédits avec un défaut de paiement non régularisé croît de 3,3 %, à 448 725 contrats;

— le montant total des arriérés progresse de 0,26 milliards d'euros et s'élève à 2,42 milliards d'euros; la croissance est plus prononcée pour les crédits hypothécaires que pour les crédits à la consommation;

— 123 704 nouveaux défauts de paiement ont été enregistrés au cours de l'année 2010, un statu quo par rapport à 2009;

— le nombre de procédures de règlement collectif de dettes enregistrées fin 2010 progresse de 11,5 %, à 87 125 procédures;

— 17 864 nouvelles demandes de règlement collectif de dettes ont été comptabilisées en 2010, soit 1 960 nouvelles demandes de plus qu'en 2009.

Comme l'année dernière, le montant des arriérés croît plus vite que le nombre de contrats défaillants. Cela signifie que non seulement plus d'emprunteurs sont confrontés à des difficultés de paiement mais, surtout, que les difficultés existantes deviennent plus lourdes et que le risque de tomber dans une situation de surendettement réel croît également. Il n'est donc pas étonnant que de plus en plus de personnes fassent appel à une procédure de règlement collectif de dettes.

La loi sur le crédit à la consommation, telle qu'elle a été modifiée pour transposer les dispositions de la directive européenne (1) qui avait pour objet de revoir à la hausse la protection du consommateur, comporte encore des lacunes. Lacunes que le groupe Ecolo-Groen avait proposé de combler par le biais d'amendements déposés en marge du projet de loi modifiant la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation (doc. Chambre, nº 52-2468/001).

2. Objectifs de la proposition de loi

Afin de limiter le risque qu'une personne ayant des difficultés à faire face au remboursement ne soit plongée dans une situation de surendettement permanent, les propositions suivantes sont avancées.

2.1. Plafonner à 9 % le taux d'intérêt annuel pour tout crédit à la consommation

Aujourd'hui, les prix du crédit atteignent des sommets. On comprend qu'un crédit ne s'accorde pas gratuitement. Or, le problème, c'est que, en procédant de la sorte, le risque est placé entièrement sur les épaules de l'emprunteur.

Dans ces circonstances, l'organisme de crédit a tout intérêt à faire un maximum de promotion pour ses produits, étant donné qu'il dispose d'une grande marge de sécurité, aux frais du consommateur. Cette grande marge de sécurité génère de grandes marges bénéficiaires. D'où les nombreuses promotions menées dans les journaux, sur l'Internet et par courrier.

L'objectif de la proposition de loi est de limiter par une loi le pourcentage maximum de frais annuels à 9 % pour tous les crédits à la consommation. Ce système découragera les organismes de crédit d'accorder trop facilement des crédits.

2.2. Annoncer le délai de zérotage

Le délai de zérotage vaut pour tous les crédits.

Le zérotage est un système financier consistant à exiger de l'emprunteur qu'il renfloue intégralement sa réserve d'argent dans les cinq ans avant de pouvoir y puiser de nouveau.

Afin d'informer au mieux le client, il nous semble pertinent de l'annoncer au début du crédit et de le stipuler sur chaque relevé mensuel intermédiaire.

2.3. Réglementer le statut des intermédiaires de crédit

De plus en plus d'ouvertures de crédit sont faites dans les grandes surfaces, les magasins, par des courtiers.

Il nous semble donc légitime d'adapter les règles afin qu'ils soient soumis aux mêmes obligations que les préteurs.

De plus, comme la plate forme journée sans crédit, nous plaidons pour que « tous ces intermédiaires de crédits soient correctement formés et à même de fournir une information complète et exacte au consommateur (2)  ».

2.4. Encadrer davantage la publicité sur le crédit

Il s'agit d'interdire la promotion commerciale portant sur l'utilisation des cartes de crédit pour l'acquisition de biens de première nécessité. Il s'agit aussi, à côté du contrôle par l'administration fédérale du respect des articles 5 et 6 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation (ci-après: « la loi ») qui encadrent la publicité pour le crédit à la consommation, de prévoir une sanction civile identique à celle visée à l'article 85 de la même loi, dans l'hypothèse où un contrat de crédit a été conclu à l'époque où le prêteur ou un intermédiaire de crédit commercialisant ses produits diffusait, ou faisait diffuser, une publicité irrégulière ou interdite par la loi.

Le consommateur ne devrait pas pour autant devoir démontrer que la publicité incriminée est à l'origine de la conclusion du contrat de crédit en cause, sous peine de ruiner l'effectivité de la sanction, puisque cette condition serait très difficile à établir.

Il s'agit aussi d'interdire l'offre de cadeaux pour les personnes souscrivant un crédit

Avec cette proposition de loi, on place le consommateur au premier plan. En rétablissant l'équilibre entre prêteur et emprunteur, le risque d'excès sera réduit de manière significative, sans porter atteinte à l'objectif du crédit à la consommation, qui est de remédier à une perte temporaire de pouvoir d'achat et de permettre au consommateur de maintenir un niveau de pouvoir d'achat durable. La présente proposition de loi contribue ainsi au développement d'un marché de la consommation stable et durable, en réduisant au maximum les risques de surendettement.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

L'application des dispositions de cette loi ou de certaines d'entre elles n'est pas effective dans tous les cas, voire aléatoire. Dès lors, l'Observatoire du crédit et de l'endettement suggère de remplacer l'actuel article 4 par le texte proposé, dans l'intérêt des consommateurs comme dans celui de l'ensemble des prêteurs et des intermédiaires de crédit.

Articles 3 et 4

Le terme « explications adéquates » n'a aucune valeur juridique et est sujet à interprétation. La modification s'inspire des articles 5, § 1er (publicité), et 11bis, § 2 (informations précontractuelles), de la loi, pour préciser la manière dont les explications doivent être fournies.

Article 5

L'Observatoire du crédit et de l'endettement fait justement remarquer que les prêteurs doivent être tenus de vérifier les informations qu'ils reçoivent du candidat emprunteur et le fait que ces informations doivent être appuyées par des pièces justificatives suffisamment probantes.

La philosophie qui sous-tend la modification est de renforcer la protection du consommateur, à la fois contre les prêteurs peu scrupuleux mais aussi contre eux-mêmes, en les empêchant d'avoir recours, pour des motifs parfois futiles, aux crédits à la consommation.

Article 6

La disposition a pour objectif de préciser la formule pour fixer les TAEG (taux annuel effectif global) maxima, en les limitant, pour éviter des taux prohibitifs qui maintiennent certains consommateurs dans une situation d'endettement permanente.

Article 7

Lorsqu'un contrat de crédit autorise la variabilité du taux débiteur, il est normal que le consommateur, qui est déjà pénalisé parce que cela peut remettre en cause ses calculs de remboursement futurs, ne soit pas sanctionné davantage en devant payer un coût supplémentaire pour une éventuelle modification du délai de remboursement. Cela doit se faire gratuitement, pour éviter que ce coût ne soit répercuté d'une façon détournée par les organismes de crédit.

L'article vise à fixer un délai maximal pour le remboursement afin d'éviter d'entretenir des situations permanentes d'endettement. L'Observatoire du crédit et de l'endettement partage également cette préoccupation.

À moins de limiter le montant maximal qui peut être prélevé dans le cadre d'une ouverture de crédit et pour éviter de voir le consommateur confronté à l'obligation de rembourser dans un délai bref un montant prélevé important, l'Observatoire du crédit et de l'endettement relève qu'il est essentiel de combiner le système du « zérotage » avec l'obligation de rembourser mensuellement une partie significative du capital prélevé.

Article 8

Cela découle logiquement de l'adoption de l'article précédent portant sur l'article 22 de la loi.

Article 9

Il est utile de rappeler régulièrement la date de zérotage (cf. développements) au consommateur. Il s'agit d'une information pertinente qui lui permet de planifier ses échéances financières. Dans un souci d'éviter le plus possible les surendettements, il est utile de rappeler aux consommateurs ce qu'il en est de sa situation financière, celle-ci étant « virtuelle ».

Article 10

À côté du contrôle par l'administration fédérale du respect des articles 5 et 6 de la loi, il conviendrait de prévoir également une sanction civile identique à celles visées à l'article 85 de la loi, en cas d'infraction à ces articles 5 et 6 de la loi, dans l'hypothèse où un contrat de crédit a été conclu à l'époque où le prêteur ou un intermédiaire de crédit commercialisant ses produits diffusait, ou faisait diffuser, une publicité irrégulière ou interdite, à la lumière de ces deux dispositions.

Le consommateur ne devrait pas pour autant devoir démontrer que la publicité incriminée est à l'origine de la conclusion du contrat de crédit en cause, sous peine de ruiner l'effectivité de la sanction (cette condition serait très difficile à établir). Cela explique le sens de cette disposition, inspiré des réflexions de l'Observatoire du crédit et de l'endettement.

Cécile THIBAUT.
Jacky MORAEL.
Freya PIRYNS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 4 de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation est remplacé par ce qui suit:

« Article 4. Les dispositions de la présente loi sont d'ordre public. »

Art. 3

À l'article 11, § 4, de la même loi, remplacé par la loi du 13 juin 2010, le modifications suivantes sont apportées:

A. à l'alinéa 1er, les mots « des explications adéquates » sont remplacés par les mots « des explications claires, complètes et données de bonne foi »;

B. à l'alinéa 2: les mots « une explication adaptée » sont remplacés par « une explication claire, complète et donnée de bonne foi ».

Art. 4

À l'article 14 de la même loi, remplacé par la loi du 13 juin 2010, au 18º, les mots « l'existence ou l'absence d'un délai de rétractation » sont remplacés par les mots « la durée du délai de rétractation ».

Art. 5

À l'article 15 de la même loi, modifié en dernier lieu par la loi du 13 juin 2010, l'alinéa 2 est remplacé par ce qui suit:

« À cet effet, le prêteur vérifie les informations qu'il a sollicitées, ou aurait dû solliciter, auprès du consommateur et vérifie le fait que ces informations sont assorties de pièces justificatives suffisamment probantes. Le Roi prescrit un modèle de questionnaire comportant les informations minimales que le prêteur doit solliciter.

Le prêteur ne peut conclure de contrat de crédit que si, compte tenu des informations dont il dispose ou devrait disposer, notamment sur la base de la consultation organisée par l'article 9 de la loi du 10 août 2001 relative à la Centrale des crédits aux particuliers, sur la base des renseignements visés à l'article 10, et sur la base des renseignements collectés conformément au présent alinéa, il estime que le consommateur sera manifestement à même de respecter les obligations découlant du contrat. »

Art. 6

À l'article 21 de la même loi, le § 1er est remplacé par ce qui suit:

« § 1er. Le Roi détermine la méthode de fixation et, le cas échéant, d'adaptation des taux annuels effectifs globaux maxima. Les taux annuels effectifs globaux maxima pour les différents types de crédits à la consommation sont limités, conformément aux dispositions des alinéas suivants.

Le taux ne peut dépasser le taux des certificats de trésorerie à douze mois augmenté de:

1º cinq pour cent pour les montants jusqu'à 1 250 euros;

2º quatre pour cent pour les montants supérieurs à 1 250 euros.

Si un taux variable est prévu, les règles prévues à l'article 9, § 1er, de la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire doivent être respectées. »

Art. 7

L'article 22 de la même loi, modifié par la loi du 13 juin 2010, est remplacé par ce qui suit:

« Art. 22. § 1er. Le Roi fixe le délai maximum de remboursement du crédit, en fonction du montant emprunté et du type de crédit.

§ 2. Pour les ouvertures de crédit à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de cinq ans, que ces contrats prévoient ou non un remboursement périodique en capital, le délai maximum de remboursement, ci-après défini comme le zérotage, n'excède pas:

1º douze mois lorsque le montant du crédit est inférieur à 5 000 euros;

2º soixante mois lorsque le montant du crédit est supérieur ou égal à 5 000 euros.

Ces montants de référence seront indexés au 1erjanvier de chaque année. Le nouvel indice est l'indice des prix à la consommation du mois de décembre de l'année précédente et l'indice de base est l'indice des prix à la consommation du mois de décembre 2010.

§ 3. Si un contrat crédit, à l'exception de l'ouverture de crédit, autorise la variabilité du taux débiteur, il stipule que, en cas d'adaptation, le consommateur peut exiger gratuitement le maintien du montant de terme, ainsi que la prolongation ou la réduction du délai de remboursement convenu. L'exercice de ce droit peut conduire au dépassement du délai maximum de remboursement visé au § 1er.

Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur informe expressément le consommateur de ce droit.

§ 4. Au plus tard six mois avant l'expiration du délai de zérotage, le prêteur en avertit le consommateur au moyen de tout moyen de communication utile.

§ 5. Le Roi fixe, pour tous les contrats de crédit, le montant minimal de capital à rembourser ainsi que la périodicité de ces remboursements. »

Art. 8

L'intitulé de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III de la même loi est remplacé par ce qui suit:

« Sous-section 2. Du délai de remboursement, du remboursement anticipé et des remboursements minima ».

Art. 9

À l'article 59 de la même loi, modifié en dernier lieu par la loi du 13 juin 2010, au § 1er, sont apportées les modifications suivantes:

A. les mots « le consommateur est régulièrement informé » sont remplacés par les mots« tous les mois, le consommateur est informé »;

B. ce paragraphe est complété par le 9º, rédigé comme suit:

« 9º la date à laquelle la réserve ouverte doit être intégralement reconstituée. »

Art. 10

L'article 85 de la même loi, modifié par la loi du 24 mars 2003, est complété par les mots: « ou à un moment où le prêteur ou l'intermédiaire de crédit commercialisant ses produits diffusait ou faisait diffuser une publicité contraire aux articles 5 et 6. »

22 mars 2012.

Cécile THIBAUT.
Jacky MORAEL.
Freya PIRYNS.

(1) Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, publiée au JO L no 133 du 22 mai 2008, pp. 66-92.

(2) Constats et recommandations 2009 pour une meilleure protection des consommateurs, p. 12, http://www.journeesanscredit.be/var/www/eqpop/www.journeesanscredit.be/IMG/pdf/Recommandations_FR-3.pdf.