5-1067/4

5-1067/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

27 JUIN 2012


Proposition de loi modifiant les dispositions du Code judiciaire relatives à la discipline


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT Nº 51.119/AV/3 DES 22 MAI ET 5 JUIN 2012


Le Conseil d'État, section de législation, saisi par la Présidente du Sénat, le 20 mars 2012, d'une demande d'avis, dans un délai de trente jours, prorogé à quarante-cinq jours (1) et prolongé en outre jusqu'au 19 juin 2012 (2) , sur une proposition de loi « modifiant les dispositions du Code judiciaire relatives à la discipline » (déposée par M. Francis Delpérée et consorts) (doc.parl. Sénat 2011-12, nº 5-1067/1) et aux amendements (doc.parl. Sénat 2011-12, nos 5-1067/2 et 5-1067/3), a, après avoir examiné l'affaire en ses séances des 17 avril 2012 et 5 juin 2012 (troisième chambre) et 22 mai 2012 (assemblée générale), donné l'avis suivant :

1. En application de l'article 84, § 3, alinéa 1er, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, la section de législation a fait porter son examen essentiellement sur la compétence de l'auteur de l'acte, le fondement juridique (3) et l'accomplissement des formalités prescrites.

Par ailleurs, le présent avis comporte également un certain nombre d'observations sur d'autres points. Il ne peut toutefois s'en déduire que, dans le délai qui lui est imparti, la section de législation a pu procéder à un examen exhaustif de la proposition de loi et de ses amendements.


Portée de la proposition et des amendements

A. La proposition de loi

2. La proposition de loi soumise pour avis a pour objet de modifier fondamentalement la procédure disciplinaire pour les magistrats et les membres du personnel de l'ordre judiciaire. Dans les grandes lignes, les mesures proposées se présentent comme suit.

1. Création et organisation des tribunaux disciplinaires

3. La proposition vise à créer quatre tribunaux disciplinaires: un tribunal disciplinaire de langue française non permanent siégeant à Namur et un tribunal disciplinaire de langue néerlandaise non permanent siégeant à Gand (4) , d'une part, ainsi qu'un tribunal disciplinaire d'appel francophone et un tribunal disciplinaire d'appel néerlandophone non permanents siégeant tous deux à Bruxelles (5) , d'autre part.

Les tribunaux disciplinaires se conçoivent comme des juridictions de l'ordre judiciaire « dès lors qu'en vertu de l'article 152 de la Constitution, un juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement » (6) .

4. Lorsque le tribunal disciplinaire (de première instance) siège à l'égard d'un magistrat du siège, la chambre est composée de deux juges au tribunal disciplinaire et d'un assesseur issu d'une juridiction de même niveau que la personne poursuivie. Lorsque le tribunal disciplinaire siège à l'égard d'un magistrat du ministère public, la chambre est composée de deux juges au tribunal disciplinaire et d'un assesseur désigné parmi les magistrats du ministère public de la même juridiction que la personne poursuivie. Lorsque le tribunal disciplinaire siège à l'égard d'un membre du personnel judiciaire, la chambre est composée de deux juges au tribunal disciplinaire et d'un assesseur désigné parmi les assesseurs désignés par le ministre de la Justice d'un niveau au moins égal à celui de la personne faisant l'objet d'une procédure disciplinaire (7) .

Un magistrat instructeur peut également être désigné dans une affaire dont est saisi un tribunal disciplinaire (de première instance) (8) .

En appel, la composition repose sur le même principe qu'en première instance: les chambres des tribunaux disciplinaires d'appel sont composées de deux conseillers au tribunal disciplinaire d'appel et d'un conseiller assesseur de la même catégorie professionnelle et du même niveau que la personne poursuivie (9) .

Les juges aux tribunaux disciplinaires, les conseillers aux tribunaux disciplinaires d'appel et les magistrats instructeurs sont désignés parmi les magistrats qui ont exercé pendant au moins dix ans une fonction de magistrat du ministère public ou du siège et qui n'ont jamais fait l'objet d'une peine disciplinaire. Ils sont désignés pour un terme de sept ans par le Roi sur présentation de la commission de nomination du Conseil supérieur de la Justice. Les chefs de corps et les membres du Conseil supérieur de la Justice ne peuvent être désignés dans les juridictions disciplinaires (10) .

Les membres assesseurs du tribunal disciplinaire et du tribunal disciplinaire d'appel sont désignés parmi les magistrats effectifs ou admis à la retraite et le personnel judiciaire de niveau A et B qui comptent dix ans de fonction dans l'ordre judiciaire, dont cinq ans respectivement dans la fonction de magistrat du siège, de magistrat du ministère public ou de membre du personnel de niveau A ou B, et qui n'ont fait l'objet d'aucune peine disciplinaire. Eux aussi sont désignés pour une période de sept ans. Les magistrats du siège sont désignés par les chefs de corps sur la base de listes établies par les assemblées générales des juridictions concernées. Les magistrats du ministère public sont également désignés par les chefs de corps sur la base de listes établies par les assemblées de corps concernées. Les membres du personnel sont désignés par le ministre de la Justice sur avis des supérieurs hiérarchiques (11) .

Dans chaque affaire, la chambre compétente est composée du juge ou du conseiller qui préside le tribunal disciplinaire ou le tribunal disciplinaire d'appel. À cet égard, on veille à ce que les membres désignés ne soient pas nommés ou délégués dans la même juridiction, le même parquet, le même greffe, le même secrétariat de parquet ou service d'appui que la personne faisant l'objet de poursuites disciplinaires. Ils ne peuvent pas non plus se situer dans un lien hiérarchique avec la personne concernée (12) .

Le magistrat instructeur et les membres de la chambre du tribunal disciplinaire (de première instance) peuvent être récusés. La récusation est jugée par le tribunal disciplinaire d'appel (13) .

2. Procédure

5. Le tribunal disciplinaire peut être saisi soit par le chef de corps du tribunal ou du parquet dont l'intéressé fait partie (ou exceptionnellement, à l'égard d'un chef de corps même, par un autre organe), soit par le ministère public (éventuellement sur injonction du ministre de la Justice), soit par l'intéressé lorsqu'il introduit un recours contre une sanction disciplinaire déguisée dont il s'estime victime (14) .

Avant de saisir le tribunal disciplinaire, le chef de corps ou un magistrat qu'il désigne mène une enquête préalable (15) . Cette enquête ne peut durer plus de trois mois. L'ouverture d'une enquête est notifiée à la personne mise en cause (16) .

Lorsqu'une mesure d'ordre est prise, le chef de corps saisit immédiatement le tribunal disciplinaire. Dans ce cas, peu avant la fin de la suspension, le tribunal disciplinaire informe le chef de corps de l'état de la procédure disciplinaire et rend un avis sur l'éventuelle prolongation de la mesure d'ordre (17) .

Les particuliers et le Conseil supérieur de la Justice peuvent introduire une plainte à caractère disciplinaire auprès du chef de corps. Si la plainte est recevable, une enquête préalable est effectuée. Si le chef de corps n'a pas pris de décision sur la suite à réserver dans les trois mois, le plaignant ou le Conseil supérieur de la Justice peut s'adresser au ministère public et lui demander de saisir le tribunal disciplinaire (18) .

Le tribunal disciplinaire ne peut être saisi que des faits qui se sont produits ou ont été constatés ou communiqués au chef de corps dans les six mois qui précédent la date de la saisine (19) .

En principe, le tribunal disciplinaire traite l'affaire en audience publique. Il est possible de déroger à cette règle (20) .

Le tribunal disciplinaire se prononce dans le mois sur la recevabilité de la demande et sur la nécessité de désigner un magistrat instructeur. Si le tribunal disciplinaire décide qu'une enquête est requise, son président désigne un magistrat instructeur. Ce dernier entend l'intéressé et d'autres personnes, éventuellement. Il transmet le rapport d'instruction à la chambre du tribunal disciplinaire au plus tard quatre mois après sa désignation (21) .

Le tribunal disciplinaire appelle l'intéressé à comparaître dans les trois mois de la saisine (si aucun magistrat instructeur n'a été désigné) ou dans les deux mois suivant la transmission du rapport d'instruction aux membres de la chambre (si un magistrat instructeur a bien été désigné). L'intéressé doit comparaître en personne, mais il peut se faire assister. Il peut récuser les membres de la chambre (22) .

Le jugement est rendu dans les deux mois suivant l'audience. En cas de poursuite pénale, la chambre peut toutefois surseoir à statuer jusqu'à la décision judiciaire définitive (23) . Si la chambre estime qu'il y a lieu de révoquer un magistrat du ministère public, elle ne statue pas elle-même mais transmet une proposition en ce sens au Roi qui est l'autorité compétente pour prendre une décision de l'espèce en vertu de l'article 153 de la Constitution (24) .

Le magistrat qui conteste une mesure disciplinaire déguisée en mesure d'ordre peut introduire un recours contre cette décision auprès du tribunal disciplinaire. Ce recours n'est pas suspensif (25) .

À l'exception de la révocation des magistrats du ministère public, il peut être interjeté appel des sanctions disciplinaires devant le tribunal disciplinaire d'appel dans les trente jours de leur notification. La même possibilité de recours est ouverte contre les mesures prises, conformément aux articles 407 et 408, en vigueur, du Code judiciaire, à l'égard des personnes qui s'absentent sans autorisation. L'appel suspend l'exécution immédiate de la sanction disciplinaire. Le ministère public près le tribunal disciplinaire, le chef de corps et le ministère public près la juridiction dont est issue la personne en cause peuvent également interjeter appel de la décision d'infliger ou non une sanction disciplinaire (26) .

Un recours peut être introduit auprès du tribunal disciplinaire d'appel contre la suspension par mesure d'ordre ordonnée par le chef de corps et contre le refus d'imposer une telle mesure. Cette possibilité de recours est ouverte à la personne suspendue et au ministère public près la juridiction dans laquelle la personne concernée exerce ses fonctions. Ce recours n'est pas suspensif (27) .

La personne qui a été sanctionnée par une peine disciplinaire peut adresser une demande en révision lorsqu'il y a un élément nouveau (28) .

3. Évaluation et discipline

6. Lorsqu'un magistrat ou un membre du personnel a fait successivement l'objet de deux évaluations ayant donné lieu à la mention « insuffisant », le chef de corps saisit le tribunal disciplinaire (29) .

La sanction consistant, pour les magistrats, en la perte, pendant six mois, des dernières majorations triennales et, pour les membres du personnel, en la privation, pendant un an, de l'effet de la première augmentation intercalaire qui suit la date d'attribution de la mention « insuffisant » est abrogée (30) .

4. Peines disciplinaires

7. La distinction entre peines disciplinaires mineures et peines disciplinaires majeures disparaît. La liste des peines disciplinaires est également adaptée. La proposition de loi prévoit les peines disciplinaires suivantes: le rappel à l'ordre, le blâme, la retenue de traitement, le déplacement disciplinaire, la suspension disciplinaire, la régression barémique ou la perte du dernier supplément de traitement, la rétrogradation ou le retrait de mandat visé à l'article 58bis, la destitution ou la révocation (31) .

Il est prévu entre autres que la destitution et la révocation n'emportent pas la perte de la pension (32) .

Les peines disciplinaires du rappel à l'ordre, du blâme, de la retenue de traitement, du déplacement disciplinaire, de la suspension disciplinaire, de la régression barémique et de la rétrogradation sont effacées d'office après un délai déterminé qui varie pour chacune de ces peines (33) .

5. Mesures d'ordre

8. Une mesure d'ordre peut désormais être prononcée par le chef de corps pour une période de trois mois au maximum. Elle peut cependant être prolongée, chaque fois pour une période de trois mois au maximum jusqu'à la décision définitive. Le ministère public peut d'office ou sur injonction du ministre de la Justice, saisir le chef de corps d'une demande de suspension dans l'intérêt du service (34) .

Aucune mesure d'ordre ou prolongation ne peut être prononcée sans que la personne concernée ait été entendue ou dûment appelée ou, lorsque l'audition de la personne est impossible, qu'elle ait pu faire valoir ses moyens de défense par écrit ou se faire représenter (35) .

6. Entrée en vigueur

9. Le Roi est chargé de fixer l'entrée en vigueur de chacune des dispositions de la loi proposée (36) .

Des dispositions transitoires sont prévues, notamment pour les procédures en cours (37) .

B. Les amendements

10. Les amendements nos 1 et 2 de M. Mahoux visent à omettre les dispositions proposées qui associent une deuxième évaluation négative à une sanction disciplinaire.

L'amendement nº 3 de M. Mahoux vise à omettre la disposition proposée qui prévoit le déplacement disciplinaire.

Les objectifs principaux des amendements nos 4 à 18 de MM. Vanlouwe et Boogaerts sont les suivants:

— renforcer le pouvoir de contrôle du Conseil supérieur de la Justice sur le déroulement des procédures disciplinaires (amendements nos 4 et 7);

— adapter la composition des chambres du tribunal disciplinaire (de première instance) et du tribunal disciplinaire d'appel: celles-ci seraient composées d'un juge (conseiller) au tribunal disciplinaire, d'un assesseur ordinaire (conseiller assesseur) et d'un assesseur extraordinaire (conseiller assesseur). L'assesseur extraordinaire se substituerait à l'un des juges au tribunal disciplinaire. La chambre serait ainsi complétée par un non-magistrat (avocat ou professeur d'université) dans le but d'éviter une suspicion de corporatisme (amendements nos 8 à 10; voir aussi l'amendement nº 17);

— instaurer une procédure de tirage au sort pour désigner les magistrats qui peuvent effectivement siéger comme assesseur ordinaire, après la sélection opérée par l'assemblée générale du corps dont ils font partie (amendement nº 10);

— instaurer une procédure de désignation des assesseurs extraordinaires consistant à faire suivre la désignation des candidats par les conseils des ordres des avocats et des universités par un tirage au sort (amendement nº 10);

- raccourcir certains délais de la procédure disciplinaire (amendements nos 11 à 14);

- fixer une date-limite pour l'entrée en vigueur de la loi proposée, à savoir le 1er janvier 2014 (amendement nº 18).

L'amendement nº 19 de M. Mahoux a pour objet d'accorder au premier président de la cour d'appel et au premier président de la cour du travail le pouvoir de donner injonction au ministère public de saisir le tribunal disciplinaire d'un dossier concernant un magistrat du ministère public.

Les objectifs principaux des amendements nos 20 à 25 de Mme Khattabi sont les suivants:

— rédiger un code de déontologie, selon une procédure à déterminer par le Roi (amendement nº 20);

— permettre au Conseil supérieur de la Justice d'avoir accès au dossier disciplinaire d'une personne qui est candidate à une nomination ou à une désignation dans l'ordre judiciaire (amendement nº 21);

— permettre à tout magistrat (intéressé) ou à tout membre du personnel de l'ordre judiciaire intéressé, au Conseil supérieur de la Justice et aux bâtonniers des ordres des avocats de saisir le tribunal disciplinaire (amendement nº 22);

— adapter la composition des chambres du tribunal disciplinaire (de première instance) et du tribunal disciplinaire d'appel: celles-ci seraient composées d'un juge (conseiller) au tribunal disciplinaire, d'un assesseur ordinaire (conseiller assesseur) et d'un assesseur extraordinaire (conseiller assesseur). L'assesseur extraordinaire se substituerait à l'un des juges au tribunal disciplinaire. La chambre serait ainsi complétée par un non-magistrat (avocat, professeur d'université ou personne ayant une expérience professionnelle utile) dans le but d'éviter une suspicion de corporatisme (amendements nos 23 à 25);

— instaurer une procédure de désignation pour les assesseurs extraordinaires consistant à faire suivre la désignation des candidats par le Conseil supérieur de la Justice par un tirage au sort (amendement nº 25).

Les objectifs principaux des amendements nos 26 à 40 du gouvernement sont les suivants:

— supprimer le mandat distinct de magistrat instructeur et de greffier au tribunal disciplinaire (amendements nos 26, 27, 29 et 30);

— limiter aux magistrats du siège (en excluant par conséquent les magistrats du ministère public) la possibilité d'être désignés en tant que juge au tribunal disciplinaire (de première instance) ou au tribunal disciplinaire d'appel, et limiter la désignation à un terme (de sept ans) non renouvelable (amendement nº 28);

— permettre aux chefs de corps d'infliger des sanctions disciplinaires légères (rappel à l'ordre et blâme) (amendements nos 31, 36 et 37), avec la possibilité d'interjeter appel d'une telle sanction disciplinaire devant le tribunal disciplinaire (de première instance) (amendement nº 40);

— désigner les procureurs du Roi de Namur et de Gand pour exercer les fonctions du ministère public, respectivement près le tribunal disciplinaire francophone et près le tribunal disciplinaire néerlandophone (de première instance), et désigner le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles pour exercer la fonction du ministère public près le tribunal disciplinaire d'appel (amendements nos 32 en 33);

— limiter à un terme de cinq ans non renouvelable la désignation des membres-assesseurs du tribunal disciplinaire (de première instance) et du tribunal disciplinaire d'appel (amendement nº 34);

— prévoir que le magistrat chargé de l'instruction est désigné parmi les juges au tribunal disciplinaire (amendement nº 38);

— prévoir des règles de récusation pour les membres de la chambre du tribunal disciplinaire d'appel (amendement nº 40).

Observations préliminaires

A. Cadre normatif

11. En principe, le Conseil d'État examine une proposition de loi qui lui est soumise au regard, notamment, de la Constitution et des conventions internationales pertinentes en la matière.

En ce qui concerne le cadre constitutionnel à prendre en considération, le Conseil d'État constate que les auteurs de la proposition de loi soumise pour avis ont simultanément déposé deux propositions de révision de la Constitution, l'une visant à réviser l'article 152 de la Constitution (38) , l'autre l'article 157 de celle-ci (39) . La première proposition comporte des dispositions relatives à certaines sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées à des juges, la deuxième prévoit la création de juridictions disciplinaires. Il résulte des développements de la première proposition de révision de la Constitution que les deux propositions de révision de la Constitution et la proposition de loi à l'examen doivent être considérées comme un ensemble de dispositions cohérentes et que les dispositions révisées de la Constitution, notamment, doivent procurer une base constitutionnelle à la loi proposée.

Il ne peut toutefois pas se déduire de ces développements que la proposition de loi actuellement à l'examen est considérée comme la seule voie possible pour donner exécution aux dispositions révisées de la Constitution et donc que l'intention serait que le Constituant approuve implicitement la loi proposée, avant son adoption. En d'autres termes, la proposition de loi ne peut par conséquent pas être considérée comme l'expression d'une appréciation (future) du Constituant lui-même.

Il n'en demeure pas moins qu'eu égard au contexte dans lequel elle a été introduite, le Conseil d'État examinera la proposition soumise pour avis à la lumière des articles 152 et 157 de la Constitution, tels qu'ils seront rédigés après approbation des propositions de révision de la Constitution susvisées.

Le présent avis est évidemment donné sous la réserve expresse que les dispositions révisées des articles 152 et 157 de la Constitution telles qu'elles seront finalement, par hypothèse, adoptées, seront conformes aux propositions de révision de la Constitution actuellement à l'examen, ou qu'en tout cas, si les textes proposés devaient encore faire l'objet de modifications, les textes définitifs auront, à l'égard de la proposition de loi à l'examen, les mêmes effets juridiques que les révisions de la Constitution actuellement proposées. En outre, le Conseil d'État peut uniquement considérer les propositions de révision de la Constitution en fonction de l'interprétation qui doit y être donnée au regard, notamment des développements des propositions. Le présent avis est par conséquent donné sous la réserve expresse que, même si le texte de ces propositions de révision de la Constitution reste formellement inchangé, les travaux parlementaires de la révision de la Constitution ne lui donneront pas en fait une autre portée que celle voulue initialement par ses auteurs (40) .

12. Compte tenu de la proposition de révision des articles 152 et 157 de la Constitution, il n'y a pas lieu de s'attarder à l'examen d'objections constitutionnelles auxquelles pourraient se heurter les dispositions de la proposition à l'examen qui créent des juridictions disciplinaires, qui prévoient de désigner les membres de ces juridictions pour une durée déterminée et de faire également entrer dans la composition de celles-ci des assesseurs qui ne sont pas des magistrats de l'ordre judiciaire ou qui prévoient le déplacement disciplinaire à l'égard des magistrats du siège. Les auteurs des propositions de révision de la Constitution susvisées ont en effet clairement l'intention de permettre l'adoption de pareilles dispositions (41) .

B. L'applicabilité de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme aux procédures disciplinaires dirigées contre des magistrats et des membres du personnel de l'ordre judiciaire

13. La question se pose de savoir si, lors de l'examen de la proposition de loi soumise pour avis, le Conseil d'État doit tenir compte des garanties que prévoient l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette question concerne l'applicabilité de ces dispositions conventionnelles aux procédures disciplinaires qui visent des magistrats et des membres du personnel de l'ordre judiciaire.

En ce qui concerne l'applicabilité de la première disposition conventionnelle citée, il y lieu de se rapporter à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 19 avril 2007 en cause Vilho Eskelinen e.a. c. Finlande. La Cour y a jugé que des litiges concernant des agents de la fonction publique tombent en principe dans le champ d'application de cette disposition et ne peuvent y être soustraits qu'exceptionnellement:

« pour que l'État (...) puisse (...) invoquer le statut de fonctionnaire d'un requérant afin de le soustraire à la protection offerte par l'article 6, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, le droit interne de l'État concerné doit avoir expressément exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. En second lieu, cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l'intérêt de l'État » (42) .

Il s'ensuit que si le droit national ouvre un accès au juge pour trancher un litige qui concerne un fonctionnaire ou une autre personne investie de la puissance publique, il faut considérer que le litige tombe dans le champ d'application de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne. Tel est notamment le cas en ce qui concerne les procédures disciplinaires dirigées contre des magistrats (43) .

Dans la mesure où la proposition de loi et les amendements soumis pour avis prévoient une procédure devant le tribunal disciplinaire (de première instance) ou le tribunal disciplinaire d'appel, il s'agit d'une procédure portée devant une autorité judiciaire. Cette procédure doit dès lors répondre aux exigences de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne (44) . Il n'est pas nécessaire d'examiner si cette procédure doit en outre répondre aux exigences de l'article 14, paragraphe 1er, du Pace international, qui sont du reste analogues.

14. En ce qui concerne la notion du droit à un procès équitable, que garantit l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne, dans des procédures disciplinaires, les dispositions de l'article 6, paragraphes 2 et 3, de la Convention européenne sont également pertinentes. À cet égard, dans l'affaire Albert et Le Compte c. Belgique, la Cour européenne a considéré ce qui suit:

« Pour sa part, la Cour a estimé superflu de trancher la question de l'applicabilité du paragraphe 1er de l'article 6 au titre pénal, mais a résolu d'examiner sous l'angle du paragraphe 1er, en interprétant la notion de « procès équitable », la substance des griefs formulés par le requérant en vertu des paragraphes 2 et 3 (...). A ses yeux, les principes énoncés au paragraphe 2 et dans les seules clauses du paragraphe 3 invoquées par le Dr Albert, à savoir les alinéas a), b) et d), valent mutatis mutandis pour celles des procédures disciplinaires que régit le paragraphe 1er de la même manière que dans le cas d'une personne accusée d'une infraction pénale » (45) .

Le Conseil d'État doit ainsi examiner entre autres si la procédure proposée répond aux garanties spécifiques énumérées ci-après de l'article 6, paragraphes 2 et 3, de la Convention européenne:

— la présomption d'innocence et la règle selon laquelle la charge de la preuve repose sur la partie poursuivante (article 6, paragraphe 2);

— le droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation (article 6, paragraphe 3, a);

— le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense (article 6, paragraphe 3, b);

— le droit d'interroger des témoins et de les faire convoquer (article 6, paragraphe 3, d).

Plus généralement, la procédure disciplinaire doit permettre l'exercice du droit de la défense. La personne qui fait l'objet de poursuites disciplinaires doit ainsi notamment avoir le droit d'être entendue, de prendre connaissance du dossier disciplinaire, et de se faire assister ou représenter par un conseil (46) .

La proposition de loi ne soulève au demeurant aucune question sur ces points.

Observations générales

A. Création et composition des juridictions disciplinaires

1. Création des juridictions disciplinaires

15. Ainsi qu'il a été observé ci-dessus, l'article 157 de la Constitution, telle que cette disposition devrait être révisée selon les auteurs de la proposition à l'examen (voir observation 12), pourrait constituer une base constitutionnelle pour la création des juridictions disciplinaires. Vu ce contexte, la proposition n'appelle pas d'autres observations concernant la création.

2. Implication du Conseil supérieur de la Justice dans la composition des juridictions disciplinaires

16. Conformément à l'article 259bis/10, proposé, du Code judiciaire (article 4 de la proposition de loi), les commissions de nomination du Conseil supérieur de la Justice sont compétentes pour la présentation des candidats en vue d'une nomination comme juge au tribunal disciplinaire, conseiller au tribunal disciplinaire d'appel et magistrat instructeur au tribunal disciplinaire. Dans le même sens, l'article 259sexies/1, proposé, du Code judiciaire (article 5 de la proposition de loi) énonce que les juges au tribunal disciplinaire, les conseillers au tribunal disciplinaire d'appel et les magistrats instructeurs au tribunal disciplinaire sont désignés par le Roi sur présentation de la commission de nomination du Conseil supérieur de la Justice.

L'amendement nº 25 (article 411, § 5/1, proposé) prévoit une désignation des assesseurs extraordinaires par le Conseil supérieur de la Justice (47) .

Ces propositions soulèvent la question de savoir si le Conseil supérieur de la Justice peut effectivement être chargé d'une telle mission.

17. L'article 151, § 3, de la Constitution, règle les compétences du Conseil supérieur de la Justice:

« § 3. Le Conseil supérieur de la Justice exerce ses compétences dans les matières suivantes:

1º la présentation des candidats à une nomination de juge, telle que visée au § 4, alinéa premier, ou d'officier du ministère public;

2º la présentation des candidats à une désignation aux fonctions visées au § 5, alinéa premier, et aux fonctions de chef de corps auprès du ministère public;

3º l'accès à la fonction de juge ou d'officier du ministère public;

4º la formation des juges et des officiers du ministère public;

5º l'établissement de profils généraux pour les désignations visées au 2º;

6º l'émission d'avis et de propositions concernant le fonctionnement général et l'organisation de l'ordre judiciaire;

7º la surveillance générale et la promotion de l'utilisation des moyens de contrôle interne;

8º à l'exclusion de toutes compétences disciplinaires et pénales:

— recevoir et s'assurer du suivi de plaintes relatives au fonctionnement de l'ordre judiciaire;

— engager une enquête sur le fonctionnement de l'ordre judiciaire.

Dans les conditions et selon le mode déterminé par la loi, les compétences visées aux 1º à 4º sont attribuées à la commission de nomination et de désignation compétente et les compétences visées aux 5º à 8º sont attribuées à la commission d'avis et d'enquête compétente. La loi détermine les cas dans lesquels et le mode selon lequel les commissions de nomination et de désignation, d'une part, et les commissions d'avis et d'enquête, d'autre part, exercent leurs compétences conjointement.

Une loi à adopter à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, détermine les autres compétences de ce Conseil ».

Il ressort de l'énumération des compétences à l'article 151, § 3, alinéa 1er, de la Constitution que les compétences du Conseil supérieur de la Justice doivent être comprises de manière limitative, de toute évidence sous réserve de leur extension par une loi spéciale, et ce conformément à l'article 151, § 3, alinéa 3 (48) .

La compétence que les auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 25 entendent attribuer au Conseil supérieur de la Justice ne se retrouve pas dans l'énumération de l'article 151, § 3, alinéa 1er, de la Constitution. Les articles 4 et 5 de la proposition de loi et l'amendement nº 25 ne sont donc pas conformes sur ce point à l'article 151, § 3, de la Constitution.

Pour associer le Conseil supérieur de la Justice à la désignation des membres des juridictions disciplinaires, il incombe au préalable soit au Constituant, soit au législateur spécial de prendre une initiative en ce sens. Le Constituant pourrait modifier l'article 151, § 3, alinéa 1er, de la Constitution (49) . En application de l'article 151, § 3, alinéa 3, de la Constitution, le législateur spécial pourrait également étendre la compétence du Conseil supérieur de la Justice.

3. Caractère temporaire de la désignation

18. Il ressort des articles 58bis et 259sexies/1, proposés, du Code judiciaire (articles 3 et 5 de la proposition de loi) que des mandats temporaires sont prévus pour les juges au tribunal disciplinaire, les conseillers au tribunal disciplinaire d'appel et les magistrats instructeurs au tribunal disciplinaire. Il ne s'agit donc pas de nominations à vie.

Ainsi qu'il a été observé ci-dessus, l'article 157 de la Constitution, telle que cette disposition devrait être révisée selon les auteurs de la proposition à l'examen (voir observation 12), pourrait constituer une base constitutionnelle pour la limitation de la durée du mandat. Vu ce contexte, la proposition n'appelle pas d'autres observations d'ordre constitutionnel à propos du caractère temporaire de la désignation.

La réglementation proposée ne suscite pas non plus de questions du point de vue de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme. Il est vrai que l'inamovibilité des juges, sous réserve de motifs particuliers, constitue un élément de l'indépendance des instances judiciaires. Il s'agit toutefois d'une inamovibilité pendant l'exercice du mandat (50) . L'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne n'impose pas aux États de nommer les juges à vie dans une fonction déterminée.

4. Composition partielle de membres qui n'appartiennent pas à l'ordre judiciaire

19.  Selon la proposition de loi, une chambre du tribunal disciplinaire (de première instance) est composée de deux juges au tribunal disciplinaire et d'un assesseur (article 409, § 2, proposé; article 18 de la proposition de loi), et une chambre du tribunal disciplinaire d'appel est composée de deux conseillers au tribunal disciplinaire d'appel et d'un conseiller assesseur (article 410, alinéas cinq à sept, proposé; article 20 de la proposition de loi). Tant les juges ou les conseillers que les assesseurs sont des magistrats.

Tant les amendements nos 8, 9 et 10 que les amendements nos 23, 24 et 25, proposent de composer le tribunal disciplinaire d'un juge au tribunal disciplinaire, d'un assesseur ordinaire et d'un assesseur extraordinaire, et de composer le tribunal disciplinaire d'appel d'un conseiller au tribunal disciplinaire d'appel, d'un conseilleur assesseur ordinaire et d'un conseiller assesseur extraordinaire. Alors que l'assesseur ordinaire et le conseiller assesseur ordinaire sont des magistrats, l'assesseur extraordinaire et le conseiller assesseur extraordinaire sont des personnes extérieures à l'ordre judiciaire. La question se pose de savoir si la composition partielle de membres « externes » se heurte à des objections d'ordre constitutionnel ou de droit conventionnel.

20. Ainsi qu'il a été observé ci-dessus, l'article 157 de la Constitution, telle que cette disposition devrait être révisée selon les auteurs de la proposition à l'examen (voir observation 12), pourrait constituer une base constitutionnelle pour la désignation de membres externes. Vu ce contexte, la proposition n'appelle pas d'autres observations d'ordre constitutionnel en ce qui concerne la désignation de membres externes.

21. Pour le surplus, il y a lieu de considérer que le législateur dispose d'une large marge d'appréciation (51) . Il doit évidemment tenir compte des exigences d'indépendance et d'impartialité du juge et des garanties d'un procès équitable.

Le fait que des juges non professionnels participent à la jurisprudence disciplinaire ne soulève aucune objection en soi (52) . En ce qui concerne plus particulièrement les procédures disciplinaires à l'encontre de magistrats, le Conseil d'État constate que le « Conseil consultatif des Juges européens » (C.C.J.E.), un organe consultatif du Conseil de l'Europe, ne formule pas d'objection à l'égard de la participation de membres externes à la jurisprudence disciplinaire, pour autant que l'organe disciplinaire compétent présente des garanties suffisantes d'indépendance:

« 71. Le CCJE a déjà exprimé l'opinion que les actions disciplinaires à l'encontre de tout juge ne devraient être décidées que par une instance indépendante (ou « tribunal »), selon une procédure qui garantit pleinement les droits de la défense [...]. Il considère également que l'organe chargé de nommer un tel tribunal pourrait, et devrait être l'organe indépendant (comprenant une représentation substantielle de juges choisis démocratiquement par leurs pairs) qui [...] devrait être généralement chargé de la nomination des juges (53) . Ceci n'exclut nullement le fait d'inclure dans la composition du tribunal disciplinaire des personnalités autres que des juges (ce qui évite le risque de corporatisme), pourvu que ces personnalités extérieures ne soient jamais des membres du corps législatif, du gouvernement ou de l'administration » (54) .

Le Conseil d'État estime également que la présence éventuelle d'assesseurs externes dans les juridictions disciplinaires ne soulève aucune objection.

5. Composition ad hoc des chambres des juridictions disciplinaires

22. Conformément à l'article 411, § 7, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire (article 22 de la proposition de loi), la chambre du tribunal disciplinaire (de première instance) ou du tribunal disciplinaire d'appel est composée du magistrat du siège le plus ancien (donc du président de la juridiction disciplinaire) dans les cinq jours après la transmission d'un dossier à la juridiction disciplinaire. La chambre est donc composée par affaire et les membres sont choisis dans le pool des juges et assesseurs, désignés conformément à l'article 411, §§ 1er à 6, proposé, et dans le respect des motifs d'exclusion énumérés à l'article 411, § 7, alinéa 2, proposé.

La désignation des membres d'une chambre ne saurait représenter un moyen d'influencer la composition du siège pour l'instruction d'une cause déterminée. Les circonstances dans lesquelles s'effectuent ces désignations ne sauraient davantage être de nature à faire naître chez la personne poursuivie disciplinairement ou des tiers une ombre de partialité ou de dépendance (55) . La seule circonstance que la composition d'une chambre est fixée en fonction d'un dossier déterminé ne suffit toutefois pas à éveiller une suspicion de partialité en ce qui concerne les membres désignés. Il appartient au président de la juridiction disciplinaire de veiller à ce que la désignation n'aie d'autre objet que les besoins du service. Jusqu'à preuve du contraire, le président doit être censé n'avoir visé en la matière que le bon fonctionnement du service et tous les membres également sont réputés pouvoir juger en toute impartialité.

Afin de mieux répondre aux exigences en matière d'impartialité de la juridiction disciplinaire, il est néanmoins recommandé d'instaurer un système déterminé pour la désignation des membres d'une chambre. Ce système pourrait par exemple impliquer que le président désigne les membres selon un tour de rôle déterminé, étant entendu toutefois qu'il ne peut désigner des membres auxquels s'applique un motif d'exclusion.

B. Procédure

1. Régime disciplinaire des magistrats du ministère public

23. Dans le système élaboré dans la proposition de loi, les affaires disciplinaires concernant des membres du ministère public sont traitées selon les mêmes règles que celles applicables à l'encontre des magistrats du siège, à cette seule exception que si le tribunal disciplinaire estime qu'il y a lieu à révoquer un magistrat du ministère public, il transmet une proposition motivée de révocation au Roi (article 418, § 3, alinéa 3, proposé, du Code judiciaire; article 33 de la proposition de loi). Par conséquent, le tribunal disciplinaire d'appel ne se prononce pas sur cette révocation (article 420, § 1er, alinéa 1er, du Code judiciaire; article 35 de la proposition de loi) (56) .

Ce régime dérogatoire procède du fait que l'article 153 de la Constitution dispose que le Roi nomme et révoque les officiers du ministère public près des cours et des tribunaux (57) .

24. Dans la mesure où la proposition de loi prévoit un régime qui est largement identique pour les magistrats du siège et ceux du ministère public, elle répond à la critique formulée précédemment par le Conseil d'État en ce qui concerne un régime qui était différent pour les deux catégories de magistrats:

« Si la rédaction différente des articles 152 et 153 de la Constitution autorise incontestablement le législateur à aménager un régime disciplinaire différencié pour les membres du ministère public et pour les magistrats du siège, il importe cependant de rappeler que l'article 151 de la Constitution consacre l'indépendance du ministère public. Il s'agit d'un texte nouveau qui, dans la Constitution, renforce la qualité de magistrat reconnue aux membres du ministère public.

L'article 153 de la Constitution réserve formellement au Roi le pouvoir de prononcer la révocation des membres du ministère public. Ce texte ne fait pas obstacle à ce que d'autres sanctions — ainsi la retenue de traitement ou encore le retrait de mandat — puissent être prononcées y compris par des organes juridictionnels.

Il appartient au législateur d'apprécier si, compte tenu du principe d'indépendance consacré par l'article 151 de la Constitution, il ne serait pas souhaitable que certaines sanctions majeures applicables au ministère public puissent être prononcées tant au premier qu'au second degré par des organes de l'ordre judiciaire » (58) .

25. Dans la mesure où la proposition de loi prévoit un régime dérogatoire pour la révocation d'un magistrat du ministère public, il convient de formuler l'observation suivante.

D'un point de vue constitutionnel, il n'y a pas d'objection à ce que, en vue de protéger les droits de la personne poursuivie disciplinairement, la proposition de loi vise à subordonner l'exercice, par le Roi, de la compétence qui lui est réservée, à l'intervention — dans un sens bien déterminé — d'un autre organe, en l'occurrence le tribunal disciplinaire (en première instance). La Constitution s'opposerait par contre à un régime dans lequel une autre autorité serait habilitée à révoquer un magistrat du ministère public, ou dans lequel le Roi serait tenu d'infliger la révocation si une autorité agissant dans le cadre de la procédure disciplinaire lui faisait une proposition en ce sens. La proposition de loi ne comporte cependant pas de telle règle.

La proposition de loi n'est cependant pas claire quant à la suite de la procédure si le Roi ne souhaite pas mettre en œuvre la proposition de révocation faite par le tribunal disciplinaire. Le Roi doit-il renvoyer le dossier au tribunal disciplinaire, afin que celui-ci réexamine l'affaire et puisse éventuellement infliger une peine disciplinaire mineure, ou le Roi peut-il alors infliger lui-même une peine disciplinaire mineure ? Il appartient aux Chambres législatives de compléter la proposition de loi sur ce point.

2. L'intervention du Conseil supérieur de la Justice dans la procédure disciplinaire

26. La proposition de loi et certains amendements prévoient certaines possibilités d'intervention du Conseil supérieur de la Justice dans le cadre de la procédure disciplinaire:

— selon l'article 414, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire (article 27 de la proposition de loi), le Conseil supérieur de la Justice peut saisir l'autorité visée à l'article 412, § 1er, proposé, (c'est-à-dire le chef de corps ou, dans des cas bien déterminés, une instance supérieure) d'une plainte à caractère disciplinaire;

— selon l'amendement nº 22 (article 412, § 5, proposé, du Code judiciaire), le Conseil supérieur de la Justice peut saisir directement le tribunal disciplinaire;

— selon l'amendement nº 4 (article 259bis-14, § 1er, proposé, du Code judiciaire), la commission d'avis et d'enquête réunie du Conseil supérieur est compétente pour « surveiller » (et non « surveiller de manière générale ») la manière dont est exercé le contrôle interne au sein de l'ordre judiciaire (59) .

27. L'article 151, § 3, alinéa 1er, 8º, de la Constitution confère au Conseil supérieur de la Justice certaines compétences « à l'exclusion de toutes compétences disciplinaires et pénales ».

Il ressort des travaux parlementaires relatifs à la révision de l'article 151 de la Constitution que le Conseil supérieur de la Justice n'est pas compétent pour s'immiscer dans des dossiers disciplinaires individuels (60) et, partant, qu'il n'est pas compétent pour entamer une procédure disciplinaire ou pour obliger l'autorité compétente à le faire (61) . Il est par contre compétent pour dénoncer des faits à l'autorité disciplinaire, ce qui peut inciter celle-ci à engager la procédure disciplinaire (62) .

Il s'ensuit que la communication de plaintes à caractère disciplinaire à l'autorité visée à l'article 412, § 1er, proposé, du Code judiciaire (article 414, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire; article 27 de la proposition de loi) est compatible avec l'article 151 de la Constitution. Par contre, il est contraire à cette disposition constitutionnelle de saisir directement le tribunal disciplinaire (amendement nº 22; article 412, § 5, proposé, du Code judiciaire).

28. L'amendement nº 4 vise à étendre le pouvoir du Conseil supérieur de la Justice à un contrôle a posteriori sur le déroulement des procédures disciplinaires, sans que ce contrôle demeure limité à un contrôle « général ».

Le texte de l'article 259bis-14, § 1er, du Code judiciaire, tel qu'il s'énoncerait après l'approbation de l'amendement, peut donner à penser que le Conseil supérieur de la Justice pourrait émettre un jugement sur le déroulement concret des procédures disciplinaires. Toutefois, telle n'est pas l'intention des auteurs de l'amendement. Dans les développements, ils soulignent en effet que l'amendement ne porte pas sur la procédure disciplinaire même, mais uniquement sur « la mise en œuvre ou non d'une procédure et sur l'exécution de la peine disciplinaire » (63) . Interprété en ce sens, l'amendement reste dans les limites de l'article 151, § 3, de la Constitution. L'intention des auteurs de l'amendement devrait cependant être mieux exprimée dans le texte de ce dernier.

3. La possibilité de traiter l'affaire à huis clos

29. L'article 416, proposé, du Code judiciaire (article 30 de la proposition de loi) dispose que les tribunaux disciplinaires traitent l'affaire en audience publique, « à moins que la personne concernée ne demande le huis clos » (alinéa 1er). En outre, le tribunal disciplinaire peut aussi décider lui-même de traiter, dans certains cas, l'affaire à huis clos (alinéa 2).

La proposition doit être examinée au regard de l'article 148, alinéa 1er, de la Constitution, de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, et de l'article 14, paragraphe 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L'article 148, alinéa 1er, de la Constitution s'énonce comme suit:

« Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les mœurs; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement. »

L'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que, notamment en cas de litige sur ses droits et obligations de caractère civil, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement. L'accès de la salle d'audience peut toutefois être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès « dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ». L'article 14, paragraphe 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques comporte une disposition qui va dans le même sens.

L'article 148, alinéa 1er, de la Constitution ne peut pas être lu indépendamment de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne.

Vu la nécessité de tenir compte des dispositions de la Convention européenne pour l'interprétation de dispositions analogues de la Constitution belge, dès lors que les deux instruments constituent un ensemble indissociable à plusieurs égards (64) , les principes applicables à l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne peuvent être transposés à l'interprétation de l'article 148, alinéa 1er, de la Constitution (65) .

30. À cet égard, il faut tenir compte dans un premier temps de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle il est permis de prévoir que si l'intéressé dans une affaire disciplinaire renonce au droit à la publicité de l'instance, la procédure se déroule effectivement à huis clos (66) . Dans des arrêts ultérieurs qui ne portent, il est vrai, généralement pas sur des affaires disciplinaires, la Cour européenne a subordonné la possibilité pour l'intéressé de renoncer à la publicité, à la condition que cette renonciation ne se heurte à aucun intérêt public important (67) .

En l'occurrence, l'article 416, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire dispose que les tribunaux disciplinaires traitent en principe l'affaire en audience publique. Les auteurs de la proposition indiquent ainsi que le traitement des affaires disciplinaires engagées contre des magistrats n'est en principe pas entouré de discrétion. En prévoyant une publicité de principe de l'affaire disciplinaire, ils considèrent au contraire implicitement que dans le traitement des affaires disciplinaires visant des magistrats, c'est non seulement l'intérêt de la personne poursuivie mais également l'intérêt général qui est concerné. De cette manière, ils tendent à réaliser sur ce point une certaine convergence entre la procédure disciplinaire et la procédure pénale.

Dans un tel contexte, on ne peut conférer d'emblée à l'intéressé le droit d'obtenir le traitement à huis clos. Selon la règle contenue dans le dernier membre de l'article 148, alinéa 1er, de la Constitution, il appartient au contraire au juge de mettre en balance l'intérêt de l'intéressé à un traitement à huis clos et l'intérêt général qui est servi par la publicité de l'affaire (68) .

Il convient dès lors d'adapter le texte de l'article 416, alinéa 1er, proposé. Le Conseil d'État suggère de scinder cette disposition en deux alinéas, formulés comme suit:

« Les tribunaux disciplinaires traitent l'affaire en audience publique.

L'intéressé peut demander au tribunal disciplinaire de traiter l'affaire à huis clos. Le tribunal peut faire droit à cette demande, à moins qu'il estime que l'intérêt général s'y oppose ».

31. L'article 416, alinéa 2, proposé, prévoit ensuite que le tribunal disciplinaire peut également décider, si nécessaire contre la volonté de la personne poursuivie disciplinairement, de siéger à huis clos dans des cas bien déterminés. Les cas visés correspondent pratiquement mot pour mot à ceux qui sont énumérés à l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne. Il n'est certes pas fait mention de la « sécurité nationale dans une société démocratique », mais vu la nature des affaires pendantes devant les tribunaux disciplinaires, il ne paraît pas nécessaire de mentionner ce motif de dérogation. Il est en outre question de « la vie privée de la personne poursuivie », au lieu de « la vie privée des parties au procès », mais cette adaptation est elle aussi justifiée, vu la nature de la procédure disciplinaire. D'ailleurs, le traitement de l'affaire devra, le cas échéant, se dérouler également à huis clos en raison de la vie privée de tiers. En effet, le huis clos peut être requis sur la base du droit au respect de la vie privée (article 22 de la Constitution, article 8 de la Convention européenne et article 17 du Pacte international), un aspect de l' « ordre » visé à l'article 148, alinéa 1er, de la Constitution et de l'« ordre public », visé à l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne et à l'article 14, paragraphe 1er, du Pacte international (69) .

Vu ce qui précède, l'alinéa 2, proposé, de l'article 416 du Code judiciaire ne donne lieu à aucune objection.

Observations particulières

Article 5

32. L'article 259sexies/1, proposé, du Code judiciaire ne précise pas combien de magistrats sont désignés comme juges au tribunal disciplinaire (de première instance), conseillers au tribunal disciplinaire d'appel et magistrats instructeurs au tribunal disciplinaire. Il conviendrait de compléter la disposition proposée sur ce point.

Articles 6 et 7

33. L'article 259decies, § 3, proposé, du Code judiciaire dispose que lorsqu'un magistrat a fait successivement l'objet de deux évaluations ayant donné lieu à la mention « insuffisant », le chef de corps saisit le tribunal disciplinaire. L'article 287ter, § 6, proposé, du Code judiciaire contient une disposition similaire pour les membres du personnel.

Selon les développements, c'est le tribunal disciplinaire qui décide de la sanction à prendre à l'égard la personne concernée (70) .

Le Conseil d'État estime utile d'attirer l'attention sur le fait que le tribunal disciplinaire devra avant tout vérifier si la personne concernée a manqué aux devoirs de sa charge, a par sa conduite porté atteinte à la dignité de son caractère ou a négligé les tâches de sa charge et a ainsi porté atteinte au bon fonctionnement de la justice ou à la confiance dans l'institution (voir l'article 404 du Code judiciaire). Tel sera probablement souvent le cas lorsque deux évaluations consécutives auront attribué la mention « insuffisant », mais il n'en sera pas forcément ainsi. L'inaptitude à exercer une charge n'est en effet pas nécessairement la conséquence d'un manquement fautif.

Article 15

34. Dans le texte néerlandais de l'article 406, § 1er, avant-dernier alinéa, proposé, du Code judiciaire, on remplacera les mots « hoger beroep » par « beroep » (71) .

Articles 18 et 20

35. L'article 409, § 1er, alinéa 2, proposé, du Code judiciaire (article 18 de la proposition de loi) dispose qu'au sein du tribunal [disciplinaire] de langue française (de première instance), une chambre connaît des affaires relatives aux membres et aux membres du personnel de l'ordre judiciaire de langue allemande et que cette chambre est composée d'au moins un magistrat du siège justifiant de la connaissance de la langue allemande. L'article 410, alinéa 4, proposé (article 20 de la proposition de loi) dispose qu'au sein du tribunal disciplinaire d'appel de langue française, une chambre est composée d'au moins un magistrat du siège justifiant de la connaissance de la langue allemande.

Compte tenu de la situation réelle en ce qui concerne le nombre de magistrats germanophones, ce régime est raisonnablement justifié et ne viole pas les principes d'égalité et de non-discrimination (72) , même s'il offre moins de garanties aux germanophones qu'aux francophones et aux néerlandophones.

Néanmoins, il faut tenir compte du fait que la personne poursuivie disciplinairement a le droit d'être comprise par tous les membres de la juridiction disciplinaire qui statuera sur son affaire. Le cas échéant, ceci implique, d'une part, que les déclarations faites en allemand par l'intéressé doivent être traduites par des interprètes, de sorte que ces déclarations soient comprises par tous les membres de la chambre et, d'autre part, que les pièces rédigées en allemand qui sont mises à la disposition des membres de la chambre à titre d'information ou de pièces justificatives existent sous forme de traduction (73) . Même si l'on peut admettre que la possibilité de recourir à des interprètes et des traducteurs existe, sans pour autant en faire expressément mention dans la loi (74) , mieux vaudrait néanmoins y insérer une disposition à ce sujet. À cette fin, les Chambres législatives pourraient s'inspirer d'un certain nombre de dispositions de la loi du 15 juin 1935 « concernant l'emploi des langues en matière judiciaire » ou élargir le champ d'application de certaines dispositions de cette loi aux tribunaux disciplinaires.

36. Il y a lieu d'éviter que le régime proposé ait pour conséquence de bloquer une procédure disciplinaire à l'encontre d'un membre ou d'un membre du personnel de l'ordre judiciaire de langue allemande, par exemple parce que le seul membre de la chambre qui justifie de la connaissance de la langue allemande est récusé. Les Chambres législatives pourraient s'inspirer de la règle inscrite à l'article 30bis de la loi précitée du 15 juin 1935. Cette disposition énonce qu'en cas d'impossibilité de composer légalement une juridiction devant statuer en langue allemande, la procédure est faite dans la langue française et la possibilité est prévue, à la demande d'une des parties, ou d'office, de faire appel à des traducteurs (ou des interprètes).

37. Dans un souci de parallélisme avec l'article 409, § 1er, alinéa 2, proposé, du Code judicaire, il conviendrait également de préciser à l'article 410, alinéa 4, proposé, que le régime qui y est inscrit s'applique (exclusivement) aux affaires qui concernent des membres et membres du personnel de l'ordre judiciaire de langue allemande.

Article 22

38. Selon l'article 411, § 1er, alinéa 3, proposé du Code judiciaire, le mandat des membres assesseurs (qui, selon l'article 411, § 2, alinéa 1er, proposé, sont désignés parmi les magistrats de carrière effectifs ou admis à la retraite et le personnel judiciaire de niveau A et B) prend fin lorsqu'une peine disciplinaire leur est infligée.

La question se pose de savoir si cette disposition ne devrait pas être complétée, pour les magistrats, par une disposition semblable à celle de l'article 259sexies/1, alinéa 5, proposé, du Code judiciaire (article 5 de la proposition de loi), selon laquelle le mandat de juge au tribunal disciplinaire, de conseiller au tribunal disciplinaire d'appel et de magistrat instructeur au tribunal disciplinaire s'achève « lorsque l'intéressé accepte une mission visée aux articles 308, 323bis, 327 et 327bis ».

39. L'article 411, proposé, du Code judiciaire traite d'une façon générale des membres assesseurs. Le paragraphe 7 a toutefois une autre portée (présidence du tribunal disciplinaire (en première instance) et du tribunal disciplinaire d'appel, ainsi que composition de la chambre pour juger une affaire déterminée). Mieux vaudrait dès lors que ce paragraphe fasse l'objet d'un article distinct.

40. Selon l'article 411, § 7, alinéa 2, proposé, du Code judiciaire, les membres de la chambre ne peuvent être nommés ou délégués dans la même juridiction, le même parquet, le même greffe ou secrétariat de parquet ou service d'appui que la personne faisant l'objet de poursuites disciplinaires.

La question se pose de savoir comment la chambre doit être composée lorsqu'il s'agit d'une affaire disciplinaire engagée contre un magistrat ou un membre du personnel de la Cour de cassation. Conformément aux articles 409, § 2, et 410, alinéas 5 à 7, proposés, du Code judiciaire (articles 18 et 20 de la proposition de loi), les membres de la chambre doivent être du même niveau que la personne poursuivie. Il est impossible de combiner cette règle avec celle de l'article 411, § 7, alinéa 2, proposé, dans le cas de la Cour de cassation.

Les dispositions proposées devraient être complétées par un régime spécifique pour les magistrats et les membres du personnel de la Cour de cassation.

Article 24

41. Selon l'article 412, § 2, proposé, du Code judiciaire, le tribunal disciplinaire peut également être saisi directement par le « ministère public près la juridiction dont est issue la personne en cause ».

Si l'intention est que le ministère public dispose également d'un droit de réquisition à l'égard des juges de paix, il conviendrait de prévoir un régime spécifique à cet effet. Il n'existe en effet pas de parquet près la justice de paix.

42. En vertu de l'article 412, § 3, proposé, du Code judiciaire, le tribunal disciplinaire est également saisi (en première instance) des recours introduits contre une mesure considérée par la personne intéressée comme une sanction disciplinaire déguisée.

Cette possibilité n'est ouverte qu'aux magistrats. Le Conseil d'État se demande s'il existe une raison pour laquelle elle ne s'applique pas non plus aux membres du personnel de l'ordre judiciaire.

En outre, l'attention des Chambres législatives est attirée sur le régime inscrit à l'article 420, § 2, proposé, du Code judiciaire (article 35 de la proposition de loi). Selon cette disposition, le recours contre une mesure d'ordre est introduit devant le tribunal disciplinaire d'appel et non devant le tribunal disciplinaire de première instance. La question se pose de savoir s'il n'y a pas lieu d'harmoniser les articles 412, § 3, et 420, § 2, sur ce point.

Article 27

43. Dans le texte néerlandais de l'article 414, alinéa 6, proposé, du Code judiciaire, on remplacera les mots « tijdens de zitting » par les mots « tijdens het verhoor ».

Article 29

44. Selon l'article 415, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire, le tribunal disciplinaire ne peut être saisi que des faits « qui se sont produits ou ont été constatés ou communiqués à l'autorité visée à l'article 412, § 1er, dans les six mois qui précédent la date de sa saisine ».

Cette disposition est rédigée de manière équivoque. Le chef de corps peut en effet prendre connaissance à un moment donné de faits qui se sont déroulés antérieurement. Faut-il alors tenir compte de la date à laquelle les faits se sont déroulés ou de celle à laquelle le chef de corps a découvert leur existence ou en a été informé ?

Les développements de la proposition de loi indiquent que le délai de six mois court à partir de la date à laquelle le chef de corps « a connaissance d'une situation problématique » (75) . Telle est la règle qui figure actuellement à l'article 418 du Code judiciaire (« dans les six mois de la connaissance des faits par l'autorité disciplinaire compétente pour initier la procédure disciplinaire »). Mieux vaudrait que la disposition proposée reproduise les termes de cet article.

Si les Chambres législatives estiment que les tribunaux disciplinaires ne peuvent pas, en outre, infliger de sanctions disciplinaires pour des faits qui se sont déroulés depuis un certain temps (plus de six mois avant la saisine du tribunal disciplinaire), il conviendrait de compléter la proposition par une disposition dans ce sens.

45. Selon l'article 415, alinéa 2, proposé, du Code judiciaire, l'action disciplinaire est indépendante de l'action publique et de l'action civile. Cependant, lorsque les mêmes faits donnent lieu à une action publique, le délai de six mois pour saisir le tribunal disciplinaire est suspendu jusqu'à la notification de la décision judiciaire définitive.

Au sujet d'une disposition rédigée dans des termes similaires (article L 1215-27 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation) (76) , l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'État a observé que cette disposition doit être lue en combinaison avec le principe du délai raisonnable, tel qu'il s'applique aux procédures disciplinaires instaurées pour les organes administratifs:

« Considérant que cette disposition permet à l'autorité disciplinaire de différer les poursuites disciplinaires jusqu'à la fin de la procédure pénale, mais ne l'y oblige pas; que l'autorité disciplinaire qui, en opportunité, use de la faculté de n'entamer les poursuites disciplinaires qu'à l'issue de la procédure pénale doit demeurer attentive au principe du délai raisonnable; qu'elle ne peut tenir l'action disciplinaire en suspens que si les moyens d'investigation dont elle dispose ne lui permettent pas d'apprécier les faits qui sont reprochés à l'agent; qu'elle ne peut pas laisser l'agent menacé d'une action disciplinaire trop longtemps dans l'incertitude sur son sort; que l'obligation de traiter avec diligence le dossier de l'agent impose à l'autorité disciplinaire de conduire l'instruction administrative aussi loin que possible de manière à s'assurer, qu'il lui est, le cas échéant, raisonnablement impossible de statuer avant la décision définitive du juge pénal » (77) .

Moyennant les adaptations nécessaires, ces considérations s'appliquent également à l'enquête disciplinaire préalable visée à l'article 413, § 1er, proposé, du Code judiciaire (article 26 de la proposition de loi) et, dans le cadre de la cause disciplinaire, à la saisine du tribunal disciplinaire, visée à l'article 415, alinéa 2, proposé.

Article 32

46. Conformément à la première phrase de l'article 417, § 3, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire, le magistrat instructeur est habilité à procéder à toute mesure d'instruction disciplinaire nécessaire hormis les actes d'investigation pénale et les mesures de contrainte. Selon la deuxième phrase, le magistrat instructeur peut entendre des témoins, procéder à des confrontations ou faire procéder à des expertises.

Le lien entre les première et deuxième phrases n'apparaît pas clairement. Les mesures visées dans la deuxième phrase existent en effet également en tant que mesures d'instruction pénales (78) . Les compétences du magistrat instructeur devraient être mieux précisées, à tout le moins dans un commentaire lors des travaux préparatoires de la proposition de loi.

47. Dans le texte néerlandais de l'article 417, § 3, alinéa 6, proposé, les mots « elke terechtzitting » doivent être remplacés par les mots « elk verhoor ».

48. Conformément à l'article 417, § 3, alinéa 7, proposé, le dossier d'instruction est mis à la disposition de la personne concernée et de la personne qui l'assiste dix jours avant la comparution (devant le magistrat instructeur).

La personne concernée a le droit de demander au magistrat instructeur des actes d'instruction complémentaires (article 417, § 3, alinéa 2, proposé). Pour pouvoir exercer utilement ce droit, il peut être souhaitable qu'elle sache quels actes d'instruction ont déjà été accomplis, et lesquels pas. Il apparaît au Conseil d'État qu'il serait préférable de compléter la mesure par une disposition permettant à l'intéressé de demander à tout moment au magistrat instructeur de pouvoir consulter le dossier (79) .

Article 33

49. Selon l'article 418, § 3, alinéa 2, proposé, du Code judiciaire, le tribunal disciplinaire peut, en cas de poursuite pénale, sursoir à statuer jusqu'à la décision judiciaire définitive.

À cet égard, le tribunal disciplinaire devra toutefois tenir compte du principe du délai raisonnable. Moyennant les adaptations nécessaires, il est renvoyé aux observations formulées à ce sujet sur l'article 415, alinéa 2, proposé, du Code judiciaire (observation 45).

Article 35

50. L'article 420, proposé, du Code judiciaire a trait à la procédure devant le tribunal disciplinaire d'appel. Cet article ne prévoit pas de mesures d'instruction de la part d'un magistrat instructeur. Les développements de la proposition de loi précisent par contre qu'un magistrat instructeur est présent aussi bien au tribunal disciplinaire de première instance qu'au tribunal disciplinaire d'appel (80) . Les développements ne sont manifestement pas conformes au texte.

Les Chambres législatives devront vérifier si, dans certains cas, il ne se justifie pas de désigner un magistrat instructeur au tribunal disciplinaire d'appel, soit en vue de l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires (dans le cas où appel est interjeté contre un jugement du tribunal disciplinaire), soit en vue de l'accomplissement de mesures d'instruction pures et simples (en cas de recours formé contre une mesure d'ordre).

51. Selon l'article 420, § 1er, alinéa 1er, proposé du Code judiciaire, il est possible d'interjeter appel devant le tribunal disciplinaire d'appel notamment contre les mesures visées à l'article 408 de ce code. Cette dernière disposition concerne les conseillers et juges sociaux, les juges consulaires et les assesseurs en application des peines qui, bien que régulièrement convoqués, ont été absents sans juste motif à plus de trois audiences au cours d'une période de six mois. Les personnes visées sont considérées comme démissionnaires et remplacées. Le texte en vigueur ne prévoit pas de décision par une autorité judiciaire et la proposition de loi ne modifie pas cet article. Il apparaît au Conseil d'État que l'article 408 n'est pas à sa place dans l'énumération de mesures susceptibles d'appel.

52. Ni l'article 420, proposé, du Code judiciaire, ni une autre disposition n'envisagent la possibilité de récuser les membres de la chambre du tribunal disciplinaire d'appel. Pareille faculté est pourtant prévue, en ce qui concerne les membres de la chambre du tribunal disciplinaire de première instance, à l'article 417, § 2, alinéa 2, proposé (article 32 de la proposition de loi), et en ce qui concerne le magistrat instructeur au tribunal disciplinaire de première instance, à l'article 418, § 2, alinéa 2, proposé (article 33 de la proposition de loi). L'article 420, proposé, devrait être complété par une disposition analogue. C'est d'ailleurs l'objet de l'amendement nº 40.

Amendements nos 8, 9 et 10

53. Les amendements nos 8, 9 et 10 prévoient de composer partiellement les juridictions disciplinaires par des membres assesseurs extraordinaires (qui doivent posséder une expérience professionnelle de dix ans au barreau ou comme professeur d'université). Comme il a déjà été observé ci-dessus, pareille composition ne soulève en soi aucune objection (voir les observations 20 et 21).

Toutefois, à l'égard des membres assesseurs extraordinaires aussi, des garanties assurant leur indépendance devraient être instaurées. Ainsi, à titre d'exemple, on pourrait prévoir que la qualité de membre assesseur extraordinaire est incompatible avec l'exercice d'un mandat politique. D'autres incompatibilités pourraient également être instaurées (81) .

Amendement nº 21

54. L'amendement nº 21 envisage notamment la possibilité pour le Conseil supérieur de la Justice de demander, lorsqu'une personne est candidate à une nomination ou à une désignation, à consulter son dossier disciplinaire.

Dans la mesure où un droit de consultation est accordé dans un dossier pendant, c'est-à-dire avant que le tribunal disciplinaire ait statué sur l'action disciplinaire, il faut avoir égard à la présomption d'innocence. Le Conseil supérieur de la Justice devra faire preuve de la circonspection nécessaire dans le traitement des éléments du dossier disciplinaire. À cet égard, le législateur pourrait imposer des restrictions visant à protéger les droits de la personne concernée.

Dans la mesure où un droit de consultation pourrait être accordé dans un dossier clôturé, il faut tenir compte de l'effacement des peines disciplinaires après un certain temps (article 421 proposé; article 36 de la proposition de loi). Il serait logique de limiter le droit d'accès aux dossiers pour lesquels la peine n'est pas encore effacée.

Amendements nos 23, 24 et 25

55. Les amendements nos 23, 24 et 25 prévoient également de composer partiellement les juridictions disciplinaires d'assesseurs extraordinaires et de conseillers assesseurs extraordinaires (qui doivent posséder dix ans d'expérience professionnelle au barreau ou comme professeur d'université, ou une autre expérience professionnelle utile de dix ans).

L'observation 53 s'applique également à ces amendements.

56. L'amendement nº 25 prévoit la désignation par le Conseil supérieur de la Justice, d'assesseurs extraordinaires (et de conseillers assesseurs extraordinaires ?) (article 411, § 5/1, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire), même s'il est en outre question d'une désignation par tirage au sort (article 411, § 5/1, alinéa 3, proposé).

Il a déjà été observé ci-dessus que l'article 151, § 3, de la Constitution ne permet pas au législateur d'associer le Conseil supérieur de la Justice à la désignation des membres des juridictions disciplinaires (observation 17). Il conviendrait dès lors de remanier l'amendement nº 25.

Amendement nº 40

57. Le texte néerlandais de l'article 420, § 3, alinéas 1er et 3, proposé, du Code judiciaire mentionne chaque fois « hoger beroep » (appel) contre une sanction disciplinaire mineure, infligée par le chef de corps; le texte français utilise respectivement les mots « recours » (beroep) et « appel » (hoger beroep). Cette discordance doit être éliminée. Si l'intention est de ne conférer au tribunal disciplinaire qu'un pouvoir d'annulation, on écrira « recours »/« beroep »; si l'intention est d'investir le tribunal disciplinaire d'un pouvoir de réformation, on écrira « appel » /« hoger beroep ».

L'assemblée générale de la section de législation était composée de

M. R. ANDERSEN, premier président.

MM. M. VAN DAMME, Y. KREINS et P. LEMMENS, présidents de chambre.

MM. J. BAERT, J. SMETS, P. VANDERNOOT et J. JAUMOTTE, conseillers d'État.

Mme M. BAGUET, MM. B. SEUTIN, W. VAN VAERENBERGH, S. BODART, J. VELAERS, L. DENYS, Y. DE CORDT et S. VAN DROOGHENBROECK, assesseurs de la section de législation.

Mme D. LANGBEEN, greffier en chef.

M. M. FAUCONIER, greffier assumé.

Le rapport a été présenté par M. X. DELGRANGE, premier auditeur chef de section et Mme N. VAN LEUVEN, auditeur.

La concordance entre la version néerlandaise et la version française a été vérifiée sous le contrôle de M. P. LEMMENS.

Le greffier en chef, Le premier président,
D. LANBEEN. R. ANDERSEN.

La troisième chambre était composée de

M. P. LEMMENS, président de chambre.

MM. J. SMETS et B. SEUTIN, conseillers d'État.

M. J. VELAERS, assesseur de la section de législation.

Mme G. VERBERCKMOES, greffier.

Le rapport a été présenté par Mme N. VAN LEUVEN, auditeur.

La concordance entre la version néerlandaise et la version française a été vérifiée sous le contrôle de M. P. LEMMENS.

Le greffier, Le président,
G. VERBERCKMOES. P. LEMMENS.

(1) Cette prorogation résulte de l'article 84, § 1er, alinéa 1er, 1o, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, qui dispose que le délai de trente jours est prorogé à quarante-cinq jours dans le cas où l'avis est donné par l'assembleé générale en application de l'article 85.

(2) Par lettre du 17 avril 2012.

(3) S'agissant d'une proposition de loi et d'amendements à celle-ci, on entend par « fondement juridique » la conformité aux normes supérieures.

(4) Article 409, § 1er, proposé, du Code judiciaire (article 18 de la proposition).

(5) Article 410, alinéa 1er, proposé, du Code judiciaire (article 20 de la proposition).

(6) Développements, Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1067/1, p. 3.

(7) Article 409, § 2, proposé, du Code judiciaire (article 18 de la proposition).

(8) Article 417, proposé, du Code judiciaire (article 32 de la proposition).

(9) Article 410, alinéas 5 à 7, proposé, du Code judiciaire (article 20 de la proposition).

(10) Article 259sexies/1, proposé, du Code judiciaire (article 5 de la proposition).

(11) Article 411, §§ 1er à 6, proposé, du Code judiciaire (article 22 de la proposition).

(12) Article 411, § 7, proposé, du Code judiciaire (article 22 de la proposition).

(13) Articles 417, § 2, alinéa 2, et 418, § 2, alinéa 2, proposés, du Code judiciaire (articles 32 et 33 de la proposition).

(14) Article 412, §§ 1, 2 et 3, proposé, du Code judiciaire (article 24 de la proposition).

(15) Dans les développements de la proposition, cette enquête est qualifiée d'« enquête prédisciplinaire ou déontologique » (p. 15).

(16) Article 413, § 1er, proposé, du Code judiciaire (article 26 de la proposition).

(17) Article 413, § 4, proposé, du Code judiciaire (article 26 de la proposition).

(18) Article 414, proposé, du Code judiciaire (article 27 de la proposition).

(19) Article 415, proposé, du Code judiciaire (article 29 de la proposition).

(20) Article 416, proposé, du Code judiciaire (article 30 de la proposition).

(21) Article 417, proposé, du Code judiciaire; article 32 de la proposition).

(22) Article 418, §§ 1er et 2, proposé, du Code judiciaire (article 33 de la proposition).

(23) Article 418, § 3, alinéas 1er et 2, proposé, du Code judiciaire (article 33 de la proposition).

(24) Article 418, § 3, alinéa 3, proposé, du Code judiciaire (article 33 de la proposition).

(25) Article 418, § 4, proposé, du Code judiciaire (article 33 de la proposition).

(26) Article 420, § 1er, proposé, du Code judiciaire (article 35 de la proposition).

(27) Article 420, § 2, proposé, du Code judiciaire (article 35 de la proposition).

(28) Article 422, proposé, du Code judiciaire (article 37 de la proposition).

(29) Articles 259decies, § 3, et 287ter, § 6, proposés, du Code judiciaire (articles 6 et 7 de la proposition).

(30) Abrogation de l'article 360quater du Code judiciaire (article 11 de la proposition); remplacement de l'article 287ter, § 6, du Code judiciaire (article 7 de la proposition).

(31) Article 405, § 1er, proposé, du Code judiciaire (article 12 de la proposition).

(32) Article 405, § 8, proposé, du Code judiciaire (article 12 de la proposition).

(33) Article 421, proposé, du Code judiciaire (article 36 de la proposition).

(34) Article 406, § 1er, alinéa 2, proposé, du Code judiciaire (article 15, 1o, de la proposition).

(35) Article 406, § 1er, alinéa 3, proposé, du Code judiciaire (article 15, 2o, de la proposition).

(36) Article 43 de la proposition.

(37) Article 42 de la proposition.

(38) Proposition de révision de l'article 152 de la Constitution, Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1065/1.

(39) Proposition de révision de l'article 157 de la Constitution, Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-1066/1.

(40) Voir dans le même sens, notamment, C.E., ass. gén. section législation, avis 51.214/AG du 2 mai 2012, Doc. parl., Sénat, 2011-2012, no 5-1560/2, pp. 4-5, no 5, et les références citées.

(41) Voir Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1065/1, pp. 3-5.

(42) Cour eur. D.H. (grande chambre), 19 avril 2007, Vilho Eskelinen e.a. c. Finlande, no 63235/00, CEDH, 2007-II, § 62.

(43) Cour eur. D.H., 5 février 2009, Olujić c. Kroatië, no 22330/05, §§ 31-43.

(44) Voir à cet égard, notamment, P. Maffei, « Tuchtrecht voor magistraten en EVRM », in De wet voorbij. Liber amicorum Luc Huybrechts, Anvers, 2010, 259-272.

(45) Cour eur. D.H., 10 février 1983, Albert et Le Compte c. Belgique, Publ. Cour, série A, vol. 58, § 39.

(46) Voir C.E., section de législation, avis 32.373/2 du 29 octobre 2001 sur le projet devenu la loi du 7 juillet 2002 modifiant la deuxième partie, livre II, titre V du Code judiciaire relatif à la discipline et rapportant la loi du 7 mai 1999 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire, Doc. parl., Chambre, 2001-2002, no 50-1553/1, (36), pp. 40-42.

(47) Tel que le texte de l'article 411, § 5/1, proposé, est rédigé, la mission du Conseil supérieur de la Justice pourrait bien être limitée à l'organisation d'un tirage au sort parmi les candidats.

(48) Voir la déclaration du premier ministre dans le cadre des débats parlementaires relatifs à la proposition qui a donné lieu à la révision de l'article 151 de la Constitution, rapport fait au nom des Commissions réunies de révision de la Constitution et de la réforme des institutions et de la Justice, Doc. parl., Chambre, 1997-1998, no 49-1675/4, p. 43.

(49) Les développements de la proposition de loi soumise pour avis énoncent que « le préconstituant n'a pas estimé devoir ouvrir à révision la disposition de l'article 151 de la Constitution » (doc. Sénat, 2010-2011, no 5-1076/1, p. 2). Cette observation n'est pas correcte. Selon la déclaration de révision de la Constitution, adoptée le 6 mai 2010 (Moniteur belge, 7 mai 2010), l'article 151, § 3, entre autres, est soumis à révision « afin de pouvoir mener une discussion générale relative à la compétence du Conseil supérieur de la Justice, notamment suite à un nouveau modèle de gestion de la Justice ».

(50) Voir, e.a., Cour eur. D. H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, Publ. Cour, série A, vol. 80, § 80.

(51) Voir Cour constitutionnelle, 17 mars 2004, no 39/2004, B.6.3.

(52) Voir par exemple, en ce qui concerne la composition paritaire (magistrats-médecins) des conseils d'appel de l'Ordre des Médecins, Cour eur. D. H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, Publ. Cour, série A, vol. 43, § 57.

(53) Le Conseil d'État observe que cette suggestion spécifique va à l'encontre de l'article 151, § 3, de la Constitution, qui n'attribue présentement aucune compétence au Conseil supérieur de la Justice en vue d'agir dans le cadre de la désignation des membres de l'organe disciplinaire compétent (voir observation 17, ci-dessus).

(54) Conseil consultatif des Juges européens, avis no 3 « sur les principes et règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges et en particulier la déontologie, les comportements incompatibles et l'impartialité », adopté lors de la réunion du 13 au 15 novembre 2002, § 71.

(55) Voir. Cass., 19 avril 2007, R.G. P.06 1605.N, Bull., 2007, no 194.

(56) Il n'est pas prévu explicitement que, lorsque le tribunal disciplinaire d'appel décide, sur appel d'une partie qui estime que le tribunal disciplinaire a infligé en première instance une sanction trop clémente, qu'il y a lieu à révoquer le magistrat du ministère public poursuivi, il doit transmettre une proposition de révocation au Roi. Cette conclusion semble toutefois découler de la combinaison des articles 418, § 3, alinéa 3, et 420, § 1er, du Code judiciaire, proposés (articles 33 et 35 de la proposition de loi). Il est recommandé de régler explicitement cette intervention éventuelle du tribunal disciplinaire d'appel.

(57) Développements, Doc. Parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1067/1, p. 3.

(58) C.E., section législation, avis 32.373/2 du 29 octobre 2001, mentionné ci-dessus, p. 38.

(59) Selon l'auteur de l'amendement, lequel se réfère à cet égard à un avis du Conseil supérieur de la Justice du 25 novembre 2009, l'intention est de rendre le Conseil supérieur de la Justice compétent pour surveiller a posteriori le déroulement des procédures disciplinaires (doc. Sénat, 2011-2012, no 5-1067/3, p. 1).

(60) Rapport fait au nom des Commissions réunies de révision de la Constitution et de la réforme des institutions et de la justice sur la révision de l'article 151 de la Constitution, Doc parl., Chambre, 1997-1998, no 49-1675/4, déclarations de M. Landuyt, p. 17, et de M. Duquesne (président), p. 25.

(61) Rapport cité, déclarations de M. Landuyt, p. 17, et du premier ministre, pp. 40 et 41.

(62) Rapport cité, déclarations de M. Landuyt, p. 17, de M. Duquesne (président), pp. 25 et 40, et du premier ministre, p. 40. Voir à ce propos P. Martens, « Le Conseil supérieur de la Justice et la discipline des magistrats », in M. Verdussen (dir.), Le Conseil supérieur de la Justice, Bruylant, Bruxelles, 1999, (179), pp. 182-183.

(63) Doc. parl., Sénat, 2011-2012, no 5-1067/3, p. 2.

(64) Voir, notamment, Cour constitutionnelle, 11 janvier 2012, no 2/2012, B.21.2.

(65) C.E., section législation, avis 44.203/2 du 2 juin 2008 sur une proposition de loi modifiant l'article 757 du Code judiciaire, relatif au huis clos en matière familiale, Doc. parl., Sénat, 2007-2008, no 4-295/2, p. 4, no 6.

(66) Cour eur. D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere, Publ. Cour, série A, vol. 43, § 59; Cour eur. D.H., 10 février 1983, Albert et Le Compte, Publ. Cour, série A, vol. 58, § 35; Cour eur. D.H., 30 novembre 1987, H. c. Belgique, Publ. Cour, série A, vol. 127-B, § 54.

(67) Voir, notamment, Cour eur. D.H., 21 février 1990, Håkansson et Sturesson c. Suède, Publ. Cour, série A, vol. 171-A, § 66; Cour eur. D.H., 24 juin 1993, Schuler-Zgraggen c. Autriche, Publ. Cour, série A, vol. 263, § 58. La Cour a également rappelé cette réserve dans une affaire disciplinaire, sans toutefois en déduire des effets concrets: Cour eur. D.H., 15 décembre 2005, Hurter c. Suisse, no 53146/99, § 28.

(68) Voir ainsi J. Van Compernolle, « À propos d'une garantie constitutionnelle du procès équitable: la publicité de la justice », in Liber Amicorum Paul Martens. L'humanisme dans la résolution des conflits. Utopie ou réalité ?, Bruxelles, 2007, p. 519, no 14, avec mention de Ph. Frumer, La renonciation aux droits et libertés, Bruxelles, 2001, 209.

(69) C.E., section législation, avis 23.090/8 du 20 septembre 1994 sur une proposition de loi créant l'Ordre des dentistes, Doc. parl., Sénat, S.E. 1991-1992, no 427-2, pp. 22-23; C.E., section législation, avis 44.203/2 du 2 juin 2008, cité, p. 3, n° 4.

(70) Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1067/1, p. 7.

(71) Du moins l'intention est de ne conférer qu'un pouvoir d'annulation au tribunal disciplinaire d'appel. Voir l'article 420, § 2, proposé, du Code judiciaire (article 35 de la proposition de loi). À comparer avec l'observation 57 ci-après.

(72) Voir ainsi, en ce qui concerne le régime pour le Conseil national de discipline, Cour constitutionnelle, 31 mai 2001, no 74/2001, B.7.3.

(73) En ce qui concerne les procédures disciplinaires engagées contre des fonctionnaires, consulter entre autres C.E., 25 janvier 2007, Keymolen, no 167 106, considérant 3.2; C.E., 19 avril 2012, Leleu, no 203 062, considérant 31; C.E., 31 août 2009, Claeys, no 195 647, considérant 7.1.

(74) Voir l'arrêt cité no 74/2001 de la Cour constitutionnelle du 31 mai 2001, considérants B.7.4 et B.13.

(75) Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1067/1, p. 17.

(76) L'article L 1215-27 visé dispose ce qui suit: « L'autorité disciplinaire ne peut plus intenter de poursuites disciplinaires après l'expiration d'un délai de six mois après la date à laquelle elle a constaté les faits répréhensibles ou en a pris connaissance. En cas de poursuites pénales pour les mêmes faits, ce délai prend cours le jour où l'autorité judiciaire informe l'autorité disciplinaire qu'une décision définitive est intervenue ou que la procédure pénale n'est pas poursuivie. (...) ».

(77) C.E., ass. gén. section contentieux administratif, 20 février 2009, Darville, no 190 728.

(78) Outre par exemple l'arrestation, la perquisition, la saisie et la mise sur écoute.

(79) Comparer, en ce qui concerne la consultation du dossier au cours de l'enquête pénale, l'article 61ter du Code d'instruction criminelle.

(80) Doc. parl., Sénat, 2010-2011, no 5-1067/1, p. 4.

(81) Voir actuellement, au sujet des membres externes du Conseil national de discipline, l'article 409, § 4, du Code judiciaire: ces membres ne peuvent pas exercer de mandat politique et ne peuvent pas être membres du Conseil supérieur de la Justice.