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18 JUILLET 2012
I. INTRODUCTION
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport et qui relève de la procédure bicamérale facultative, a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que projet de loi du gouvernement le 2 juillet 2012 (doc. Chambre, nº 53-2323/001).
Il a été adopté par la Chambre des représentants le 18 juillet 2012, par 127 voix et 14 abstentions.
Il a été transmis au Sénat le 18 juillet et évoqué le même jour.
La commission a examiné ce projet de loi au cours de ses réunions des 12 et 18 juillet 2012.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES, MME JOËLLE MILQUET
Mme Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des chances expose que le projet de loi s'intègre dans la stratégie du gouvernement visant la sécurisation des transports en commun. Il s'agit d'une priorité dans l'accord du gouvernement.
Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement a renforcé le cadre des effectifs policiers à concurrence de quatre cents unités:
— cinquante policiers, qui font partie de la réserve fédérale, seront présents dans les transports en commun pendant la journée;
— deux cent cinquante policiers pour les six zones de Bruxelles dont le recrutement et la formation ont débuté;
— cent policiers des chemins de fer dont trente ont déjà été engagés au mois de juin et septante arriveront avec la promotion d'octobre et se retrouveront dans les gares et métros.
Cette augmentation a permis une augmentation de plus de 50 % de l'effectif à partir du mois d'avril.
Au-delà du renforcement des effectifs policiers et de l'ensemble des mesures prises à cette fin par le gouvernement, il s'est avéré nécessaire d'augmenter les compétences des agents de sécurité des sociétés de transports en commun pour leur permettre d'agir de manière plus efficace dans un périmètre territorial plus large et mieux défini. Cet élargissement des compétences est effectué sans remettre en cause la philosophie de la loi actuelle qui encadre strictement les prestations exercées par les agents de sécurité, d'une part, et la répartition actuelle des rôles entre les services de police et de sécurité, d'autre part.
Afin d'élargir le périmètre d'intervention des agents de sécurité, l'article 2 du projet de loi modifie l'article 13.1 de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière.
Jusqu'à présent, un arrêté royal (1) limitait ce périmètre, empêchant ainsi toute intervention en dehors de ces délimitations strictes. Le gouvernement a opté pour une définition claire du périmètre d'intervention des agents de sécurité dans la loi elle-même.
Les changements sont les suivants:
1. Pour les structures de la SNCB, les agents de sécurité pourront exercer leurs compétences dans des lieux accessibles au public ou non, ce qui est nouveau, et dans les véhicules de transport appartenant à ces sociétés, à l'exception:
a) de l'infrastructure donnée en concession à des tiers. Cependant, contrairement à ce qui prévaut actuellement, cette exception ne sera pas accordée en cas d'accord de collaboration avec le concessionnaire et selon les modalités fixées par cet accord;
b) des chemins qui constituent une voie publique, à l'exception des passages souterrains et, ce qui est nouveau, des passerelles.
2. En ce qui concerne les sociétés régionales de transports en commun qui organisent des services de métro, tram et bus, les agents de sécurité pourront exercer leurs compétences:
a) dans les lieux accessibles ou non au public, ce qui est nouveau, appartenant à ces sociétés, y compris les infrastructures de surface accessibles au public (ce qui est nouveau et important notamment pour la STIB), les gares de tram et bus que la société définit comme étant situées en surface, les stations de prémétro souterraines (ce qui n'existait que pour De Lijn) et à l'exception de l'infrastructure donnée en concession à des tiers sauf, comme cela a été également prévu pour la SNCB, en cas d'accord de collaboration avec le concessionnaire.
b) dans les véhicules de transport utilisés par ces sociétés de transports, en ce compris les véhicules utilisés à la demande et pour compte de la société de transports.
3. Par ailleurs, il est désormais prévu que, en cas d'accord de collaboration entre les sociétés publiques de transports en commun, les agents de sécurité pourront exercer leurs compétences dans les lieux et/ou véhicules de transport des autres sociétés de transports selon les conditions fixées dans l'accord précité.
4. Jusqu'à présent, rien n'était prévu en ce qui concerne la présence d'un véhicule de transport en commun sur la voie publique. Il est désormais prévu qu'exceptionnellement, les agents de sécurité pourront exercer leurs compétences sur la voie publique:
1º en cas d'accident ou de délit de droit commun ou crime venant d'être commis ou en cas de comportement mettant gravement en danger la sécurité des tiers ou celle de l'intéressé;
2º dans un périmètre de 15 mètres situé autour du véhicule de la société de transports en commun;
3º en cas d'absence des services de police et dans l'attente de l'arrivée de ces derniers.
La ministre est d'avis que les périmètres, ainsi définis, permettront une intervention plus efficace que par le passé.
Le ministère de l'Intérieur doit donner une autorisation. C'est la raison pour laquelle l'article 3 du projet prévoit une modification de l'article 13.7. Ainsi, la décision d'utiliser les possibilités prévues aux articles 13.5 et 13.6 est désormais prise dans tous les cas par le ministre de l'Intérieur sur proposition de la société de transports en commun. En outre, il est plus efficient et même plus logique que le ministre de l'Intérieur prenne la décision précitée, eu égard au fait que les possibilités prévues aux articles 13.5., et 13.6., relèvent de la compétence de ce ministre.
L'article 4 du projet adapte l'article 13.11 de la loi afin de supprimer la demande de consentement des personnes pour le contrôle de l'identité. Par ailleurs, le contrôle d'identité sera également permis dans les cas suivants:
1º si l'intéressé a ou a eu un comportement mettant gravement en danger la sécurité des tiers ou la sienne;
2º afin de vérifier le respect de la réglementation en vigueur en matière de transports en commun ou en cas d'infraction à la réglementation précitée.
Par ailleurs, il est précisé que les agents de sécurité ne peuvent contrôler, copier ou retenir les documents d'identité que le temps nécessaire à la vérification de l'identité et que ces documents doivent ensuite être remis immédiatement à l'intéressé.
L'article 5 du projet modifie l'article 13.12 et prévoit trois cas dans lesquels la rétention est permise:
— l'intéressé a commis un délit de droit commun ou un crime;
— l'intéressé a enfreint la réglementation en vigueur de la société de transports en commun et a en outre mis gravement en danger sa propre sécurité ou celle de tiers;
— l'intéressé refuse de s'identifier ou donne une identité qui, après contact avec les services compétents, s'avère fausse.
Il est utile de préciser qu'il est prévu une suppression des conditions actuelles liées au refus de s'identifier. En effet, le gouvernement estime que le cas repris dans la loi actuelle et qui impose de mettre fin à la rétention si l'intéressé s'identifie, n'est pas suffisamment justifié pour les cas prévus aux a) et b) et est absent dans le cas de la catégorie c).
Il s'agit d'une rétention de maximum de deux heures, en attendant les services de police. Il sera deux heures dans les deux cas (délit ou crime, infraction à la réglementation).
Pour que la rétention soit possible, l'agent de sécurité, chargé de la rétention, ou un membre de la société des transports en commun doivent avoir été témoin direct. Le projet prévoit également que la rétention est possible lorsque cinq témoins directs, dont les identités sont relevées immédiatement par l'agent de sécurité ou un membre du personnel de la société de transport, ont vu l'infraction ou les faits.
Il faudra en tout état de cause mettre fin à la rétention si le service de police averti signale qu'il ne viendra pas sur place ultérieurement non plus dans les trente minutes, mais dans les deux heures à compter de l'avertissement en cas de délit de droit commun ou de crime ou de comportements mettant gravement en danger la sécurité des tiers ou la sienne. Par contre, le délai de trente minutes est maintenu à compter de l'avertissement, lorsqu'une personne refuse manifestement de s'identifier ou communique une identité qui, après un contact avec le service compétent, s'est avérée fausse.
Dans la mesure où il faut veiller à ce que les agents de sécurité n'exercent leurs compétences supplémentaires en dehors des circonstances prévues par la loi, les articles 13.15 et 13.16 de loi sont adaptés afin de permettre au Comité permanent de contrôle des services de police de continuer à effectuer ce travail de contrôle de l'exercice des compétences des agents de sécurité, pour les nouvelles compétences.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
Mme Maes constate que le projet à l'examen étend dans trois domaines la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière: le périmètre d'intervention, le contrôle d'identité et la possibilité de rétention.
Le suivi par le Comité P du respect de cette loi. Dans son avis, le Conseil d'État suggère d'adapter la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements à ces nouvelles missions. L'intervenante doute que la disposition prévue par l'article 13.7 suffise à établir suffisamment clairement la compétence du Comité P.
Même si le projet aurait pu aller plus loin sur plusieurs points, M. Broers estime qu'il renforcera en tout cas la sécurité. C'est pourquoi son groupe politique soutiendra le projet.
Mme Thibaut se réjouit de la réaction rapide du gouvernement après les évènements qui ont eu lieu en avril dernier dans les transports en commun à Bruxelles. Les citoyens et les travailleurs des transports publics avaient besoin d'une réponse rapide et d'un soutien du gouvernement. La réponse que le gouvernement a mis sur la table aujourd'hui est extrêmement sécuritaire. Le texte à l'examen est équilibré et pourvu de conditions cumulatives.
Mme Thibaut estime que le réponse ne peut toutefois pas être uniquement sécuritaire.
Elle souhaite des précisions quant aux moyens des agents de sécurité. On parle de spray et de menottes. Quelles sont les dispositions qui permettent le recours aux menottes ?
Par rapport aux contrôles d'identité, le projet prévoit qu'une personne n'a plus le droit de refuser de révéler son identité sans risquer d'être retenue. Quelles sont les justifications de cette mesure, l'exposé des motifs restant lacunaire sur ce point ?
Quels sont les services compétents pour vérifier l'identité d'une personne ?
Il lui semble que le texte en l'état ne permet pas d'éviter des dérapages.
En ce qui concerne le pouvoir de rétention de personnes, elle accepte l'idée que la sécurité soit confiée à un service interne aux sociétés de transports en commun. Mais il est par contre surprenant que l'on augmente les heures de rétention puisque, dans le projet de loi, on passe de trente minutes à deux heures et ce, pour permettre à la police d'arriver sur place. Ceci semble témoigner de l'inefficacité de nos services de police. Elle déposera un amendement visant à réduire ce temps de rétention de deux heures à une heure.
Lors du débat à la Chambre, la ministre a déclaré que ce temps de deux heures est cumulatif aux douze heures de rétention par les services de police (article 34, § 4 de la loi du 5 août sur la fonction de police). Or le Conseil d'État ne partage pas cette opinion (doc. Ch. 53-2323/001 p. 29) et estime qu'il doit être précisé dans la loi si ces deux heures s'ajoutent aux douze heures ou pas. Pour garantir que cette mesure reste proportionné, elle déposera un amendement en ce sens.
La ministre répond que le Comité P est déjà compétent sur la base de la loi actuelle. Il est néanmoins possible d'insérer éventuellement une disposition dans la loi organique du 18 juillet 1991 pour clarifier ce point. Elle demande cependant que cela ne se fasse pas dans le cadre du projet à l'examen.
En ce qui concerne les moyens, la ministre affirme que le projet ne prévoit pas d'autres moyens que ceux qui existent déjà pour les agents de sécurité des sociétés de transports. Il s'agit effectivement du spray et des menottes, des moyens très modérés.
Les raisons de la durée de la rétention sont très simples: sur base de la pratique quotidienne, il est parfois difficile pour les services de police d'être sur place dans les trente minutes. Quand il s'agit de délits graves, il est inacceptable que des personnes puissent être relâchées parce que la police n'a pas pu arriver dans la demi-heure. Elle rappelle que si la police informe l'agent de sécurité qu'elle ne peut pas venir sur place, la personne doit être relâchée.
Le but reste évidemment que la police arrive dans les plus brefs délais. C'est la raison pour laquelle on prévoit des protocoles d'accords entre la police des chemins de fer ou la police locale et les sociétés de transport aux fins de fixer des délais d'intervention les plus courts. Le Conseil d'État n'a pas formulé d'objections quant à ce délai de deux heures lorsqu'il s'agit de comportements délictueux ou criminels ou quand il s'agit d'actions qui mettent gravement en danger la personne même ou d'autres passagers.
Dans le cas d'une personne qui refuse de s'identifier, le délai de rétention est maintenu à trente minutes.
En ce qui concerne le cumul entre la durée de la rétention par les agents de sécurité (deux heures) et la durée de la rétention par la police (douze heures), la ministre confirme que ces délais ne sont pas cumulables et qu'ils s'appliquent séparément.
Finalement, la ministre rappelle que l'application de la loi sera évaluée après un an.
IV. DISCUSSION DES ARTICLES
Sur l'article 5 un amendement est déposé par Mme Thibaut (amendement nº 1, Doc Sénat 5-1762/2) visant à apporter les modifications suivantes dans l'article 13.12, § 3, proposé:
1º remplacer les mots « deux heures » à chaque fois par les mots « une heure ».
Le présent projet de loi prolonge, sans le dire, la possibilité de retenir pendant deux heures une personne qui a commis un délit ou un crime selon le droit pénal ou qui a commis une infraction à la réglementation en vigueur sur les transports en commun, mettant ainsi gravement en danger la sécurité des tiers ou la sienne.
Le peu de justifications fournies par le gouvernement donne à penser que cette prolongation s'explique par le fait que la police ne peut arriver dans les trente minutes de rétention prévues actuellement par la loi du 10 avril 1990. Prolonger ce délai de rétention à deux heures reviendrait à dire qu'on accepte que la police mette plus de trente minutes, voire plus d'une heure pour arriver.
Les agents de sécurité ne doivent pas être amenés à pallier les carences policières. D'autant plus qu'il s'agit de priver une personne de sa liberté de mouvement, droit fondamental dans un État comme le nôtre. Il faut plutôt renforcer la collaboration et les protocoles d'accord entre les services de police et les services de sécurité interne aux sociétés publiques de transports en commun. C'est pourquoi, l'auteure de l'amendement propose de ramener le délai de rétention à une heure.
2º insérer un nouvel alinéa, rédigé comme suit: « Si la rétention est suivie d'une privation de liberté d'aller et venir de l'intéressé au sens de l'article 34, § 4, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police ou des articles 1er, 1º et 2º de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la durée de la rétention est incluse dans la durée maximum de la privation de liberté prévues par les mêmes dispositions. »
Comme l'observe le Conseil d'État, la rétention que peuvent exercer les agents de sécurité sont une application concrète de l'article 1er, 3º de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. De plus, le Conseil d'État pointe aussi la possibilité des fonctionnaires de police de retenir une personne pendant maximum douze heures lorsque celle-ci refuse de décliner son identité, conformément à l'article 34, § 4, de la loi du 5 août 1992.
Le Conseil d'État conclut qu'inclure la durée de la rétention dans la durée maximum des privation de liberté prévues par ces législations rend le dispositif de la rétention par les agents de sécurité des sociétés publiques de transports en commun d'avantage proportionnel.
Cet amendement est rejeté par 8 voix contre 1.
Les autres articles ne donnent lieu à aucune observation.
V. VOTE SUR L'ENSEMBLE
L'ensemble des articles est adopté par 8 voix et 1 abstention.
Confiance a été faite à la rapporteuse pour un rapport oral en séance plénière.
La rapporteuse, | Le président, |
Fatma PEHLIVAN. | Philippe MOUREAUX |
(1) L'arrêté royal du 4 avril 2006 relatif à la délimitation des lieux, faisant partie de l'infrastructure exploitée par les sociétés publiques de transports en commun, auxquels s'appliquent les dispositions visées au chapitre IIIbis de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée en particulier.