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5 JUILLET 2012
Les problèmes de santé liés à des affections psychiques sont en évolution constante dans notre société. Plusieurs indicateurs le prouvent, tels que les absences longues pour cause de dépression, le stress lié au travail de plus en plus prégnant, l'utilisation massive de psychotropes de toutes sortes, en général, et dans les maisons de repos et de soins en particulier. Des efforts importants sont manifestement faits, à l'heure actuelle, pour aller vers une meilleure prise en charge de ces problèmes de santé dans le milieu de vie du patient (projets 107) et une prise en charge ambulatoire amplifiée (mouvement pour une psychiatrie démocratique dans le milieu de vie).
On peut constater que, si les besoins sont grands, les forces vives pour répondre à la demande sont cependant parfois limitées. C'est ainsi que l'on peut voir, dans les pratiques ambulatoires, toutes sortes de professions qui s'installent, dans une certaine naïveté quant à l'utilisation de certains titres de professions non encore reconnus au sens de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé. Une solution à ce problème est donc urgente, tant pour le citoyen, qui a besoin d'aide pour s'y retrouver, que pour le monde politique, qui doit garantir une certaine approche qualitative des soins qui sont délivrés.
La proposition de loi tend à aider le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, ainsi que le citoyen, à s'y retrouver en matière de professionnels qui s'occupent de thérapies psychologiques au sens large.
C'est ainsi que des définitions claires sont apportées en ce qui concerne le psychologue clinicien, d'une part, et le praticien psychothérapeute, d'autre part. Car, si l'un inclut l'autre, le titre de psychothérapeute ne devrait pas, selon notre point de vue, n'être accessible qu'aux psychologues cliniciens et/ou psychiatres. Il s'agit d'une profession qui doit rester accessible à d'autres professionnels qui, au cours de leur expérience de vie, s'orientent vers cette profession par suite d'une évolution personnelle. Il va de soi que certains prérequis, préalables à la formation, doivent être imposés. Pour ce faire, une année de remise à niveau est prévue pour les professionnels n'ayant pas le bagage initial suffisant, pour ensuite réaliser le parcours de formation à la psychothérapie proprement dite.
Dans la proposition de loi à l'examen, il est fait référence aux filières de formations qui sont reconnues et agréées, qu'il s'agisse des universités et/ou des hautes écoles. Celles-ci déclineront les modalités et le contenu des formations.
Cette reconnaissance permet l'exercice autonome de la pratique de la psychoclinique et de la psychothérapie. Tout en considérant, évidemment, que ces praticiens sont en lien avec l'ensemble des professionnels de la santé avec lesquels ils tissent les mailles du système de soins de santé mentale, et tout en considérant qu'il est de leur responsabilité d'orienter la personne qui en a besoin vers le corps médical.
Tout ceci est un préalable indispensable à une meilleure couverture globale de la santé. En effet, on renforce ainsi une approche bio-psycho-sociale, en affirmant le caractère conjoint de ces pôles qui, tous, doivent être pris en considération pour un système de sécurité sociale équitable.
Article 2
Cet article institue la reconnaissance officielle des titres de psychologue clinicien et de psychothérapeute; ceux-ci sont réservés aux seuls détenteurs de l'agrément ad hoc.
Article 3
Cet article détermine le cadre et le champ dans lequel la pratique clinique du psychothérapeute pourra s'exercer en autonomie. Y sont notamment fixées les modalités d'acquisition du titre, en ce compris les prérequis et les formations pratiques obligatoires. Pour accéder à cette formation, il est nécessaire d'avoir effectué préalablement trois années d'études supérieures. En outre, ces formations peuvent être dispensées, au choix, soit dans une université, soit dans une Haute École.
Article 4
On définit, ici, les modalités d'acquisition du titre de psychologue clinicien. Celui-ci est accordé après cinq années d'études et donne droit au titre, permettant de poser des actes en autonomie, dans le cadre défini de la psychologie clinique.
Article 5
Cet article définit la responsabilité, à charge des deux types de professions de santé mentale déterminés par la présente proposition de loi, d'orienter le patient vers le corps médical, si cela est nécessaire.
Article 6
Cet article protège les titres des deux professions dont question dans la présente proposition de loi, et ce même si, pour certains aspects, l'exercice de ces professions se fait dans le cadre d'un autre métier. C'est le cas lorsqu'un médecin généraliste fait un accompagnement psychologique. Il n'en est pas pour autant psychothérapeute, sauf formation complémentaire ad hoc.
Article 7
Cette disposition concerne l'institution d'un Conseil national de la santé mentale au sein du SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement.
Outre les missions déterminées aux articles 2, 3, 4 et 5, ce Conseil a pour mission de conseiller le ministre en la matière, d'une part, et de remettre des avis, sur demande, aux gouvernements des communautés, d'autre part; ceci, en relation avec toute matière relative à la formation. Deux chambres sont constituées: l'une pour les psychologues cliniciens, l'autre pour les psychothérapeutes.
Article 8
Un Conseil supérieur de déontologie est instauré également. Il a pour mission de proposer au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions les règles de déontologie propres à chaque profession de la santé mentale.
Articles 9 à 13
Ces articles ne nécessitent pas de commentaires particuliers.
Mieke VOGELS. | |
Cécile THIBAUT. |
CHAPITRE PREMIER
Dispositions générales
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
§ 1er. Sans préjudice des compétences attribuées aux autres professionnels de la santé, la psychothérapie et la psychologie clinique ne peuvent être exercées que par un titulaire de l'agrément délivré par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.
§ 2. Le Roi définit, sur avis du Conseil national de la santé mentale, les conditions et les règles pour l'obtention, la délivrance, le maintien et le retrait des agréments visés au paragraphe 1er.
Les conditions de qualification portent notamment sur les matières qui doivent avoir été assimilées et les stages qui doivent avoir été suivis dans les différentes disciplines.
CHAPITRE 2
De l'exercice de la psychothérapie
Art. 3
§ 1er. Sans préjudice des compétences attribuées aux autres professionnels de la santé, par exercice de la psychothérapie on entend: l'accomplissement habituel d'actes autonomes qui ont pour but l'analyse de la demande, l'établissement du diagnostic psychothérapeutique et la mise en place d'un cadre et d'une relation thérapeutique en vue d'accompagner, de traiter ou de diminuer les souffrances psychiques ou psycho-somatiques chez des personnes ou des groupes de personnes, et ce par l'application cohérente et systématique d'un ensemble de moyens et de techniques psychothérapeutiques qui entrent dans un des cadres de référence psychothérapeutique cités au paragraphe 2.
§ 2. Les conditions de qualification pour obtenir l'agrément de psychothérapeute portent notamment sur les branches qui doivent avoir été assimilées et les stages qui doivent avoir été suivis, en psychothérapie.
L'agrément ne peut être accordé qu'aux personnes qui répondent aux conditions suivantes:
1. être titulaire d'un diplôme sanctionnant une formation qui, dans le cadre d'un enseignement de plein exercice de type supérieur, compte au moins trois années d'études;
2. avoir effectué une formation complémentaire dont le contenu est fixé par le Roi et qui est organisée par une université ou une haute école;
3. avoir suivi une formation en psychothérapie organisée par une université ou par une association de psychothérapie agréée par le Roi; cette formation comporte au moins cinq cents heures de formation théorique et mille deux cents heures de pratique clinique supervisée, étalées sur trois ans au minimum.
Les cadres de référence psychothérapeutiques sont les suivants:
a. psychanalytiques et psychodynamiques;
b. cognitifs et comportementaux;
c. centrés sur le client et expérientiels;
d. interactionnels et systémiques.
§ 3. Le Roi peut, sur proposition du ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, après avis du Conseil national de la santé mentale, compléter ou changer la liste des cadres de référence psychothérapeutiques visés au § 2, alinéa 3.
§ 4. L'utilisation du titre professionnel de psychothérapeute est réservée au titulaire de l'agrément visé au paragraphe 2.
§ 5. Le Roi peut définir les actes visés au paragraphe 1er et fixer les conditions de leur exécution, après l'avis du Conseil national de la santé mentale.
CHAPITRE 3
De l'exercice de la psychologie clinique
Art. 4
Est considéré comme exercice de la psychologie clinique l'accomplissement habituel d'actes autonomes ayant pour objet la prévention, l'accueil, l'écoute, le dépistage, l'information, l'établissement du psycho-diagnostic, l'évaluation, l'orientation, l'accompagnement, la guidance des personnes consultant, à titre individuel ou dans un cadre institutionnel, à propos d'une situation nécessitant le soutien ou l'éclairage psychologique par une tierce personne formée à cet effet.
Le Roi peut, après avis du Conseil national de la santé mentale, définir les actes visés à l'alinéa 1er et fixer les conditions de leur exécution.
L'agrément en psychologie clinique ne peut être délivré qu'au porteur d'un diplôme universitaire dans le domaine de la psychologie clinique sanctionnant une formation qui, dans le cadre d'un enseignement de plein exercice, compte au moins cinq années d'étude.
CHAPITRE 4
Dispositions communes
Art. 5
Pour faire constater ou exclure la possibilité d'un problème somatique, tout praticien de la santé mentale porte à chaque moment la responsabilité de décider si le patient doit être invité à consulter un médecin. Le Roi peut, sur la base de l'avis du Conseil national de la santé mentale, déterminer les modalités de supervision et d'évaluation de la pratique des professionnels de la santé mentale.
Art. 6
Quand certains actes relevant du domaine d'une profession de la santé mentale sont posés par un autre professionnel, ils le sont dans le cadre de sa profession et dans les limites de ses compétences; dans ce cas, cet autre professionnel ne peut prétendre exercer la profession de la santé mentale en question, ni porter le titre afférant à cette profession.
Art. 7
§ 1er. Il est institué, au sein du Service public fédéral (SPF) Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, un Conseil national de la santé mentale. Outre les missions énoncées aux articles 2, 3, 4 et 5, celui-ci a pour mission de donner au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, à la demande de celui-ci ou d'initiative, des avis en toutes matières relatives à l'exercice des professions de la santé mentale, excepté en ce qui concerne la déontologie. Il peut également donner des avis aux gouvernements des communautés, à la demande de ceux-ci, en toutes matières relatives à la formation des psychothérapeutes et psychologues cliniciens.
Le Conseil national de la santé mentale est constitué de deux chambres: la chambre de psychologie clinique et la chambre de psychothérapie.
§ 2. La chambre de psychothérapie est composée de vingt membres dont:
— huit représentent les universités;
— douze ont le titre de psychothérapeute et peuvent attester d'une pratique clinique régulière dans le domaine de la psychothérapie et représentent les associations professionnelles de psychothérapie.
§ 3. La chambre de psychologie clinique est composée de:
1. sept membres titulaires du diplôme universitaire visé à l'article 4, alinéa 3, et occupant des fonctions académiques, proposés par les facultés organisant l'enseignement complet visé audit article;
2. sept membres titulaires du diplôme universitaire visé à l'article 4, alinéa 3, et pratiquant de manière effective la psychologie clinique, proposés sur une liste double par les organisations professionnelles représentatives, reconnues par le Roi sur la base de critères fixés par Lui;
3. deux membres médecins proposés par le Conseil supérieur des médecins spécialistes et des médecins généralistes, visé à l'article 4 de l'arrêté royal du 21 avril 1983 fixant les modalités de l'agréation des médecins spécialistes et des médecins généralistes, sur une liste double;
4º un membre spécialiste en éthique et un membre juriste, qui occupent une fonction académique, proposés par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.
§ 4. Les membres du Conseil national de la santé mentale sont nommés par le Roi pour un terme renouvelable de quatre ans. Les deux chambres élisent en leur sein un président et un vice-président.
Le secrétariat du Conseil national est assuré par des fonctionnaires nommés par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions. Chaque membre effectif est pourvu d'un suppléant répondant aux mêmes conditions que lui.
§ 5. Le Roi règle le fonctionnement et l'organisation du Conseil national de la santé mentale. Celui-ci ne peut délibérer valablement que si au moins la moitié de ses membres effectifs sont présents ou représentés par leur suppléant. Les décisions du Conseil national de la santé mentale sont prises à la majorité simple des membres présents ou représentés par leur suppléant. En cas d'égalité des voix, la voix du président est décisive.
Les membres du Conseil national de la santé mentale, à l'exception du spécialiste en éthique et du juriste, doivent être agréés comme psychologues cliniciens ou psychothérapeutes, au plus tard un an après l'entrée en vigueur de l'arrêté royal qui fixe les conditions d'agrément.
Art. 8
§ 1er. Il est institué, auprès du SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, un Conseil supérieur de déontologie.
§ 2. Le Conseil supérieur de déontologie a pour mission de proposer au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions les règles de déontologie propres à chaque profession de santé mentale.
§ 3. Il est composé de:
1. quatre membres titulaires de l'agrément relatif à la psychothérapie et quatre membres titulaires de l'agrément relatif à la psychologie clinique, exerçant effectivement leurs activités, sur une liste double;
2. quatre représentants des universités;
3. un spécialiste en éthique;
4. un juriste.
Chaque membre est pourvu d'un suppléant répondant aux mêmes conditions.
§ 4. Les décisions sont prises à la majorité simple des voix présentes ou représentées. Le Conseil supérieur de déontologie ne peut délibérer valablement que si la moitié des membres sont présents.
§ 5. Le Roi règle l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de déontologie.
Art. 9
Le Roi détermine les allocations, indemnités et jetons de présence qui peuvent être alloués aux membres du Conseil national de la santé mentale et du Conseil supérieur de déontologie ainsi qu'à toutes les personnes appelées en raison de leurs compétences particulières.
Art. 10
Les psychothérapeutes et psychologues cliniciens ont droit, dans le respect des règles de la déontologie, à des honoraires ou des rémunérations forfaitaires pour les prestations qu'ils ont fournies.
Art. 11
Sans préjudice de l'application des peines prévues par le Code pénal, est puni d'une amende de deux cents euros à mille euros:
1. quiconque s'attribue publiquement un titre d'une profession de la santé mentale auquel il ne peut prétendre, conformément à l'article 2;
2. quiconque attribue abusivement un titre professionnel de la santé mentale à des personnes qui ne peuvent y prétendre, conformément à l'article 2.
Art. 12
Sans préjudice de l'application des peines prévues par le Code pénal, est puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de deux cents euros à deux mille euros celui qui, malgré la sanction encourue en vertu de l'article 11, poursuit l'exercice d'une profession de la santé mentale ou persiste à en attribuer le titre à des personnes qui ne peuvent y prétendre, en vertu de l'article 2.
CHAPITRE 5
Disposition transitoire
Art. 13
Dans les deux années qui suivent la publication de la présente loi au Moniteur belge, les personnes exerçant une des professions de la santé mentale reconnues par la présente loi, régulièrement depuis au moins cinq ans sans disposer du titre, sont autorisées à continuer à le faire. Durant cette période, elles peuvent introduire auprès du ministre qui a la Santé publique dans ses attributions une demande d'agrément. Celui-ci pourra délivrer le titre sur avis positif du Conseil national de la santé mentale.
Le Roi peut, sur la base d'un avis rendu par le Conseil national de la santé mentale, déterminer d'autres dispositions transitoires.
14 juin 2012.
Mieke VOGELS. | |
Cécile THIBAUT. |