5-1638/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

30 MAI 2012


Proposition de résolution visant à renforcer la culture de service entre l'administration fédérale et les citoyens

(Déposée par Mme Caroline Désir et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le service public fourni par l'administration fédérale est essentiel pour garantir une société plus juste. Placé dans un contexte d'innovations constantes dans les méthodes de travail et les technologies, le service public est l'objet d'attentes croissantes de la part des citoyens. Ceux-ci souhaitent des services plus accessibles à tous, plus simples, plus rapides, plus fiables, plus transparents, plus à l'écoute, ... Bref il s'agit là d'un véritable défi pour l'administration fédérale de devenir un meilleur prestataire de services.

Pour y arriver, la première priorité doit être de placer l'utilisateur des services, c'est-à-dire le citoyen, au centre des préoccupations, soit de développer une véritable culture de service au sein de l'administration que ce soit dans sa politique de communication et d'information, au niveau même du service rendu au citoyen ou plus en aval encore dans la procédure de gestion des plaintes.

A. L'information et la communication de l'administration fédérale

Le nombre de sources d'informations émanant de l'administration fédérale a significativement augmenté ces dernières années, ce qui parfois laisse le citoyen, toujours en quête d'orientation et d'information, quelque peu démuni face à cette masse d'informations sur les services offerts.

La multiplication de sites internet dans l'administration fédérale en est un bon exemple. Si le site www.belgium.be est le principal canal d'information fédéral, le citoyen qui souhaitera obtenir une information plus détaillée devra consulter les sites des différentes administrations fédérales. Les auteurs constatent cependant qu'il existe parfois une grande différence d'une administration à l'autre dans la qualité du contenu de ces sites et de leur lisibilité.

Une harmonisation de la présentation ainsi que du contenu minimum requis et de la convivialité attendue des sites internet des différentes administrations constituerait pourtant une avancée indéniable. Le médiateur fédéral estime ainsi « qu'il serait notamment précieux que le site Internet de toute administration fédérale indique clairement et de façon visible, par exemple sur la page d'accueil, ses coordonnées générales » (1) . Les auteurs de la proposition appuient cette recommandation et souhaitent que les sites web de chaque service public et chaque entreprise publique contiennent au minimum la loi organique qui les institue, les différentes lois qu'ils appliquent et qu'ils mettent en œuvre, ainsi que l'organigramme de leur structure.

En parallèle, depuis plusieurs années, le Médiateur fédéral soulignait la nécessité de mettre sur pied un centre d'information fédéral où le citoyen peut obtenir, par téléphone ou par écrit, une réponse pertinente à ses questions ou être dirigé vers l'instance adéquate. Dans son rapport de 2007, celui-ci émettait une recommandation visant à la création d'un tel centre d'information fournissant non seulement une information de base, mais orientant et transmettant efficacement les demandes d'information. Les auteurs pensent tout particulièrement à la mise en place d'une ligne de téléphone gratuite.

En ce qui concerne l'accès à l'information, il convient de rappeler que le développement de canaux électroniques pour un nombre croissant de formalités administratives s'inscrit dans l'évolution de la société, mais il ne peut avoir pour effet d'exclure certaines catégories de citoyens de l'accès à l'administration.

Les nouvelles technologies conduisent l'administration à se moderniser. L'e-government est un bon exemple de cette administration électronique qui permet au citoyen de lui offrir de l'information et des services en ligne, le citoyen pouvant ainsi entreprendre des démarches administratives en ligne (introduction de demandes, déclarations, ...) quand il le souhaite.

Cependant, certaines personnes ont difficilement accès à ce type d'applications, parce qu'elles sont victimes d'un handicap ou sont fragilisées, parce qu'elles n'ont pas accès aux technologies de l'information et de la communication ou parce qu'elles sont peu familiarisées avec celles-ci. Les auteurs estiment que les services publics doivent rester accessibles à tous et la fracture numérique ne peut compromettre l'universalité du service public et l'égalité de traitement des usagers.

Ces dernières années, la fracture numérique s'est réduite mais il faudra encore du temps avant qu'elle ne soit tout à fait comblée. Aucun citoyen ne peut dès lors être contraint d'utiliser exclusivement la voie électronique pour accomplir les démarches que l'État et ses réglementations lui imposent. L'administration doit prévoir le maintien d'une voie alternative ou mettre à disposition du citoyen des mesures d'accompagnement.

Le Médiateur fédéral, dans son rapport annuel 2009, a d'ailleurs émis une recommandation transversale en ce sens: il recommande à l'autorité fédérale de « Prévoir les mesures d'accompagnement adéquates dans toutes les procédures administratives qui s'appuient sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, afin de préserver l'égalité de traitement des usagers. »

Les auteurs considèrent que cela pourrait se faire d'un côté, en conservant des procédures par papier et par guichet, et de l'autre, en créant des procédures d'e-governement accessibles et compréhensibles pour tous c'est-à-dire en mettant à disposition des moyens d'accès matériel à Internet ainsi qu'en prévoyant un accompagnement humain pour l'accomplissement des procédures.

Il est par conséquent essentiel de concentrer les efforts à fournir en termes de communication et d'informations étant donné qu'une bonne information et une orientation correcte du citoyen dès le départ contribuent à éviter par après l'introduction de réclamations.

B. La gestion des plaintes par l'administration fédérale

La culture de service qui entend que le service public soit à l'écoute du citoyen, passe aussi par un bon système de gestion des plaintes.

Si une administration doit s'efforcer d'exécuter ses tâches du mieux qu'elle peut, elle doit aussi s'attacher à anticiper les éventuels problèmes et, lorsque ceux-ci surviennent, elle se doit de tout mettre en œuvre afin de corriger les effets négatifs qui pourraient rejaillir sur le citoyen.

Une vraie culture de service implique donc que chaque administration fédérale soit dotée d'un service de plaintes capable d'assurer un traitement convenable et efficace des réclamations du citoyen qui lui sont adressées en première ligne.

La loi du 22 mars 1995 sur les médiateurs fédéraux prévoit que le citoyen désireux d'introduire une réclamation doit prendre contact avec l'administration concernée afin de tenter d'obtenir satisfaction et ce, avant de saisir le Médiateur fédéral. Cette disposition entend poser le concept de traitement des plaintes en première et deuxième ligne. L'objectif étant de créer les meilleures conditions pour favoriser une résolution des plaintes par l'administration elle-même, ce qui conduit également au rétablissement du lien de confiance entre le citoyen et l'administration.

C'est dans ce sens que, depuis plusieurs années, le Service public fédéral Personnel et Organisation (SPF P & O) a contribué à mettre sur pied des services internes de plaintes dans un certain nombre d'administrations fédérales, toujours sur base volontaire. Par après, un réseau fédéral « Gestion des plaintes » a vu le jour; il s'agissait de réunir les coordinateurs de plaintes des différents services internes de plaintes et de promouvoir l'implémentation d'un véritable processus de gestion intégrée des plaintes.

Malheureusement, les auteurs constatent que si la majorité des institutions publiques de sécurité sociale (IPSS) disposent aujourd'hui d'une gestion interne des plaintes, à peine la moitié des services publics fédéraux ont implémenté au sein de leur administration un tel service interne de plaintes. (2)

L'exigence de démarche préalable du citoyen n'a toutefois de sens que si l'administration se montre véritablement ouverte à cette démarche et gère correctement cette plainte. Le Médiateur fédéral regrette que tous les servies de plaintes de réseau ne soient pas encore au même stade de développement du processus proposé par le SPF P&O. Dans son rapport annuel de 2011 le Médiateur fédéral estime que « l'instauration facultative d'une gestion interne des plaintes par l'administration, dont l'organisation et l'harmonisation reposent uniquement sur l'engagement volontaire de son management et qui peut dès lors être abandonnée à tout moment, ne paraît plus suffisante pour parvenir dans un avenir prévisible à une véritable gestion intégrée des plaintes en première ligne dans l'ensemble de l'administration fédérale, (...) ».

Dans ce processus de base de gestion des plaintes, les auteurs souhaitent également l'introduction d'indicateurs de performance définitifs et uniformes permettant une meilleure approche de la gestion des plaintes par les administrations fédérales.

Pour les auteurs, une administration moderne et tournée vers ses utilisateurs doit disposer d'un modèle unique, structuré et harmonisé de gestion des plaintes. Il est donc indispensable que l'administration fédérale développe aujourd'hui un véritable processus de gestion intégrée des plaintes en première ligne selon des standards de base commun.

Caroline DÉSIR.
Fabienne WINCKEL.
Ahmed LAAOUEJ.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. Vu les articles 8 et 9 de la loi du 22 mars 1995 instaurant des médiateurs fédéraux qui prévoient une procédure en deux stades de gestion des plaintes;

B. Vu la note de politique générale du 21 décembre 2011 concernant la Fonction publique qui prévoit que « le gouvernement mettra en place une ligne téléphonique fédérale d'information unique »;

C. Vu les rapports annuels 2007, 2009, 2010 et 2011 du Médiateur fédéral ainsi que ses recommandations;

D. Considérant que réussir la modernisation de l'administration nécessite notamment de promouvoir une culture basée sur la satisfaction des besoins des utilisateurs;

E. Considérant que la culture de service et la convivialité sont deux principes fondamentaux dans les relations entre l'administration fédérale et les citoyens;

F. Considérant que l'administration doit se montrer accessible à la démarche du citoyen, c'est-à-dire qu'elle soit ouverte à cette démarche et qu'elle la gère correctement;

G. Considérant qu'il convient de doter l'administration fédérale d'une politique de communication et d'information performante;

H. Considérant que les services publics doivent rester accessibles à tous et que la fracture numérique ne peut compromettre l'universalité du service public et l'égalité de traitement des usagers;

I. Considérant que tout citoyen aspire à une procédure de plaintes uniforme, transparente et efficace, auprès d'un acteur identifiable et apte à lui offrir une solution si sa réclamation est justifiée,

Demande au gouvernement:

1. En ce qui concerne la politique de communication et d'information de l'autorité fédérale:

De doter l'administration fédérale d'une politique de communication et d'information performante, fondée sur les principes de transparence, de pro-activité et de loyauté envers le citoyen, qui pourra se faire par:

— la fixation de principes généraux, comme des standards de qualité, sur lesquels devrait s'appuyer la communication externe des autorités administratives fédérales;

— la création d'un point d'information fédéral, ayant pour but de fournir une information de base, d'orienter et de transmettre efficacement les demandes d'informations, et qui pourrait se concrétiser sous la forme d'une ligne téléphonique gratuite;

— la prise de mesures d'accompagnement adéquates dans toutes les procédures administratives qui s'appuient sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, afin de préserver l'égalité de traitement des usagers;

2. En ce qui concerne la politique de gestion des plaintes en première ligne au sein de l'autorité fédérale:

La généralisation de l'instauration d'un processus structuré et harmonisé de traitement des plaintes dans l'administration fédérale par la mise en place de services internes de plaintes dans tous les services publics fédéraux selon des standards de base communs;

3 mai 2012.

Caroline DÉSIR.
Fabienne WINCKEL.
Ahmed LAAOUEJ.

(1) Le Médiateur fédéral, Rapport annuel 2011, p. 98.

(2) En tout cas 22 organisations (SPF, IPSS, SPP) ont déjà adopté la procédure minimale. Ce qui signifie qu'elles ont intégrés le processus de plaintes, qu'il y a eu une action de sensibilisation en interne à ce sujet et que le logo de plainte est utilisé selon les normes. Rapport annuel Médiateur fédéral pp. 16 et 17).