5-152COM

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Commission de la Justice

Annales

MERCREDI 16 MAI 2012 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Demande d'explications de Mme Fabienne Winckel à la ministre de la Justice sur «la reconnaissance de la répudiation par l'État belge» (no 5-2248)

Mme Fabienne Winckel (PS). - Dans certains pays, l'époux est autorisé à rompre le mariage de manière unilatérale, sans que l'épouse ne dispose du même droit.

L'article 57 du Code de droit international privé définit la répudiation comme « un acte établi à l'étranger constatant la volonté du mari de dissoudre le mariage sans que la femme ait disposé d'un droit égal ».

La Belgique ne reconnaît pas la dissolution d'un mariage par répudiation au sens défini ci-dessus, parce qu'elle est contraire aux droits de la femme et à l'égalité entre époux, sauf si les systèmes juridiques étrangers offrent aux deux époux le droit de rompre unilatéralement le mariage. Dans ce cas, rien ne s'opposerait à sa reconnaissance en droit belge.

Lorsque les deux époux disposent d'un droit égal à la répudiation, celle-ci pourra sortir ses effets en droit belge et n'entachera pas la validité d'un mariage célébré par la suite.

Madame la ministre, étant donné que même après un divorce les ex-époux ont encore des obligations l'un envers l'autre, la reconnaissance de la répudiation ne constitue-t-elle pas une différence de traitement entre les personnes vivant sur le territoire belge ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Lorsque les deux époux disposent d'un droit égal à la rupture du lien conjugal, il ne s'agit plus, en droit, d'une répudiation puisque celle-ci se caractérise précisément par le fait qu'elle ne repose que sur la seule volonté du mari - je fais ainsi référence à l'article 57 du Code de droit international privé.

Si le droit étranger reconnaît aux deux époux un droit égal de rompre unilatéralement le mariage, il s'agira plutôt d'une forme de divorce dont la reconnaissance est régie par les règles à portée générale du Code de droit international privé, article 22 et suivants.

Le système de reconnaissance des jugements de divorce prononcés à l'étranger est donc celui de la reconnaissance de plein droit aux conditions prévues par l'article 25 du Code - compatibilité avec l'ordre public, respect des droits de la défense, etc.

Le régime de la répudiation relève d'une disposition spécifique beaucoup plus stricte du Code de droit international privé, qui pose le principe de la non-reconnaissance, sauf exception.

Cette institution est en effet, à juste titre, considérée par le législateur comme étrangère à notre conception du droit et au principe d'égalité entre homme et femme.

Ainsi, la répudiation n'est pas reconnue si elle ne remplit pas les conditions prévues par l'article 25 du Code - compatibilité avec l'ordre public, respect des droits de la défense, etc. - mais aussi si l'un au moins des époux est belge ou ressortissant d'un État qui ne connaît pas cette institution, si l'un des époux réside en Belgique ou dans un autre État qui ne connaît pas cette institution, si l'acte de répudiation n'a pas été homologué par une juridiction de l'État où il a été établi, si la femme n'a pas accepté de manière certaine et sans contrainte la dissolution du mariage.

Ces conditions étant d'application cumulative, les cas de reconnaissance sont très rares.

Par ailleurs, la persistance ou non d'obligations entre ex-époux après la dissolution du mariage ne me paraît pas être un élément qui distingue le divorce de la répudiation.

Il découle de ce qui précède que les rares cas de reconnaissance de répudiation par les autorités belges ne me semblent pas créer une différence de traitement entre les personnes vivant sur le territoire belge au sens où vous l'entendez.