5-152COM

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Commission de la Justice

Annales

MERCREDI 16 MAI 2012 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Demande d'explications de Mme Fabienne Winckel au vice-premier ministre et ministre de l'Économie, des Consommateurs et de la Mer du Nord sur «la collecte d'informations privées par les développeurs d'applications Android gratuites» (no 5-2059)

M. le président. - Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice, répondra.

Mme Fabienne Winckel (PS). - Selon The Sunday Times qui a étudié cinquante conditions d'utilisation d'applications Android, certains de leurs développeurs s'en serviraient pour collecter des informations sur la vie privée des utilisateurs, en interceptant des SMS, des conversations téléphoniques, des historiques de recherche, des photos et vidéos privées.

En effet, il semblerait que la plupart des utilisateurs donnent aveuglément leur accord aux conditions d'utilisation lors du téléchargement desdites applications. Les données collectées peuvent ainsi être vendues et les utilisateurs, ainsi que leurs contacts, recevraient ensuite des publicités non désirées.

Certaines conditions d'utilisation révèlent aussi que des photos et vidéos peuvent être prises à tout moment, notamment via Flickr Photo Sharing, YouTube Video Sharing, Badoo Dating, Extreme Bright Flashlight Tool. La plupart des applications, dont Flickr, TweetDeck, Yahoo Messenger, peuvent aussi voir qui l'utilisateur contacte.

Pour les développeurs, le but n'est pas la commercialisation proprement dite de ces applications mais les gains liés au système d'envoi de publicités aux utilisateurs, processus qui rapporterait davantage que la simple commercialisation de ces applications.

Madame la ministre, confirmez-vous ces informations ? N'y a-t-il pas une violation flagrante de la vie privée des utilisateurs même s'ils acceptent les conditions d'utilisation des applications ? Ces clauses ne sont-elles pas purement et simplement abusives ? De quels moyens disposons-nous pour lutter contre ce phénomène ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Étant donné que votre question porte sur le marketing direct, je me contenterai de rappeler les principes applicables en matière de vie privée.

La loi du 8 décembre 1992 relative à la vie privée autorise le traitement de données à caractère personnel à des fins de marketing direct et ce, uniquement sur la base de trois fondements : le consentement de la personne concernée, l'existence d'une relation précontractuelle directe et l'existence d'un intérêt pondéré.

Le traitement des données à caractère personnel, même en cas de consentement de la personne concernée, doit être conforme aux dispositions de la loi précitée. Si tel est le cas, il n'y a pas de violation flagrante de la vie privée des utilisateurs. La même loi précise en effet, en son article 5, a), que le consentement libre spécifique et informé de la personne concernée constitue un fondement légal pour le traitement des données à caractère personnel à des fins de marketing direct. Ce consentement peut être retiré à tout moment.

L'article 12, paragraphe 1er, troisième alinéa de la loi précitée précise que toute personne concernée dispose d'un droit de s'opposer, sur demande et gratuitement, au traitement de ces données à des fins de marketing direct. Dans sa récente proposition de règlement relative à la protection des données, la Commission européenne suggère d'ajouter que ce droit d'opposition soit explicitement proposé à la personne concernée d'une façon intelligible et qu'il puisse être clairement distingué d'autres informations. Cette proposition sera débattue sous peu au sein du Conseil de l'Union européenne.

Enfin, si une personne estime que son droit à la vie privée a été violé dans le cadre du traitement de ses données à des fins de marketing direct, elle peut adresser une plainte à la Commission de protection de la vie privée.

Mme Fabienne Winckel (PS). - Je remercie la ministre de sa réponse. On sait que les conditions d'utilisation des outils que j'ai cités sont longues et que peu d'utilisateurs les lisent. La possibilité pour des tiers de se servir des données aux fins que j'ai indiquées est inquiétante. L'utilisation de ces nouvelles technologies pose vraiment un problème de respect de la vie privée qui doit rester un droit fondamental. Il convient dès lors de rester vigilant en la matière. Je serai attentive à ce que l'Union européenne décidera à ce sujet.