5-1567/2

5-1567/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

15 MAI 2012


Proposition de loi spéciale complétant l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce qui concerne la communauté métropolitaine de Bruxelles


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT Nº 51.218/AG DU 2 MAI 2012


Le CONSEIL D'ÉTAT, assemblée générale de la section de législation, saisi par la Présidente du Sénat, le 5 avril 2012, d'une demande d'avis, dans un délai de trente jours prorogé à quarante-cinq jours (1) , sur une proposition de loi spéciale « complétant l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce qui concerne la communauté métropolitaine de Bruxelles » (doc. Sénat, 2011-2012, nº 5-1567/1), a donné l'avis suivant:

1. En application de l'article 84, § 3, alinéa 1er, des lois sur le Conseil d'État, coordonnée le 12 janvier 1973, la section de législation a fait porter son examen essentiellement sur la compétence de l'auteur de l'acte, le fondement juridique (2) et l'accomplissement des formalités prescrites.

Par ailleurs, le présent avis comporte également des observations sur d'autres points. Il ne peut toutefois s'en déduire que, dans le délai qui lui est imparti, la section de législation a pu procéder à un examen exhaustif de la proposition.

PORTÉE DE LA PROPOSITION

2. La proposition a pour objectif la création d'une communauté métropolitaine, réunissant les trois régions du pays, ainsi que toutes les communes de la Région de Bruxelles-Capitale et les communes situées dans les provinces du Brabant flamand et du Brabant wallon. Ces deux provinces sont libres d'adhérer à la communauté.

La communauté métropolitaine est constituée afin d'offrir un espace de concertation en ce qui concerne les matières visées à l'article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 « de réformes institutionnelles », qui sont d'importance transrégionale, en particulier la mobilité, la sécurité routière et les travaux routiers de, vers et autour de Bruxelles.

La proposition ne donne guère de précision sur le mode de fonctionnement de la communauté métropolitaine, sur les représentants appelés à y siéger, sur son mode de délibération. Il n'est pas prévu que la communauté dispose de la personnalité juridique, ni d'organes, de personnel, d'un patrimoine ou de budget propres.

Les trois régions, et elles seules, sont chargées de conclure un accord de coopération pour fixer les modalités et l'objet de la concertation.

OBSERVATION GÉNÉRALE

3. Les développements consacrés à la proposition précisent que

« [l]es concertations organisées au sein de la communauté métropolitaine (article 92bis, § 7, alinéa 1er, proposé) se distinguent des concertations prévues par l'article 6, §§ 2 à 3bis, de la loi spéciale du 8 août 1980 puisqu'elles ne constituent pas des règles de répartition de compétence au sens de l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 relative à la Cour constitutionnelle, ni des formes substantielles au sens de l'article 14bis des lois coordonnées sur le Conseil d'État. Par conséquent, le défaut de concertation au sein de la communauté métropolitaine ne pourra en aucune manière affecter la validité des décisions prises par les autorités compétentes » (3) .

Cependant,

« [u]ne concertation prévue par la présente proposition fait toutefois exception à ce qui précède: le fait de fermer ou de rendre inutilisables les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles (RO) devra désormais faire l'objet d'une concertation préalable entre les régions (l'article 92bis, § 7, alinéa 3, proposé). Comme pour ce qui concerne les concertations visées à l'article 6, §§ 2 à 3bis, de la loi spéciale du 8 août 1980, le non-accomplissement de cette concertation avant tout acte légal ou administratif ayant pour effet de fermer ou de rendre inutilisable un accès ou une sortie du ring autoroutier de Bruxelles (RO) consistera, selon le cas, en une violation d'une règle répartitrice de compétence (article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 relative à la Cour constitutionnelle) ou d'une forme substantielle (article 14bis des lois coordonnées sur le Conseil d'État) » (4) .

Il ressort de ces développements que, si la loi spéciale proposée impose la conclusion d'un accord de coopération pour fixer les modalités de la concertation au sein de la communauté métropolitaine de Bruxelles, il ne s'ensuit pas que cette concertation elle-même soit, en règle, obligatoire. Cela transparaît également de la formulation de l'article (« en vue d'une concertation ») et du fait que, sur un point spécifique, la concertation est explicitement imposée. Seule la concertation portant sur le fait de fermer ou de rendre inutilisables les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles est, en effet, imposée.

La loi spéciale contiendra donc une obligation de conclure un accord de coopération, mais pas d'obligation de se concerter ultérieurement au sein de la communauté métropolitaine sur les matières visées à l'article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 qui concernent différentes régions.

Or, en vertu des dispositions précitées de la loi spéciale relative à la Cour constitutionnelle et des lois coordonnées sur le Conseil d'État, toutes les formes de concertation prévues par la loi spéciale du 8 août 1980 constituent des règles de répartition de compétence ou des formes substantielles, même si elles ne figurent pas à l'article 6, §§ 2 à 3bis, de la même loi.

Il conviendrait dès lors par souci de sécurité juridique que le dispositif de la proposition indique plus clairement que la concertation qu'elle organise revêt un caractère facultatif, sauf en ce qui concerne « le fait de fermer ou de rendre inutilisable les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles (R0) ». Á cette fin, il pourrait être précisé dans l'alinéa premier proposé que la communauté urbaine est créée « en vue d'une concertation facultative » et l'alinéa 3 proposé devrait commencer par les mots: « Par dérogation à l'alinéa premier, [...] ».

En tout état de cause, il va de soi que ce caractère facultatif de la nouvelle concertation ainsi prévue ne porte pas atteinte au caractère obligatoire des autres formes de coopération ou de collaboration par ailleurs imposées, à propos de l'une ou l'autre des matières visées à l'article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980, par d'autres dispositions spécifiques de cette loi.

Il en va ainsi, à titre d'exemple, s'agissant de l'obligation faite aux régions de conclure un accord de coopération pour le règlement des questions relatives « aux services de transport en commun urbains et vicinaux et services de taxis qui s'étendent sur le territoire de plus d'une Région » (article 92bis, § 2, c, de la loi spéciale du 8 août 1980).

L'assemblée générale de la section de législation était composée de

M. R. ANDERSEN, premier président du Conseil d'État,

MM. M. VAN DAMME, Y. KREINS, P. LEMMENS et P. LIÉNARDY, présidents de chambre,

MM. J. BAERT, J. SMETS, P. VANDERNOOT, J. JAUMOTTE, Mme M. BAGUET, MM. B. SEUTIN et W. VAN VAERENBERGH, conseillers d'État,

MM. J. VELAERS, M. RIGAUX, L. DENYS, Y. DE CORDT, S. VAN DROOGHENBROECK et Chr. BEHRENDT, assesseurs de la section de législation,

Mme D. LANGBEEN, greffier en chef.

Les rapports ont été présentés par MM. X. DELGRANGE, premier auditeur chef de section, W. PAS, premier auditeur et M. OSWALD, auditeur.

La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. P. LIÉNARDY.

Le greffier en chef, Le premier président,
D. LANGBEEN. R. ANDERSEN.

(1) Cette prorogation résulte de l'article 84, § 1er, 1o, des lois coordonnées sur le Conseil d'État qui dispose que le délai de trente jours est prorogé à quarante-cinq jours dans le cas où l'avis est donné par l'assemblée générale en application de l'article 85.

(2) Dès lors qu'il s'agit d'une proposition de loi (spéciale), on entend par « fondement juridique » la conformité aux normes supérieures.

(3) Doc. parl., Sénat, 2011-2012, no 5-1567/1, p. 2.

(4) Ibid.