5-1613/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

9 MAI 2012


Proposition de résolution concernant l'organisation d'une consultation populaire sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire

(Déposée par M. Jacky Morael et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Alors que l'Europe est plus que jamais nécessaire et devrait être porteuse de perspectives, l'Union européenne se trouve aux prises avec deux grandes crises.

La première est la crise économique, sociale et financière, et la crise de l'euro qui en découle. Par la faute d'un modèle de développement reposant sur l'endettement et la dérégulation, la durabilité environnementale, la cohésion sociale et la capacité budgétaire des États membres et de l'Union européenne sont aujourd'hui mises à mal et exigent des mesures de régulation et de relance.

La seconde crise est une crise de légitimité démocratique, due notamment au fait que la méthode intergouvernementale est préférée par les chefs d'État et de gouvernement à la méthode parlementaire, privant ainsi les parlements européen et nationaux de leurs prérogatives de débat et de contrôle démocratique. Les décisions européennes sont ou donnent dès lors l'impression d'être peu transparentes et subies par des États membres qui n'ont d'autres choix que de suivre le diktat des pays qui mènent la danse. Ce processus décisionnel autocratique nuit à une construction européenne que les auteurs de la présente résolution souhaitent pourtant et conduit à une perte de confiance et de soutien de la part des citoyens.

À l'occasion des débats sur l'adoption du Traité de Lisbonne, d'aucuns avaient déjà souligné l'importance que de futures modifications des Traités européens donneraient lieu à la convocation d'une Convention afin de mettre en place un large processus d'information, de participation et de débat démocratique et citoyen au sein des États membres de l'Union, permettant ainsi aux citoyens et aux partenaires sociaux d'influencer le processus et de s'approprier les modifications apportées aux traités dont l'impact pour les États membres serait réel.

Pour répondre à la crise économique et financière, les chefs d'États et de gouvernements se sont accordés, en quelques semaines, sur un nouveau Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire. Ce Traité, adopté le 2 mars 2012, prévoit un durcissement de la discipline budgétaire ainsi que l'introduction automatique d'une surveillance renforcée dans la zone euro, en particulier par l'introduction « d'une règle d'or budgétaire ».

En bref, les budgets nationaux devront désormais être en équilibre ou montrer un excédent. Ce critère sera atteint si le déficit budgétaire structurel annuel ne dépasse pas 0,5 % du PIB nominal. En cas de manquement à cette règle, un mécanisme de « correction automatique » sera activé, dont la latitude n'est pas formellement délimitée mais qui, selon les auteurs de la présente résolution, ne peut conduire à la remise en cause de politiques sociales propres à chaque État, comme le système d'indexation automatique qui existe en Belgique. La Cour de justice de l'Union européenne sera, par ailleurs, compétente pour contrôler la traduction nationale de la règle budgétaire.

La décision d'instituer cette règle budgétaire est couplée à un mécanisme de sanction avec une amende de maximum 0,1 % du PIB, à payer au mécanisme de stabilité européen ... avec le risque d'accentuer les difficultés des pays en situation de déficit.

Consultation populaire

À l'époque déjà, la manière dont s'était déroulé le processus d'adoption du Traité de Lisbonne avait révélé les aspirations démocratiques d'une grande partie de la population européenne et des acteurs sociaux d'entamer une discussion plus approfondie sur le processus d'intégration européenne. La crise politique qui a entouré l'adoption du Traité de Lisbonne aurait dû pousser les instances européennes à adopter un mode de décision davantage en phase avec ces aspirations des citoyens européens.

Mais ni la Commission ni les chefs d'État et de gouvernement n'ont tiré les leçons de cet échec démocratique. En effet, l'opacité qui a entouré la négociation du présent Traité budgétaire est encore plus forte et, vu le peu de volonté de mettre ces questions à l'ordre du jour, il est à craindre qu'il en sera de même pour sa ratification par les États membres. Si l'on veut construire une Europe démocratique, les citoyens, les partenaires sociaux et les parlements doivent pourtant avoir leur mot à dire sur ce Traité qui aura un impact direct pour eux.

Le gouvernement belge doit dès lors demander un véritable débat transnational qui permettrait des échanges entre les citoyens et citoyennes des États membres, comme ce fut le cas avec la Convention pour l'Avenir de l'Europe qui a précédé le Traité de Lisbonne. L'organisation d'une consultation populaire au niveau européen serait assurément un moyen efficace pour favoriser ce débat transnational et permettrait aux citoyens de l'Union de participer à la construction d'une Europe démocratique et de s'approprier les enjeux qui les concernent.

Ce processus devrait se tenir dans tous les États membres, par l'organisation d'une large campagne d'information associant tous les acteurs concernés et sur la base de débats contradictoires, suivie de consultations populaires similaires et simultanées. Ce faisant, l'on ferait d'une pierre deux coups. Premièrement, on éviterait de faire de ces consultations des procédures de confiance ou de défiance à enjeu politique interne. Secondement, on réduirait la tentation électoraliste de flatter les opinions nationales et de faire des autres États membres ou des fonctionnaires européens les boucs émissaires de la crise que traverse la construction européenne et que subit l'ensemble des citoyens européens. Cette simultanéité renforcerait à la fois la dimension européenne de la consultation populaire et la dimension populaire de la consultation européenne.

Une telle initiative positive devrait contribuer à ce que la population soit pleinement informée et concertée. De manière générale, l'information des citoyens constitue un devoir pédagogique essentiel du monde politique. Il est dès lors de la responsabilité des pouvoirs publics de faire en sorte que des électeurs appelés à se prononcer par consultation puissent émettre leur vote en parfaite connaissance de cause.

La tenue d'une consultation serait l'aboutissement logique de ces procédures d'information et de concertation. Elle contribuerait puissamment à faire en sorte que les débats européens ne soient plus limités à des cercles diplomatiques restreints. La démocratie ne peut qu'en sortir renforcée.

À titre subsidiaire, parce que l'ampleur de l'enjeu exige que les Belges soient correctement informés et puissent décider en connaissance de cause, il importe que le gouvernement belge s'engage dans un tel processus, et ce même si les autres pays ne devaient pas s'y engager.

Jacky MORAEL.
Zakia KHATTABI.
Cécile THIBAUT.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. vu le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire, adopté le 2 mars 2012;

B. considérant que l'adoption de ce Traité constitue une étape importante dans la construction européenne;

C. considérant que les débats relatifs à l'Union européenne sont généralement limités à des cercles diplomatiques restreints et ce a fortiori lorsque la voie intergouvernementale est privilégiée par rapport à la voie parlementaire, comme dans le cas présent,

Demande au gouvernement:

1. de plaider activement pour que le Conseil européen et les chefs d'État et de gouvernement organisent une consultation populaire à l'échelle de l'Union européenne le même jour, précédée de larges campagnes d'information, sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire;

2. d'organiser en Belgique une campagne d'information visant à sensibiliser le citoyen sur les matières européennes, sur les enjeux et plus largement sur les problématiques développées par le Traité en question;

3. en cas d'absence de volonté commune des États membres de l'Union, d'organiser une telle consultation populaire en Belgique, de prendre, à cet égard, toutes les dispositions nécessaires afin que la société civile belge et les partenaires sociaux soient correctement informés et puissent contribuer à la construction européenne plutôt que de la subir;

4. de prendre les dispositions utiles afin de systématiser à l'avenir l'organisation:

a) des campagnes de présentation objective des négociations relatives à des enjeux européens d'envergure (et en tout état de cause en cas de modification des traités); et

b) d'une consultation des Européens et des Belges sur ces enjeux.

9 mai 2012.

Jacky MORAEL.
Zakia KHATTABI.
Cécile THIBAUT.