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9 MAI 2012
La présente proposition de loi reprend le texte de la proposition de loi nº 4-676/1.
La loi du 28 mai 2002, qui permet de pratiquer l'euthanasie, prévoit que seul un patient majeur, conscient et capable peut demander l'euthanasie. La demande d'euthanasie faite par le patient majeur incurable doit être faite de manière volontaire, réfléchie et répétée. La loi prévoit que le patient doit se trouver dans une situation sans issue et faire état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique. Les dispositions de la loi du 28 mai 2002 ne s'appliquent pas aux personnes incapables atteintes de démence. L'euthanasie reste donc inaccessible aux personnes incapables atteintes de démence, même si ces dernières ont rédigé une déclaration anticipée à un moment où elles étaient encore en mesure de prendre leur décision de manière totalement autonome. La déclaration anticipée vaut uniquement pour une personne qui se trouverait plongée dans un coma irréversible, à l'exclusion des personnes atteintes de démence qui, en raison du processus pathologique irréversible, se trouvent dans un état d'inconscience prolongé.
Voilà à présent dix ans que la loi sur l'euthanasie est entrée en vigueur et de plus en plus nombreuses sont les voix à s'élever pour demander que cette loi soit adaptée. Une enquête réalisée fin 2004 par TNS Dimarso pour le compte de l'ASBL Recht op Waardig Sterven a montré qu'une majorité de nos concitoyens souhaite aller plus loin que ce que la loi autorise actuellement. Plus de 71 % des personnes interrogées estiment que l'on doit également pouvoir recourir à l'euthanasie lorsque les fonctions cérébrales du patient sont atteintes ou qu'il souffre de confusion ou de démence irrémédiable, mais à la condition qu'il en ait exprimé préalablement le souhait dans une déclaration écrite.
La proposition d'adaptation de la loi du 28 mai 2002 vise à abroger les limitations en matière d'euthanasie en cas de démence ainsi qu'en cas d'inconscience prolongée à la suite d'une atteinte grave et irréversible des fonctions cérébrales, comme c'est le cas chez les personnes atteintes de démence ou après des hémorragies cérébrales multiples. La démence est un syndrome, c'est-à-dire une constellation de symptômes comprenant, outre les troubles de mémoire, l'aphasie (troubles du langage), l'apraxie (difficulté à effectuer des activités motrices), l'agnosie (troubles de reconnaissance ou d'identification des objets) ou des troubles des fonctions d'exécution telles que la planification, l'organisation, la classification et la pensée abstraite. Chacun de ces troubles provoque une nette altération du fonctionnement social ou professionnel et entraîne un tassement significatif des facultés par rapport au niveau antérieur. Il est également question de démence lorsque les troubles ne se produisent pas uniquement pendant une phase de confusion aiguë (délire). La Classification internationale des maladies (CIM) de l'Organisation mondiale de la santé définit la démence comme suit: « La démence est un syndrome dû à une maladie cérébrale, habituellement chronique et progressive, caractérisé par une altération de nombreuses fonctions corticales supérieures, telles que la mémoire, l'idéation, l'orientation, la compréhension, le calcul, la capacité d'apprendre, le langage et le jugement. Les déficiences des fonctions cognitives s'accompagnent habituellement (et sont parfois précédées) d'une détérioration du contrôle émotionnel, du comportement social ou de la motivation. ».
Il existe toute une série de tests permettant de mesurer les aptitudes cognitives. Un bon test permet de faire la distinction entre le vieillissement pathologique chez le patient atteint de démence et le vieillissement normal. Une bonne évaluation clinique permet de diagnostiquer la « démence » avec un degré raisonnable de certitude. On utilise en pratique le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual — Manuel diagnostique et statistique des désordres mentaux, quatrième version, 1994), qui est un système international de classification et de définition des troubles mentaux, la GDS (Global Deterioration Scale — Échelle globale de détérioration) et la CDR (Clinical Dementia Rating — Échelle clinique de démence).
L'évolution de la démence se caractérise généralement par le caractère progressif du début de la maladie et du déclin qui en découle. Étant donné que la démence a un caractère progressif et qu'à un point donné de l'évolution de la maladie, la faculté de décision du patient sera affectée, il importe de discuter, à un stade précoce de la maladie ou même avant son apparition, des décisions à prendre en matière de santé et de traitements ayant pour but de prolonger la vie. Au moment du diagnostic ou juste après, le patient jouit en effet encore de suffisamment de facultés pour manifester sa volonté. Compte tenu du caractère parfois progressif de la démence, la durée de validité limitée à cinq ans de la déclaration anticipée devrait pouvoir être adaptée et prolongée.
La présente proposition tend à lever les restrictions qui empêchent dans la pratique les personnes démentes ou les personnes plongées dans un état d'inconscience prolongé à la suite d'une atteinte grave et irréversible de leurs fonctions cérébrales de faire une demande d'euthanasie. Elle a pour objet d'offrir à ces personnes, la possibilité de remplir une déclaration anticipée précisant le moment où elles souhaitent que l'on procède à l'arrêt actif de leur vie.
Article 2 A
La loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie prévoit qu'un médecin peut pratiquer l'euthanasie si le patient est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, ou qu'il se trouve dans un état d'inconscience prolongé à la suite d'une atteinte grave et irréversible des fonctions cérébrales et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science. Une démence modérée ou avancée ne répond pas à cette condition. Si l'on réduit l'inconscience, telle qu'elle est formulée dans la loi, à un état de perte de conscience ou de connaissance, seuls les patients comateux pourront se voir pratiquer l'euthanasie. Les personnes qui ont fait une déclaration anticipée et qui veulent déterminer elles-mêmes le moment de leur mort au cas où elles viendraient à être atteintes par exemple de démence, n'entrent pas en considération. Il n'existe actuellement aucun cadre légal adéquat permettant d'évaluer la demande d'euthanasie des personnes atteintes de démence qui trouvent inacceptable la déchéance de leur personnalité et le déclin de l'ensemble de leurs fonctions cérébrales ou celle des personnes qui ont sombré dans un état d'inconscience prolongé à la suite d'une atteinte grave et irréversible de leurs fonctions cérébrales. La présente modification de loi vise à permettre à ces personnes d'avoir accès à l'euthanasie.
Article 2 B
Cette disposition propose de prolonger la durée de validité de la déclaration anticipée en la portant de cinq ans à une période indéterminée. Le délai de cinq ans est trop court au regard de nombreuses affections pouvant entraîner une souffrance physique ou psychique sans issue. L'espérance de vie des patients atteints de démence est de sept ans en moyenne à compter du diagnostic, mais présente une variation fort importante se situant entre deux ans et vingt-cinq ans. Les patients atteints de démence ne perdent pas leur faculté de décision du jour au lendemain, mais la régression de leurs facultés cognitives intervient souvent de manière graduelle. L'allongement de la durée de validité de la déclaration anticipée permet à ces patients de faire, pendant qu'ils sont encore capables d'agir et de manifester leur volonté, une déclaration qui sera valable pendant tout le processus inhérent à la démence. La personne atteinte de démence pourra ainsi choisir délibérément de ne pas prolonger sa vie et désigner une personne de confiance pour le cas où elle deviendrait incapable de manifester sa volonté.
Article 2 C
Voir le commentaire de l'article 2 A.
Article 3
La loi sur l'euthanasie n'offre pas de solution pour le cas où le médecin traitant refuse d'accéder à la demande d'euthanasie, où le patient n'est plus en mesure de désigner un autre médecin et où il n'a pas désigné de personne de confiance. Le patient a pourtant droit à l'exécution de sa déclaration anticipée et à la continuité des soins. C'est pourquoi le médecin qui refuse d'accéder à la demande d'euthanasie doit transmettre lui-même le dossier médical à un médecin qui soit disposé à appliquer la volonté exprimée par le patient.
Marleen TEMMERMAN. | |
Bert ANCIAUX. | |
Dalila DOUIFI. | |
Fatma PEHLIVAN. | |
Guy SWENNEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 4 de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie sont apportées les modifications suivantes:
A. le § 1er, alinéa 1er, deuxième tiret, est remplacé par la disposition suivante:
« — qu'il n'a plus conscience de sa propre personne, de son état mental et physique et de son environnement social et physique; »;
B. le § 1er, alinéa 6, est abrogé;
C. le § 2, alinéa 1er, deuxième tiret, est remplacé par la disposition suivante:
« — qu'il n'a plus conscience de sa propre personne, de son état mental et physique et de son environnement social et physique; ».
Art. 3
L'article 14 de la même loi est complété par l'alinéa suivant:
« Si aucun médecin n'a été désigné par le patient ou par sa personne de confiance, le médecin qui refuse d'accéder à une demande d'euthanasie communiquera le dossier médical à un autre médecin en vue d'assurer la continuité des soins. »
7 mai 2012.
Marleen TEMMERMAN. | |
Bert ANCIAUX. | |
Dalila DOUIFI. | |
Fatma PEHLIVAN. | |
Guy SWENNEN. |