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Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Les différents événements qui ont secoué le monde pénitentiaire ces dernières semaines mettent une fois de plus en évidence le malaise qui règne dans nos prisons. La surpopulation endémique de nos établissements pénitentiaires a non seulement des conséquences sur les conditions de vie des détenus mais également de graves répercussions sur les conditions de travail et la sécurité du personnel pénitentiaire.
Le problème n'est pas nouveau, et cela fait des années que diverses instances et les gardiens des prisons belges tirent la sonnette d'alarme. Jusqu'à présent les différents ministres de la Justice qui se sont succédé se sont contentés, lorsque la situation devenait trop explosive, de faire des promesses ou de prendre des « mesurettes » pour calmer momentanément la grogne. Aucune réflexion globale de fond associant l'ensemble des acteurs de cette politique n'a été entamée sur la politique pénitentiaire et pénale, et aucune vision globale de la problématique n'a été élaborée.
Madame la ministre, alors que vous vous plaignez de l'héritage laissé par vos prédécesseurs, M. De Clerck et Mme Onkelinx, vous sombrez exactement dans le même travers. Plus inquiétant encore, vous semblez vous désintéresser complètement de la réalité du terrain.
Depuis votre entrée en fonction, avez-vous pris le temps d'aller dans nos prisons à la rencontre du personnel pénitentiaire et des acteurs psychosociaux de la société civile pour entendre leurs demandes et leurs suggestions ?
Alors que la crise couve en ce moment, il m'est revenu que vous avez quitté la réunion alors qu'elle n'était pas terminée. Les syndicats s'en sont plaints.
J'ai récemment rencontré les syndicats à la prison de Forest et j'ai pu constater qu'indépendamment des intérêts qu'ils défendent, ces acteurs de terrain mènent une réflexion globale sur la justice et le monde carcéral, telle que je rêve vous voir mener comme ministre. Ils ont aussi des propositions concrètes.
Je souhaiterais dès lors connaître vos projets concrets pour les deux ans à venir. Comptez-vous attendre 2014 en vous limitant à appliquer quelques emplâtres supplémentaires sur la jambe de bois de notre système carcéral ou entendez-vous réellement proposer une réforme profonde et globale du système ? Si c'est le cas, j'aimerais entendre quels sont, selon vous, les axes prioritaires de cette réforme et la philosophie qui la sous-tendra.
Je terminerai ma question en citant une phrase que vous semblez affectionner particulièrement puisque vous la reprenez sur votre site internet : « De toekomst kan elk moment beginnen! ».
Madame la ministre, le futur de notre système carcéral dépend de vous, et il est grand temps d'y travailler !
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - En ce qui concerne les actions que je compte entreprendre en matière pénitentiaire et d'exécution des peines, l'accord de gouvernement développé dans ma note de politique générale constitue évidemment la référence principale.
Dès mon arrivée au SPF Justice, j'ai rapidement pris la mesure de l'ampleur du travail à accomplir en matière d'exécution des peines. À cet effet, j'ai constitué au sein de ma cellule stratégique une équipe spécifiquement chargée de cette matière. Grâce à son expertise, chaque mesure est envisagée sous tous ses aspects afin d'agir de façon globale.
Par ailleurs, je travaille en étroite collaboration avec mon administration et j'ai veillé à organiser très régulièrement des réunions de concertation formelles et informelles avec les organisations syndicales.
En ce qui concerne la sécurité, une vision relative à la politique de sécurité intégrale a récemment été validée par le comité de direction du SPF. Cet outil majeur constitue une première fixant le cadre théorique sur lequel vont venir s'appuyer tous les projets concrets relatifs à la sécurité.
Parallèlement, deux groupes de travail « détenus dangereux » et « incidents graves » réfléchissent à des solutions structurelles et à long terme en ce qui concerne ces problématiques.
Quant à la surpopulation et à la qualité des infrastructures, je rappelle que je pilote avec vigilance et très activement la réalisation du Masterplan. Tous les dossiers avancent, et certains sont déjà concrétisés puisque la construction de certains établissements a déjà démarré.
Enfin, je reviendrai prochainement vers vous avec un plan global sur l'exécution des peines qui seront de nouveau envisagées dans leur ensemble car, comme je l'ai déjà énoncé, il ne peut y avoir de solution miracle.
Cela dit, de nombreuses mesures mises bout à bout peuvent faire progresser les choses si elles sont envisagées dans un ensemble cohérent. C'est ainsi que je compte travailler dans ce domaine dans les deux années à venir.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Vous ne serez pas étonnée d'apprendre que votre réponse est loin de me satisfaire. Vous vous obstinez à cultiver un modèle dont on connaît aujourd'hui les limites. Vous ne nous donnez pas votre vision de ce que devrait être la justice en général et le monde pénitentiaire en particulier.
Les syndicats disent que plus vous sécuriserez les prisons plus vous les mettrez en danger si par ailleurs vous ne proposez pas de perspectives, notamment aux détenus qui purgent de longues peines puisque ceux-ci devront faire usage d'une plus grande violence pour s'échapper. Les syndicats eux-mêmes privilégient une vision globale et ne dissocient pas leur situation de celle des détenus.
J'aurais souhaité que vous reconnaissiez l'échec du modèle sécuritaire tel que mis en place ces dernières années. Je ne suis pas naïve au point de croire qu'il ne faut pas de prisons, mais il est important d'avoir une vision globale.
Je vous l'ai dit hier, lors des travaux de la commission mixte, vous avez sans doute fait de l'excellent travail, bien que loin de ma vision politique, lorsque vous étiez ministre de l'Intérieur mais, aujourd'hui, vous êtes ministre de la Justice et, à ce titre, s'il y a sans doute des mesures sécuritaires à prendre, il faut aussi avoir une vision globale. Je n'ai rien entendu à ce sujet.
Ce que j'entends par contre c'est que, pendant deux ans, vous allez essayer de tenir le coup, sans doute pour passer à autre chose dès 2014, et je le regrette.