5-1463/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

31 JANVIER 2012


La politique en matière de l'emploi


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

MME TEMMERMAN


I. INTRODUCTION

Lors de ses réunions des 24 et 31 janvier 2012, la commission des Affaires sociales a donné l'occasion à Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi, d'exposer sa politique. La commission a ensuite procédé à un échange de vues sur cette matière.

II. EXPOSÉ DE MME DE CONINCK, MINISTRE DE L'EMPLOI

L'accord de gouvernement comprend un chapitre important sur la réforme du marché du travail. La régionalisation du marché du travail constitue également un volet important de la réforme de l'État.

Celle-ci organise le transfert aux régions ou aux communautés de nombreuses compétences en matière d'emploi. Au cours de la présente législature, toutes les mesures qui visent des groupes cibles par l'octroi de réductions de charges ONSS et l'activation des allocations de chômage seront ainsi transférées aux régions. La ministre précise d'emblée que les réductions structurelles de charges applicables à tous les travailleurs resteront une compétence fédérale. Les régions acquerront également la pleine compétence de décision et d'exécution en matière de contrôle de la disponibilité active et passive des chômeurs.

D'autres mesures importantes en matière d'emploi, comme les titres-services, les agences locales pour l'emploi, le Fonds de l'expérience professionnelle, les programmes d'accompagnement visant à réinsérer les bénéficiaires d'un revenu d'intégration sur le marché du travail, le reclassement, le complément de reprise du travail pour les chômeurs âgés et les familles monoparentales et l'économie sociale, seront également transférées en tout ou en partie aux régions ou aux communautés. Exprimés en chiffres, les transferts représentent un montant total de 4,3 milliards d'euros sur une base annuelle.

Pour ce qui est du calendrier, cette régionalisation de compétences s'inscrira dans le cadre général de la réforme de l'État, mais la ministre De Coninck veillera en tout cas à garantir la continuité des mesures. Jusqu'au transfert définitif, il lui incombe, avec ses administrations, de tout mettre en œuvre pour que chacun puisse trouver du travail. La ministre souhaite offrir un maximum d'opportunités d'emploi et pour y arriver, elle utilisera efficacement les instruments qui relèvent aujourd'hui de sa compétence.

Le fait que les régions disposeront de davantage d'outils pour mener une politique de l'emploi est une bonne chose en soi. Cela permettra, grâce à des politiques ciblées, de mieux répondre aux besoins et aux spécificités du marché de l'emploi dans les différentes régions. De même, chaque région pourra fixer ses propres choix et priorités politiques. En effet, la situation du marché du travail n'est pas la même en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles. On peut imaginer qu'une fois la réforme de l'État réalisée, la Flandre axera par exemple davantage ses mesures sur l'emploi des travailleurs âgés, alors que la Wallonie focalisera plus sur les jeunes chômeurs.

En attendant le transfert, la ministre examinera, en concertation avec les communautés et les régions, comment mener ensemble une politique d'emploi adapté à la région concernée. Nous n'avons pas de temps à perdre. Le travail devrait être un droit, mais également un devoir pour toutes les personnes en mesure de travailler.

Outre cette réforme de l'État, le gouvernement s'est engagé à atteindre à l'horizon 2020 un taux d'activité de 73,2 %. Pour réaliser cet objectif, le taux d'activité doit augmenter de plus de 5 %. Mme De Coninck entend apporter, au cours de cette législature une contribution importante à la réalisation de cet objectif, et ce en collaboration avec les communautés et régions.

Le rôle important qu'assumeront à l'avenir les Régions en matière de politique de l'emploi ne voue pas le gouvernement fédéral à être un simple spectateur. Même après la mise en œuvre de la nouvelle réforme de l'État, l'autorité fédérale pourra et devra encore jouer un rôle.

Ainsi, l'autorité fédérale restera compétente pour le droit du travail, la sécurité sociale, la concertation sociale et la politique salariale, autant de domaines qui offrent des instruments importants pour préserver l'emploi ou soutenir la création d'emploi.

Mme De Coninck cite quelques exemples:

— L'autorité fédérale restera compétente pour la réduction structurelle des cotisations de sécurité sociale; seules les mesures axées sur des groupes cibles seront transférées. Elle restera également compétente pour la mesure générale de dispense de versement du précompte professionnel s'élevant à 1 % de la masse salariale. L'autorité fédérale pourra décider d'appliquer ces réductions générales à l'ensemble des salaires, aux bas salaires ou aux hauts salaires. Plusieurs études ont montré par le passé qu'une réduction des charges plus importante pour les emplois faiblement rémunérés produisait l'effet le plus marqué en termes d'emploi. C'est pourquoi l'accord de gouvernement prévoit qu'il sera examiné dans quelle mesure la dispense de versement du précompte professionnel peut être réorientée vers les bas et moyens salaires. Cela permettrait de réduire la charge salariale pour les emplois faiblement rémunérés.

— L'accord de gouvernement prévoit également une dégressivité accrue des allocations de chômage. Quand les réformes prévues dans le courant de l'année 2012 et au début de l'année 2013 auront été mises en œuvre, l'allocation de chômage sera sensiblement plus élevée au début de la période de chômage et se réduira au fil du temps jusqu'à un montant forfaitaire. La dégressivité des allocations doit inciter les demandeurs d'emploi à accélérer et intensifier leur recherche d'emploi et éventuellement à se recycler afin d'enrichir leur bagage de compétences, ce qui leur donnera plus de chances sur le marché du travail.

— Toujours en matière de chômage, l'autorité fédérale restera compétente pour le cadre normatif en ce qui concerne la réglementation en matière d'emploi convenable, de recherche active d'un emploi, de contrôle administratif et de sanctions. L'autorité fédérale conclura à cet égard des accords de coopération avec les régions, lesquelles sont déjà compétentes pour l'exécution de certains aspects ou le seront. Mme De Coninck est en train de conclure des accords avec tous les ministres compétents.

Le pouvoir fédéral continuera également à jouer un rôle dans la politique de l'emploi par le biais des régimes de départ anticipé du marché du travail et de la combinaison entre le travail et la vie de famille. À cet égard, les premières mesures ont déjà été publiées au Moniteur belge et elles sont en vigueur depuis le 1er janvier 2012. En ce qui concerne le domaine politique de la ministre de l'Emploi, il s'agit d'adaptations importantes au niveau des prépensions, du credit-temps et de l'interruption de carrière.

D'autres mesures prévues dans l'accord de gouvernement et contribuant à l'activation sont la transformation de l'allocation d'attente en allocation d'insertion professionnelle et les adaptations apportées au concept d'« emploi convenable ». Ses mesures ont également déjà été prises et sont entrées en vigueur au 1er janvier 2012. En ce qui concerne les nouveaux diplômés, un accord de collaboration sera conclu avec les régions afin de prévoir un accompagnement accéléré et plus intensif au cours de la période d'insertion professionnelle.

L'accord de gouvernement prévoit plusieurs projets relatifs à la modernisation du droit du travail. Il s'agit notamment des systèmes qui visent à mieux concilier la vie professionnelle et la vie privée tels que le travail à domicile et le télétravail, ainsi que les réglementations sur le travail temporaire, le travail à temps partiel, les heures supplémentaires et la durée de travail.

Le plus important de ces projets est de loin l'harmonisation des statuts des ouvriers et des employés. En vertu de l'arrêt du 7 juillet 2011 de la Cour constitutionnelle, le statut unique devra être concrétisé pour le 8 juillet 2013. Pour mener ce projet à bon terme dans le délai imparti, il faudra faire preuve de beaucoup de courage et de créativité. La ministre ne tardera pas de charger ses collaborateurs et l'administration d'élaborer une piste réaliste. Celle-ci sera ensuite discutée avec les partenaires sociaux de manière à ce que l'on puisse compter sur un large soutien citoyen pour l'élaboration et l'introduction du statut harmonisé.

Le projet le plus urgent est l'adaptation du règlement des vacances annuelles. La Commission européenne juge en effet que le régime belge des vacances annuelles ne répond pas à la directive européenne relative à l'organisation du temps de travail et elle a mis la Belgique en demeure à cet égard. La ministre a déjà abordé cette question avec les partenaires sociaux il y a trois semaines. De cette manière, les travailleurs ne devront bientôt plus travailler une année complète avant de pouvoir prendre des vacances.

La base légale pour cette adaptation fera partie de la loi-programme que le Conseil des ministres soumettra prochainement aux chambres législatives.

La qualité de l'emploi et le bien-être au travail constituent également des défis importants. Le travail doit être attrayant. À cet égard, il est crucial d'adapter le travail aux possibilités physiques et mentales des travailleurs. Les conditions de travail et la pression du travail déterminent dans une large mesure le bien-être des travailleurs dans l'exécution de leurs tâches. Elles déterminent grandement si le travailleur sera disposé à continuer de travailler avec plaisir jusqu'à sa pension et s'il sera en mesure de le faire. La politique de bien-être dans les entreprises devra être évaluée en grande partie en fonction de la réalisation de cet objectif. De cette manière, la qualité de l'emploi et le bien-être au travail pourront contribuer à la réalisation de l'objectif fixé, à savoir un taux d'activité de 73,2 %.

Mme De Coninck tient également à attirer l'attention sur le chapitre important consacré à la lutte contre la fraude, dans le cadre de laquelle elle collaborera étroitement avec le secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude.

La ministre souhaite également profiter de l'occasion pour aborder le thème de la concertation sociale. Il est vrai que le gouvernement a pris un départ rapide et que des dispositions légales et des arrêtés importants ont été pris dès le 30 décembre 2011. Dix de ces arrêtés relèvent de la compétence de la ministre de l'Emploi. Ceux-ci appliquent tous rigoureusement l'accord de gouvernement et ont été soumis pour avis au comité de gestion de l'Office national de l'emploi, certes dans un délai très court.

Toutefois, cette méthode de travail ne préfigure pas le mode d'organisation de la concertation sociale dans les prochaines années. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux afin d'identifier les problèmes et de corriger les anomalies éventuelles.

Pour dissiper les malentendus, la ministre De Coninck insiste sur le fait que le gouvernement et elle-même attachent beaucoup d'importance à la concertation sociale. Les plans de réforme, de relance, d'action, etc., ne sont jamais l'œuvre d'un seul ministre ou d'une seule personne. Ce sont des projets communs auxquels participent de nombreuses personnes et qui regroupent une multitude d'idées créatives.

Cette concertation sociale ne peut cependant pas mettre un frein au développement de notre droit du travail et aux nombreux défis auxquels notre pays se trouve confronté. Pour certains dossiers, le temps presse. À cet égard, la ministre pense en premier lieu au relèvement du taux d'activité et au dossier du statut unique. On prévoira le temps nécessaire pour la concertation et le débat. Mais les partenaires sociaux devront réaliser que cette concertation ne pourra être indéfinie et qu'il faudra trancher à un moment donné.

S'agissant de politique de l'emploi, il est également important que les régions apportent leur contribution, ce qu'elles font déjà à l'heure actuelle. Cela fait des dizaines d'années que les services de l'emploi sont compétents pour l'encadrement des demandeurs d'emploi. Après la réforme de l'État, les régions auront encore un plus grand rôle à jouer. Songeons seulement aux accords de coopération en matière de stage d'insertion professionnelle, ainsi qu'à la réduction des délais et à la procédure dans le cadre du contrôle de la recherche active d'un emploi. Même si certaines compétences sont transférées, la ministre De Coninck souhaite collaborer étroitement avec ses homologues au niveau régional. La réforme de l'État imminente ne peut entraîner un statu quo. En effet, notre marché de l'emploi est confronté à des défis de taille et il est surveillé de très près par l'Europe. C'est maintenant qu'il faut agir. Nous sommes donc favorables à la concertation, mais à condition qu'elle ne fasse pas obstacle à la réalisation d'objectifs concrets sur le terrain.

En collaboration avec les régions, la ministre mettra sur pied un programme pour la croissance et l'emploi dans le cadre de l'objectif UE 2020 en vue d'atteindre un taux d'emploi de 73,2 %. Elle entamera une concertation avec les partenaires sociaux et les invitera à conclure des engagements réciproques pour accroître le nombre d'emplois de qualité et pour permettre à plus de personnes, jeunes et moins jeunes, d'accéder à un emploi. Tout cela devrait permettre d'aboutir à un programme de relance visant à stimuler l'emploi.

La ministre De Coninck tient à mettre des accents personnels dans la politique d'emploi; l'activation en fait partie. Le chômage, avec ou sans complément d'entreprise ou autre allocation sociale, est un droit. Mais qui dit droit dit aussi obligation. Dans le cadre du chômage, cette obligation est claire: il faut rester disponible pour le marché de l'emploi. Cela signifie que le chômeur est dans l'obligation d'accepter un emploi convenable, qu'il est censé rechercher activement un travail et qu'il doit faire des efforts pour trouver et conserver un emploi.

Ces principes ne sont pas nouveaux en soi. Mais aujourd'hui, on contrôle de plus en plus si le chômeur est effectivement disponible pour le marché du travail. L'allocation d'attente a été transformée en allocation d'insertion professionnelle. On veillera plus qu'avant à ce que les jeunes se mettent activement à la recherche d'un emploi. Elle conclura sous peu un accord de collaboration avec les régions afin de suivre ce dossier.

On rejoint ici le principe du donnant-donnant. Mais il faut éviter que cela dégénère en mécanisme d'exclusion qui aurait pour effet d'exclure aussi du chômage ceux qui ne trouvent pas de travail. Les pouvoirs publics attendent des efforts, si possible couronnés de succès, de la part du demandeur d'emploi. Mais en l'absence de résultats, celui-ci aura quand même droit à une allocation.

Si les pouvoirs publics attendent du demandeur d'emploi qu'il fasse des efforts pour trouver un emploi, eux aussi doivent s'investir. Il en va d'ailleurs de même pour les employeurs. Le demandeur d'emploi ne peut pas être livré à lui-même. Il incombe avant tout aux services régionaux de l'emploi d'encadrer activement les demandeurs d'emploi, surtout les jeunes, de les prendre par la main et de les aider à décrocher un emploi. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'autorité fédérale ne puisse pas contribuer à la création de perspectives d'emploi.

La ministre De Coninck se rend bien compte que certains demandeurs d'emploi ont besoin d'être aidés plus que d'autres et que la recherche d'un emploi n'est peut-être pas leur seul problème. En tant qu'ancienne présidente d'un grand CPAS, elle a assez bien d'expérience dans ce domaine. Elle plaide pour une coopération renforcée entre le CPAS et les services régionaux de l'emploi tels que le FOREM ou le VDAB.

Après l'activation, sa deuxième priorité est la simplification. La complexité de notre société est en grande partie inéluctable, mais il faut continuer à viser la simplicité, quelles que soient les circonstances. La simplicité garantit la transparence et la compréhension pour tous. Elle favorise donc la démocratie.

Pour en revenir à l'activation, la ministre souhaite tout d'abord accorder une attention soutenue à l'emploi des travailleurs âgés. L'objectif est d'arriver à un taux d'emploi de 73,2 % d'ici à 2020. La Belgique fait figure de mauvais élève dans le domaine de l'emploi des travailleurs âgés. C'est donc là que les plus grandes marges de croissance peuvent être réalisées. L'accord de gouvernement prévoit plusieurs mesures qui doivent aider à améliorer le taux d'occupation de cette catégorie professionnelle importante. À cet égard, la ministre mentionne brièvement les plans pour l'emploi des travailleurs plus âgés et le principe du licenciement collectif à l'image de notre société, qui prévoit de répartir davantage les licenciements entre les différentes classes d'âge. Ces deux mesures font partie de la loi-programme en préparation.

Par rapport à il y a cinquante ans, nous vivons vingt années plus longtemps, mais nous travaillons dix ans de moins. Entre cinquante et septante-cinq ans, nous pouvons encore profiter de nombreuses bonnes années en bonus. Certains assimilent les gens de cette tranche d'âge à des personnes âgées alors que d'autres les trouvent encore jeunes. La ministre trouve assez étrange que des femmes souhaitent avoir des enfants jusqu'à quarante ans, mais qu'elles soient assimilées à des grands-mères à partir de quarante-cinq ans. Cela ne correspond plus à la réalité. Il faudra s'atteler très sérieusement à un changement des mentalités. Peu de personnes acceptent volontiers de porter l'étiquette de « seniors » à partir de la cinquantaine. De plus, force est de constater que les personnes de cinquante à septante-cinq ans considèrent souvent cette tranche d'âge comme la plus belle de leur vie. Il ne fait donc pas de doute qu'il s'agit d'une période de la vie durant laquelle les personnes peuvent faire bien plus que seulement partir à la retraite.

De même, cette option correspond tout à fait aux objectifs européens. L'année 2012 a été consacrée Année européenne du Vieillissement actif. En outre, garder une vie active a pour effet de bloquer le processus du vieillissement. Rester tranquillement dans une pièce et ne plus rien faire d'autre que regarder la télévision est la recette idéale pour vieillir et tomber malade rapidement. L'attention que l'Europe porte à cette problématique est une opportunité à saisir. Voilà pourquoi la ministre compte lancer cette année une campagne de sensibilisation.

Il s'agit d'une sensibilisation autour de l'emploi des travailleurs âgés. À cet égard, la campagne s'adressera à l'ensemble de la population, car notre société a en général une image négative sur les travailleurs âgés. Cela commence déjà par l'appellation travailleurs « âgés ». La seule certitude c'est qu'il s'agit de travailleurs. Parlons plutôt à leur égard de travailleurs de plus de cinquante ans ou de plus de cinquante-cinq ans. La campagne vise tout particulièrement les travailleurs et les employeurs.

Il ne faut pas seulement inciter et soutenir les travailleurs de plus de cinquante ans afin de les maintenir au travail, mais il faut également veiller à ce qu'ils reçoivent effectivement des opportunités d'emploi. Les employeurs doivent vouloir recruter. La ministre examinera comment elle pourra aider ou soutenir les entreprises à cet égard.

Cette attention particulière portée aux travailleurs âgés ne peut cependant pas porter préjudice aux efforts déployés pour favoriser le travail des jeunes. La transformation de l'allocation d'attente en une allocation d'insertion doit aller de pair avec un encadrement plus poussé des jeunes, principalement dans leur recherche d'un premier emploi. L'objectif ne saurait être de les faire attendre neuf mois. Il faut prendre les jeunes en main beaucoup plus tôt, analyser quels sont leurs points forts et leurs faiblesses et les inciter à remédier à celles-ci. L'objectif est qu'un premier entretien ait lieu dans le courant du mois qui suit leur inscription comme demandeur d'emploi et qu'un entretien d'évaluation soit ensuite organisé tous les quatre mois.

Par ailleurs, la ministre estime que les acteurs de l'enseignement doivent également se demander pourquoi tant de jeunes de dix-huit ans quittent l'école sans diplôme ni certificat. La transition entre l'enseignement et le monde du travail exige aussi de la créativité.

En outre, il existe encore au niveau fédéral tout un arsenal de mesures permettant de soutenir les jeunes dans leur premier emploi. Il est vrai que le plan win-win n'a pas été prolongé, mais il ne faut pas en conclure qu'il n'y aura plus de mesures en faveur des jeunes travailleurs. Il y a encore le plan Activa, qui est centré sur les demandeurs d'emploi et prévoit aussi bien une activation des allocations qu'une réduction des cotisations ONSS. Il y a aussi la réduction ONSS pour les jeunes moins qualifiés, ainsi que celle appliquée pour les jeunes ayant un bas salaire, sans oublier les bonus de démarrage et de stage ou encore le bonus jeunes dans le secteur non marchand, pour ne citer que quelques exemples.

III. ÉCHANGE DE VUES

A. Questions des membres

La ferveur avec laquelle la ministre a présenté sa note de politique générale inspire à M. De Groote un profond respect. Bon nombre d'objectifs sont mis en avant d'une manière positive et, dans le court laps de temps écoulé depuis son entrée en fonction, la ministre a déjà pu prouver qu'elle possédait une grande expérience pratique.

L'intervenant est bien entendu favorable au transfert de compétences vers les entités fédérées, mais la manière de l'organiser concrètement est importante pour que l'on sache clairement quelles sont les possibilités et les limites. La réforme structurelle qui s'impose ne figure pas véritablement dans la note de politique générale présentée en l'occurrence. Quelques adaptations sont effectivement apportées, mais elles sont limitées et restent totalement inscrites dans le cadre fédéral existant. Elles ne redessinent pas fondamentalement l'architecture de notre marché du travail.

L'Europe a pourtant demandé clairement dans plusieurs recommandations que des mesures radicales soient adoptées, comme la lutte contre les départs anticipés du marché du travail, la réforme de l'indexation salariale et la dégressivité des allocations de chômage. De plus, on cherche en vain dans la note de politique générale une véritable vision en ce qui concerne le statut unique et, dans ce débat, la patate chaude est visiblement refilée aux partenaires sociaux.

Selon M. De Groote, la note contient aussi quelques contradictions. Ainsi, elle annonce que certaines compétences sont régionalisées, mais il s'avère que les mécanismes y afférents restent aux mains du fédéral. L'intervenant fait référence à cet égard au plan visant à favoriser l'engagement des trois premiers travailleurs, plan qu'il estime contraire à la régionalisation annoncée de la politique axée sur des groupes cibles. Le plan proposé implique en effet un nouveau renforcement de la politique des groupes cibles, ce qui fait naître le risque que l'autorité fédérale et l'autorité flamande mènent des politiques axées sur des groupes cibles en contradiction. Cela pourrait engendrer certains conflits de compétences.

Le point de vue de M. De Groote à ce sujet est clair: son groupe souhaite que la politique axée sur des groupes cibles soit entièrement régionalisée, après quoi les entités fédérées pourront se focaliser, pour la réduction de charges en question, sur les catégories les plus vulnérables.

En ce qui concerne l'activation des chômeurs âgés, M. De Groote estime que l'élargissement de la politique d'activation à ce groupe est trop lente et trop limitée. La limite d'âge pour l'inscription comme demandeur d'emploi n'est relevée que de deux ans pour être portée à soixante ans. Le contrôle effectif de la disponibilité sera étendu, à partir de 2013, aux demandeurs d'emploi âgés jusqu'à cinquante-cinq ans; il appartiendra à un prochain gouvernement fédéral de l'étendre aux demandeurs d'emploi jusqu'à cinquante-huit ans. Il n'est donc pas véritablement question d'un élargissement généralisé du contrôle de l'inscription et de la disponibilité des demandeurs d'emploi jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans. L'intervenant estime qu'il y aura encore, après 2016, de nombreux chômeurs âgés qui ne seront pas tenus de chercher du travail.

Les régions ayant un faible taux de chômage peuvent décider de leur propre initiative d'augmenter la limite d'âge jusqu'à soixante-cinq ans, mais cette forme de différenciation régionale dans le cadre réglementaire fédéral augmente, selon M. De Groote, le risque de voir certaines régions pratiquer une sorte de fédéralisme de consommation. Pourquoi des chômeurs seraient-ils activés et leur disponibilité contrôlée par les services régionaux tant que leur allocation de chômage continuera d'être payée par l'ONEM ? L'intervenant plaide à cet égard pour une plus grande responsabilisation.

Selon M. De Groote, la dégressivité prévue des allocations de chômage n'est que limitée. Dans une première phase, l'allocation sera portée à 65 % et, par la même occasion, les plafonds salariaux seront eux aussi augmentés. En contrepartie, une dégressivité, qui doit encore être déterminée, sera appliquée durant la deuxième période. On ne passera à la troisième période, durant laquelle une allocation forfaitaire sera allouée, qu'après quatre ans au maximum. L'intervenant craint que bon nombre de groupes n'atteignent jamais cette période. En pratique, la recommandation européenne relative à la dégressivité ne sera donc pas respectée. Il existe en outre des plans visant à assouplir, à partir de 2013, les conditions à respecter pour bénéficier d'allocations de chômage. Les incertitudes qui planent concernant la dégressivité et le nombre limité de chômeurs qui atteindront la troisième période font craindre une nouvelle augmentation des dépenses de chômage à long terme, et ce alors qu'aucun autre pays de la zone euro ou de l'OCDE ne consacre autant de moyens à la politique du chômage et du marché du travail. Cela est notamment lié au fait que la Belgique est le seul pays au monde où les allocations de chômage sont illimitées dans le temps. Dans la plupart des pays européens, la durée varie entre six mois et un à deux ans.

Pour ce qui est du régime de crédit-temps, il va de soi qu'il peut être réexaminé en fonction de sa finalité. Il convient cependant de souligner que si l'on touche à peine aux allocations allouées aux chômeurs de longue durée, les allocations de crédit-temps octroyées par l'ONEM sont, quant à elles, moins ménagées. Une économie de 51,7 millions d'euros sera réalisée grâce à la limitation des conditions en matière de crédit-temps. En outre, dans près de 85 % des cas, ce sont des femmes qui recourent au crédit-temps parce que ce régime est idéal pour qui souhaite mieux combiner vie familiale et vie professionnelle.

En ce qui concerne les secrétariats des commissions paritaires, il est prévu que l'effectif du personnel soit élargi pour que chaque commission puisse être dotée de deux secrétaires. Or, l'accord de gouvernement précise que le gouvernement procédera à une harmonisation et à une simplification du paysage des commissions paritaires. Cette simplification permettra notamment un traitement équivalent des entreprises menant des activités de même nature. Selon M. De Groote, l'élargissement de l'effectif du personnel est en contradiction avec ces dispositions.

M. De Groote souhaite poser quelques questions qui ont aussi été évoquées par la Cour des comptes. Dans quelle mesure la ministre prendra-t-elle en considération les observations émises par la Cour des comptes, selon lesquelles plusieurs budgets feraient défaut et certaines recettes seraient surévaluées ?

M. De Groote se pose aussi des questions à propos des dotations. Quelles sont les compétences de l'Institut royal des élites du travail de Belgique, qui bénéficiera d'une dotation de 611 000 euros en 2012 ? Pourquoi ne rencontre-t-on pas mieux les objectifs du Fonds de l'expérience professionnelle, notamment celui visant à maintenir au travail plus longtemps les travailleurs âgés, alors que ce Fonds a été créé en 2001, qu'il recevra 860 000 euros en 2012 pour ses frais de personnel, 34 000 euros pour ses frais de fonctionnement et 3 840 000 euros de subsides ? Pourquoi le Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail perçoit-il encore une dotation de 61 000 euros (pour les frais de personnel et de fonctionnement) en 2012, alors qu'il n'a plus publié de rapport annuel depuis 2006 ?

Enfin, M. De Groote souhaite bonne chance à la ministre, même s'il n'est pas persuadé que les textes de loi à venir suffiront pour réaliser les rêves de cette dernière.

M. du Bus de Warnaffe remercie la ministre pour son exposé. Il renvoie aussi à l'article publié le 24 janvier 2012 dans La Libre Belgique, qui a permis aux lecteurs de découvrir les diverses facettes de la politique de la ministre, ainsi que les résultats intéressants qu'elle a obtenus à Anvers.

M. du Bus de Warnaffe souhaite revenir sur les compétences fédérales et régionales, ainsi que sur les accords de coopération entre les différentes entités, principalement en ce qui concerne l'activation des demandeurs d'emploi. Il ressort de l'article de La Libre Belgique que la ministre a beaucoup d'expérience dans ce domaine en particulier. Elle démontre que même un CPAS ne doit pas se cantonner à une mission de service, mais doit s'engager véritablement dans l'activation des demandeurs d'emploi. Maintenant qu'elle est devenue ministre fédérale de l'Emploi, comment Mme De Coninck pourra-t-elle mener une politique d'activation performante, compte tenu du fait que cette politique relève désormais de la compétence des entités fédérées ? À Anvers, elle a prouvé qu'il était possible d'être plus efficace en partant de la base, mais la ministre ne se trouve plus à la base dorénavant. Comment pourra-t-elle concrétiser cette ambition à partir du niveau fédéral ?

L'ancienne ministre de l'Emploi, Mme Milquet, avait préparé un accord de coopération, mais elle n'a pas pu le finaliser. Le présent projet constitue-t-il une bonne base pour pouvoir avancer rapidement ? M. du Bus de Warnaffe voudrait aussi savoir quel est l'agenda de la ministre.

Le point suivant concerne la catégorie des « inadaptés sociaux », un terme que la ministre a utilisé dans l'interview qu'elle a accordée à La Libre Belgique. Selon la ministre, il faut imaginer une formule permettant à ces personnes d'effectuer, par exemple, des travaux d'intérêt général. Mme De Coninck estime-t-elle que des travaux de ce type relèvent de la compétence de l'autorité fédérale ? Comment conçoit-elle ces travaux concrètement ? Par ailleurs, M. du Bus de Warnaffe est parfaitement d'accord avec la ministre De Coninck pour affirmer que l'identité d'une personne est basée sur le travail.

M. du Bus de Warnaffe souhaite également attirer l'attention sur les conditions de travail et, en particulier, sur le stress au travail et sur les troubles musculo-squelettiques. En Belgique, il existe depuis le 1er janvier 2000 une législation visant à prévenir le stress dû au travail. Elle oblige les employeurs à définir des plans pluriannuels en matière de prévention et de gestion du stress. Cependant, plusieurs études révèlent que le stress au travail ne diminue pas, bien au contraire. Quelles mesures la ministre va-t-elle proposer pour durcir ou approfondir la législation existante ? Quant aux troubles musculo-squelettiques, ils sont une cause d'absentéisme. L'intervenant espère que la ministre réagira de manière appropriée dans ce domaine également.

Enfin, M. du Bus de Warnaffe évoque la problématique de l'amiante, et plus précisément du Fonds amiante. Ce fonds dispose d'un budget royal, qui augmente chaque année d'une dizaine de millions d'euros. Quelles sont les intentions de la ministre quant à l'utilisation des ces moyens financiers ?

Après avoir lu la note de politique générale et le chapitre de l'accord de gouvernement qui est consacré à la compétence de la ministre, Mme Douifi estime que l'on peut parler d'un véritable changement d'orientation, en ce sens que l'activation est le fil rouge de toute la politique visée. Le revirement opéré dans l'approche des jeunes qui quittent l'école est l'un des aspects les plus frappants. Au lieu d'attendre passivement de recevoir une allocation, ces jeunes seront désormais intégrés dans un stage d'insertion professionnelle dès cette année.

La ministre a précisé comment le stage d'insertion professionnelle sera organisé au cours de la première période qui suit l'inscription comme demandeur d'emploi du jeune qui quitte l'école. Bien entendu, cette approche fera également l'objet d'une évaluation. Mme Douifi souhaiterait aussi savoir ce qu'il adviendra en cas d'évaluation négative après le stage d'insertion, soit après la période d'un an. Comment pourra-t-on accompagner et activer les jeunes qui auront obtenu une évaluation négative ? En effet, il est prévu qu'ils ne recevront plus d'allocation s'ils n'ont pas obtenu trois évaluations positives après un an. Si toutes les évaluations n'étaient pas positives, pourrait-on déterminer quelles étaient les carences et comment continuer à accompagner, à court terme, le jeune ayant quitté l'école afin qu'il puisse être activé la prochaine fois ?

Dans son ensemble, la note de politique générale de la ministre doit induire un changement de mentalité et faire prendre conscience à tout le monde que le travail est bénéfique à tous. Cet objectif suppose que tout le monde assume sa part de responsabilité, ce qui ne se fera probablement pas sans mal, comme on a déjà pu le constater lors de la présentation de l'accord de gouvernement. Le gouvernement et la ministre devront mener une politique active en la matière, mais si cette politique parvient à atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés, elle opérera un changement de cap.

Les chances de décrocher un emploi chutent de manière exponentielle à mesure que la durée du chômage augmente. Par conséquent, il est capital d'agir rapidement, d'autant plus que la ministre ne dispose plus de quatre années pour mettre en œuvre la note de politique générale et l'accord de gouvernement.

Mme Douifi aimerait avoir quelques explications sur les moments d'évaluation rapide que la ministre devrait prévoir, parallèlement au suivi et à l'accompagnement des services régionaux de guidance professionnelle. Activer quelqu'un, qu'il s'agisse d'un jeune qui a quitté l'école ou d'un travailleur plus âgé, requiert une aide et un accompagnement très personnalisés de la part de ces services. L'activation devient ainsi une préoccupation commune, dans le cadre de laquelle l'autorité fédérale fixe ses priorités, à charge pour les services régionaux d'être partie prenante dans cette politique. La politique ne porte ses fruits que si l'on agit de concert. La ministre peut-elle dire où en est la réalisation des accords de coopération et quel en est le calendrier ? Quand la concertation démarrera-t-elle et quand les accords de coopération pourront-ils être conclus ?

Au cours des dernières semaines, on a surtout attiré l'attention sur la responsabilisation du demandeur d'emploi. Mme Douifi se réjouit de constater que la note de politique générale met également en évidence la responsabilisation des entreprises. Même si elles sont justifiées, des mesures visant à responsabiliser uniquement le demandeur d'emploi seront perçues comme injustes. Il est grand temps que les entreprises se rendent compte qu'elles ne peuvent pas gaspiller le talent et qu'elles doivent investir dans la formation permanente de leurs travailleurs. On a trop tendance à penser que les entreprises considèrent les investissements et les formations comme un mal nécessaire. Mme Douifi trouve inacceptable que des entreprises se permettent encore le luxe de laisser leurs travailleurs sur une voie de garage durant des années, pour ensuite s'en débarrasser au moyen de la prépension. La ministre pourrait-elle expliquer ce qu'elle compte faire pour obliger les entreprises à investir suffisamment dans la formation, ou pour les sanctionner ?

Mme Douifi demande comment la ministre conçoit le devoir des entreprises de mettre en œuvre une gestion des âges. Le SPF Emploi mettra les « bonnes pratiques » à la disposition des entreprises, et la concertation sociale devra permettre d'intégrer la gestion des âges dans les plans d'entreprises. Saisir la balle au bond signifie qu'il faudra évaluer et corriger rapidement ce qui devra l'être, en concertation avec les partenaires sociaux. Des précisions en la matière seraient les bienvenues.

Il y a enfin le point concernant le travail dans le cas des travailleurs — originaires de l'étranger ou non — qui sont parfois exploités et se trouvent dans un circuit parallèle. Il faudra aussi mettre résolument un terme à ces pratiques. Mme Douifi aimerait avoir des informations complémentaires sur le calendrier prévu en la matière. À quoi peut-on s'attendre au cours des premiers mois ?

Mme Morreale estime que les mesures générales contenues dans la note de politique de la ministre de l'Emploi et exposées aujourd'hui peuvent être qualifiées d'historiques, car elles prévoient un transfert de compétences vers les entités fédérées à hauteur de 3,4 milliards d'euros. En ce qui concerne les mesures concrètes, elle souhaiterait que la ministre lui fournisse quelques explications sur un certain nombre de points.

Un premier point concerne les titres-services. Dans le chapitre relatif à l'assainissement des finances publiques, il est notamment question de l'indexation du prix des titres-services en tant que moyen de maîtriser leur coût budgétaire croissant. Le prix unitaire des titres-services passera de 7,5 euros à 8,5 euros en 2013 et leur nombre sera limité à mille par ménage ou cinq cents par personne.

Mme Morreale renvoie à cet égard à l'arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant l'arrêté royal du 12 décembre 2001 concernant les titres-services, qui prévoit qu'est considéré comme ménage l'ensemble des personnes qui sont inscrites à la même adresse suivant le certificat de composition de ménage du registre de la population. Il s'agit de la règle générale pour prévenir les abus. Mme Morreale aimerait savoir si une exception est maintenue pour les personnes handicapées, les ménages ayant un enfant handicapé à charge ou les familles monoparentales ayant plusieurs enfants à charge, auxquels la limite de mille titres-services par an ne s'applique pas. Ces personnes et ces ménages auront-ils encore droit à deux mille titres-services par an ?

Un deuxième point concerne la réforme du marché du travail en vue d'améliorer l'emploi. Selon Mme Morreale, la réforme du marché de l'emploi n'a pas de sens si elle ne va pas de pair avec une politique dynamique mettant l'accent sur la croissance et sur des emplois de qualité. À défaut d'une telle politique, et en particulier à la lumière des perspectives économiques, les réformes et les assainissements prévus risquent d'avoir des répercussions négatives sur la croissance économique et sur l'emploi.

Des engagements explicites des entités fédérées en matière de qualité, d'équivalence, d'encadrement, de formation et d'emploi, surtout pour les jeunes et pour les travailleurs plus âgés, sont indispensables. Au niveau fédéral, les responsables politiques ne peuvent se dérober à leurs responsabilités sous prétexte que les entités fédérées sont désormais largement compétentes en la matière. Il est inacceptable de prendre une série de mesures, par exemple en vue d'intensifier le contrôle des jeunes qui effectuent un stage ou d'empêcher les personnes plus âgées de quitter le marché du travail, si l'on n'offre pas, dans le même temps, des alternatives réalistes permettant à ces travailleurs de continuer à travailler. Le marché du travail belge est, en effet, l'un des moins accessibles non seulement aux travailleurs âgés, mais aussi aux jeunes, aux personnes peu qualifiées et aux immigrés.

Mme Morreale se réjouit des mesures prises pour créer davantage d'emplois. Elle attire en particulier l'attention de la ministre sur les jeunes et les seniors. Elle donne l'exemple d'une offre d'emploi dans sa commune qui a déclenché une avalanche de cent vingt candidatures pour un seul poste, ce qui montre la pléthore de demandeurs d'emploi.

En ce qui concerne le renforcement de l'attractivité du travail, il est exact qu'il convient d'éviter les pièges à l'emploi. Il faut veiller à créer un différentiel suffisamment important entre les demandeurs d'emploi et les travailleurs peu qualifiés. À ce propos, l'intervenante se réjouit que le gouvernement semble avoir l'intention de relever de 200 euros la quotité de revenus exemptée d'impôts pour les revenus modestes et moyens.

Il serait également demandé aux partenaires sociaux de relever le salaire minimum brut interprofessionnel, y compris pour les moins de vingt-et-un ans. Il s'agit bel et bien du salaire minimum brut interprofessionnel, ce qui met les partenaires sociaux face à leurs responsabilités, qui est notamment de fixer les salaires. Cela évite un énième bonus lors du recrutement, à charge de la sécurité sociale. Les jeunes de moins de vingt-et-un ans n'ont droit qu'à un certain pourcentage du salaire garanti. Au lieu de se contenter d'une augmentation de ce pourcentage, il faut veiller à supprimer cette anomalie pour ne pas faire mentir l'adage « à travail égal, salaire égal ». Le groupe de Mme Morreale a déposé une proposition de loi visant à uniformiser le salaire minimum garanti.

Mme Morreale aimerait également réagir à l'article publié le 24 janvier 2012 dans La Libre Belgique. Elle souligne que tous les rapports sur la pauvreté publiés jusqu'à présent qualifiaient le travail d'élément essentiel pour permettre à une personne de s'intégrer en tant qu'individu dans la société. Bien que l'intervenante partage la conviction que certaines personnes peuvent être remises au travail plus facilement que d'autres, elle s'interroge malgré tout sur l'activation de celles qui ont davantage de difficultés à surmonter. S'agit-il d'une bonne idée ou d'une « fausse » bonne idée ? Ne serait-il pas préférable d'offrir à ces personnes un emploi à part entière afin de voir si elles peuvent s'y épanouir ? La ministre a-t-elle déjà évoqué cette question au sein du gouvernement ou l'accord de gouvernement prévoit-il déjà des mesures spécifiques en ce sens ?

Venons-en enfin au maintien du pouvoir d'achat. Pour Mme Morreale, il est fondamental que le gouvernement soutienne le pouvoir d'achat des citoyens, et en particulier celui des pensionnés et des citoyens actifs qui perçoivent un revenu modeste ou moyen. Elle qualifie d'essentiel le maintien du système automatique d'indexation des salaires et des allocations et se réjouit de le voir maintenu dans l'accord de gouvernement.

Mme Winckel se réjouit d'apprendre que la ministre accordera une grande attention à l'indispensable concertation entre les différents niveaux de pouvoir. Dans notre pays, cette coopération a toujours été essentielle. La ministre a insisté sur une concertation et une coopération avec les partenaires sociaux, initiative qui est fondamentale pour aboutir à des résultats. La participation de tous les acteurs à chaque niveau de pouvoir constitue plus que jamais le fondement nécessaire des mesures à prendre.

Mme Winckel a ensuite quelques questions à poser sur le chapitre concernant l'augmentation de la qualité de l'emploi. Elle se réjouit de constater que l'on se prépare à mettre en œuvre les recommandations formulées par la commission des Affaires sociales de la Chambre au sujet de la loi relative au harcèlement au travail. L'on ne soulignera jamais assez combien il est important d'investir dans le capital humain qui constitue un élément à part entière de la compétitivité de nos entreprises. Tout porte à croire que la prévention du harcèlement au travail fera l'objet d'une réforme.

Mme Winckel et son groupe s'intéresseront prioritairement à deux aspects: l'implication active de l'employeur dans le processus de résolution des conflits et la charge psychosociale. Elle rappelle qu'avant que le gouvernement prenne à bras-le-corps la problématique de la violence sur le lieu de travail, et avant que les mesures actuellement en vigueur n'aient été prises, son groupe avait déposé une proposition de loi à ce sujet que la commission n'a pas encore examinée, mais qui sera bientôt mise à l'ordre du jour à la demande de son groupe.

La modernisation du droit du travail et l'harmonisation des statuts ouvriers-employés, qu'il faut finaliser pour le 8 juillet 2013, échéance fixée par la Cour constitutionnelle, ont fait l'objet, depuis de nombreuses années, de multiples tentatives visant à aboutir à un accord, mais sans résultat. Mme Winckel s'inquiète quelque peu de la remarque insérée dans la note de politique générale de la ministre, qui précise que l'uniformisation du statut se fera « en limitant au maximum les coûts pour la sécurité sociale et pour le fisc ». Mme Winckel insiste sur l'élaboration d'un statut uniformisé le plus favorable possible en tentant, autant que faire se peut, d'octroyer à chacun les mêmes avantages, plutôt que de généraliser les éléments les plus défavorables.

Le gouvernement prévoit encore d'autres mesures, comme l'harmonisation et la simplification du paysage des commissions paritaires, la réforme du travail intérimaire et la concertation avec les partenaires sociaux en vue d'organiser un assouplissement de la semaine des trente-huit heures et ce pour une période à fixer, étalée au maximum sur une base annuelle et dans le respect de conditions à déterminer et sans augmentation de la durée globale du travail.

La réforme du travail intérimaire est aussi une priorité du groupe de Mme Winckel. Une proposition de loi en ce sens a été déposée à la Chambre par le groupe socialiste et les collègues de la sénatrice espèrent pouvoir collaborer avec les partenaires sociaux en la matière. L'intervenante réitère son opposition de principe aux contrats journaliers. Elle espère qu'une vraie concertation pourra être organisée avec ce secteur, afin de résoudre une fois pour toutes les problèmes dénoncés depuis des années par les organisations syndicales.

Mme Winckel revient ensuite un moment sur le chapitre concernant la promotion de l'égalité dans l'emploi. Des initiatives seront prises afin de renforcer effectivement la diversité au niveau de l'emploi tant dans les entreprises que dans le secteur public. La ministre a indiqué que les discriminations dans l'emploi et en particulier les discriminations à l'embauche devront être fermement combattues, en première instance par des actions de prévention, notamment par le biais de personnes de confiance. Qu'entend-elle par « personnes de confiance » ?

Mme Winckel termine par une question sur les mesures budgétaires. Dans la note, la ministre affirme qu'au-delà des efforts budgétaires, le gouvernement dégagera des marges en 2013 pour de nouvelles initiatives et dépenses, comme des réductions additionnelles de cotisations sociales pour les trois premiers engagements dans les PME. Mme Winckel aimerait savoir si ces mesures concernent des contrats à durée indéterminée ou des contrats à durée déterminée. Si ces mesures concernent des contrats à durée déterminée, elle aimerait savoir quelles mesures la ministre prévoit pour rendre ces emplois durables. Elle n'ignore pas que des mesures seront prises pour combattre les effets d'aubaine qu'entraînent parfois ces aides à l'emploi. La ministre peut-elle fournir des précisions à ce sujet ? Quelles sont les sanctions prévues ?

M. Torfs espère une politique réaliste, sans fioriture, qui soit humaine mais sans verser dans le sentimentalisme. M. Torfs et Mme Franssen souhaitent poser quatre questions à la ministre.

L'une des nouvelles mesures voulues par la ministre est la création de nouveaux emplois dans le secteur non marchand en vue de répondre aux besoins croissants liés aux services aux personnes. Comment la ministre compte-t-elle encourager la création d'emplois dans le secteur des soins de santé ? Une concertation avec la ministre Onkelinx est-elle prévue ?

Dans la note de politique générale, il est question d'une réduction de cotisations sociales pour les trois premiers engagements dans les PME. Il s'agit d'une mesure d'aide, au même titre que les subsides salariaux sur les bas et moyens revenus. La ministre entend également combattre les effets d'aubaine qu'entraînent parfois ces aides à l'emploi. Comment la ministre identifiera-t-elle ces effets d'aubaine ? Comment peut-on distinguer les chômeurs qui auraient pu trouver un emploi sans aide ? Quelles mesures la ministre a-t-elle l'intention de mettre en œuvre pour lutter contre ces effets ?

L'augmentation du taux d'emploi ne risque-t-elle pas de se transformer en long calvaire ? M. Torfs et Mme Franssen se réfèrent tous deux à la récente enquête de SD Worx, qui révèle qu'à peine 27 % des personnes interrogées manifestent de l'intérêt pour les travailleurs de plus de quarante ans, qui sont clairement considérés comme des vieux croulants, et que seuls 8 % des sondés s'intéressent aux candidatures de personnes âgées de plus de cinquante ans. Que peut faire la ministre pour y remédier ? Peut-elle changer les mentalités et démontrer que tous les quadragénaires ne sont pas irrémédiablement perdus ?

Enfin, M. Torfs formule une remarque au sujet du travail occasionnel, qui mérite en effet réflexion. Son groupe a déposé une proposition au Sénat à ce sujet et il espère que tout le monde prendra part au débat.

Mme Tilmans félicite la ministre pour sa note de politique générale très proactive, qui fait la part belle à la régionalisation et à la responsabilisation des entités fédérées. Elle espère que cette note ouvrira la voie à une nouvelle dynamique. Elle se réjouit également du caractère assurantiel du chômage. Le stage d'attente se transforme en véritable stage d'insertion professionnelle. Il est essentiel de maintenir les titres-services et chacun contribuera à la pérennité du système. L'augmentation de la quotité exemptée d'impôt ainsi que les réductions additionnelles de cotisations sociales pour les trois premiers engagements dans les PME sont, elles aussi, importantes.

L'intervenante souhaite poser trois questions concrètes. La première porte sur la quotité exemptée d'impôt pour les revenus professionnels bas et moyens. Il est prévu d'augmenter de 200 euros la quotité exemptée d'impôt, mais quelles seront précisément les modalités de mise en œuvre ? Qu'entend la ministre par « revenus professionnels bas et moyens" ? Cette augmentation de 200 euros sera-t-elle appliquée au montant de base ou au montant indexé ? À combien s'élèverait le montant effectif par contribuable ?

La deuxième question porte sur les allocations d'insertion, qui sont limitées à trois ans pour les cohabitants dits « non privilégiés ». Qui sont-ils ?

Enfin, la troisième question de Mme Tilmans concerne les conditions d'accès au crédit-temps. Le système de crédit-temps ne fait manifestement pas l'objet d'une réforme globale. La ministre prévoit-elle une évaluation ? Combien de personnes bénéficient-elles de congés thématiques ?

Mme Thibaut constate, à la lecture de la note de politique générale, que celle-ci est une copie littérale du volet « emploi » de l'accord de gouvernement. Plusieurs arrêtés royaux ont néanmoins été publiés depuis lors, ce qui clarifie un peu les choses.

L'intervenante émet des réserves sur les mesures proposées en matière de crédit-temps et d'interruption de carrière. Bien que l'objectif général soit de permettre une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie de famille par le biais de différents types de congés, la note de politique donne l'impression que la ministre souhaite le contraire. Elle complique l'accès au crédit-temps et à l'interruption de carrière, alors que de nombreuses personnes prennent ces congés pour s'occuper d'un enfant ou d'un membre de leur famille malade. Ces systèmes leur permettent de rester actives, tout en conciliant vie familiale et vie professionnelle. Aussi Mme Thibaut s'étonne-t-elle des mesures proposées. D'un autre côté, la ministre annonce la transposition de la directive européenne sur le congé parental.

Mme Thibaut aimerait en savoir davantage sur cette transposition, ainsi que sur l'adaptation du régime des vacances annuelles. Dans quel sens iront ces adaptations ?

En ce qui concerne la prépension, que l'on appellera désormais « chômage avec complément d'entreprise », l'intervenante juge que le système ne tient pas suffisamment compte de la pénibilité d'une profession. Certaines dérogations sont progressivement supprimées, alors qu'elles correspondaient pourtant à des situations de travail concrètes. À propos de la pénibilité du travail, Mme Thibaut souligne que la fracture sanitaire s'est creusée ces dernières années.

Elle déplore que le régime plus strict en matière d'accès à la pension ne s'accompagne pas de mesures reflétant une vision plus large sur le travail et la problématique du vieillissement de la population.

La ministre évoquait la nécessité de créer de nouveaux emplois si la carrière des travailleurs était allongée. C'est effectivement nécessaire, mais il ne faut pas perdre de vue que la Belgique compte 700 000 demandeurs d'emploi et que le taux d'emploi des jeunes est catastrophique dans notre pays.

Si l'on doit allonger les carrières des travailleurs, il faut aussi améliorer la qualité du travail. D'une part, on nous dit qu'il faut faire en sorte d'améliorer l'équilibre entre le travail et la vie de famille, et d'autre part, ce gouvernement restreint l'accès au crédit-temps. Ces déclarations sont contradictoires. Mme Thibaut ne trouve pas non plus de mesures visant à améliorer les compétences des travailleurs âgés, ni de mesures qui tendent à adapter le travail à ces personnes. Voilà encore des contradictions.

On peut aussi se poser des questions sur l'impact budgétaire des propositions. Mme Thibaut craint le principe des vases communicants, en vertu duquel la limitation de l'accès à la retraite ne fera qu'entraîner un relèvement des statuts et de leur coût social. C'est la raison pour laquelle elle demande que l'on vérifie l'impact budgétaire.

Parmi les critères définissant un « emploi convenable », la distance minimale de recherche d'un emploi est portée de 25 à 60 kilomètres depuis le 1er janvier 2012. En outre, on ramène à six mois la période pendant laquelle un emploi peut être refusé parce qu'il n'est pas « convenable ». Cette disposition est totalement discriminatoire pour les régions rurales. En effet, elle vise à augmenter la mobilité en tenant compte uniquement de la distance en kilomètres et pas de la durée des déplacements. Aujourd'hui, un emploi est considéré comme convenable lorsque la durée des déplacements ne dépasse pas quatre heures (aller-retour), sauf si la distance est inférieure à 25 kilomètres. La modification en question bénéficie uniquement aux personnes qui habitent à proximité d'un accès aux transports en commun, mais est très pénalisante pour celles qui habitent une région rurale et qui ne disposent pas de leur propre moyen de transport. Ces personnes auront souvent besoin de plus de quatre heures pour parcourir une distance de 60 kilomètres jusqu'à leur lieu de travail (aller-retour).

En ce qui concerne les titres-services, Mme Thibaut estime que les mesures proposées ne posent pas de problème. Elle regrette cependant que la capacité financière des utilisateurs ne soit pas prise en compte. Les utilisateurs ont, en effet, des profils très différents. Un quart des ménages a recours aux titres-services. Si l'on ne tient pas compte de la déductibilité fiscale des titres-services, le prix que doivent payer actuellement les utilisateurs est supérieur au coût d'une aide ménagère dans le circuit du travail au noir en Wallonie.

Mme Thibaut conclut par une remarque plus globale. Elle souligne le manque d'initiatives en faveur de la création de nouveaux emplois. Hormis une baisse des cotisations sociales sur les trois premiers engagements dans une PME, la note actuelle ne prévoit rien dans ce domaine, alors que la Belgique compte 700 000 demandeurs d'emploi. Elle ne prévoit rien non plus pour encourager une transition écologique, si l'on excepte l'annonce plutôt laconique que des mesures seront prises pour favoriser pareille transition. On ne prévoit ni de new deal écologique, ni de mesures soutenant les initiatives écologiques des entreprises, ni d'aide à la recherche écologique, ni la promotion d'une consommation durable. Pire, selon le secteur concerné, la décision du gouvernement de limiter la déductibilité fiscale en matière d'énergie va provoquer la disparition de cinq mille emplois verts.

Mme Thibaut ne voit aucune mesure concrète susceptible de donner un coup de fouet à l'emploi des jeunes. Or en Belgique, 20,4 % des jeunes entre vingt et vingt-quatre ans sont demandeurs d'emploi. Ils ne sont que 9,5 % en Allemagne et 6,9 % aux Pays-Bas.

Mme Lijnen a quelques questions à poser. La première porte sur la lutte contre la fraude sociale. Dans sa note de politique générale, la ministre annonce une série de mesures spécifiques pour les secteurs à risque. L'intervenante demande si cela implique que des accords sectoriels seront conclus. Les secteurs disposeront-ils d'une voix consultative dans le cadre de la mise en œuvre de ces mesures ?

Sa deuxième question concerne la réduction des charges sociales qui sera applicable, à partir de 2013, aux trois premiers engagements dans une PME. De quels montants est-il question ?

La ministre annonce également son intention de réformer le marché du travail dans le but de relever le taux d'emploi. Dans quel délai pense-t-elle pouvoir introduire pareille réforme ?

Enfin, les médias annoncent aujourd'hui que les partenaires sociaux ont conclu un accord sur le travail intérimaire. L'intervenante aimerait savoir ce qu'en pense la ministre.

Mme Temmerman a lu très attentivement la note de politique générale de la ministre De Coninck. Elle souhaiterait poser une question sur la promotion de l'égalité dans l'emploi, à laquelle elle s'intéresse particulièrement du point de vue de la santé. Dans sa note de politique générale, la ministre écrit qu'elle entend renforcer la diversité dans l'emploi et lutter contre la discrimination. À cet égard, elle cite plusieurs groupes vulnérables en mettant l'accent sur les femmes, les personnes handicapées et les personnes d'origine étrangère. L'intervenante veut attirer l'attention sur un autre groupe cible important, à savoir les séropositifs, qui accèdent eux aussi difficilement au marché de l'emploi et sont victimes d'une stigmatisation et d'une discrimination sur le lieu de travail. Par crainte de l'incompréhension et du rejet, les personnes contaminées par le virus VIH cachent leur séropositivité. Mais lorsqu'elles révèlent leur situation de santé, elles sont souvent confrontées à des préjugés et à des réactions négatives au travail, allant parfois même jusqu'au licenciement.

La ministre est-elle disposée à intégrer également dans ses initiatives la promotion de l'égalité de traitement en faveur des personnes séropositives ? Cette matière relevait auparavant de la compétence du ministre de la Santé, mais aujourd'hui, elle est plutôt du ressort de l'Égalité des chances. La ministre est-elle prête à mener une politique active à ce sujet, en collaboration avec les partenaires sociaux, et à établir par exemple une charte « VIH et travail » — comme il en existe déjà dans d'autres pays — conformément aux directives et aux principes de l'Organisation internationale du travail ?

B. Réponses de la ministre

La ministre aimerait au préalable faire part de quelques considérations. De nombreuses questions portent sur la mise en œuvre concrète des mesures proposées. C'est compréhensible, mais il est difficile de pouvoir y apporter une réponse. Nous vivons dans un État fédéral et un transfert de compétences se prépare. La concertation sociale est également importante. En d'autres termes, il serait illogique que la ministre puisse dès à présent donner des réponses concrètes alors que la concertation va seulement avoir lieu. Des concertations seront menées au sujet de l'élaboration de la politique avec des travailleurs, des employeurs et des représentants des régions.

La ministre veut surtout mettre l'accent sur les objectifs à réaliser. Le principal objectif est d'augmenter le taux d'emploi, ce qui revient à préparer l'avenir. Cet objectif est directement lié à la création d'opportunités d'emploi et au maintien de notre système de sécurité sociale. Il serait problématique que l'on évolue vers une situation où de moins en moins de personnes travaillent et où, parallèlement, la sécurité sociale doit faire vivre de plus en plus de personnes. Or, ce constat peut déjà être posé en partie aujourd'hui. Un groupe plus restreint de personnes de vingt à cinquante ans travaillent, généralement d'une façon trop intensive et trop stressante. Il faut tendre vers un allongement des carrières.

L'allongement des carrières sera également une nécessité en raison tout simplement des évolutions démographiques. Dans dix ans, un tiers de la population anversoise aura moins de dix-huit ans. Ce vaste groupe de la population devra bénéficier d'un enseignement et d'une prise en charge. Un autre tiers de la population aura, dans dix ans, plus de soixante ans. C'est une évolution positive, qui montre que l'on vit plus longtemps. Mais cela signifie également qu'un grand nombre de personnes solliciteront la prestation de services. Elles pourront en supporter le coût, car elles auront travaillé et toucheront une pension. Elles escomptent que, lorsqu'elles auront besoin de soins — comme c'est surtout le cas à partir de quatre-vingt ans — elles pourront y accéder et que la présence de forces de travail sur le marché du travail le permettra. Cependant, seul un tiers de la population d'Anvers pourra alors travailler. Il faudra dès lors mettre tout en œuvre pour veiller à ce que ce groupe ait les compétences nécessaires pour travailler ainsi que des possibilités de le faire.

Quand la ministre a prévenu, il y a déjà cinq ans, que certains employeurs allaient bientôt manquer cruellement de main-d'œuvre, d'aucuns lui ont ri au nez. Or, cela commence déjà peu à peu à être le cas dans certaines parties du pays. On se retrouve face à des baby-boomers qui partent à la retraite et doivent être remplacés. De nombreuses organisations sont confrontées à une perte de savoirs et doivent engager des jeunes en toute hâte. Des patrons — du moins, dans certains domaines — commencent également à en faire l'expérience.

Nous devons pouvoir allonger la période active. Selon les estimations, 450 000 emplois seront concernés ces prochaines années par les départs liés au vieillissement de la population. L'activation est dès lors importante. Cela peut également inclure le fait que des personnes suivent une formation, bénéficient d'un encadrement ou développent des compétences afin de pouvoir occuper les postes vacants.

La ministre voit se dessiner une double mission. D'une part, il faut maintenir au travail les plus de cinquante ans. Les employeurs ne doivent plus les écarter si vite, ce qui signifie aussi qu'ils devront, en concertation avec les organisations représentatives des travailleurs, réfléchir à l'organisation de leur entreprise afin de permettre aux travailleurs âgés de continuer à travailler. Un journal relatait l'exemple de BMW, qui a développé une ligne de montage spécialement conçue pour des plus de cinquante ans. L'entreprise est consciente qu'elle a besoin des travailleurs âgés pour maintenir sa production. La ligne de montage adaptée tourne non seulement un peu plus lentement, mais les travailleurs peuvent aussi changer régulièrement de place afin de ne pas toujours solliciter les mêmes articulations et les mêmes muscles.

La ministre estime qu'il faudrait envisager l'éventualité de faciliter à nouveau le travail à quatre cinquièmes à partir de cinquante ans. Bien que cette mesure ne soit pas prévue dans l'accord de gouvernement, cela vaut la peine de l'envisager dans le but de maintenir les gens au travail plus longtemps et non pas dans une perspective de départ.

L'intervenante entend être une ministre de l'Emploi, une ministre du Travail, et non une ministre du Temps libre. Le travail n'est pas quelque chose de négatif. Ce n'est pas une punition de travailler. Il ne suffit pas d'octroyer aux personnes concernées une allocation; il faut aussi leur offrir des opportunités, un avenir, un rôle à jouer dans la société. Une politique d'activation est une politique sociale. À cet égard, il ne suffit pas d'inciter les gens à travailler; il faut aussi veiller à ce que des emplois soient proposés.

Plusieurs questions portaient sur l'activation. Certaines personnes sont plus difficilement activables et la ministre en est consciente. Ce point devra également faire l'objet d'une négociation. Mais la ministre De Coninck sait qu'une approche personnalisée et un encadrement de haut niveau permettent une remise à l'emploi. Elle a plus de dix ans d'expérience dans ce domaine. Quand elle a commencé à travailler au CPAS d'Anvers, celui-ci comptait environ 13 000 clients dont on pensait que le mieux qu'ils avaient à faire était de toucher simplement leur allocation mensuelle et qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Au fond, une telle attitude est dégradante. Il faut offrir des chances même à ceux qui manquent de compétences. Au CPAS d'Anvers, on posait systématiquement trois questions à chaque bénéficiaire: avez-vous un rêve, que voulez-vous faire pour le réaliser et en quoi le CPAS peut-il vous aider ? Il faut réfléchir au cas par cas pour trouver la solution qui convient le mieux à telle ou telle personne. Adopter une approche personnalisée, élaborer des parcours, négocier et passer des accords. Cela demande un effort de la part des intéressés, mais aussi de la part des services publics. Tous les intéressés doivent s'assigner pour mission de réfléchir à l'objectif et de développer des instruments.

La ministre De Coninck affirme que lors de l'activation d'un groupe, environ un client sur trois peut être très facilement activé parce qu'il possède la plupart des compétences nécessaires. Il y a ensuite un groupe de personnes pour lesquelles il faudra déployer des efforts nettement plus considérables pour réussir leur insertion sur le marché du travail, même dans le cadre de projets d'économie sociale. Enfin, l'on constate qu'environ un client sur trois, et Mme De Coninck parle ici de la clientèle des CPAS, ne parvient pas, même après quatre ou cinq ans, à percer sur le marché régulier du travail. Il s'agit souvent de personnes qui font face à des maladies, des dépendances et une problématique sociale complexe. Ici, le système de sécurité sociale répond présent. Au CPAS d'Anvers, la décision a été prise d'offrir à ce groupe, en plus du revenu d'intégration, une aide supplémentaire générée par des moyens locaux. Bon nombre d'entre eux ne parviennent en effet pas à nouer les deux bouts pendant des années avec pour seule ressource le revenu d'intégration. En dépit de leurs efforts, ces personnes sont extrêmement fragilisées au sein de la société et encore plus sur le marché du travail. Pourtant, leurs inaptitudes physiques sont rarement suffisantes pour être reconnues comme personnes handicapées. Pour elles, il faut prévoir des initiatives spéciales d'activation, en leur offrant des opportunités de développement et en organisant des occupations journalières adaptées en vue d'occuper leur temps utilement. Sans se voiler la face sur les problèmes que rencontrent ces personnes, la ministre De Coninck refuse de considérer qu'elles ne seraient bonnes à rien. Ce serait socialement irresponsable.

En raison de la nécessité d'apporter une réponse personnalisée, la ministre ne peut pas préciser la nature exacte des mesures à prendre. Examinez le marché du travail et le taux d'emploi des régions et même de certains bassins et vous découvrirez un paysage extrêmement varié. Toutes les grandes villes regorgent de jeunes peu qualifiés, souvent d'origine allochtone, qui n'ont pas fait d'étude et n'ont obtenu aucun diplôme. Ils éprouvent des difficultés énormes à trouver du travail. Le problème est le plus criant chez les hommes jeunes. Au niveau des villes côtières, l'on peut également constater un chômage spécifique, lié au tourisme. À Bruxelles, la moitié des jeunes vivent dans des familles où l'un des deux parents n'a encore jamais travaillé, ce qui est une honte. Il est urgent d'y remédier.

En Flandre, l'on observe de manière générale que certaines régions sont en proie à une pénurie de main-d'œuvre. L'autorité flamande insiste donc beaucoup plus sur la réactivation des chômeurs de plus de cinquante ans. Dans ce contexte, le ciblage de cette population est compréhensible. En Wallonie, le chômage des jeunes est la difficulté la plus préoccupante.

La ministre De Coninck est par ailleurs convaincue que les efforts fournis pour créer du travail génèrent eux-mêmes de l'emploi. Il faut aussi souligner l'importance des projets développés au travers de l'économie sociale. À Anvers, de très nombreux projets d'économie sociale ont été lancés. Ils permettent de soulager une multitude de besoins sociaux. La ministre s'est forgée une solide expérience en matière de restaurants sociaux. Ceux-ci permettaient à toute personne présente dans le quartier du restaurant non seulement de recevoir une fois par jour un repas de qualité mais aussi de renforcer la cohésion sociale et, last but not least, de permettre à de nombreuses personnes d'obtenir un travail dans le cadre du projet. Les clients pouvaient voir différents types de personnes travailler ensemble de façon positive. Les projets exigeaient des frais d'investissement, atteignaient l'équilibre, mais rapportaient bien davantage que n'importe quel groupe de discussion. Les riverains se montraient également très satisfaits.

Des solutions créatives sont donc possibles, surtout en temps de crise, comme c'est le cas aujourd'hui. Si l'on se dit à l'avance que la tâche est insurmontable, alors on a vite tendance à tout voir en noir. La ministre lance un appel pour qu'on évite de se quereller sur les instruments à utiliser en fonction des objectifs à atteindre.

Il a également été demandé de donner une dimension sociale à l'activation. La ministre De Coninck trouve qu'il n'est pas social de se contenter de distribuer des allocations pour se débarrasser du problème et de refuser ensuite de prendre ses responsabilités. C'est la raison pour laquelle elle demande qu'en plus de l'accompagnement, des contrôles et éventuellement des ajustements et des sanctions, l'on veille aussi à donner une place tout aussi importante à l'investissement et à la création d'emplois.

Les formations restent importantes. Si l'on vise des carrières de quarante ans, on devra en effet veiller à ce que les travailleurs puissent développer leurs compétences. Le capital humain compte tout autant que les machines. L'obtention d'un diplôme n'est désormais plus qu'un début. Une formation permanente est essentielle. Si les employeurs souhaitent préserver le capital humain dans leurs entreprises, ils devront investir dans ce domaine. Les travailleurs quant à eux ne doivent pas faire fi des formations. Ils doivent s'engager à y consacrer de l'énergie et à vouloir mettre à profit le savoir acquis. L'objectif, qui sera également précisé dans certaines dispositions de la loi-programme, est sans aucun doute de sanctionner les employeurs qui n'investissent pas suffisamment dans la formation.

En cas de restructuration ou d'entreprises en difficulté qui souhaitent réduire leurs effectifs, il faudra respecter la pyramide des âges, comme le prévoit également la loi-programme. Il sera demandé aux employeurs de concevoir, en collaboration avec leurs travailleurs, des plans à cet effet, qui seront utilisés au cas où des problèmes surviendraient. La ministre pense qu'il est préférable de traiter deux ou trois sujets de manière approfondie, plutôt que de pondre des volumes qui ne seront jamais mis en pratique, sans jamais joindre les actes à la parole.

Selon certains, la note ne propose aucune mesure concrète en vue de maintenir les travailleurs âgés au travail plus longtemps. Les mesures prises au niveau des prépensions constituent bien entendu un élément clé. En reculant de cinq ans l'âge de la prépension, on fait passer le message que l'on espère que les travailleurs resteront actifs cinq ans plus longtemps. Les employeurs doivent bien entendu aussi être responsabilisés.

L'âge minimal de la prépension est en effet toujours fixé à cinquante-deux ans, mais uniquement et expressément pour les entreprises en difficulté ou en restructuration. La question de la pyramide des âges fera l'objet de négociations approfondies.

De nombreuses questions portaient sur le statut unique. La ministre n'est pas en mesure de spécifier concrètement quelles modifications seront apportées. Elle peut néanmoins étudier les propositions qui ont été formulées jusqu'à présent et les problèmes qui se posent. Le statut unique doit bien entendu être élaboré de concert avec les partenaires sociaux. La ministre estime qu'il faut donner toutes ses chances à la concertation sociale, mais tient tout de même à préciser explicitement qu'un statut unique devra être mis en place pour mi-2013. Si aucun accord n'est conclu, une décision politique sera prise. Les partenaires sociaux savent que le temps presse.

En ce qui concerne la transformation des statuts ouvriers et employés en statut unique, il est un peu facile de dire qu'il convient de maintenir les éléments les plus favorables de chaque statut. Il est clair que ce n'est pas une option envisageable. La ministre de l'Emploi veut éviter que les partenaires sociaux concluent des accords et envoient ensuite la facture au gouvernement. Dans le contexte budgétaire actuel, nul n'ignore que l'on ne dispose pas des moyens nécessaires.

En ce qui concerne les stages, il faut évidemment offrir aux jeunes des chances de trouver un emploi. Toutefois, les employeurs doivent eux aussi avoir l'occasion de tester un jeune travailleur potentiel. Les jeunes ne sont pas toujours suffisamment mûrs et ne savent pas toujours comment se conduire. Si l'on donne l'occasion à un jeune de travailler pendant six mois dans une entreprise, on pourra plus facilement évaluer son ambition et son dynamisme. Mme De Coninck considère les stages comme une aubaine tant pour le jeune que pour l'employeur.

La ministre réaffirme qu'il est important de s'inspirer des « bonnes pratiques », mises en place en Belgique et à l'étranger, en matière de gestion des âges. Comment peut-on organiser pareille politique ? Qu'est-ce qui fonctionne ? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? Il ne faut pas chercher à innover à tout prix.

M. De Groote a reproché à la ministre de tenir des propos contradictoires dans la note de politique générale, qui prévoit que les mesures visant des groupes cibles seront transférées aux régions, alors que les plans plus resteront des compétences fédérales. La ministre ne partage pas ce point de vue. Dans l'accord de gouvernement, les mesures axées sur les « groupes cibles » désignent les systèmes de réduction des charges qui s'appliquent à des groupes de travailleurs spécifiques: les demandeurs d'emploi de longue durée, les jeunes peu qualifiés, les travailleurs âgés, etc. Les plans plus ne visent pas ces groupes cibles, mais bien les employeurs, à savoir les petites entreprises qui engagent leur premier, deuxième et troisième travailleur. Le champ d'application est donc défini en fonction des caractéristiques de l'employeur, et non du travailleur.

Le sénateur du Bus de Warnaffe a posé une autre question concernant une contradiction supposé lorsqu'on parle d'une politique d'activation en matière d'emploi alors que les instruments spécifiques à une telle politique — notamment les réductions de charges groupes cibles et les activations — sont transférés aux régions. Il ne s'agit pas d'une contradiction. Premièrement, nous n'en sommes pas encore là. Deuxièmement, même si la réforme de l'État sera un fait, le pouvoir fédéral restera compétent pour le droit du travail et la sécurité sociale. Même si nous ne pourrons plus octroyer directement des incitants aux employeurs qui recrutent des travailleurs relevant de groupes cibles déterminés, nous pouvons néanmoins mener une politique qui soutient l'activation via entre autre les réductions de charges structurelles.

Des accords de coopération seront également conclus pour assurer le suivi de la recherche active d'un emploi par les chômeurs. Le cadre normatif pour la réglementation en matière d'emploi convenable, de recherche active d'un emploi, de contrôle administratif et de sanctions demeure en effet une compétence fédérale.

Mme De Coninck, la ministre de l'Emploi, revient encore brièvement sur les réductions de cotisations annoncées en cas l'embauche de premiers travailleurs. Mme Winckel veut savoir comment on compte rendre ces embauches durables. Tout d'abord, la ministre souligne que la mesure existe déjà, le but étant uniquement d'accroître l'assistance. Pour l'instant, ces réductions de cotisations ne sont soumises à aucune condition: il ne doit pas nécessairement s'agir de chômeurs, le recrutement peut être destiné à un emploi à temps plein ou à temps partiel, il peut s'agir d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée. Dans le cadre de cette mesure, il semble peu opportun d'imposer beaucoup de conditions supplémentaires, en tout cas pas pour une première embauche. En effet, il s'agit en l'occurrence de petits indépendants qui n'ont pas d'expérience en tant qu'employeur, qui doivent franchir un obstacle, faire un saut dans l'inconnu. Nous ne pouvons pas effrayer ces petits indépendants mais devons au contraire les encourager à procéder à cette première embauche. Par contre, il faut empêcher les effets d'aubaine, laquelle pourrait par exemple se présenter si un indépendant crée une société et se retrouve ainsi considéré comme un nouvel employeur. Dans ces circonstances, il est évidemment insensé d'accorder des réductions de cotisations. Les règles qui l'empêchent existent déjà. L'on peut toutefois examiner si un affinage ou un contrôle est encore nécessaire à cet égard.

Les montants concrets pour les trois premières embauches n'ont pas encore été fixés mais l'on y travaille.

M. Torfs a mentionné qu'un changement de mentalité est nécessaire pour l'embauche de travailleurs « âgés ». C'est correct et la ministre l'a déjà souligné fréquemment. 2012 est l'Année européenne du Vieillissement actif et, à cette occasion, une campagne de sensibilisation consacrée à l'embauche de travailleurs âgés sera lancée. Cette campagne s'adresse à l'ensemble de la population parce que l'image des travailleurs âgés est négative dans notre société en général, en commençant par la dénomination « travailleurs âgés ». La seule chose qui soit sûre est qu'il s'agit de travailleurs. Il serait préférable de parler des plus de cinquante ans ou des plus de cinquante-cinq ans... Nous nous adressons en particulier aux travailleurs et certainement aux employeurs aussi.

Les travailleurs de plus de cinquante ans doivent non seulement être encouragés et aidés à rester actifs, il faut également veiller à ce qu'ils bénéficient effectivement d'offres d'emploi. Il faut que les employeurs aient la volonté d'embaucher. Il a déjà été renvoyé plusieurs fois au sein de cette commission à l'étude de SD Works qui a établi que les employeurs hésitent déjà à engager des travailleurs de plus de quarante ans. Mme De Coninck ne connaît pas le fondement scientifique de l'étude, mais le doute des employeurs quant aux attitudes de ces travailleurs potentiels serait une raison pour laquelle ils sont récalcitrants à les embaucher. En clair, ils pensent que les plus de quarante ans n'ont plus envie de travailler. Mme De Coninck en doute au plus haut point. Les quadragénaires ont encore une carrière de vingt ans devant eux. Ses expériences concrètes à Anvers, où elle a mené une politique active d'embauche de personnes de plus de cinquante ans au cours des trois dernières années, ont montré que ces personnes étaient particulièrement motivées et loyales. Elles avaient effectivement été refusées ailleurs. Embaucher des personnes de plus de cinquante ans dans le secteur social offre l'avantage qu'on embauche des personnes qui ont de l'expérience. C'est un point qui n'est pas sans importance. Une personne de quarante ans acceptera difficilement un conseil de la part d'une personne de vingt-deux ans qui vient de sortir de l'école.

La ministre souligne qu'il faudra, au cours des prochaines années, remplacer 450 000 personnes qui partiront à la retraite. Elle pense qu'il y aura une pénurie de travailleurs sur le marché du travail. Dans ce cas, les employeurs donneront une chance aux candidats plus âgés qui se présenteront.

Il faut également que les employeurs aient la volonté d'investir dans leurs travailleurs. Mme Douifi pose à juste titre la question de savoir comment les y contraindre. Il existe d'ores et déjà une obligation pour les employeurs d'accroître leur effort de formation de 0,10 % ou de rehausser le taux de participation de 5 %. S'ils ne le font pas, ils doivent payer une cotisation de 0,05 % à la sécurité sociale. Dans la loi-programme que le gouvernement déposera prochainement, il est prévu que cette sanction sera portée à 0,15 %. En outre, il ne suffira plus qu'une convention collective de travail soit conclue dans le secteur, ce dernier devra aussi la respecter. Il est également prévu qu'un employeur appartenant à un secteur dans lequel aucune CCT n'a été conclue ou dans lequel la CCT n'est pas respectée peut échapper à la cotisation en fournissant suffisamment d'efforts individuellement.

Mme Douifi s'est également interrogée sur la gestion des âges au sein des entreprises. L'administration travaille à ce concept et une brochure paraîtra prochainement pour le faire connaître davantage. En réalité, l'embauche ou le maintien en service de travailleurs âgés fait aussi partie de la politique de diversité, puisque cela signifie qu'une entreprise admet la contribution de différents travailleurs. Qui plus est, un tiers de notre population aura bientôt plus de soixante-cinq ans. Il est intéressant en tant qu'entreprise de tenir compte de ce groupe significatif de personnes qui sont également des consommateurs. Il est donc logique que les travailleurs âgés soient représentés dans le personnel. Par ailleurs, la loi-programme contient un chapitre consacré au plan pour l'emploi des travailleurs âgés. Les entreprises devront ainsi soumettre chaque année un plan au conseil d'entreprise. Le but n'est pas de faire du plan un fardeau mais il est bel et bien nécessaire et doit être discuté au conseil d'entreprise. La ministre fait remarquer qu'il s'agit d'une occasion de faire changer les mentalités.

Mme Tilmans se demande quelle est la distinction entre cohabitants privilégiés et non privilégiés. Les cohabitants non privilégiés cohabitent avec un partenaire qui dispose de revenus professionnels. Les cohabitants privilégiés ont un ou une partenaire qui bénéficie d'une allocation dont le montant journalier ne dépasse pas les 31,14 euros.

M. De Groote avait aussi des remarques à formuler sur les modifications apportées au crédit-temps et Mme Thibaut plus globalement sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée. Les possibilités en matière de crédit-temps ont effectivement été un peu réduites, mais la ministre souhaite nuancer quelque peu le propos.

Le crédit-temps reste possible. On a toujours droit à un an équivalent temps plein, ce qui signifie qu'il est possible de prendre un crédit-temps pendant un an à temps complet, pendant deux ans à mi-temps ou pendant cinq ans à un cinquième temps.

Les travailleurs peuvent en outre prendre trois années supplémentaires de crédit-temps complet ou à temps partiel (par exemple, trois ans à mi-temps ou trois ans à un cinquième temps), et ce, pour divers motifs, lesquels sont déterminés de manière exhaustive. Pour l'octroi de soins à un enfant handicapé ou gravement malade, ce droit supplémentaire est même de quatre ans. Jusqu'à présent, cela n'était possible que pour un enfant handicapé, mais la mesure a été étendue aux enfants gravement malades.

Chaque partenaire a toujours droit à un crédit-temps. En tout, les deux partenaires ont donc la possibilité de prendre, d'une manière ou d'une autre, un crédit-temps pendant huit ans. Celui-ci peut en outre être combiné avec un congé parental, qui reste également possible. La ministre estime qu'hommes et femmes doivent réfléchir ensemble à la manière de résoudre leurs problèmes. Elle constate qu'en cas de divorce, ce sont souvent les femmes qui s'occupent des enfants. Si, de surcroît, elles ont travaillé à temps partiel, elles n'ont souvent pas pu se constituer une carrière complète. Il s'agit en l'occurrence d'un débat global qui devrait être mené à nouveau.

Par ailleurs, il existe aussi le crédit-temps à mi-temps ou à quatre cinquième temps à partir de cinquante-cinq ans. Il est correct qu'il soit resté possible, jusqu'à fin décembre, de prendre ce crédit-temps à partir de cinquante ans et, pour certains métiers pénibles en pénurie, il est toujours possible de demander un crédit-temps à partir de cinquante ans. La limite d'âge a été relevée de cinq ans parce que les gens vivent plus longtemps et que l'on attend d'eux qu'ils travaillent cinq ans de plus.

Les congés thématiques existent également toujours: congé parental, congé pour soins palliatifs et congé pour assistance médicale à un membre du ménage ou de la famille.

La ministre en vient ensuite à la remarque sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale pour les femmes. Tout d'abord, le rapport annuel 2010 de l'ONEM a permis d'établir que dans 67,4 % des cas, ce sont les femmes qui recourent à l'interruption de carrière et au crédit-temps confondus. Pour le crédit-temps dans le secteur privé, la proportion de femmes est de 61 %. Il a dès lors été demandé au CNT d'évaluer la liste des motifs possibles lors de l'adaptation des CCT et, si nécessaire, d'adapter aux motifs invoqués les périodes pendant lesquelles les crédits peuvent être pris, en autorisant par exemple des périodes plus courtes afin que la prise du crédit-temps puisse être mieux synchronisée avec les vacances scolaires des enfants.

L'interruption de carrière et le crédit-temps ne sont pas seulement des instruments facilitant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée. Au fil des années, ils sont également devenus des instruments permettant de terminer sa carrière en douceur. Ainsi, il ressort du rapport annuel précité que dans 66,8 % des cas, les personnes qui prennent un crédit-temps ont cinquante ans ou plus, et cette proportion augmente encore chaque année. Alors que chez les moins de cinquante ans, le recours au crédit-temps affiche une légère diminution en 2010 par rapport à 2009, on observe une augmentation de 8,5 % parmi les plus de cinquante ans.

Chez les plus de cinquante ans, la proportion d'hommes et de femmes qui réduisent leurs prestations dans le cadre du crédit-temps est d'ailleurs beaucoup plus équilibrée. Sur les 80 722 personnes qui l'ont fait en 2011, 39 000 étaient des hommes, soit 48,3 %.

Enfin, Mme De Coninck se dit interpellée par la conception qui sous-tend la question et conforte l'idée que prendre soin de sa famille est une affaire de femmes. Pendant longtemps, on ne disposait pas d'études basées sur des données empiriques en ce qui concerne l'impact des interruptions de carrière sur le salaire et sur la constitution de carrière des intéressés. Le rapport « Financial consequences of career breaks » publié par le Steunpunt WSE en juillet 2011 fournit, pour la première fois, une analyse bien étayée de la question. Le constat le plus frappant est le suivant: la carrière des femmes qui ont pris un crédit progresse plus rapidement après qu'avant la prise de leur crédit et plus rapidement que la carrière des femmes qui n'ont pas encore pris (entièrement) leur crédit. Il ressort par ailleurs que le recours à des congés thématiques, à de courtes interruptions de carrière ou à une réduction limitée des prestations (à raison d'un cinquième temps) ont beaucoup moins, voire pas d'effets négatifs du tout. Or, les mesures du gouvernement visent précisément les interruptions de carrière et réductions de prestations importantes et de longue durée. Les congés thématiques demeurent inchangés et le crédit de base d'un an équivalent temps plein permet encore, à lui seul, de réduire ses prestations d'un cinquième temps pendant soixante mois.

Ce mois-ci, un rapport de l'OCDE (« Comment va la vie, Équilibre vie professionnelle-vie privée ») a révélé que notre pays obtient un score élevé (il occupe la cinquième place, après les pays scandinaves) en matière d'équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. La ministre pense que les mesures adoptées ne nuiront pas à cet excellent score. Sur le plan spécifique de la prise en charge des enfants, elle continue à se demander si offrir un nombre suffisant de places d'accueil accessibles financièrement n'est pas au moins aussi important, pour ne pas dire préférable, que de multiplier les formes de congés.

M. De Groote avait posé quelques questions sur plusieurs institutions relevant de la compétence du SPF Emploi.

Le Conseil supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail est l'équivalent du Conseil national du travail (CNT) pour tout ce qui concerne le bien-être au travail. Il dispose d'une enveloppe de 47 000 euros pour mener à bien sa mission. Les rapports annuels avaient accusé un certain retard en raison d'un effectif minimum en personnel administratif d'encadrement, mais cet arriéré est aujourd'hui pratiquement résorbé. Le personnel administratif a consacré énormément d'énergie aux nombreux avis librement consultables sur le site Internet du SPF Emploi.

Le Fonds de l'expérience professionnelle a une multitude de tâches à accomplir et soutient des projets visant à allonger la carrière. Le fonds reçoit 4,3 millions d'euros par an. Avec ce budget, personne ne doit s'attendre à ce qu'il résolve la problématique de l'emploi des plus de cinquante ans, mais il fait un travail utile. Depuis 2005, 29 542 travailleurs ont bénéficié des interventions du Fonds de l'expérience professionnelle.

L'Institut royal des élites du travail dispose d'une dotation de 611 000 euros pour l'année 2012. Les partenaires sociaux et les travailleurs tiennent beaucoup à ce que l'on puisse décorer solennellement les travailleurs et cadres particulièrement méritants du secteur public et du secteur privé. Pour la ministre, il n'est pas sans intérêt, dans le cadre d'une revalorisation du travail, de pouvoir décorer des personnes qui veulent travailler et qui le font bien. Par souci de clarté, la ministre précise qu'il est toujours possible de refuser une telle décoration.

M. De Groote avait aussi interrogé la ministre sur le principe de disponibilité qui sera porté à soixante ans et sur la possibilité de le porter à soixante-cinq ans dans certains bassins d'emploi. La définition du faible taux de chômage fera l'objet d'un accord de coopération à conclure avec les régions. En dernier recours, ce seront toujours les comités subrégionaux de l'emploi et les RESOC qui prendront la décision, pour leur propre bassin d'emploi, de déclarer le principe de disponibilité applicable ou non jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans. En Flandre, les RESOC ont succédé aux comités subrégionaux de l'emploi. Il s'agit d'organes locaux d'avis et de pilotage en matière d'emploi. Au fond, ils s'inscrivent totalement dans la logique de la réforme institutionnelle. Au fédéral, l'arrêté royal réglementant le chômage impose déjà aux demandeurs d'emploi, en fonction de leur âge, des normes minimales en matière de comportement raisonnable de recherche d'emploi, pour qu'ils puissent prétendre aux allocations de chômage réglementées au niveau fédéral et solidarisées au niveau national. Les régions peuvent bien entendu adapter ces normes demandées par le fédéral en mettant à profit leurs propres compétences de contrôle et en tenant compte de la situation régionale du marché de l'emploi. Si la situation de l'emploi dans la Région est propice à l'adoption de normes différentes, des alternatives deviennent possibles et l'ONEM adaptera sa réglementation.

En fait, on plaide ici pour une politique taillée sur mesure, mais en coordination et concertation avec les régions et, le cas échéant, avec d'autres partenaires et instances. L'action intégrée permet de rendre la politique beaucoup plus efficace. La ministre est intimement convaincue que pour les personnes concernées, les politiques de rivalité sont stériles.

M. De Groote trouvait également que le gouvernement avait intégré trop peu de dégressivité dans l'allocation de chômage, étant donné que quatre années au plus pourraient s'écouler avant qu'un chômeur retombe sur une allocation de chômage forfaitaire. C'est exact, mais seulement pour ceux qui ont déjà un passé professionnel de dix-sept années ou plus. En effet, la durée de la deuxième période des allocations de chômage est calculée en fonction de l'ancienneté. Une personne qui n'a par exemple que cinq ans d'ancienneté retombera déjà sur l'allocation de chômage forfaitaire après deux ans. Au fond, cela revient à dire que plus on a cotisé, plus on peut percevoir par la suite. Le but n'est pas de harceler les demandeurs d'emploi, mais de les inciter à fournir des efforts pour mieux se positionner sur le marché du travail. Ici aussi, il faut remarquer que pour les personnes incapables de satisfaire aux critères en raison d'une problématique complexe, il faudra à terme imaginer d'autres systèmes.

Plusieurs questions concernaient l'évaluation et les moments de l'évaluation. Le but est que le niveau fédéral, qui est responsable en matière d'allocations de chômage, demande aux différents partenaires régionaux de présenter leur conception de l'évaluation. Quels sont, selon eux, les groupes cibles prioritaires et que faut-il contrôler en fin de compte ? Bien que l'on croie qu'en Wallonie, les allocations de chômage sont octroyées beaucoup plus longtemps et sont suspendues bien plus rarement, la ministre souligne que c'est totalement faux. Après avoir reçu les dossiers du Forem, l'ONEM a constaté que le nombre de suspensions avait fortement augmenté ces dernières années en Wallonie.

Cependant, la suspension est un échec en soi. Elle signifie que le trajet d'insertion a été jugé déficient. La ministre demande que l'on soit réactif, que l'on définisse clairement ce qui est imposé, ce qui est totalement inacceptable et ce qui doit être pris comme initiative, et que l'on procède à la suspension en tout dernier recours.

La ministre en arrive à la question de Mme Douifi qui se demande comment le stage d'insertion professionnelle sera organisé dans la pratique.

Pendant leur stage d'insertion professionnelle de douze mois, les personnes concernées suivront ce que l'on appelle un « trajet individuel d'insertion ». La ministre est consciente du fait que les besoins individuels peuvent varier fortement d'une personne à l'autre. Le trajet comprendra au moins les phases suivantes:

— un premier entretien-bilan avec le service régional de l'emploi compétent, qui aura lieu dans le mois de l'inscription comme demandeur d'emploi. Personne n'a intérêt à rester longtemps chez soi sans accompagnement ni orientation. Au contraire, c'est la meilleure manière pour perdre rapidement des compétences, les bonnes attitudes et l'espoir;

— un entretien d'évaluation tous les quatre mois avec le service régional de l'emploi compétent.

Lors de chaque entretien d'évaluation, le jeune demandeur d'emploi devra démontrer une démarche active en vue de décrocher un emploi.

Puisque les entretiens d'évaluation seront organisés en collaboration avec les services régionaux de l'emploi compétents, il faudra bien entendu définir également les modalités de l'évaluation dans le cadre d'un accord de coopération entre l'État fédéral et les régions.

M. du Bus de Warnaffe a précisé que l'on s'était déjà penché sur le sujet, ce qui est vrai aussi. Les propositions de l'époque constituent une bonne base pour continuer le travail. Dans tous ses contacts avec des collègues au niveau régional, Mme De Coninck constate que ceux-ci sont d'ailleurs tout à fait disposés à prendre ces propositions comme base de travail. Elle a déjà rencontré M. Muyters et elle a aussi prévu une entrevue avec M. Cerexhe pour la Région bruxelloise. D'autres rencontres sont encore prévues dans son agenda.

Dans le prolongement de ce qui précède, l'intervenante revient sur la remarque de Mme Morreale qui souligne que notre marché de l'emploi est difficilement accessible aux jeunes et aux personnes plus âgées et qu'il est nécessaire de créer des perspectives d'emploi. Mme Thibaut a aussi émis une observation dans ce sens. La ministre et le gouvernement se penchent sur le sujet. Le secteur non marchand auquel M. Torfs fait référence offre des possibilités à cet égard. Le but est effectivement de conclure, cette année, un accord social pour le secteur non marchand, qui abordera le thème de l'emploi. La ministre pense qu'il faut aussi élaborer des projets de plus grande envergure et à long terme.

À propos des réductions de cotisations, M. Torfs s'interrogeait sur la lutte contre les effets d'aubaine, à laquelle la ministre peut intégrer les effets de substitution. Sa question est simple et élémentaire: comment peut-on mesurer ces effets ? Les économistes seront certainement capables de développer plusieurs modèles au niveau macroéconomique qui permettront de mesurer ces effets approximativement. L'accord gouvernemental contient un passage précisant que cette possibilité sera examinée. La ministre estime, d'une part, que la définition de nos groupes cibles est parfois trop large et, d'autre part, que l'avantage pour les employeurs est parfois trop faible. Sans modifier l'enveloppe budgétaire actuelle, la ministre juge qu'il faut envisager d'octroyer un plus grand avantage à un plus petit groupe de travailleurs et pense que ces avantages peuvent être soumis à des conditions supplémentaires. La ministre De Coninck cite en exemple la réduction groupe cible qui existe actuellement pour les travailleurs de cinquante ans et plus. Cet avantage qui s'élève à 50 euros par trimestre, est trop faible pour inciter réellement un employeur à garder son travailleur âgé en service, et a fortiori à engager une personne de cinquante ans et plus. Ne vaudrait-il pas mieux utiliser ces moyens pour accorder un avantage considérable uniquement à partir de cinquante-cinq ans ? Cela vaut aussi pour les jeunes peu qualifiés, pour lesquels l'avantage est accordé jusqu'à vingt-six ans. Est-il vraiment nécessaire de prévoir une réduction de cotisations pendant huit ans ? Ne serait-il pas préférable d'octroyer des avantages plus élevés pendant une période plus courte ?

Mme Morreale demandait que l'on confirme si les personnes atteintes d'un handicap, les parents d'un enfant handicapé et les familles monoparentales pourraient encore acheter deux mille titres-services par an. Tel sera effectivement le cas. En 2013, le prix du titre-service augmentera d'un euro, ce qui n'est pas excessif compte tenu de l'inflation, par exemple. Mille titres par an correspondent à environ vingt titres par semaine, ce qui signifie qu'une personne peut venir aider à domicile pratiquement à mi-temps.

M. du Bus de Warnaffe a également posé une question sur le Fonds amiante; pour la réponse à cette question, Mme De Coninck renvoie toutefois au secrétaire d'État Courard, compétent pour le Fonds des accidents du travail, dont le Fonds amiante fait partie.

Mmes Morreale et Tilmans ont demandé quelle mesure fiscale était prévue pour les travailleurs à faibles et moyens revenus. La ministre déduit de l'accord de gouvernement qu'il s'agit de relever la quotité exonérée d'impôt. L'exécution de cette mesure relève de la compétence du ministre des Finances, mais il est évident que l'objectif est de donner un petit incitant supplémentaire aux actifs et de valoriser les revenus du travail.

En ce qui concerne le relèvement du revenu mensuel minimum, Mme Morreale a également demandé si les jeunes de moins de vingt-et-un ans auront droit, eux aussi, à ce salaire minimum général. La ministre n'y voit absolument aucune objection. Il faut néanmoins savoir que le salaire minimum est fixé par la CCT nº 43, conclue au sein du Conseil national du travail. Cette CCT prévoit des barèmes minimum à partir de l'âge de vingt-et-un ans. Les salaires minimum en faveur des jeunes sont arrêtés dans la CCT nº 50. Il appartient dont avant tout aux partenaires sociaux d'adapter leurs conventions collectives de travail, ce qui a d'ailleurs déjà été fait dans de nombreux secteurs.

M. du Bus de Warnaffe souhaite également attirer l'attention sur les conditions de travail et, en particulier, sur le stress au travail et sur les troubles musculo-squelettiques. Selon une étude réalisée par l'Eurofound, le stress n'augmente pas, ce qui n'est évidemment pas une raison suffisante en soi pour se réjouir. Depuis 2007, il existe en plus de la CCT un cadre légal qui constitue, pour les acteurs de terrain, un levier permettant de prendre le problème à bras-le-corps; toutefois, rien ne garantit que cela est fait et bien fait. La tâche n'est d'ailleurs pas évidente, car le stress est généralement lié à tout un ensemble de facteurs sur lesquels la politique n'a pas de prise directe, comme l'organisation du travail, l'adéquation entre la qualification de la personne et le contenu du travail, la personnalité des chefs ou des collègues, l'interférence avec des facteurs extérieurs au travail, etc. Le stress est néanmoins abordé de manière systématique dans le cadre de campagnes menées par le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale (ETCS) sur le thème des problèmes psychosociaux.

L'on sait entre-temps que le phénomène du stress est très lié au sentiment d'avoir ou non la maîtrise de sa propre situation de travail et de son organisation du travail. L'insécurité et le fait de ne pas avoir son avenir en main jouent un grand rôle dans l'apparition du stress. Bon nombre d'entreprises feraient bien de réexaminer l'organisation du travail en leur sein, afin de réduire le stress au travail.

Il en va d'ailleurs de même pour le problème de l'absentéisme. En Scandinavie, on a instauré, dans le secteur des soins de santé, des systèmes prévoyant quatre jours de travail suivis de trois jours de congé selon un système continu ne tenant pas compte des week-ends et des jours ouvrables. On a alors constaté une diminution de l'absentéisme de 18 %. La ministre de l'Emploi possède une expérience en tant qu'infirmière en service de nuit, selon un système comparable à celui pratiqué en Scandinavie. Tous les horaires sont fixés longtemps à l'avance; on travaille quatre nuits, puis on reste trois nuits chez soi. Là aussi, on a pu constater que cette façon de travailler était généralement bien accueillie par les personnes concernées.

En ce qui concerne les troubles musculo-squelettiques, le SPF ETCS ne ménage pas ses efforts pour attirer l'attention à la fois sur les problèmes et sur les solutions envisageables, par le biais de campagnes financées par le Fonds social européen. De nombreuses brochures sont diffusées à grande échelle par secteur; elles peuvent être consultées sur le site du SPF. La législation relative au bien-être définit tout ce qui peut être réglé par une législation en la matière. Il appartient aux entreprises de réaliser une analyse correcte des risques et de prendre les mesures qui s'imposent. Le service d'inspection intervient là où il le peut et là où c'est nécessaire; il peut aussi jouer un rôle de soutien.

Mme Winckel a demandé ce qu'il en était des recommandations que la Chambre a formulées en juillet de l'année dernière au sujet du harcèlement au travail. Ces recommandations seront certainement examinées. La ministre peut d'ores et déjà signaler que l'administration est en train de préparer une campagne de sensibilisation à cette problématique. Elle tente également de voir comment on pourrait adapter la réglementation en vigueur. En effet, beaucoup d'observations ont été formulées, tant par les employeurs que par les travailleurs.

La lutte contre la fraude sociale et la question des accords sectoriels sont deux sujets qui peuvent déjà être discutés par les partenaires sociaux. La ministre sait que ces questions ont déjà été abondamment discutées dans certains secteurs, comme celui de la construction.

Il y a un avis sur le travail intérimaire, mais il doit encore être examiné. La ministre se félicite de toute mesure susceptible d'améliorer le fonctionnement de ce secteur. C'est en effet un domaine où l'on constate de nombreux abus et la ministre intensifiera les inspections et les contrôles si nécessaire.

Pour ce qui est de la réforme du marché de l'emploi et du délai nécessaire pour la mener à bien, la seule chose que la ministre peut dire, c'est qu'il est pratiquement impossible de répondre à une question aussi vaste. En outre, le marché de l'emploi fait constamment l'objet de réformes, en fonction de l'évolution des perspectives d'avenir et de l'objectif à atteindre. En ce qui concerne la réforme du statut unique, la réponse est simple: elle doit être terminée pour la mi-2013. L'accord de gouvernement énumère encore une série de points qui en sont actuellement à la phase de démarrage, comme le travail portuaire, les règles en matière de licenciement, la redéfinition de la notion de carrière, etc. Ces dossiers évolueront au cours des prochaines années, et la ministre souhaiterait évidemment que tout soit réglé dans deux ans, même si elle ne sous-estime pas la complexité de certains dossiers. Le marché de l'emploi a ceci de particulier qu'il exige des négociations avec de très nombreux interlocuteurs, à différents niveaux, y compris au niveau européen.

En ce qui concerne la création d'emplois, Mme De Coninck estime qu'il y a du travail en suffisance, comme on peut le voir en regardant simplement autour de soi. Des phénomènes comme le vieillissement de la population et le développement des services qui en découle, l'encadrement ou les défis qui se posent en matière d'emploi et de logements écoénergétiques, offrent incontestablement des opportunités. Il faut se demander quels seront les besoins dans cinq, dix et quinze ans, comment nous devons nous y préparer et comment nous pouvons planifier certaines choses dès à présent. Il ne s'agit pas seulement de création d'emplois, mais aussi de financement, de soutien aux employeurs et aux entrepreneurs, d'aide au développement de techniques innovantes, etc.

Le problème de notre État fédéral, c'est que chacun travaille à son propre niveau. Il faut que tout le monde quitte sa tour d'ivoire et se demande comment concrétiser des programmes dans une optique de complémentarité, en tenant compte des contextes spécifiques.

En ce qui concerne la question relative aux personnes séropositives, Mme De Coninck signale que la ministre Milquet est en charge de la politique de l'égalité des chances. À titre personnel, Mme De Coninck est favorable à l'idée d'une politique de mainstreaming, qui consiste à tenir compte de l'égalité des chances dans toutes les mesures qui sont prises. Elle est une fervente partisane de la diversité, à différents niveaux. Un effectif de personnel qui tiennne compte de la diversité de notre société est un atout pour une entreprise, car c'est un facteur d'enrichissement en termes de connaissances et de développement de produits et de services. Les personnes séropositives constituent effectivement un groupe particulier qui fait l'objet de nombreux préjugés. Beaucoup d'entre elles ne se voient offrir aucune chance en raison d'une méconnaissance des risques de contamination. C'est surtout dans les secteurs impliquant des personnes malades, des enfants et des personnes nécessitant des soins que des réticences se font sentir. Il est très important d'informer et de sensibiliser les employeurs. La ministre partage la même préoccupation en ce qui concerne les personnes souffrant de problèmes psychiques ou d'autisme. Dans cette catégorie, on trouve des personnes qui possèdent de très nombreuses compétences, mais qui sont moins performantes dans certaines situations ou à certains moments. Tant qu'il y a suffisamment de travailleurs potentiels, le risque est grand de voir ces personnes n'entrer en ligne de compte qu'en dernière instance. Lorsque la main d'œuvre se fera plus rare, tout le monde aura sa chance.

Mme De Coninck pense qu'il faut aussi réfléchir à une collaboration entre plusieurs régions. Elle a appris de la bouche du ministre bruxellois Cerexhe qu'environ 13 000 jeunes Bruxellois travaillent à Vilvorde et à Zaventem, à la suite de la mise en œuvre d'un accord de coopération entre Bruxelles et la Flandre. Avec un peu de bonne volonté et de créativité, il devrait être possible d'améliorer la situation de chacun.

La rapporteuse, La présidente,
Marleen TEMMERMAN. Elke SLEURS.