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De voorzitster. - Ik stel voor deze mondelinge vragen samen te voegen. (Instemming)
De heer Melchior Wathelet, staatssecretaris voor Leefmilieu, Energie en Mobiliteit en voor Staatshervorming, antwoordt.
Mme Christie Morreale (PS). - J'aurais souhaité que la ministre responsable soit présente, comme à la Chambre, car les faits dont il est question sont extrêmement graves. Cela n'enlève évidemment rien aux qualités de M. Wathelet.
Ce dimanche, des événements inacceptables, aux accents fascisants, se sont déroulés dans l'entreprise Meister à Sprimont. Alors que les travailleurs venaient d'apprendre que deux importantes commandes devant être réalisées sur le site belge seraient traitées par une filiale tchèque du groupe, la direction a décidé d'envoyer sur le site une milice privée composée d'une trentaine d'hommes habillés de noir, rappelant ainsi une sombre époque que j'ai eu la chance de ne pas connaître. Ces individus, équipés de gilets pare-balles, armés de matraques, de sprays lacrymogènes et de pistolets Taser, avaient pour mission de récupérer du matériel. Ils ont fouillé les casiers personnels des travailleurs et détruit certaines installations. Plusieurs membres du personnel auraient par ailleurs été victimes de coups.
Le recours à de telles manoeuvres, inacceptables dans un État de droit, suscite l'indignation et viole notre modèle de concertation sociale. Faire venir une bande armée dans une entreprise est un fait extrêmement grave. Violation de la loi Tobback, violation du droit du travail, coups et blessures sur des travailleurs, etc.
Dans un premier temps, les policiers présents sur place n'ont pas voulu acter les plaintes que les travailleurs molestés voulaient déposer. Ils les ont envoyés à Liège où on les a renvoyés sur le site de Sprimont. Mais la police a de nouveau refusé de recevoir leurs plaintes. Ces victimes souhaitaient que leurs plaintes empêchent les individus armés qui se trouvaient au sein de l'entreprise de repartir en toute impunité.
Ces éléments sont particulièrement surprenants, d'autant qu'il a fallu attendre plus de douze heures pour que la milice quitte les lieux, sous escorte policière. Les ouvriers médusés et choqués face à une telle violence ont réagi, je le souligne, avec calme et dignité.
Selon la presse, la police n'aurait même pas pris l'identité de ces individus qui n'auraient donc pas été inquiétés par les forces de l'ordre. Si ces faits sont avérés, ils sont stupéfiants et incompréhensibles.
La ministre confirme-t-elle ce refus de la police locale d'acter la plainte des travailleurs ? Pourquoi ces hommes armés n'ont-ils pas été inquiétés par la police, au point de ne même pas devoir décliner leur identité ? Où se trouve cette bande armée ? Les armes ont-elles été confisquées ?
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je partage la déception de ma collègue. Ce débat méritait la présence de la ministre, ce qui n'enlève effectivement rien aux qualités de M. le secrétaire d'État.
Nous nous sommes tous émus dimanche d'une situation inédite dans notre pays. On a vu avec stupeur une milice privée composée d'une trentaine d'hommes, mandatée par la direction, envahir l'usine Meister Benelux à Sprimont, pour tenter de récupérer de force du matériel.
À la suite de cette intrusion, certaines sources, notamment syndicales, dénoncent des incohérences dans le travail des forces de police. Après qu'il a été refusé aux travailleurs de porter plainte, les syndicats ont eux-mêmes déposé une plainte en front commun, contre la direction et la milice, au civil et au pénal. Ils ont également rencontré l'avocat de la direction pour évoquer l'avenir. La justice liégeoise a ouvert une information judiciaire.
S'il est heureux que l'intervention des services de police ait permis de mettre fin à l'incident - la ministre n'a eu de cesse de le répéter -, on ne peut que s'interroger sur l'évolution du climat social dans notre pays à l'avenir, si une position claire dans le chef du gouvernement fédéral n'est pas adoptée. Ainsi, des suspicions d'espionnage et d'enregistrement d'une délégation syndicale ont récemment été dévoilées dans une autre entreprise. La multiplication de ce type de recours à des méthodes illégales et liberticides appelle une réponse forte du gouvernement.
Outre les inquiétudes et interrogations que suscite ce « fait divers » quant à l'évolution de notre modèle de concertation sociale, je m'interroge également - et je suis loin d'être la seule - sur la gestion policière de cette affaire. Vous savez comme moi qu'en dehors des sociétés de gardiennage ayant obtenu une autorisation, les « milices privées » ne sont pas autorisées en Belgique. Seules les forces de police et l'armée sont dépositaires de la force publique et peuvent en faire usage.
Dès lors que dans le cas de l'usine de Sprimont de nombreuses infractions ont été commises - usage de la force publique sans en être dépositaire, exercice d'une activité de gardiennage sans y être autorisé, immixtion dans un conflit social, port d'armes prohibées, coups et blessures volontaires, dégradation de matériel et fouille de bien privés, etc. -, il est difficile de comprendre que les membres de cette bande armée n'aient pas été entendus par le parquet ou un juge d'instruction, et qu'on les ait raccompagnés sagement à la frontière.
Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas eu d'arrestation, fût-elle administrative, et est-il vrai que leurs armes leur ont été restituées ? Le cas échéant, comment le justifiez-vous ?
Le recours de plus en plus fréquent à des méthodes illégales et liberticides dans le cadre de conflits sociaux me semble appeler une réponse forte du gouvernement. De quelle manière ce gouvernement entend-il agir politiquement sur cette question ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité et aux Réformes institutionnelles. - Je vous lis la réponse de la ministre de l'Intérieur.
Je tiens à souligner avant tout l'attention que j'ai portée à ce dossier et à rappeler que j'ai condamné fermement les faits qui se sont déroulés dimanche dernier à Sprimont. Je ne peux qu'insister sur le caractère inadmissible de tels événements dans un État de droit comme le nôtre.
Je retrace brièvement les événements. Le 26 février vers 14 heures, une vingtaine d'individus travaillant pour l'entreprise Meister se sont présentés à Sprimont afin de rassembler et d'emporter le matériel et cela, dans le cadre d'un conflit social. Lors de cette opération, ces individus ont molesté sans ménagement des ouvriers pour faciliter l'enlèvement de matériel de production. Des représentants syndicaux et plusieurs dizaines de travailleurs se sont alors rendus sur place et, à l'aide de matériaux divers et de leurs véhicules personnels, ils ont bloqué les véhicules chargés du matériel de l'entreprise. Aucune solution n'ayant pu être trouvée à la suite de l'intervention du conciliateur social, les forces de police sont intervenues pour obtenir l'évacuation de l'entreprise sans violence et le retour au calme. Les personnes appartenant au service de sécurité de l'entreprise ont été emmenées à distance et les véhicules ont été fouillés.
J'ai été informée des événements vers 21 heures et j'ai immédiatement pris contact avec le bourgmestre, responsable du maintien de l'ordre public, avec la police, les représentants syndicaux et la direction de l'entreprise afin d'être tenue continuellement au courant de l'évolution de la situation.
À cette occasion, j'ai également rappelé à la direction qu'il était inacceptable que des services de gardiennage armés étrangers et, qui plus est, non agréés viennent exercer sur le territoire belge des missions d'ordre public qui relèvent exclusivement des prérogatives de la police.
Je ne peux que condamner vivement l'utilisation de la force et de la violence, quelles que soient les circonstances. Je tiens par ailleurs à souligner qu'il est intolérable qu'un service de sécurité opérant illégalement sur le territoire intervienne de manière armée dans une entreprise belge.
Quant aux questions relatives au refus d'acter les plaintes des travailleurs, à l'absence d'interpellation des agresseurs, au défaut de confiscation des armes et d'identification de ces individus, il convient de rappeler que ces questions relèvent plutôt des attributions de la ministre de la Justice.
Avant de répondre aux autres questions, je tiens à préciser qu'en vertu de l'article 5, alinéa 1er, de la loi sur la fonction de police, pour l'exercice des missions de police administrative, les services de police « sont soumis aux autorités administratives dont ils relèvent conformément à la loi ». Cette qualité revient particulièrement au bourgmestre en ce qui concerne la police locale et à moi-même pour ce qui est de la police fédérale.
Des lors, pour les questions relevant de mes compétences il ressort des éléments dont je dispose aujourd'hui que :
Avec les informations que j'ai reçues, je peux confirmer que les événements qui se sont déroulés dimanche dernier peuvent constituer une infraction à la fois à la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées et à la « loi Tobback » du 10 avril 1990 interdisant d'offrir des activités de gardiennage sans autorisation préalable.
En effet, aucune entreprise de gardiennage ne peut travailler sur le territoire si elle n'a pas fait l'objet d'une autorisation préalable. Cette autorisation n'est accordée que lorsqu'un certain nombre de conditions ont été respectées par l'entreprise et que le personnel de l'entreprise remplit lui-même également un certain nombre de conditions.
En outre, il est interdit aux entreprises de gardiennage et aux services internes de gardiennage de s'immiscer ou d'intervenir dans un conflit politique ou dans un conflit de travail et d'intervenir lors de ou à l'occasion d'activités syndicales à finalité politique.
Par ailleurs, des procès-verbaux ont bien été rédigés pour coups et blessures volontaires, dégradation de biens, infraction à la loi interdisant les milices privées, infraction à la loi Tobback et, enfin, séquestration.
Il appartiendra maintenant aux autorités judiciaires de faire toute la lumière sur ces faits très graves et d'entamer les poursuites judiciaires qui s'imposent.
J'ai demandé aux autorités de police un rapport sur le déroulement des événements afin d'en tirer d'éventuelles conséquences. J'estime en effet qu'il y a des leçons à tirer de ces événements et j'entends bien prendre toutes les mesures afin qu'une telle situation ne se reproduise pas. J'ai l'intention de prendre une circulaire générale à destination des autorités au sein des conflits sociaux en vue de préciser le rôle et les responsabilités de chacun. Il n'existe à l'heure actuelle aucune circulaire de ce type si ce n'est la circulaire sur la gestion négociée de l'espace public qui se limite à énoncer de grands principes de l'approche policière.
Je ne manquerai pas de continuer à suivre cette affaire de très près et ce d'autant plus que la loi Tobback permet également à un ministre de l'Intérieur d'infliger à ces agents de gardiennage étrangers des amendes administratives allant jusqu'à 25 000 euros.
Enfin, une enquête a été lancée par mes services au sujet des accusations d'espionnage portées par la FGTB Métal Liège contre ArcelorMittal.
Mme Christie Morreale (PS). - Je remercie le secrétaire d'État d'avoir condamné les faits. Des événements aussi graves doivent être condamnés politiquement, socialement, civilement et pénalement. Chaque chose viendra en son temps.
Le problème est qu'une telle situation risque de créer un précédent. Cette violence inouïe ne représente pas un simple coup de canif dans une concertation sociale, elle constitue une réaction disproportionnée et inacceptable.
Les organisations syndicales ont demandé que le Comité P soit saisi du dossier. Je me réjouirai de prendre connaissance des conclusions du travail de ce comité.
Vous avez souligné que les voitures ont été fouillées mais, sauf erreur de ma part, vous n'avez pas précisé si des armes avaient été saisies. J'aimerais donc savoir si des armes ont été confisquées.
Le procès-verbal que vous avez mentionné a été acté le lendemain à 11 h 32. J'en ai demandé une copie afin de prendre connaissance de son contenu. Comme j'étais sur place, j'ai vu que la police locale, qui était arrivée rapidement sur les lieux, s'est trouvée confrontée à un problème majeur. La gravité de la situation permettait de craindre que les choses ne dérapent et tournent mal. Il était louable de vouloir calmer le jeu. Les personnes qui se trouvaient de l'autre côté de la grille étaient non pas des voleurs ou des criminels mais des travailleurs et ne méritaient évidemment pas d'être attaquées. Dans un État de droit, on ne peut accepter ni cautionner - quand bien même on aurait tenté de calmer le jeu - qu'une bande venant de l'étranger, commanditée par un patron, vienne armée, use de violence et reparte sans même avoir été inquiétée par la police ou par l'armée.
Nous ne pouvons accepter un tel dérapage. Il faut en tirer les enseignements. Mon collègue Willy Demeyer a d'ailleurs l'intention d'interroger la ministre de la Justice au sujet de ce dossier. Je suis convaincue qu'il était possible d'agir d'une autre manière.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je remercie le secrétaire d'État de nous avoir fait part de la réponse de la ministre. À mon sens, condamner les faits était le moins qu'elle puisse faire.
Cela dit, même si je le remercie de nous avoir rappelé ce qu'a fait la milice, le secrétaire d'État s'est borné à répéter des éléments que nous possédions déjà.
Ce qui m'intéresse en l'occurrence, ce n'est pas tant ce que la milice a fait que ce que la police n'a pas fait et les raisons pour lesquelles il n'a pas été procédé notamment à la prise des identités, à la confiscation des armes, etc.
Je m'inquiète dès lors que, dans sa réponse, la ministre ne confirme ni n'infirme les faits pour lesquels la question de ma collègue et la mienne ont été déposées, c'est-à-dire les manquements constatés dans le chef de la police.
Il me revient qu'à la Chambre, la ministre de la Justice, ici présente, s'est elle-même étonnée que les services de police n'aient même pas procédé à l'identification des auteurs. Cela me rassure quelque peu et je me dis qu'un membre du gouvernement au moins s'indigne comme moi de certains dysfonctionnements.
Il ne s'agit pas ici de pointer la responsabilité individuelle des agents qui sont intervenus, mais je ne puis m'empêcher de penser qu'une consigne a été donnée à l'échelon supérieur, à savoir de ne pas respecter la loi de police.
Si la ministre ne me suit pas dans ce raisonnement, j'aimerais qu'elle me rassure et me dise que je me trompe.
Je répète qu'il est inquiétant qu'elle ne confirme ni n'infirme les termes de nos questions. Aussi nous ne manquerons pas de déposer à nouveau des questions précises afin d'obtenir des réponses qui le soient tout autant.