5-1364/2

5-1364/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

7 FÉVRIER 2012


Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine


AMENDEMENTS


Nº 1 DE MMES NIESSEN ET PIRYNS

Art. 2

Supprimer cet article.

Justification

L'article 2 vise à exclure la possibilité du recours en réformation au Conseil du contentieux des étrangers contre les décisions rendues par le CGRA concernant un ressortissant originaire d'un pays figurant sur la liste des pays sûrs, pour ne laisser comme seul recours possible le recours en annulation et en suspension.

Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies a déclaré dans son avis rendu aux membres de la Commission Intérieur de la Chambre des représentant, dans le cadre de l'examen du présent projet: « Une procédure accélérée sur la base du concept de « pays d'origine sûr » doit inclure la possibilité d'un recours effectif, en fait et en droit. (...) De plus, il est probable que la suppression du bénéfice des conditions d'accueil rendra plus difficile l'accès à la procédure d'appel. »

En outre, en ce qui concerne la possibilité de demander la suspension en extrême urgence de l'ordre de quitter le territoire, le HCR attire l'attention sur le fait que la situation d'extrême urgence ne sera pas prise en compte si la personne n'est pas détenue, qu'il n'y aura pas de prise en compte des nouveaux éléments, et que, ne s'agissant pas d'un recours au fond, l'instance de recours ne pourra pas examiner des moyens relatifs à la Convention de Genève ou à la protection subsidiaire.

Le Professeur Vanheule de l'Université de Gand, dont l'avis a également été communiqué aux membres de la Commission Intérieur de la Chambre, va dans le même sens. Ainsi, il affirme que « le recours en annulation n'offre pas les garanties imposées par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg sur les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (recours effectif), qui s'appliquent en cas de grief défendable relatif au possible refoulement d'un demandeur d'asile vers un pays où il risque la torture ou un traitement inhumain ou dégradant. » Il cite l'arrêt Salah Sheekh (11 janvier 2007, nº 1948/04, § 136), dans lequel la Cour a souligné l'importance d'un examen complet au fond et ex nunc: « Dès lors que la responsabilité que l'article 3 fait peser sur les États contractants dans les affaires de cette nature tient à l'acte consistant à exposer un individu au risque de subir des mauvais traitements, l'existence de ce risque doit s'apprécier principalement par référence aux circonstances dont l'État en cause avait ou devait avoir connaissance au moment de l'expulsion. » Il partage l'avis du HCR en affirmant que « La procédure en annulation devant le CCE ne permet qu'un examen ex tunc sans possibilité pour la partie requérante d'ajouter des nouveaux éléments. Seule la procédure en plein contentieux offre cette possibilité. L'absence d'un examen au fond et ex nunc au niveau du CCE, risque donc d'être qualifiée par la Cour eur.D.H. comme une violation de l'article 13 CEDH dans des cas particuliers de demandeurs d'asile qui n'ont pas eu la possibilité de présenter des éléments nouveaux dans la procédure en annulation. »

Il cite aussi les arrêts Gebremedhin (26 avril 2007, nº 25389/05) et M.S.S c. Belgique (21 janvier 2011, nº 30696/09), qui affirment que dans le cas où un État partie décide de renvoyer un étranger vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu'il courrait un risque en termes de l'article 3 CEDH, l'article 13 CEDH exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif. Il poursuit en disant « La procédure en annulation n'est pas un tel recours. L'introduction d'une demande de suspension en extrême urgence a un effet suspensif, mais seulement dans le cas où il existe un risque réel d'éloignement. Selon la pratique actuelle, il en est ainsi dans le cas où la personne est détenue en vue d'un éloignement forcé après la décision du ministre ou de l'OE ».

Il attire également l'attention sur le fait que « les demandeurs, dont la demande n'a pas été prise en considération, risquent d'introduire des recours et demandes d'asile multiples (pour présenter des nouveaux éléments qu'ils n'ont pas pu faire valoir dans le cadre du recours, ce qui va à rencontre de l'objectif de l'amendement proposé ».

Le présent amendement vise dès lors à restituer, pour ces demandeurs d'asile originaires de pays figurant sur la liste de pays sûrs, le recours en réformation ouvert à tout demandeur d'asile qui reçoit une décision négative du Commissariat aux réfugiés et aux apatrides, c'est-à-dire un recours effectif en fait et en droit, afin que l'examen de la demande d'asile soit faite ex nunc et que le recours soit suspensif de la mesure d'éloignement.

Claudia NIESSEN.
Freya PIRYNS.